COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
N° 01PA01566
M. et Mme L.-C.
Mme Sichler
Président
Mme Lecourbe
Rapporteur
Mme Escaut
Commissaire du Gouvernement
Séance du 16 octobre 2003
Lecture du 7 novembre 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
(5ème chambre A)
Vu, enregistrée au greffe de la cour le 7 mai 2001, la requête présentée pour M. et Mme L.-C., par Me Troussier, avocat ; M. et Mme L.-C. demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 2 février 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande dirigée contre la décision de la direction nationale des vérifications de situations fiscales refusant de leur communiquer des courriers adressés aux autorités irlandaises et russes dans le cadre de l’assistance administrative internationale ;
2°) d’annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d’ordonner à l’administration fiscale de leur communiquer les documents demandés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale conclue le 21 mars 1968 entre la France et l’Irlande ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 octobre 2003 :
le rapport de Mme Lecourbe, premier conseiller,
et les conclusions de Mme Escaut, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par lettre en date du 6 décembre 1999, M. et Mme L.-C., qui ont fait l’objet d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre des années 1995 à 1997, ont demandé à la direction nationale des vérifications de situations fiscales du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie de leur communiquer les questions adressées au sujet de leur situation par les autorités françaises aux autorités irlandaises et russes dans le cadre de l’assistance administrative internationale ; que ladite direction ayant opposé un refus à cette demande, M. et Mme L.-C. ont saisi la commission d’accès aux documents administratifs, laquelle, dans sa séance du 2 mars 2000, a émis un avis défavorable à la communication des documents demandés ; que M. et Mme L.-C. ont formé devant le tribunal administratif de Paris un recours dirigé contre la décision implicite par laquelle l’administration a confirmé son refus de communiquer les documents en cause ; qu’ils font appel du jugement du 2 février 2001 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si les requérants soutiennent que le tribunal administratif s’est fondé pour déterminer la solution du litige sur des pièces qui ne leur ont pas été communiquées, ce moyen manque en fait, dès lors que les seules pièces figurant au dossier et examinées par le tribunal sont celles qu’ils ont eux-mêmes produites au cours de l’instance ;
Sur le refus de communication en tant qu’il est fondé sur les stipulations de la convention fiscale conclue le 21 mars 1968 entre la France et l’Irlande :
Considérant qu’aux termes de l’article 23 de la convention conclue le 21 mars 1968 entre la France et l’Irlande : " 1. Les autorités compétentes des parties contractantes échangeront les renseignements que les législations fiscales des deux Etats permettent d’obtenir dans le cadre de la pratique administrative normale et qui seront utiles pour assurer l’établissement et le recouvrement réguliers des impôts visés par la présente convention ainsi que l’application, en ce qui concerne ces impôts, des dispositions légales relatives à la répression de la fraude fiscale. 2. Les renseignements ainsi échangés, qui conservent un caractère secret, ne sont pas communiqués à des personnes autres que celles qui sont chargées de l’assiette et du recouvrement des impôts visés par la présente convention ... " ; qu’il résulte de ces dispositions que les renseignements que les autorités françaises et irlandaises se communiquent pour l’application de la convention précitée sont couverts par le secret et que celui-ci ne peut être levé au bénéfice d’autres personnes que celles qui sont chargées de l’assiette et du recouvrement des impôts auxquels se rapporte la convention ;
Considérant que les demandes adressées aux autorités fiscales irlandaises sur la situation de M. et Mme L.-C. sont au nombre des renseignements échangés entre les autorités compétentes des deux Etats en application de la procédure prévue par la convention précitée ; qu’étant, dès lors, couvertes par le secret, elles ne peuvent être divulguées aux requérants ; que le moyen tiré des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 qui permettent aux personnes qui le demandent d’avoir accès aux documents administratifs les concernant est inopérant ; que c’est, dès lors, à bon droit que l’administration a refusé de communiquer à M. et Mme L.-C. le courrier adressé le 17 décembre 1998 aux autorités fiscales d’Irlande ;
Sur le refus de communication en tant qu’il est fondé sur les dispositions de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 :
Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 applicable en l’absence de disposition conventionnelle : " Sous réserve des dispositions de l’article 6, les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu’ils émanent des administrations de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d’un service public " ; et qu’aux termes de l’article 6 de la même loi, dans sa même rédaction : " Les administrations mentionnées à l’article 2 peuvent refuser de laisser consulter ou de communiquer un document administratif dont la consultation ou la communication porterait atteinte : ... - à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières " ;
Considérant que pour s’opposer à la communication à M. et Mme L.-C. des questions qu’elle a posées aux autorités fiscales russes, l’administration fiscale fait valoir que la communication de ces informations porterait atteinte à la recherche des infractions fiscales ;
Considérant qu’il appartient au juge administratif de requérir des administrations compétentes, la production de tous les documents nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, à la seule exception des documents couverts par un secret garanti par la loi ; que si le caractère contradictoire de la procédure impose que chaque partie reçoive communication de toutes les pièces produites au cours de l’instance, cette exigence est nécessairement exclue, quelles que soient les formes que pouvait revêtir cette communication, s’agissant de documents dont le refus de communication constitue l’objet même du litige ;
Considérant que l’état de l’instruction ne permet pas à la cour d’apprécier le bien-fondé du motif invoqué par le ministre pour justifier le refus de communication des questions posées aux autorités fiscales russes ; qu’il y a lieu dès lors, d’ordonner avant dire droit, la production du courrier litigieux à la chambre de la cour chargée de l’instruction de l’affaire, sans que ce document soit communiqué à M. et Mme L.-C. pour qu’il soit ensuite statué ce qu’il appartiendra sur le surplus des conclusions de la requête en litige ;
D E C I D E :
Article 1er : Il est ordonné avant dire droit, la production par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie à la 5ème chambre de la cour administrative d’appel de Paris, dans les conditions précisées dans les motifs du présent arrêt, du courrier adressé aux autorités russes concernant M. et Mme L.-C. ; cette production devra intervenir dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme L.-C. en tant qu’elles portent sur le refus de communication des demandes adressées aux autorités irlandaises sont rejetées.