LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en commission permanente
le 13 mai 1987,
Vu la demande de mesures conservatoires présentée le 13
avril 1987 par la société S.E.D.A. à l’encontre de
la société Sony France ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, notamment
son article 12 ;
Le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ;
Considérant que les dispositions de l’article 12 de l’ordonnance
n° 86-1243 ne sont applicables que si les pratiques visées par
la demande sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de ses
articles 7 et 8 ;
Considérant que la société S.E.D.A. allègue
que les nouvelles conditions de vente de Sony France entrées en
vigueur le 1er avril 1987 et certains refus de vente qui lui ont été
opposés par la société Sony France sont visés
par l’alinéa 2 de l’article 8 de l’ordonnance ; que la société
S.E.D.A. demande au Conseil de la concurrence, en application de l’article
12, de prendre des mesures conservatoires en ordonnant à la société
Sony France de suspendre l’application de ses nouvelles conditions de vente
et de lui livrer les commandes en cours ;
Considérant que les pratiques commerciales dont il est fait état
ne sont visées par l’alinéa 2 de l’article 8 de l’ordonnance
que si
elles révèlent l’exploitation abusive, par une entreprise,
d’une situation de dépendance dans laquelle se trouve à son
égard une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de
solution équivalente ;
Considérant que la notoriété de la marque Sony
est telle qu’un revendeur de caméscopes et de platines laser peut
difficilement se passer de cette marque dans l’assortiment qu’il propose
au consommateur ; que la part de Sony France sur le marché domestique
des platines laser était en 1986 de l’ordre de 22 p. 100 et sur
le marché domestique des caméscopes d’au moins 50 p. 100
; que les caméscopes de marque Sony ont représenté
en 1986 10 p. 100 du chiffre d’affaires hors taxes de la société
S.E.D.A. et les platines laser Sony 10,7 p. 100 de ce même chiffre
d’affaires , que l’ensemble des produits livrés par la société
Sony France à la société S.E.D.A. a représenté,
en 1986, 52,5 p. 100 du chiffre d’affaires hors taxes de ce distributeur,
que, pour les caméscopes et les platines laser, il n’apparaît
pas que la société S.E.D.A. dispose de solution équivalente
; que, dans ces conditions, la société S.E.D.A. est susceptible
de se trouver dans une situation de dépendance vis-à-vis
de la société Sony France ;
Considérant que la société Sony a établi
des conditions de vente dans lesquelles certaines remises dites « qualitatives »
sont plafonnées à un montant en valeur absolue, que la société
S.E.D.A. affirme que ces conditions sont discriminatoires à son
égard et que de plus la société Sony lui refuse des
remises auxquelles elle estime avoir droit compte tenu des caractéristiques
de son magasin, qu’en outre la société S.E.D.A. estime que
le système qu’utilise la société Sony France pour
répartir ses arrivages de produits a pour effet de limiter artificiellement
ses approvisionnements et par conséquent de figer sa part de marché
;
Considérant qu’il n’est établi de façon manifeste,
en l’état du dossier et sous réserve de l’examen au fond
de l’affaire, ni que ces dispositions générales aient été
adoptées principalement en vue de nuire à la société
S.E.D.A. ni qu’elles aient été appliquées de façon
discriminatoire à ladite société ; qu’elles ne peuvent
donc à ce stade être considérées comme reflétant
l’exploitation abusive de l’état de dépendance économique
dans laquelle se trouve une entreprise cliente ;
Considérant dès lors, et sans préjudice de l’appréciation
des tribunaux en matière de pratiqués discriminatoires et
de refus de vente, qu’il ne peut être donné suite à
la demande de mesures conservatoires de la société S.E.D.A
;