COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES
N° 99NT01162
M. Roland J.
M. SALUDEN
Président de chambre
M. GUALENI
Rapporteur
M. MILLET
Commissaire du Gouvernement
Séance du 9 janvier 2003
Lecture du 6 février 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES
(3ème chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 juin 1999, présentée pour M. Roland J., par Me HUCHET, avocat au barreau de Rennes ;
M. J. demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 95-3445 du 1er avril 1999 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 17 novembre 1995 par laquelle le préfet du Morbihan a confirmé la décision du 26 avril 1995 du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du Morbihan l’excluant définitivement du bénéfice du revenu de remplacement à compter du 10 juin 1994 ;
2°) d’annuler la décision susvisée du 17 novembre 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 janvier 2003 :
le rapport de M. GUALENI, premier conseiller,
et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L.351-1 du code du travail, les travailleurs involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement ; qu’aux termes de l’article L.351-16 du même code : "La condition de recherche d’emploi prévue à l’article L.351-1 est satisfaite dès que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d’emploi et accomplissent des actes positifs de recherche d’emploi..." ; que selon l’article R.351-27 du code du travail : "Sont considérées comme étant à la recherche d’un emploi pour l’application de l’article L.351-16 les personnes inscrites comme demandeurs d’emploi auprès de l’agence nationale pour l’emploi qui accomplissent de manière permanente, tant sur proposition de ces services que de leur propre initiative, toutes les démarches en leur pouvoir en vue de leur reclassement ou de leur insertion profession-nelle..." ; qu’aux termes de l’article R.351-28 : "Sont exclues, à titre temporaire ou définitif, du revenu de remplacement mentionné par l’article L.351-1 les personnes qui : ...2. ne peuvent justifier de l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi... Le caractère réel et sérieux de ces actes est apprécié compte tenu de la situation du demandeur d’emploi et de la situation locale de l’emploi.. ." ;
Considérant que constituent des actes positifs de recherche d’emploi au sens des dispositions précitées les démarches accomplies en vue de la création d’une entreprise ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, pour prendre sa décision du 26 avril 1995, confirmée le 22 novembre 1995, par laquelle il a exclu définitivement à compter du 10 juin 1994 M. J. du bénéfice du revenu de remplacement, le directeur départemental du travail et de l’emploi et de la formation professionnelle du Morbihan s’est fondé sur ce que les démarches de l’intéressé entreprises dès le mois de mai 1994 en vue de créer une entreprise de fabrication et de commercialisation de bijoux en Bretagne et qui n’ont abouti qu’en décembre 1994 ne constituaient pas des actes positifs de recherche d’emploi au sens des dispositions précitées ;
Considérant que M. J. qui a bénéficié du revenu de remplacement à compter du 14 avril 1994 était auparavant employé comme chef d’atelier dans une entreprise de fabrication de bijoux en Normandie ; qu’il ressort des pièces du dossier que, par un acte sous seing privé du 3 mai 1994, l’intéressé ainsi d’ailleurs que d’autres salariés de l’entreprise qui les employait avant leur licenciement pour motif économique ont conclu une convention de pré-financement avec une société en cours de constitution en vue de créer une entreprise de fabrication et de commercialisation de bijoux à Ploërmel (Morbihan) ; qu’il ressort également des pièces du dossier qu’il a contacté une entreprise relevant de ce secteur d’activité située en région parisienne le 24 juin 1994 ; qu’une nouvelle convention a été conclue au mois de novembre 1994 notamment par M. J. avec la société Normand S.A.-Groupe Molitor, laquelle accordait un prêt à l’intéressé en vue de la création de la société Brocéliande Bijoux ; que M. J. a, avec d’autres associés, effectivement créé à compter du 1er décembre 1994 la société Brocéliande Bijoux dont il est également salarié depuis cette date ; qu’il résulte de ce qui précède que M. J. justifie d’actes positifs de recherche d’emploi présentant un caractère réel et sérieux ;
Considérant que si le ministre invoque, pour établir que la décision attaquée était légale, un autre motif tiré de ce que M. J. n’aurait pas informé l’Agence nationale pour l’emploi des changements dans sa situation tenant à la signature de l’acte susmentionné du 3 mai 1994 en vue de la création d’une entreprise, cette circonstance n’est pas, en tout état de cause, de nature à rendre légale cette décision qui, comme il a été dit, a été prise sur la base d’un seul motif, lequel était erroné en droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. J. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 1er avril 1999 et la décision du préfet du Morbihan du 17 novembre 1995 sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roland J. et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.