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Conseil d’Etat, 18 octobre 2002, n° 216736, M. Alain S.

Il appartient au juge de l’excès de pouvoir de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification. Une telle qualification ne constitue pas un moyen d’ordre public relevé d’office.

CONSEIL D’ETAT

statuant au contentieux

N° 216736

M. S.

Mme Laigneau
Rapporteur

M. Austry
Commissaire du gouvernement

Séance du 25 septembre 2002
Lecture du 18 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier 2000 et 29 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Alain S. ; M. S. demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule l’arrêt du 23 novembre 1999 de la cour administrative d’appel de Paris rejetant sa requête dirigée contre le jugement du 8 octobre 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite résultant du silence gardé par le maire de Louveciennes sur le recours gracieux tendant au retrait de la lettre de cette autorité s’opposant à la réalisation d’une véranda, d’autre part, à l’annulation de la lettre du 1er juin 1992 du directeur départemental de l’équipement demandant à M. S. d’enlever la véranda réalisée sans autorisation ;

2°) annule ladite décision du directeur départemental de l’équipement en date du 1er juin 1992 ensemble la décision du maire de Louveciennes en date du 18 juin 1991 et la décision implicite résultant du silence gardé par cette autorité sur le recours gracieux de M. S. ;

3°) condamne la commune de Louveciennes solidairement avec l’Etat à verser à M. S. la somme de 15 000 F en application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. Alain S. et de Me de Nervo, avocat de la commune de Louveciennes,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. S. a déposé le 17 juillet 1991 à la mairie de Louveciennes une déclaration de travaux pour la construction d’une véranda de 10 mètres carrés sur la terrasse de son appartement, en application des articles L. 422-2 et R. 422-2 du code de l’urbanisme, qui dispensent de permis de construire et soumettent à déclaration certains travaux, notamment ceux qui, comme en l’espèce, n’ont pas pour effet de changer la destination d’une construction existante et créent une surface de plancher hors oeuvre brute inférieure ou égale à 20 mètres carrés ; que le maire a accusé réception de cette déclaration le jour même et a le 18 juillet 1991 écrit à M. S. que le plan d’occupation des sols interdisant dans cette zone toute création de surface, il ne pouvait que s’opposer aux travaux ; que toutefois, cette lettre n’ayant pas été envoyée en recommandé avec avis de réception postal, M. S. a soutenu, sans être utilement contredit par la commune de Louveciennes, ne l’avoir jamais reçue ; qu’il a donc réalisé la véranda, croyant être titulaire d’une décision tacite de non-opposition aux travaux ; qu’ayant appris l’opposition du maire aux travaux, M. S. a formé le 8 novembre 1991 contre cette décision un recours gracieux, reçu le 12 novembre 1991 et rejeté par une décision tacite résultant du silence gardé pendant quatre mois par le maire ; que le directeur départemental de l’équipement a, par une lettre du 1er juin 1992, indiqué à M. S. qu’il était passible de poursuites pour avoir réalisé des travaux sans autorisation et l’a invité à démonter sa véranda ; que M. S. a demandé au tribunal administratif de Versailles l’annulation de cette lettre et de celle du maire en date du 18 juillet 1991 ; que le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre la lettre du maire comme tardive et celle dirigée contre la lettre du directeur départemental de l’équipement comme visant un acte non susceptible de recours ; que, saisie par M. S., la cour administrative d’appel de Paris a, par l’arrêt attaqué du 23 novembre 1999, annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles du 8 octobre 1996 pour avoir regardé à tort comme tardive la demande de M. S. dirigée contre la lettre du maire mais a rejeté les conclusions à fin d’annulation de M. S. ; que celui-ci se pourvoit en cassation contre cet arrêt, contre lequel la commune de Louveciennes présente un pourvoi incident ;

Sur le pourvoi de M. S. :

Considérant, en premier lieu, qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification ; qu’en jugeant que la lettre du 18 juillet 1991 du maire de Louveciennes, qui n’avait pas été notifiée selon les prescriptions de l’article R. 422-9 du code de l’urbanisme par lettre recommandée avec avis de réception postal à M. S. et dont celui-ci a acquis la connaissance au plus tard le 8 novembre 1991, comme en témoigne l’exercice par lui d’un recours gracieux, constituait le retrait de la décision tacite de non-opposition aux travaux déclarés dont M. S. avait cru être titulaire dans le silence du maire, la cour n’a pas relevé d’office un moyen d’ordre public sur l’existence duquel elle aurait dû aviser les parties en application de l’article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, repris à l’article R. 611-7 du code de justice administrative ; que M. S. ayant lui-même discuté dans ses écritures devant la cour du point de savoir si les délais de recours contre la lettre du 18 juillet 1991 étaient expirés, la cour n’a pas davantage soulevé d’office un moyen en jugeant que ce délai n’était pas expiré et en relevant qu’il n’était pas établi que l’affichage d’une décision de non-opposition aux travaux ait été régulièrement accompli ;

Considérant, en deuxième lieu, que par la lettre du 18 juillet 1991, qui énonce le motif pour lequel les travaux déclarés par M. S. ne pouvaient être légalement réalisés, le maire a exercé le pouvoir qu’il tient des dispositions combinées des articles L. 422-2, R.422-2 et R. 422-9 du code de l’urbanisme relatives aux travaux dispensés de permis de construire et soumis à déclaration ; qu’en regardant cette lettre comme une décision et non comme un simple avis, la cour administrative d’appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant, en troisième lieu, que la lettre du directeur départemental de l’équipement du 1er juin 1992, qui se borne à rappeler à M. S. qu’il n’a pas obtenu d’autorisation pour réaliser ses travaux et s’expose ainsi à ce que des sanctions soient diligentées contre lui s’il ne procède pas au démontage de sa véranda, ne comporte que l’exposé de la réglementation et l’expression d’une intention ; qu’ainsi, en jugeant que cette lettre ne faisait pas grief et n’était pas susceptible de recours, la cour administrative d’appel ne l’a pas dénaturée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’en application de l’article R. 490-7 du code de l’urbanisme, le délai de recours contentieux contre une décision ne court à l’égard des tiers que si sa publication a été régulière et complète ; qu’en jugeant qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du 12 avril 2000, faute d’un affichage régulier de la décision implicite de non-opposition aux travaux, le maire pouvait légalement, si elle était entachée d’illégalité, rapporter cette décision, qui n’était pas devenue définitive pour les tiers, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. S. a excipé devant la cour administrative d’appel de l’illégalité des dispositions de l’article UE 14 du règlement du plan d’occupation des sols de Louveciennes, sur le fondement desquelles le maire s’est opposé aux travaux et aux termes desquelles, pour la zone UEb à l’intérieur de laquelle est situé l’immeuble de M. S. et qui se trouve dans le champ de covisibilité de trois monuments inscrits à l’inventaire des monuments historiques, "le coefficient d’occupation des sols est égal à la valeur de fait telle qu’elle résulte des constructions existant à la date de prise d’effet du présent règlement" ; qu’aux termes de l’article R. 123-22 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à l’espèce, le coefficient des sols est "le rapport exprimant le nombre de mètres carres de plancher hors oeuvre susceptibles d’être construits par mètre carré de sol. Pour une même zone, des coefficients différents peuvent être fixés suivant la nature, la destination et les modalités de l’occupation ou de l’utilisation du sol" ; que contrairement à ce que soutient M. S., la définition donnée par le règlement du plan d’occupation des sols de Louveciennes reprend les mêmes termes que ceux de la fraction définie par l’article R. 123-22 précité, qui ne fait pas obstacle à ce que, pour une zone particulière et limitée à préserver, les auteurs du plan d’occupation des sols interdisent toute augmentation nette de surface ; que par suite, M. S. n’est pas fondé à soutenir qu’en écartant cette exception d’illégalité, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu’il résulte de tout ce qui précède que M. S. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ;

Sur le pourvoi incident de la commune de Louveciennes :

Considérant que la commune de Louveciennes demande l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en tant qu’il a admis la recevabilité de la demande de M. S. dirigée contre la lettre du 18 juillet 1991 et annulé pour ce motif le jugement du tribunal administratif de Versailles ; que ces conclusions, qui sont dirigées contre les motifs de l’arrêt et non contre son dispositif, sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Louveciennes, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante au principal, soit condamnée à verser à M. S. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. S. à verser à la commune la somme qu’elle demande au titre des frais de même nature ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. S. est rejetée.

Article 2 : Le pourvoi incident de la commune de Louveciennes ainsi que ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Alain S., à la commune de Louveciennes et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

 


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