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Cour administrative d’appel de Nantes, 20 février 2003, n° 01NT00647, Me Franck M. et Société LMJ

Si des dispositions subordonnent le licenciement du représentant des salariés à l’autorisation de l’inspecteur du travail, elles n’interdisent pas la délivrance de cette autorisation, alors même que l’intéressé n’a pas achevé sa mission, lorsque la demande de licenciement étant, comme en l’espèce, fondée sur un motif de caractère économique, il est établi que la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié, compte tenu, notam-ment, de la nécessité des réductions d’effectifs et de la possibilité d’assurer le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

N°s 01NT00647 et 01NT00648

Me Franck M.
Société "LMJ"

M. VANDERMEEREN
Président de la Cour

Mme THOLLIEZ
Rapporteur

M. MILLET
Commissaire du Gouvernement

Séance du 23 janvier 2003
Lecture du 20 février 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

(3ème chambre)

Vu, 1°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 avril 2001, sous le n° 01NT00647, présentée pour Me Franck M., commissaire à l’exécution du plan de redressement par voie de cession de la société "Les Amis Verts", demeurant 10, allée Pierre de Coubertin, B.P. 722, 78007 Versailles Cedex, par Me Sabine MOUGENOT, avocat au barreau de Versailles ;

Me M. demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement nos 99-555 et 99-933 du 6 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision, en date du 22 février 1999, du ministre de l’emploi et de la solidarité rejetant le recours hiérarchique présenté par l’intéressé contre la décision, en date du 11 septembre 1998, de l’inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du Cher retirant sa précédente décision, en date du 6 juillet 1998, qui accordait l’autorisation de licencier M. Jean-Pierre M. ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions, en date des 22 février 1999 et 11 septembre 1998 ;

Vu, 2°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 avril 2001, sous le n° 01NT00648, présentée pour la société "LMJ", société anonyme dont le siège est route de Lyon, 89100 Sens, par Me Florence MERCADE-CHOQUET, avocat au barreau de Versailles ;

La société "LMJ" demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement susmentionné du Tribunal administratif d’Orléans en date du 6 mars 2001 ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée de l’inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du Cher ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 25 janvier 1985, modifiée, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 janvier 2003 :
- le rapport de Mme THOLLIEZ, premier conseiller,
- les observations de M. Jean-Pierre Me.,
- les observations de Me BONNAT, substituant Me MERCADE-CHOQUET, avocat de la société "LMJ",
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de Me M. et de la société "LMJ" présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

Considérant que, par un jugement du 13 novembre 1997, le Tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société "Les Amis Verts" et désigné Me M. en qualité d’administrateur judiciaire ; que, par un second jugement du 2 avril 1998, le Tribunal a arrêté un plan de cession à la société "LMJ", des actifs de la société "Les Amis Verts" et a, notamment, autorisé M. Me. "à passer les actes nécessaires aux licenciements du personnel non repris" ; qu’en exécution de ce dernier jugement, Me M. a demandé à l’inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du Cher l’autorisation de licencier pour motif économique M. Me., directeur administratif de la société "Les Amis Verts", affecté au sein de l’établissement dont la société disposait à Bourges et qui avait, par ailleurs, la qualité de représentant des salariés de cette société ; que, par une première décision, en date du 6 juillet 1998, l’inspecteur du travail a fait droit à cette demande ; que, toutefois, sur recours gracieux de M. Me., il a, par une nouvelle décision, en date du 11 septembre 1998, retiré la précédente et refusé l’autorisation de licenciement ;

Considérant que Me M. fait appel du jugement du 6 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 11 septembre 1998, ainsi que de la décision du ministre de l’emploi et de la solidarité, en date du 22 février 1999, qui a rejeté le recours hiérarchique de l’intéressé contre le refus d’autorisation de licencier M. Me. ; que la société "LMJ" forme également appel du même jugement en concluant à l’annulation de la décision du 11 septembre 1998 ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, Me M., en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société "Les Amis Verts", a engagé, le 18 mai 1998, en exécution du jugement du Tribunal de commerce la procédure de licenciement à l’encontre de M. Me. et, obtenu le 6 juillet 1998, l’autorisation sollicitée ; que, dès lors, Me M. justifiait d’un intérêt propre lui donnant qualité pour demander l’annulation de la décision contestée de l’inspecteur du travail, en date du 11 septembre 1998 ; qu’ainsi, c’est à tort que le Tribunal administratif d’Orléans a déclaré sa demande irrecevable au motif qu’il était sans qualité pour déférer au juge de l’excès de pouvoir ladite décision en raison du transfert du contrat de travail de M. Me. à la société "LMJ" ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler le jugement attaqué ;

Considérant que l’affaire est en état ; qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Me M. dirigées contre la décision de l’inspecteur du travail, en date du 11 septembre 1998, et la décision du ministre de l’emploi et de la solidarité, en date du 22 février 1999 ;

Sur la légalité de la décision du 22 février 1999 :

Considérant qu’il ressort des termes mêmes de sa décision que le ministre de l’emploi et de la solidarité a rejeté le recours hiérarchique formé par Me M. au motif que l’intéressé n’avait pas intérêt à exercer un tel recours, son contrat de travail ayant été transféré à la société "LMJ" et la décision du 11 septembre 1998 faisant, ainsi, exclusivement grief à cette société ; que, toutefois, ainsi qu’il vient d’être dit, un tel motif est erroné en droit ; qu’il s’ensuit que la décision litigieuse est entachée d’illégalité ;

Sur la légalité de la décision du 11 septembre 1998 :

Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 25 janvier 1985 susvisée, alors en vigueur : " - Dans le jugement d’ouverture, le tribunal désigne le juge-commissaire et deux mandataires de justice qui sont l’administrateur et le représentant des créanciers. Il invite le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, à défaut de ceux-ci, les salariés à désigner, au sein de l’entreprise, un représentant des salariés..." ; que l’article 44 de la même loi dispose : " - Le relevé des créances résultant des contrats de travail est soumis pour vérification par le représentant des créanciers au représentant des salariés mentionné à l’article 10. Le représentant des créanciers doit lui communiquer tous documents et informations utiles. En cas de difficultés, le représentant des salariés peut s’adresser à l’administrateur et, le cas échéant, saisir le juge-commissaire. Il est tenu à l’obligation de discrétion mentionnée à l’article L.432-7 du code du travail. Le temps passé à l’exercice de sa mission tel qu’il est fixé par le juge-commissaire est considéré de plein droit comme temps de travail et payé par l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, selon le cas, à l’échéance normale..." ; qu’enfin, aux termes de l’article 228 de la loi du 25 janvier 1985 : "Tout licenciement envisagé par l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur, selon le cas, du représentant des salariés mentionné aux articles 10, 139 et 148-1 est obligatoirement soumis au comité d’entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. - Le licenciement ne peut intervenir que sur autori-sation de l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement. Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise dans l’établissement, l’inspecteur du travail est saisi directement. - Toutefois, en cas de faute grave, l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur, selon le cas, a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l’intéressé en attendant la décision définitive. En cas de refus de licencie-ment, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. - La protection instituée en faveur du représentant des salariés pour l’exercice de sa mission fixée à l’article 44 cesse lorsque toutes les sommes versées au repré-sentant des créanciers par les institutions mentionnées à l’article L.143-11-4 du code du travail, en application du dixième alinéa de l’article L.143-11-7 dudit code, ont été reversées par ce dernier aux salariés..." ;

Considérant que, pour refuser, par sa décision du 11 septembre 1998, l’autorisation de licencier M. Me., l’inspecteur du travail s’est fondé sur la seule circonstance que, postérieurement à sa précédente décision du 6 juillet 1998, accordant cette autorisation, l’intéressé avait été invité à assurer le règlement de sommes dues à plusieurs salariés de la société "Les Amis Verts" et que, n’ayant pas achevé sa mission, il bénéficiait encore de la protection prévue par les dispositions précitées de l’article 228 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Considérant que, si ces dispositions subordonnent le licenciement du représentant des salariés à l’autorisation de l’inspecteur du travail, elles n’interdisent pas la délivrance de cette autorisation, alors même que l’intéressé n’a pas achevé sa mission, lorsque la demande de licenciement étant, comme en l’espèce, fondée sur un motif de caractère économique, il est établi que la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié, compte tenu, notam-ment, de la nécessité des réductions d’effectifs et de la possibilité d’assurer le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que, dans ces conditions, l’inspecteur du travail, qui a, par ailleurs, admis que le licenciement de M. Me. n’était pas en rapport avec ses fonctions représentatives et qui n’a pas invoqué à l’appui de son refus d’autorisation un motif d’intérêt général relevant de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité, a entaché sa décision d’une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Me M. est fondé à demander l’annulation des décisions de l’inspecteur du travail et du ministre de l’emploi et de la solidarité ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d’Orléans du 6 mars 2001, ainsi que la décision, en date du 11 septembre 1998, de l’inspecteur du travail de la 2ème section de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du Cher et la décision, en date du 22 février 1999, du ministre de l’emploi et de la solidarité, sont annulées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Franck M., à la société "LMJ", à M. Jean-Pierre Me. et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

 


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