CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 245381,247808
SYNDICAT NATIONAL DES HUISSIERS DE JUSTICE
SCP JEAN-CLAUDE DESAGNEAUX ET ASTRID DESAGNEAUX, LEROY, BEAULIEU
Mlle Vialettes
Rapporteur
M. Lamy
Commissaire du gouvernement
Séance du 10 mars 2003
Lecture du 2 avril 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux
Vu 1°), sous le n° 245381, la requête, enregistrée le 19 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DES HUISSIERS DE JUSTICE, dont le siège est 46, boulevard de la Tour Maubourg à Paris (75007), représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT NATIONAL DES HUISSIERS DE JUSTICE demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la " lettre-circulaire " du 12 avril 2002 du président de la Chambre nationale des huissiers de justice ;
2°) enjoigne au président de la Chambre nationale des huissiers de justice et à la Chambre nationale des huissiers de justice, d’une part, de s’abstenir, sous astreinte de 5 000 euros, de tout acte invitant ou exigeant des huissiers le paiement des indemnités à la date de la signification de l’acte et, d’autre part, de diffuser, sous astreinte de 1 000 euros, une circulaire précisant que les circulaires des 22 mai 2001 et 12 avril 2002 ont été annulées ;
3°) condamne la Chambre nationale des huissiers de justice à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 247808, la requête, enregistrée le 12 juin 2002, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SCP JEAN-CLAUDE DESAGNEAUX ET ASTRID DESAGNEAUX-LEROY-BEAULIEU, dont le siège est 4, rue Quentin Bauchart à Paris (75008) ; la SCP JEAN-CLAUDE DESAGNEAUX ET ASTRID DESAGNEAUX-LEROY-BEAULIEU demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la " lettre-circulaire " du 12 avril 2002 du président de la chambre nationale des huissiers de justice ;
2°) enjoigne au président de la Chambre nationale des huissiers de justice et à la Chambre nationale des huissiers de justice, d’une part, de s’abstenir, sous astreinte de 5 000 euros, de tout acte invitant ou exigeant des huissiers le paiement des indemnités à la date de la signification de l’acte et, d’autre part, de diffuser, sous astreinte de 1 000 euros, une circulaire précisant que les circulaires des 22 mai 2001 et 12 avril 2002 ont été annulées ;
3°) condamne la Chambre nationale des huissiers de justice à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
les observations de Me Foussard, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES HUISSIERS DE JUSTICE et de la SCP JEAN-CLAUDE DESAGNEAUX ET ASTRID DESAGNEAUX, LEROY, BEAULIEU, et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la Chambre nationale des huissiers de justice,
les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DES HUISSIERS DE JUSTICE et de la SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE (S.C.P.) JEAN-CLAUDE DESAGNEAUX-ASTRID DESAGNEAUX-LEROY-BEAULIEU sont dirigées contre la même " lettre-circulaire ", en date du 12 avril 2002, du président de la Chambre nationale des huissiers de justice relative aux indemnités de déplacement des huissiers de justice ; qu’il y a lieu de joindre leurs requêtes pour qu’il y soit statué par une seule décision ;
Considérant que l’interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d’instructions l’autorité compétente donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d’incompétence ou si, alors même qu’elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu’elles sont illégales pour d’autres motifs ; qu’il en va de même s’il est soutenu à bon droit que l’interprétation qu’elles prescrivent d’adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu’elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;
Considérant que, par la "lettre circulaire" attaquée, le président de la Chambre nationale des huissiers de justice a fait connaître à l’ensemble de ses confrères que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux avait annulé, par une décision du 20 mars 2002, une précédente lettre-circulaire du 22 mai 2001 ; que cette lettre indique qu’à la suite de cette annulation, une nouvelle réglementation, qui devra être conforme aux exigences de légalité rappelées par le Conseil d’Etat, sera élaborée ; qu’elle recommande enfin aux huissiers, dans l’attente de cette nouvelle réglementation, de "poursuivre le paiement du transport de tous les actes signifiés" ; qu’ainsi la lettre-circulaire attaquée se borne à donner aux huissiers de justice des informations et à leur adresser des recommandations, sans leur imposer aucune obligation de manière impérative ; qu’elle n’a donc pas le caractère d’une décision faisant grief ; que les requérants ne sont, par suite, pas recevables à en demander l’annulation ;
Considérant que la présente décision n’implique aucune mesure d’exécution ; que les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte présentées par les requérants ne peuvent donc qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Chambre nationale des huissiers de justice qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer aux requérants la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DES HUISSIERS DE JUSTICE et de la SCP JEAN-CLAUDE DESAGNEAUX-ASTRID DESAGNEAUX-LEROY-BEAULIEU sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES HUISSIERS DE JUSTICE, à la SCP JEAN-CLAUDE DESAGNEAUX-ASTRID DESAGNEAUX-LEROY-BEAULIEU, au garde des sceaux, ministre de la justice, et à la Chambre nationale des huissiers de justice.