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Conseil d’Etat, 10 janvier, n° 219138, Région Guadeloupe

Par cette décision, le Conseil d’Etat admet la solution implicite qu’une décision du Conseil des ministres des Communautés européennes est, comme le prescrit l’article 189 du traité de Rome, devenu l’article 249 du traité de la Communauté européenne, "obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne". Le juge contrôle la compatibilité de la loi nationale avec cette décision.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 219138

Région Guadeloupe

M Mochon, Rapporteur

Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement

Lecture du 10 Janvier 2001

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la REGION GUADELOUPE, représentée par son président en exercice et dont le siège est avenue Paul Lacavé, Petit Paris à Basse-Terre (97109) cedex ; la REGION GUADELOUPE demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 15 décembre 1999 pris pour l’application en Guadeloupe de l’article 17 de la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 relative à l’octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision du Conseil des ministres des Communautés européennes n° 89-688 du 22 décembre 1989 ; 2°) de surseoir à l’exécution de ce décret ; 3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 20 000 F en application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du Conseil des ministres des communautés européennes n° 89-688 CEE du 22 décembre 1989 relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer ;

Vu la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 relative à l’octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision du Conseil des ministres des Communautés européennes n° 89-688 du 22 décembre 1989 ;

Vu le décret du 14 janvier 1936 portant approbation d’une délibération du conseil général de la Guadeloupe en date du 14 juin 1935 tendant à modifier le mode d’assiette et les règles de perception de l’octroi de mer ;

Vu la délibération du conseil général de la Guadeloupe du 14 juin 1935 tendant à modifier le mode d’assiette et les règles de perception de l’octroi de mer modifiée en dernier lieu par la délibération du conseil régional de la Guadeloupe du 29 mars 1999 ;

Vu la délibération du conseil régional de la Guadeloupe du 11 octobre 1999 modifiant le mode de répartition de la dotation globale garantie d’octroi de mer prévue au 1° de l’article 16 de la loi du 17 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative, notamment son article L 761-1 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Mochon, Auditeur,

- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l’article 227 du traité de Rome, devenu l’article 299 du traité de la Communauté européenne, après avoir posé en principe dans le premier alinéa de son paragraphe 2 que les dispositions du traité sont applicables aux départements français d’outre-mer a prévu cependant dans le deuxième alinéa du même paragraphe que compte tenu notamment de "la situation économique et sociale structurelle" de ces départements, le Conseil arrête "des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application du traité à ces régions" ;

Considérant que, sur ce fondement, une décision du Conseil 89-688 CEE du 22 décembre 1989 relative au régime de l’octroi de mer dans les départements français d’outre-mer, après avoir énoncé dans son article 1er que d’ici au 31 décembre 1992 les autorités françaises doivent prendre les mesures nécessaires pour que ce régime soit applicable indistinctement aux produits introduits et aux produits obtenus dans ces régions, dispose dans le paragraphe 1 de son article 2 que "la recette de la taxe est affectée par les autorités compétentes de chaque département d’outre mer de manière à y favoriser le plus efficacement possible le développement économique et social" ;

Considérant que cette dernière décision est, comme le prescrit l’article 189 du traité de Rome, devenu l’article 249 du traité de la Communauté européenne, "obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne" ;

Considérant qu’à l’effet de se conformer à l’ensemble de ces exigences, a été promulguée la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 relative à l’octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision du Conseil des ministres des Communautés européennes 89/688 du 22 décembre 1989 ; que, dans son article 16, la loi prévoit qu’après prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement, le produit de l’octroi de mer fait l’objet d’une affectation annuelle, comprenant, d’une part, comme il est dit au 1° dudit article "une dotation globale garantie répartie entre les communes et, en Guyane entre le département et les communes, et, d’autre part, ainsi que le précise le 2° du même article, un solde qui sert à alimenter le fonds régional pour le développement et l’emploi dont les modes d’intervention sont précisés à l’article 18 ; que l’article 17 de la loi après avoir indiqué que les modalités de répartition de la dotation prévue au 1° de l’article 16 de la loi "sont celles qui sont en vigueur" à sa date de publication précise qu’ "elles peuvent être modifiéespar décret pris sur la proposition du conseil régional dans un délai de deux mois à compter de la transmission de cette proposition au représentant de l’Etat dans la région", tout en spécifiant que "passé ce délai, et en l’absence de décision contraire du gouvernement, la délibération du conseil régional devient applicable" ;

Considérant que la région Guadeloupe défère au Conseil d’Etat le décret n° 99-059 du 15 décembre 1999 qui, nonobstant l’intervention d’une délibération du 11 octobre 1999 du conseil régional a maintenu les modalités de répartition entre les communes de la Guadeloupe de la dotation prévue au 1° de l’article 16 de la loi du 17 juillet 1992 telles qu’elles résultent de la délibération du conseil général de la Guadeloupe du 14 juin 1935, modifiée en dernier lieu par la délibération du 29 mars 1999 du conseil régional ;

Sur la légalité externe :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l’article 17 de la loi du 17 juillet 1992 prévoit que la modification de la répartition du produit de l’octroi de mer à la suite d’une proposition d’un conseil régional peut résulter, soit de l’approbation expresse de cette proposition par le gouvernement, soit de l’absence de décision contraire du gouvernement dans le délai de deux mois suivant la transmission au représentant de l’Etat dans la région, de la proposition ;

Considérant que la délibération du conseil régional de la Guadeloupe du 11 octobre 1999 proposant de modifier la répartition a été transmise au préfet de région le 21 octobre 1999 ; que le décret attaqué signé le 15 décembre 1999 et publié au surplus le 18 décembre 1999 au Journal officiel de la République française est intervenu dans le délai de deux mois prescrit par la loi ; que la région requérante n’est par suite fondée à soutenir ni qu’il aurait été pris sur une procédure irrégulière ni qu’il émanerait d’une autorité incompétente ;

Sur la légalité interne :

Considérant que le décret attaqué est contesté en tant, d’une part, qu’il aboutit au maintien en vigueur de dispositions qui seraient incompatibles avec le droit communautaire et, d’autre part, en ce qu’il s’oppose à l’application d’une proposition de modification qui ne serait elle-même entachée d’aucune illégalité ;

En ce qui concerne la méconnaissance alléguée du droit communautaire :

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus l’article 2 de la décision du Conseil des ministres des Communautés européennes du 29 décembre 1989 énonce que "la recette de la taxe est affectée par les autorités compétentes de chaque département d’outre-mer de manière à y favoriser le plus efficacement possible le développement économique et social" ;

Considérant que le décret attaqué a pour conséquence le maintien en vigueur des modalités de répartition du produit de l’octroi de mer telles qu’elles résultent des règles définies à l’article 16 de la loi, compte tenu de la modification apportée en dernier lieu par une délibération du conseil régional de la Guadeloupe du 29 mars 1999 ; qu’il s’ensuit que pour la Guadeloupe, 96% du montant de la dotation est réparti entre les communes en proportion de la population et que le solde est affecté à un fonds régional pour le développement et l’emploi dont les ressources sont affectées, comme il est dit à l’article 18 de la loi "aux aides des communes en faveur du développement économique et de l’emploi dans le secteur productif et réservées aux investissements" ; que ces modalités de répartition ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la décision du Conseil du 29 décembre 1989 ;

En ce qui concerne les motifs du décret attaqué :

Considérant qu’il résulte du rapprochement des 1° et 2° de l’article 16 de la loi que le produit de l’octroi de mer fait l’objet, à titre principal, d’une répartition entre les communes et en Guyane, entre le département et les communes, et, pour le solde d’une dotation au fonds régional pour le développement et l’emploi ; que le conseil régional de Guadeloupe, en proposant par sa délibération du 11 octobre 1999 la création d’un nouveau fonds, le "fonds de garantie pour le développement régional" dont les ressources constituées par un prélèvement de 5% sur la dotation globale garantie aux communes font l’objet d’attributions à la discrétion de la région, a méconnu les dispositions législatives précitées ; que ce motif est de nature à justifier légalement l’intervention du décret attaqué sans qu’il soit besoin pour le Conseil d’Etat de porter une appréciation sur la pertinence de l’autre motif invoqué tiré de ce que la délibération du 11 octobre 1999, par la répartition opérée entre les communes, méconnaîtrait le principe d’égalité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la REGION GUADELOUPE n’est pas fondée à demander l’annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions de la REGION GUADELOUPE tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 codifiées à l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la REGION GUADELOUPE la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la REGION GUADELOUPE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la REGION GUADELOUPE, au secrétaire d’Etat à l’outre-mer et au Premier ministre.

 


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