CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 223952
M. F.
M. Sauron, Rapporteur
M. Bachelier, Commissaire du gouvernement
Séance du 5 juin 2002
Lecture du 26 juin 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août 2000 et 8 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Jean-Marc F. ; M. F. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 16 mai 2000 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement en date du 20 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 8 août 1996 de l’inspecteur du travail autorisant son licenciement pour motif économique ;
2°) de condamner la société Royal Sluis France à lui verser la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. F. et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Royal Sluis France,
les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel ou du mandat de membre du comité d’entreprise bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l’inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d’effectifs et de la possibilité d’assurer le reclassement du salarié dans l’entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. F. était employé en qualité de cadre commercial par la société Royal Sluis France ; que dans le cadre de la restructuration consécutive à l’important déficit enregistré au cours de l’année 1995 le poste occupé par M. F. a été supprimé ; que ce dernier ayant refusé plusieurs propositions de reclassement, la société Royal Sluis France a, en dernier lieu, créé pour lui un emploi de "promoteur des ventes sud-est" comportant une période d’essai de trois mois et une baisse de rémunération ; qu’à la suite du refus de M. F. d’accepter cette dernière offre, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. F. le 8 août 1996 ;
Considérant que, pour rejeter, par une décision suffisamment motivée sur ce point, le moyen tiré de ce que la réalité du motif économique du licenciement n’était pas établie, la cour s’est fondée, contrairement à ce que soutient le requérant, non sur le caractère nouveau de ce moyen en appel, mais sur le fait que l’illégalité de ce motif ne ressortait pas des pièces du dossier ; que l’appréciation qu’elle a portée à cette occasion, sur le défaut de caractère probant du document produit par M. F. n’est pas susceptible, en l’absence de dénaturation, d’être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu’en l’absence de possibilités de reclassement plus favorables, la circonstance que l’offre soit assortie d’une période d’essai n’est pas à elle seule de nature à la priver de son caractère sérieux ; qu’ainsi, en jugeant que la société avait satisfait à son obligation de reclassement, après avoir souverainement estimé, sans dénaturer les pièces du dossier, d’une part, que la circonstance que M. F. passait d’un poste à dominante technique à un poste à dominante commerciale justifiait la période d’essai, et d’autre part, qu’il n’était pas établi que de meilleures offres pouvaient être faites, la cour, qui n’était pas tenue de rechercher s’il existait d’autres possibilités de reclassement au sein du groupe, n’a pas entaché sa décision d’une erreur de droit ;
Considérant que la cour n’a pas non plus dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le licenciement était sans lien avec le mandat détenu par M. F. ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. F. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Seminis Vegetable Seeds France, venant aux droits de la société Royal Sluis France, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. F. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. F. à payer à la société Seminis Vegetable Seeds France la somme qu’elle demande au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. F. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Seminis Vegetable Seeds France devant le Conseil d’Etat tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marc F., à la société Royal Sluis France et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.