19 mai 2002
Décision n° 2000-D-52 du 15 janvier 2001 relative à des pratiques en matières d’honoraires mises en œuvre par l’Ordre des avocats au barreau de Nice
LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Commission permanente,
Vu les lettres enregistrées le 13 décembre 1996 sous le
numéro F 923, par lesquelles la Confédération syndicale
du cadre de vie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques en matière
d’honoraires mises en oeuvre par l’Ordre des avocats au barreau de Nice
;
Vu la lettre enregistrée le 10 janvier 1997 sous le numéro
F 936-2, par laquelle la Sarl Medirec a saisi le Conseil de la concurrence
de pratiques en matières d’honoraires mises en œuvre par l’Ordre
des avocats au barreau de Nice ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu la lettre du 7 juin 2000 de la présidente du Conseil de la
concurrence notifiant aux parties et au commissaire du Gouvernement sa
décision de porter les affaires devant la commission permanente
en application de l’article L. 463-3 du code de commerce ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme
de certaines professions judiciaires et juridiques, modifiée, et
le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession
d’avocat ;
Vu la décision n° 00-DSA-04 du 19 avril 2000 relative au
secret des affaires ;
Vu les observations présentées par l’Ordre des avocats
au barreau de Nice, par la Confédération syndicale du cadre
de vie et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement, les représentants de la Confédération
syndicale du cadre de vie et de l’Ordre des avocats au barreau de Nice
entendus lors de la séance du 26 septembre 2000, la société
Medirec ayant été régulièrement convoquée
;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - Constatations
A. - La profession d’avocat
La profession d’avocat est régie par la loi du 31 décembre
1971, modifiée, portant réforme de certaines professions
judiciaires et juridiques. La profession est constituée en barreaux
établis auprès des tribunaux de grande instance. Chaque barreau
est doté de la personnalité civile et est administré
par un conseil de l’Ordre. Les membres du conseil de l’Ordre sont élus
pour trois ans au scrutin secret, par tous les avocats inscrits au tableau
du barreau, par les avocats stagiaires ayant prêté serment
avant le 1er janvier de l’année au cours de laquelle a lieu l’élection
et par les avocats honoraires ressortissant dudit barreau. A sa tête
est élu pour deux ans un bâtonnier ; il représente
le barreau dans tous les actes de la vie civile. Il lui revient de prévenir
ou, le cas échéant, de concilier les différends d’ordre
professionnel entre les membres du barreau et d’instruire toute réclamation
formée par les tiers.
Les missions du conseil de l’Ordre sont définies par l’article
17 de la loi précitée. Il a vocation à traiter de
toutes questions intéressant l’exercice de la profession et à
veiller à l’observation des devoirs des avocats ainsi qu’à
la protection de leurs droits. Il est, en particulier, tenu " d’arrêter
et, s’il y a lieu, de modifier les dispositions du règlement intérieur,
de statuer sur l’inscription au tableau des avocats... d’exercer la discipline...
de maintenir les principes de probité, de désintéressement,
de modération et de confraternité sur lesquels repose la
profession et d’exercer la surveillance que l’honneur et l’intérêt
de ses membres rendent nécessaire... de veiller à ce que
les avocats soient exacts aux audiences et se comportent en loyaux auxiliaires
de la justice... ".
Sur réquisition du procureur général, toute délibération
ou décision du conseil de l’Ordre étrangère aux attributions
qui lui sont reconnues ou contraire aux dispositions législatives
ou réglementaires est annulée par la cour d’appel. Les délibérations
ou décisions du conseil de l’Ordre de nature à léser
les intérêts professionnels d’un avocat peuvent également,
à la requête de l’intéressé, être déférées
à la cour d’appel. De même, les décisions du conseil
de l’Ordre relatives à une inscription au barreau ou sur la liste
du stage, à l’omission ou au refus d’omission du tableau ou de la
liste du stage sont susceptibles d’être déférées
à la cour d’appel par le procureur général ou par
l’intéressé.
Selon les articles 22 et suivants de la loi du 31 décembre 1971,
le conseil de l’Ordre, siégeant comme conseil de discipline, a la
faculté de poursuivre et de réprimer les infractions et fautes
commises par les avocats inscrits au barreau ou sur la liste du stage.
Il intervient d’office, à la demande du procureur général
ou à l’initiative du bâtonnier. Le conseil de l’Ordre peut
suspendre provisoirement de ses fonctions l’avocat qui fait l’objet d’une
poursuite pénale ou disciplinaire. Dans les mêmes conditions
ou à la requête de l’intéressé, il peut mettre
fin à cette suspension. Les décisions du conseil de l’Ordre
en matière disciplinaire peuvent être déférées
à la cour d’appel par l’avocat intéressé ou par le
procureur général. Toute juridiction estimant qu’un avocat
a commis à l’audience un manquement aux obligations que lui impose
son serment peut saisir le procureur général en vue de poursuivre
cet avocat devant le conseil de l’Ordre dont il relève.
Comme pour les entreprises, le montant des honoraires demandés
par l’avocat doit être librement déterminé. Si la tarification
de la postulation et des actes de procédure est régie par
les dispositions sur la procédure civile, il résulte de l’article
10 de la loi du 31 décembre 1971 que " ...les honoraires de consultation,
d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing
privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
A défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire
est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune
du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés
par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Toute fixation d’honoraires, qui ne le serait qu’en fonction du résultat
judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération
des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire
complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service
rendu ".
Les différends susceptibles de survenir entre l’avocat et son
client quant au montant et au recouvrement des honoraires sont réglés
par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991.
Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toute partie,
sans condition de forme. Selon l’article 175 du décret, le bâtonnier
accuse réception de la réclamation. Sa décision doit
être prise dans un délai de trois mois. A défaut, il
appartient au client de saisir le premier président de la cour d’appel.
Selon l’article 176 du décret, la décision du bâtonnier
est susceptible d’un recours devant le premier président de la cour
d’appel. La décision du bâtonnier, non déférée
au premier président de la cour d’appel, peut être rendue
exécutoire par ordonnance du président du tribunal de grande
instance à la requête de l’avocat ou de la partie.
L’article 183 du décret du 27 novembre 1991 prévoit enfin
que " ...toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement
à la probité... expose l’avocat qui en est l’auteur à
des sanctions disciplinaires... ". énumérées à
l’article 184 du décret, ces sanctions, qui vont de l’avertissement
au blâme, à l’interdiction temporaire -qui ne peut excéder
trois années-, à la radiation du tableau ou de la liste du
stage, ou au retrait de l’honorariat, sont prononcées par le conseil
de l’Ordre sous le contrôle de la cour d’appel. La loi reconnaît,
ainsi, au client un droit de contestation des honoraires, dont le bâtonnier
est juge à régler, et tout manquement au devoir de modération
dans le montant des honoraires demandés est susceptible de donner
lieu à une action disciplinaire devant le conseil de l’Ordre.
B. - Les faits à qualifier
1. Les recommandations de 1990
En juin 1990, l’Ordre des avocats au barreau de Nice a établi
et diffusé un document intitulé " Recommandations concernant
les honoraires des avocats ", daté du 11 juin 1990, dont l’article
1 précise : " Les honoraires sont librement déterminés
entre l’avocat et son client. Les recommandations qui suivent ont donc
uniquement pour objet, à titre indicatif, de fixer un seuil de rentabilité
pour des dossiers qui ne donnent pas lieu à des difficultés
particulières et qui permettent à l’Avocat dès la
première réception du client, de fixer en accord avec lui,
les bases d’une rémunération décente ".
Ce document prévoit, tout d’abord, que, pour les expertises,
enquêtes ou instructions, " le coût sera calculé sur
la base d’une vacation évaluée à 1 200 à 1
500 francs valeur 1990 selon les cas ".
Il recommande, ensuite, au cas où une affaire sortirait de la
normale, l’établissement d’une convention d’honoraires selon l’un
des modèles joints au document. Ces modèles de convention
comportent un article 4, qui est la reprise de l’article 6 des " Recommandations
concernant les honoraires des avocats ", indiquant qu’à la clôture
du dossier, l’avocat remettra à son client :
" Un récapitulatif détaillé des diligences accomplies,
ainsi qu’une note d’honoraires incluant, le cas échéant,
la prise en compte du résultat obtenu selon les modalités
suivantes :
- tranche de 25 000 à 125 000 francs 10 % ;
- tranche de 125 000 à 250 000 francs 8 % ;
- tranche de 250 000 à 500 000 francs 5 % ;
- au-dessus de 500 000 francs 3 %. "
Les recommandations, distinguent aux articles 7 et 8, les honoraires
au temps réel des honoraires forfaitaires. Si l’avocat opte pour
des honoraires au temps réel, les seuils minimum horaires prévus
sont de 900 F à 1 100 F. Si l’avocat opte pour des honoraires forfaitaires,
l’article 8 du document indique, par type de juridiction et d’affaire,
au regard de quarante prestations, des montants fixes en francs, à
l’exception d’un montant minimum concernant les procédures devant
la cour d’assises. Les indications portées dans ces recommandations
sont les suivantes :
" 1°) Tribunal de Grande Instance
a) Requête simple |
2 000 Francs valeur 1990 |
b) Référé simple |
3 000 Francs valeur 1990 |
c) Procédures gracieuses |
|
Adoption, changement de régime matrimonial |
6 000 Francs valeur 1990 |
d) Divorces |
|
- consentement mutuel pour les deux époux |
9 000 Francs valeur 1990 |
- consentement mutuel pour un seul époux |
7 000 Francs valeur 1990 |
- demande acceptée |
8 000 Francs valeur 1990 |
- divorce pour faute sans incident |
13 000 Francs valeur 1990 |
e) Instance après divorce |
|
- pension alimentaire ou droit de garde |
4 000 Francs valeur 1990 |
f) Successions-partages |
|
Ces instances comprennent obligatoirement |
|
- une procédure a.d.d. |
8 000 Francs valeur 1990 |
- une mesure d’instruction |
voir article 4 2° |
- une procédure après expertise |
12 000 Francs valeur 1990 |
g) Droit de propriété |
|
Usufruit, servitude, réalisation ou résolution
de vente d’immeuble |
10 000 Francs valeur 1990 |
Enchères à la Barre |
1 500 Francs valeur 1990 |
h) Baux commerciaux
|
|
h1) Fixation des loyers |
|
Ces instances comprennent presque obligatoirement |
- une procédure a.d.d. |
8 000 Francs valeur 1990 |
- une expertise |
voir article 4 2° |
- une procédure après expertise |
8 000 Francs valeur 1990 |
h2) Autres litiges (baux commerciaux) |
10 000 Francs valeur 1990 |
i) Litiges en matière de construction |
|
- en demande,
en cas de pluralité des défendeurs
|
20 000 Francs valeur 1990 |
- en défense |
10 000 Francs valeur 1990 |
Ces litiges étant parmi les plus difficilement
évaluables quant à l’importance de l’intervention, une convention
d’honoraires est conseillée. |
2°) Tribunal d’instance |
|
a) Requête normale ou référé
expulsion en matière de bail d’habitation
(sans suivi de l’exécution)
|
3 000 Francs valeur 1990 |
b) Référé expulsion bail
commercial
(sans suivi de l’exécution) |
4 500 Francs valeur 1990 |
c) Affaires au fond de la compétence
générale du Tribunal d’instance |
4 000 Francs valeur 1990 |
d) Fixation de loyer, loi de 1948 |
|
Ces instances comprennent obligatoirement |
- une procédure a.d.d. |
4 000 Francs valeur 1990 |
- une expertise |
voir article 4 2° ; |
- une procédure après expertise |
4 000 Francs valeur 1990 |
3°) Tribunal de commerce |
. |
Le barème, pour les requêtes et
les référés devant le T.G.I., s’applique. |
a) Créance non contestée |
3 000 Francs valeur 1990 |
b) Créance normale |
5 000 Francs valeur 1990 |
c) Action R. j ou L. j. |
4 000 Francs valeur 1990 |
- en demande |
5 000 Francs valeur 1990 |
- en défense |
7 000 Francs valeur 1990 |
d) Action en résolution de vente de fonds
de commerce |
15 000 Francs valeur 1990 |
|
|
4°) Conseil des Prud’hommes. |
|
Le barème du T.G.I. s’applique pour les
référés. |
a) Assistance en conciliation |
2 500 Francs valeur 1990 |
b) Procédure devant le conseil |
|
(minimum, selon la nature de l’affaire) |
3 500 Francs valeur 1990 |
5°) Tribunal administratif. |
|
a) Affaire devant le Tribunal |
10 000 Francs valeur 1990 |
d) Référé administratif |
5 000 Francs valeur 1990 |
6°) Commission de retrait du
permis de conduire |
3 500 Francs valeur 1990 |
7°) Tribunal des affaires de Sécurité
sociale |
|
a) Contentieux des cotisations |
3 000 Francs valeur 1990 |
d) Contentieux des accidents du travail |
6 000 Francs valeur 1990 |
8°) Pénal |
|
Les recommandations suivantes ne s’appliquent
qu’à l’assistance et à la plaidoirie devant le Tribunal lui-même.
Les assistances ou opérations d’instruction, interrogatoires ou
reconstitutions seront facturés en plus sur la base des vacations. |
a) Tribunal de police |
|
Contravention de 5ième classe |
3 000 Francs valeur 1990 |
Le même barème s’applique, lorsque
l’affaire revient en règlement de dommages sur intérêts
civils. |
b) Tribunal correctionnel |
5 000 Francs valeur 1990 |
Lorsque l’affaire revient sur les intérêts
civils le même barème s’applique. Si l’affaire est importante,
une convention d’honoraires est souhaitée. |
c) Assises |
|
Minimum |
15 000 Francs valeur 1990 |
9°) Cour d’Appel |
|
Il peut être sollicité les mêmes
honoraires qu’en première instance, sur la base d’une procédure
sans incident augmentée de 3 000 Francs valeur 1990. |
10°) Consultations |
|
a) Consultation orale |
500 Francs valeur 1990 |
b) Consultation écrite |
1 500 Francs valeur 1990 |
Les recommandations de l’année 1990 en matière d’honoraires
ont été suivies de recommandations en 1994 lesquelles ont
actualisé les données chiffrées du document précédent.
2. Les recommandations de 1994
Les recommandations concernant les honoraires des avocats de 1994 ne
sont pas précisément datées. Ce document se présente
suivant un plan identique à celui retenu pour les recommandations
de 1990 mais les modèles de convention d’honoraires n’y sont pas
annexés.
La fourchette des vacations d’expertises, d’enquêtes ou d’instructions
est portée de 1 400 F à 1 700 F au lieu de 1 200 F à
1 500 F.
Les tranches de transaction sur lesquelles est calculé le complément
d’honoraires pouvant être demandé au client en fonction du
résultat obtenu ou du service rendus ont relevées. Ainsi,
la première tranche est relevée de 20 % et les trois autres
tranches de 16,6 % :
- de 25 000 à 150 000 F : 10 % ;
- de 150 000 à 300 000 F : 8 % ;
- de 300 000 à 600 000 F : 5 % ;
- à plus de 600 000 F : 3 %.
Les seuils minimum des honoraires horaires calculés au temps
réels sont également relevés.
S’agissant des honoraires forfaitaires, le montant de trente-six prestations
fait l’objet d’une augmentation. Ces augmentations, en valeur absolue,
varient de 500 F à 5 000 F. Trois prestations sont maintenues à
leur niveau de 1990 (action en défense en cas de règlement
ou de liquidation judiciaire, audience auprès de la Chambre du Conseil
ou du Juge Commissaire, consultation orale). Pour ce qui concerne une instance
après divorce, les recommandations de 1994 prévoient une
fourchette d’honoraires comportant un seuil minimum de 4 000 F et un seuil
maximum de 10 000 F, alors que les recommandations de 1990 préconisaient
une somme fixe de 4 000 F.
Les relèvements les plus faibles sont de l’ordre de 14 à
25 % et concernent vingt-six prestations. Les honoraires relatifs au référé
pour expulsion de bail commercial sont augmentés de 34 %. Les honoraires
pour une représentation devant la commission de retrait de permis
de conduire sont augmentés de 33 %. Les honoraires pour une contravention
de 5ème classe devant le tribunal de police et ceux pour une représentation
devant le tribunal correctionnel sont respectivement relevés de
66,6 % et de 60 %. Le seuil minimum demandé pour une affaire en
cour d’assises est augmenté de 66 %.
Ni les recommandations de 1990, ni celles de 1994 ne comportent d’indications
sur les modes de calcul de ces honoraires. De même, les augmentations
appliquées en 1994 aux prestations ne font l’objet d’aucune explication.
3. Les " Honoraires d’usage pratiqués
en matière juridique "
Ce document, daté du 9 mai 1994, a été remis par
le Bâtonnier Bernard Delsol aux enquêteurs, lors de leur visite
dans les locaux de l’Ordre, le 4 mars 1998. Il se présente, dans
le préambule intitulé " Principes d’application ", comme
une étude ayant pour objet de " constater les modalités de
fixation des honoraires habituellement pratiqués par plusieurs cabinets
d’avocats du ressort du barreau de Nice, en matière juridique, dans
les domaines suivants :
- Droit commercial et droit des sociétés ;
- Droit social ;
- Droit fiscal ;
- Droit économique ".
Il est précisé que l’étude " pourra, ainsi, aider
l’avocat à fixer les bases d’une rémunération en accord
avec son client " et rappelé que : " Les honoraires sont librement
déterminés entre l’avocat et son client, et que cette étude
ne peut ainsi être utilisée comme une référence
ayant un quelconque caractère contraignant. Les honoraires qui suivent
ne peuvent, en conséquence, être considérés
comme étant des montants minimum ou maximum. Ils ont donc uniquement
pour but de proposer une base de réflexion pour la fixation d’honoraires
afférents à des dossiers courants ne donnant pas lieu à
des difficultés particulières ".
Outre le préambule et le sommaire, le document comporte quatorze
pages et quatre chapitres correspondant aux matières juridiques
que l’avocat peut être conduit à traiter. Les indications
d’honoraires portent sur plus de cent prestations donnant lieu à
l’établissement d’actes. Les émoluments pouvant être
demandés se présentent sous forme de montants fixes, de montants
minimum et/ou sous forme de pourcentage. Des éléments de
ce document sont reproduits ci-après :
" I - droit commercial et droit des sociétés
bail
1/ A loyer (commercial ou professionnel) :
. sur loyers cumulés au cours de la durée du bail :
- jusqu’à 216 000 F ........................................................
2 500 F
- au-dessus ....................................................................
+ 0,80 %
2/ Résiliation de bail :
. sur loyers cumulés au cours de la durée du bail :
- pure et simple, sans indemnité ....................................
2 000 F
- avec indemnité : cf. honoraires cession de bail.
3/ Cession de droit au bail :
a) Cession :
- jusqu’à 150 000 F........................................................
5 000 F
- au-dessus ....................................................................
+ 1,50 %
- en cas de crédit ..........................................................
0,75 %
supplémentaire calculé sur le montant du crédit
consenti.
b) Promesse de Cession
- établissement de la promesse ......................................
0,75 %
- Avec base de ...............................................................
4 500 F
fonds de commerce
1/ Vente :
- jusqu’à 150 000 F ........................................................
6 000 F
- au-dessus ....................................................................
+ 2 %
- en cas de crédit ...........................................................
0,75 %
supplémentaire calculé sur le montant du crédit
consenti.
1/ Promesse de vente : ..................................................................................................
1 %
- avec base de .................................................................
5 000 F
.......................................................................................................................................................
societes
N.B : Ces honoraires ne concernent pas les sociétés avec
appel public à l’épargne pour lesquelles il n’a pas été
déterminé de bases de référence.
1/ Constitution :
Société à Responsabilité Limitée
1 - Sur le montant du capital social :
- Minimum légal : ........................................................
5 500 F
- au-delà : ....................................................................
+ 1 %
2 - En cas d’apport en nature :
- en sus sur le montant de l’apport en nature ............... + 1 %
- avec base de ..............................................................
2 500 F
b) S. C. M. - S.C.I. de Gestion -
Associations :
- idem S.A.R.L.
c) S. C. M. de Construction - Vente - S.C.P. - S.N.C.
- Base de .......................................................................
9 000 F
d) Autres sociétés et Groupements à statut particulier
- idem S.C.I. de Construction - Vente
2/ Augmentation de capital :
Honoraires sur le montant cumulé de l’augmentation de capital
et de la prime s’il y a lieu.
1. Société par action de type classique
- jusqu’à 250 000 F
- avec suppression du droit préférentiel de souscription
6 000 F
- sans suppression du droit préférentiel de souscription
(bulletins de souscription, renonciation) .................... 10 000
F
- Au-delà ......................................................................
1 %
- En cas d’apport en nature, honoraires complémentaires comme
en matière de constitution de société.
- En cas d’augmentation de capital réalisée par incorporation
de réserves, primes d’émission, bénéfices ou
provisions :
. jusqu’à 250 000 F ........................................
6 000 F
. Au-dessus ................................................. + 0,50
%
.......................................................................................................................................................
vacations - déplacements - frais de dossier
1. Vacations consécutives à un acte établi par
l’avocat
Par formalité (enregistrements, registre du commerce, publicité
légale) .........................................................................
400 F
2. Vacations non consécutives à un acte établi par
l’avocat
Application d’un taux horaire
3. Frais de déplacements
L’avocat a droit, en sus de ses honoraires, au remboursement de ses
frais de voyage et de séjour et à une indemnité égale
à 2/3 du taux horaire.
4. Frais de dossier
Secrétariat, courriers, photocopies, téléphone
:
Base égale à ................................................................
10 %
des honoraires de base.
ii - droit social
actes de nature collective
1. Convention collective d’entreprise :
. Moins de 50 salariés : ...............................................
10 000 F
. De 50 à 100 salariés ..................................................
15 000 F
. Au-delà de 100 salariés : une majoration de .............
5 000 F
par tranche de 100 salariés.
. Avenant d’entreprise sur un problème particulier
(ex : droit syndical, durée de travail,
gestion prévisionnelle)
Base :........................................................................
3 000 F.
.......................................................................................................................................................
iii - droit fiscal
assistance ponctuelle et rédaction des déclarations
1. La fiscalité des personnes (établissements des déclarations)
. Déclarations 2042 : Base ...........................................
1 000 F
. Déclarations annexes autres que revenus fonciers
et plus values : Base. .................................................
500 F
supplémentaires par déclaration annexe.
......................................................................................................................................................
iv - droit économique
- Contrat d’Agence commerciale ;
- Contrat de Brevet, Modèles et Marques ;
- Contrat de concession, de distribution ;
- Contrat de franchise ;
Base .............................................................................
5 000 F.
Fait à Nice,
le 9 mai 1994. "
4. L’élaboration des documents
Me Bernard Delsol, bâtonnier de l’Ordre au moment de l’enquête,
a affirmé de ne pas avoir eu connaissance des " Recommandations
concernant les honoraires des avocats " de 1994, mais confirme l’existence
des recommandations en matière d’honoraires de 1990 :
" ... Vous me présentez un document à l’entête de
l’Ordre des avocats de Nice intitulé "Recommandations concernant
les honoraires des avocats" et que vous annexez au procès-verbal.
Je ne connais pas ce document et je ne sais pas s’il a été
établi à la suite d’une décision du Conseil de l’Ordre.
Je suis étonné que ce document fasse référence
à des valeurs de 1994. J’avais connaissance de l’existence de ce
type de document à une période que je situe à la fin
des années 1980 début 1990. Depuis, je n’en ai plus vu qui
ait été actualisé... " (procès-verbal de déclarations
du 10 février 1998).
Parmi les documents remis par Me Bernard Delsol, lors de son audition,
figurent deux comptes-rendus de séance du conseil de l’Ordre datés
du 1er avril et du 4 novembre 1996. Au cours de ces séances, la
question des barèmes d’honoraires a été évoquée
dans les termes suivants :
" Compte-rendu de l’Assemblée Générale de la Conférence
des Bâtonniers
L’Assemblée Générale de la Conférence des
Bâtonniers s’est réunie le 22 mars 1996 à Paris...
Cette discussion a débouché sur celle de la fixation des
honoraires, qui a donné lieu à une très importante
communication.
En effet, plus d’une dizaine de Barreaux, et notamment celui de Marseille,
sont actuellement poursuivis par la Commission de la concurrence, et également
certains Confrères de ces Barreaux, sous la prévention d’avoir
réalisé une entente illicite en faisant référence
pour la détermination des honoraires qu’ils pratiquaient à
des barèmes indicatifs.
Dans ces conditions, il est indispensable de cesser toute diffusion
de tels barèmes, et de n’y faire en aucun cas référence
", (séance du 1er avril 1996).
" Les barèmes indicatifs d’honoraires
Plusieurs barreaux font l’objet de poursuites de la Commission de la
Concurrence...
Cette question rejoint le débat plus vaste relatif à la
fixation de l’honoraire.
Il est suggéré que l’on pourrait instaurer dans les Barreaux
importants, une Commission d’aide aux Confrères pour la fixation
de l’honoraire, et il s’agirait notamment de les convaincre d’avoir recours
le plus souvent possible, à la signature avec le client d’une convention
prévoyant le coût des différentes prestations, et un
honoraire de résultat dont la licéïté a été
réaffirmée récemment par la Cour de Cassation.
Il a été souhaité qu’une prochaine Conférence
soit exclusivement consacrée à ce sujet. ". (séance
du 4 novembre 1996).
La séance du conseil de l’Ordre du 7 janvier 1997 a donné
lieu à une nouvelle communication sur la taxation des honoraires
:
" Taxations d’honoraires
...A cet égard, Monsieur le Bâtonnier pense utile de rappeler
que les avocats ne doivent faire référence à aucun
barème, mais qu’en revanche, les tarifs pratiqués par les
Cabinets, doivent être à la disposition des clients sur leur
demande.
Maître Poli souhaite que le Conseil de l’Ordre puisse éventuellement
débattre du système institué pour les taxations d’honoraires.
Monsieur le Bâtonnier précise que le principe de ce débat
n’est pas à exclure, mais qu’il n’est toutefois pas à l’ordre
du jour du présent Conseil. "
Me Sirio Piazzesi, bâtonnier de l’Ordre en 1996 et en 1997, reconnaît
l’existence de ces barèmes dans ses déclarations du 17 février
1998 :
" J’ai été bâtonnier à Nice au cours des
années 1996 et 1997. En 1997, j’ai eu comme avocat communication
du document intitulé "Recommandations concernant les honoraires
des avocats". Ce document a été remis dans les ’’cases Palais"
qu’ont tous les avocats inscrits au barreau de Nice, par le secrétariat
de l’Ordre. Auparavant, j’avais, comme tous mes confrères, été
destinataire du précédent document du même type qui
datait de 1990. Je précise qu’entre ces deux années il n’y
en a pas eu. De même, le document datant de 1994 est le dernier qui
ait été établi et diffusé par l’Ordre. Le bâtonnier
Delsol vous communiquera ce document daté de 1990...
Je tiens à vous dire également que la finalité
de ces recommandations était de fournir un élément
de réflexion aux avocats quant à la détermination
de leurs honoraires dans un souci de formation sans aucun caractère
contraignant ou obligatoire.
Ces recommandations concernant les honoraires des avocats de Nice ont
dû être adoptées par le Conseil de l’Ordre. Les montants
qui y figurent me paraissent proches de la réalité d’un cabinet
moyen... ".
Me Jean-Pierre Lestrade, avocat à Nice depuis le 19 décembre
1983, a déclaré ce qui suit par procès-verbal du 18
février 1998 : " ... J’ai reçu, comme certains de mes confrères,
un document relatif à des honoraires indicatifs établi par
l’Ordre des avocats de Nice en 1994 sans que je sois certain de la date.
En ce qui me concerne, je n’en ai reçu qu’un et rien d’autre depuis...
".
Me Eric Mary, installé à Nice depuis 1987, a précisé,
par déclaration recueillie au procès-verbal du 4 mars 1998,
ce qui suit : " ... Comme tous mes confrères, j’ai reçu dans
ma "case Palais" les recommandations concernant les honoraires des avocats
en 1990 et 1994. Je n’ai pas eu connaissance d’autres recommandations à
d’autres dates .. ".
Me Christian Fievet, avocat depuis sept ans à Nice, a confirmé
les déclarations précédentes :
" ... Comme mes confrères, j’ai reçu en 1994 dans ma "case
Palais" les deux barèmes édités par le barreau de
Nice à savoir le barème d’honoraires judiciaire et juridique.
Depuis 1994, le barreau de Nice n’a pas réactualisé ces documents...
Je tiens à préciser qu’à mon sens et compte tenu de
la corrélation entre mes factures et le barème indicatif
de l’Ordre, ce dernier a été établi sur la base d’un
taux horaire moyen, frais inclus de l’ordre de 1 200 F hors taxes pour
lequel on a affecté par type de procédure classique la durée
moyenne du temps passé par le cabinet. En aucun cas, ce barème
n’a été imposé.. ".
Un échange de correspondances est intervenu entre la société
Assurances du Crédit Mutuel et le bâtonnier de l’Ordre en
fonction en 1995, Me Michel Capponi. Cette société demandait,
par lettre du 28 novembre 1995, la transmission du barème indicatif
d’honoraires. Le bâtonnier a répondu, par lettre du 4 décembre
1995, que :
" ... Je fais suite à votre courrier du 28 novembre 1995. Il
n’y a pas de barème indicatif d’honoraires mais simplement des recommandations
d’usage à l’intention exclusive des avocats. Aucune communication
ne peut être faite auprès de tiers, car cela risquerait de
constituer une entente illicite susceptible de provoquer la réaction
légitime de la direction de la concurrence et des prix ".
Par ailleurs, répondant à des courriers adressés
par un avocat au bâtonnier de Nice, ce dernier, sous la signature
de Me Michel Capponi, a précisé, par lettre du 26 janvier
1995, sa position concernant le barème d’honoraires : " Ainsi que
j’avais eu l’occasion de vous le faire savoir par une lettre du Bâtonnier,
on ne peut évoquer de " barème d’honoraires ", cette indication
étant susceptible de constituer une entente illicite... ".
5. La diffusion des documents
Une lettre-type a été adressée par M. le Bâtonnier
de l’Ordre, Me Michel Capponi, le 8 juin 1994, aux avocats du barreau de
Nice. Le courrier portait sur les " Honoraires d’usage pratiqués
en matière juridique " et confirmait que ce document avait été
adopté par le conseil de l’Ordre :
" ... Mon cher Confrère,
Ci-joint, document adopté par notre Conseil de l’Ordre concernant
"les honoraires d’usage pratiqués en matière juridique ".
Un " tableau des honoraires d’usage pratiqués en matière
judiciaire – valeur 1994 " a été diffusé le 5 juillet
1994 aux avocats du barreau de Nice, également sous forme de lettre-type
:
" ... Mon cher Confrère,
Veuillez trouver ci-joint, le tableau des honoraires d’usage en matière
judiciaire-valeur 1994 ".
Le bâtonnier de l’Ordre, par une nouvelle lettre-type du 5 octobre
1994 adressée aux avocats du barreau, a émis des restrictions
quant à l’utilisation qui pourrait être faite des documents
diffusés en 1994 en rappelant que :
" Il vous a été diffusé deux tableaux d’usage pratiqués
en matière "judiciaire" et en matière "juridique".
Il est rappelé ici qu’il ne s’agit que de documents internes
qui ne peuvent en aucun cas constituer des barèmes, ou a fortiori,
des tarifs.
Ces documents ne peuvent être affichés ou communiqués
aux clients.
Il est exclu d’en faire état dans les correspondances.
L’honoraire est libre.
Il est rappelé la nécessité, dans la mesure du
possible, d’établir un devis d’honoraires et une convention d’honoraires.
Par ailleurs, il est également impératif d’appliquer les
règles légales concernant la facturation ; "
Les " Recommandations concernant les honoraires des avocats " et les
" Honoraires d’usage pratiqués en matière juridique " n’ont
pas fait l’objet d’une diffusion publique et le conseil de l’Ordre du barreau
de Nice s’est interdit de faire référence à ces documents.
Ainsi, Me Bernard Delsol a communiqué, par courrier du 2 mars 1998,
à la brigade inter-régionale d’enquêtes, six copies
de lettres de particuliers qui demandent à l’Ordre la communication
du barème indicatif d’honoraires des avocats ou des tarifs des avocats
inscrits au barreau de Nice.
Les réponses à ces correspondances sont ainsi libellées
:
Lettre du 19 décembre 1997 : " Les honoraires doivent être
librement discutés entre client et avocat. Il vous appartient donc
de poser la question au confrère que vous consulterez préalablement
à son intervention ".
Lettre du 4 septembre 1997 : " Il n’existe pas de barème indicatif
des honoraires d’avocats qui soit établi par l’Ordre des avocats.
Par contre, chaque cabinet peut avoir un barème indicatif des honoraires
qu’il pratique ".
Lettre du 30 septembre 1996 : " Je vous précise qu’il n’existe
pas de barème d’honoraires en vigueur au barreau de Nice. Les honoraires
sont librement convenus entre l’avocat et son client ".
Lettre du 2 octobre 1996 : " Je vous précise que les honoraires
sont librement convenus entre l’avocat et son client ".
Lettre du 16 septembre 1996 : " ...Je vous précise qu’il n’existe
pas de barème d’honoraires des avocats au barreau de Nice ".
Lettre du 20 septembre 1996 : " ...Je vous précise qu’il n’existe
aucune tarification des honoraires pour un avocat inscrit au barreau de
Nice. Les honoraires sont librement convenus entre l’avocat et son client
".
6. L’étendue
de l’application des recommandations
Quatre des cabinets d’avocats approchés au cours de l’enquête
sur cinq ont remis des conventions d’honoraires, des tarifs et des factures
permettant de vérifier l’étendue du respect des recommandations
formulées par l’Ordre des avocats au barreau de Nice.
L’examen a porté essentiellement sur les prestations de nature
judiciaire, à défaut de barèmes et de factures fournis
par les avocats interrogés au cours de l’enquête concernant
les prestations juridiques.
Les montants des honoraires annoncés par la SCP Lestrade-Cesari
concordent partiellement avec les montants des honoraires recommandés
par le barreau de Nice. Ainsi, la convention d’honoraires reprend les tranches
de transaction et les pourcentages y afférents pour ce qui concerne
les compléments d’honoraires sur le résultat obtenu ou sur
le service rendu. Le tarif des prestations auprès du tribunal de
grande instance de Nice sont similaires pour la plupart d’entre elles.
Cependant, au niveau de l’application, la SCP n’applique ni les recommandations
du barreau, ni son propre tarif. Par ailleurs, le montant des honoraires
des cabinets de Me Piazzesi, Me Mary et Me Fievet se démarquent
des recommandations d’honoraires formulées par le barreau de Nice
tant au niveau de l’établissement des barèmes qu’à
celui de la facturation.
Un examen comparatif des honoraires effectivement facturés aux
clients pour une prestation judiciaire de même nature montre des
variations sensibles de prix d’un avocat à un autre :
Avocats |
Procédure tribunal de commerce |
Référé
tribunal d’instance |
Divorce par
consentement
mutuel |
Référé
tribunal grande instance |
Assignation
tribunal de grande instance |
Me Piazzesi |
10 000 F |
6 000 F |
- |
- |
- |
SCP Lestrade |
- |
- |
9 000 F |
3 000 F |
- |
Me Mary |
5 000 F |
2 500 F |
6 000 F |
2 500 F |
2 500 F |
Me Fievet |
- |
- |
11 000 F |
- |
2 500 F |
7. Les instructions données aux avocats
inscrits au barreau de Nice en 1998
Me Jean-Claude Bensa, ancien bâtonnier de l’Ordre, et Me Bernard
Delsol, bâtonnier en fonction en 1998, ont signé conjointement
une lettre-circulaire datée du 13 février 1998, rappelant
le principe de fixation des honoraires des avocats. La teneur de ce courrier
est la suivante :
" Suite à la réunion d’information tenue dans les locaux
de l’Ordre le 4 février 1998, sur le thème des honoraires,
nous tenons à vous confirmer que le principe régissant leur
fixation résulte de l’article 10 de la loi du 31 décembre
modifiée :
" La tarification de la postulation et des actes de procédure
est régie par les dispositions sur la procédure civile. Les
honoraires de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction
d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoierie sont fixés
en accord avec le client.
A défaut de convention entre l’avocat et son client, l’honoraire
est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune
du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés
par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Toute fixation d’honoraires, qui ne le serait qu’en fonction du résultat
judiciaire, est interdite ; est licite la convention qui, outre la rémunération
des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire
complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service
rendu ".
Cela veut dire qu’il est indispensable d’envisager dès la première
rencontre avec le client et au regard des paramètres retenus par
la loi, un devis ou mieux une convention.
Dans les salles d’attente et en tout cas à disposition de la
clientèle, doit pouvoir être remis une note indiquant notamment
le coût horaire de votre cabinet, que vous devez calculer en prenant
en compte les charges de fonctionnement de votre cabinet.
L’honoraire d’avocat qui correspond à la prestation intellectuelle
viendra s’ajouter à ce coût horaire, ce qui permettra à
la clientèle d’avoir une idée assez précise sur le
montant des honoraires compte tenu de la complexité de l’affaire
et des éléments à prendre en compte.
Il est possible d’envisager outre la référence au coût
horaire, l’indication de coûts forfaitaires afférents à
certaines procédures et propres à votre cabinet.
Il faudra en tout état de cause attirer l’attention sur le fait
que la loi se réfère à des paramètres difficilement
mesurables comme par exemple la situation de fortune du client, la difficulté
de l’affaire (qui peut se révéler en cours de procédure)
etc...
J’ajoute que les dispositions concernant l’affichage dans les cabinets
sont d’ordre public et peuvent faire l’objet de contrôle de la part
de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes ".
Sur la base des constatations qui précèdent, un grief
a été notifié au conseil de l’Ordre des avocats au
barreau de Nice :
" Pour avoir élaboré en 1990 et en 1994 des " Recommandations
concernant les honoraires des avocats " et en 1994 des " Honoraires d’usage
pratiqués en matière juridique " qui ont été
diffusés auprès de ses membres.
Ces documents sont constitutifs d’une action concertée ayant
pour objet et pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence,
dès lors qu’ils détournent les avocats inscrits au barreau
de Nice de fixer leurs honoraires en fonction des propres conditions d’exploitation
de leurs cabinets. Une telle pratique est contraire aux dispositions de
l’article 7 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986
".
II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le
Conseil,
Sur la prescription
Considérant que l’Ordre des avocats au barreau de Nice fait valoir
que les documents " Recommandations concernant les honoraires des avocats
", datés du 11 juin 1990 et de 1994, ainsi que le document " Honoraires
d’usage pratiqués en matière juridique ", daté du
9 mai 1994, n’ont de valeur que pour l’année considérée
; que le Conseil de la concurrence a été saisi le 13 décembre
1996 par la Confédération syndicale du cadre de vie et le
10 janvier 1997 par la société Medirec ; que le rapport administratif
d’enquête a été établi le 3 juin 1998 et le
rapporteur désigné le 21 octobre 1999 ; que l’Ordre des avocats
au barreau de Nice en conclut que les faits sont prescrits ;
Mais considérant qu’aucune indication portée dans ces
documents ne laisse supposer qu’ils ont été établis
pour les seules périodes annuelles du 11 juin 1990 au 11 juin 1991,
et du 9 mai 1994 au 9 mai 1995 ; que les prestations qui y sont décrites
comportent, au regard de leurs montants, les mentions " valeur 1990 " et
" valeur 1994 ", lesquelles sont des références ayant servi
à fixer les montants de ces prestations, sans lien avec la durée
de l’application des barèmes ; que les dispositions de l’article
L. 462-7 du code de commerce prévoient que " le Conseil de la concurrence
ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans
s’il n’a fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation
ou leur sanction " ; que le point de départ du délai de prescription
se situe donc trois ans avant la saisine initiale du Conseil, soit le 13
décembre 1993 ; que le premier document " Recommandations concernant
les honoraires d’avocat " daté du 11 juin 1990 continuait à
produire ses effets à la date de la saisine ainsi que, à
plus forte raison, les documents établis postérieurement
; que, dès lors, le moyen tiré de la prescription est sans
fondement ;
Sur le fond
Considérant que l’Ordre des avocats au barreau de Nice a établi
et diffusé, en 1990, un document intitulé " Recommandations
concernant les honoraires des avocats ", en 1994, un deuxième document
portant le même intitulé actualisant les honoraires du premier
barème et, également, en 1994, un troisième document
intitulé " Honoraires d’usage pratiqués en matière
juridique " ; que ces documents comportent une liste de prestations judiciaires
et juridiques susceptibles d’être fournies dans le cadre de diverses
procédures ; que les " Recommandations concernant les honoraires
des avocats " de 1990 prévoient le coût horaire des vacations
d’expertises, d’enquêtes ou d’instructions sur la base de deux seuils
minimums horaires ; que ce même document définit deux seuils
minimum horaires applicables pour la détermination des honoraires
établis en fonction du temps réel ; qu’en cas d’option pour
des honoraires forfaitaires, les recommandations mentionnent une quarantaine
de prestations judiciaires en face desquelles figurent des montants forfaitaires
ou des seuils minimums d’honoraires ; que sous la rubrique " convention
d’honoraires ", il est indiqué que l’avocat remettra à son
client " un récapitulatif détaillé des diligences
accomplies, ainsi qu’une note d’honoraires incluant, le cas échéant,
la prise en compte du résultat obtenu selon les modalités
suivantes : - tranche de 25 000 à 125 000 francs, 10 % ; - tranche
de 125 000 à 250 000 francs, 8 % ; - tranche de 250 000 à
500 000 francs, 5 % ; - au-dessus de 500 000 francs, 3 % " ; qu’en outre,
il a été introduit dans les " Recommandations concernant
les honoraires des avocats " de 1994, pour les procédures de divorce,
des fourchettes d’honoraires comportant des seuils minimum et maximum,
alors que les recommandations de 1990 préconisaient un forfait d’honoraires
; que les " Honoraires d’usage pratiqués en matière juridique
" établis et diffusés en 1994 comportent une centaine de
prestations juridiques au regard desquelles figurent des montants forfaitaires
d’honoraires, des montants minimum d’honoraires affectés de pourcentages
applicables au-delà de certains montants d’affaires ;
Considérant qu’il résulte de la comparaison des documents
intitulés les " Recommandations concernant les honoraires des avocats
", respectivement établis et diffusés en 1990 et 1994, que
les montants d’honoraires ont, pour certaines prestations, fait l’objet
d’augmentations pouvant aller jusqu’à 66 % ;
Considérant, que l’Ordre des avocats au barreau de Nice fait
valoir, en premier lieu, que " La profession d’avocat a donc un caractère
particulier, les règles de la concurrence ne pouvant s’appliquer
qu’en matière d’entreprise, puisqu’il existe des activités
de l’avocat participant du service public et non rémunérées
" ;
Mais considérant qu’un arrêt de la Cour de Cassation, chambre
commerciale, en date du 16 mai 2000, énonce que " ...Un ordre professionnel
représente la collectivité de ses membres et qu’une pratique
susceptible d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel mise en œuvre
par un tel organisme révèle nécessairement une entente,
au sens de l’ordonnance du 1er décembre 1986, entre ses membres...
" ; que la pratique mise en cause est donc bien constitutive d’une entente
au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce ; qu’à cet égard,
s’il est loisible à un organisme professionnel de diffuser des informations
destinées à aider ses membres dans l’exercice de leur activité,
l’aide à la gestion ainsi apportée ne doit pas exercer d’influence
directe ou indirecte sur le libre jeu de la concurrence à l’intérieur
de la profession ; qu’en particulier, les indications données ne
doivent pas pouvoir avoir pour effet de détourner les membres de
cette profession d’une appréhension directe de leurs propres coûts,
qui leur permette de fixer individuellement leurs prix ;
Considérant que l’Ordre des avocats au barreau de Nice soutient,
en deuxième lieu, qu’il " a agi dans un souci de transparence et
dans le but d’assurer une plus grande prévisibilité du coût
d’accès au droit " et qu’il s’inscrit " dans une démarche
souhaitée de longue date par les consommateurs " ; que l’Ordre des
avocats au barreau de Nice rappelle qu’un groupe de travail, organisé
en 1990 sous la conduite de Mme Neiertz, intitulé " Amélioration
de l’information de consommateurs sur le montant des honoraires d’avocats
", a mis en évidence " le caractère très particulier
de la prestation de l’avocat ou du conseil juridique " et que les représentants
des consommateurs " souhaitaient atteindre deux objectifs : l’information
sur le coût total prévisible de la procédure confiée
à l’avocat (et) la possibilité d’une comparaison entre avocats
" ; que, selon l’Ordre des avocats au barreau de Nice, " l’honoraire n’est
pas un prix dont la fixation est soumise au marché de la concurrence
dans une analyse économique classique " et que " l’honoraire s’inscrit
dans la relation professionnelle au regard de critères très
diversifiés d’ailleurs énoncés par la loi elle-même
" ; qu’ainsi, l’article 10 de la loi du 10 juillet 1991 " fait référence
d’une part aux usages et stipule qu’est licite la convention qui, outre
la rémunération des prestations effectuées, prévoit
la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction de résultat
ou du service rendu, notion hors du champ de l’économie " ; qu’il
s’ensuit que " l’usage des barèmes indicatifs n’est pas illicite
en soi " ;
Mais considérant que de l’information des justiciables, qui est
ainsi invoquée, n’imposait pas l’établissement et la diffusion
des documents en cause et l’adoption de barèmes uniques pour l’ensemble
du barreau ; qu’au contraire, cette information peut être assurée
de manière plus efficace par l’établissement, par chaque
cabinet d’avocat, de ses propres honoraires ; que, par ailleurs, si la
loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, laisse, dans
son article 35, à tout barreau la possibilité d’établir
" une méthode d’évaluation des honoraires ", il n’en résulte
pas que doivent être diffusées des recommandations d’honoraires
; qu’au surplus, il ressort de l’enquête que les barêmes litigieux
n’étaient nullement communiqués aux clients par l’Ordre ;
Considérant que l’Ordre des avocats au barreau de Nice expose
en troisième lieu, que " le juge fait lui-même référence
aux usages et aux barèmes quand il est amené à statuer
sur une demande de taxation d’honoraires " et rappelle les conclusions
de M. le Conseiller Athalin devant la Cour de Cassation en 1995, selon
lesquelles " Pour apprécier le montant de l’honoraire, le bâtonnier
et le premier président peuvent s’inspirer du barème indicatif
qui a pu être arrêté par le barreau auquel appartient
l’avocat ou même par un autre barreau. Mais ces barèmes n’ont
qu’une valeur indicative... " ;
Mais considérant que ces conclusions ne se prononcent pas sur
la licéité de la diffusion, à l’ensemble des membres
du barreau, de barèmes d’honoraires dont l’application est recommandée
;
Considérant que l’Ordre des avocats au barreau de Nice prétend,
en quatrième lieu, que la diffusion de recommandations d’honoraires
a été opérée dans un seul but indicatif et
informatif, sans caractère obligatoire, et que l’avocat était
libre de déterminer par lui-même le montant de ses honoraires
;
Mais considérant que les documents en cause comportent de multiples
indications d’ordre normatif ; qu’en élaborant et en diffusant ces
documents, l’Ordre des avocats au barreau de Nice a pu conduire ses membres
à fixer leurs honoraires, non pas selon les conditions propres de
leurs cabinets, mais en se référant aux indications des barèmes
; que, recensant la plus grande partie des prestations que peuvent effectuer
les avocats dans les affaires courantes et ayant été diffusés
à l’ensemble des membres du barreau, ces barèmes ont pu avoir
un effet anticoncurrentiel sur le marché local des prestations juridiques
et judiciaires, même si leur influence directe ne peut être
mesuré ;
Considérant que l’Ordre des avocats au barreau de Nice expose,
enfin, que l’examen de la facturation des quatre cabinets d’avocats interrogés
au cours de l’enquête n’a pas établi que ceux-ci auraient
fait application des recommandations en cause ;
Mais considérant qu’il ne peut être tiré de conclusion
de l’examen de cette facturation, dès lors que les pièces
comptables versées au dossier ne proviennent pas d’un échantillon
de factures prélevées par les enquêteurs mais ont été
présentées par les avocats eux-mêmes ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
qu’en élaborant et en diffusant les documents " Recommandations
concernant les honoraires d’avocats " et les " Honoraires d’usage pratiqués
en matière juridique " en 1990 et 1994 ci-dessus analysés,
l’Ordre des avocats au barreau de Nice a mis en œuvre des pratiques qui
ont eu pour objet et ont pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence
sur le marché considéré ; que de telles pratiques
sont prohibées par les dispositions de l’article L. 420-1 du code
de commerce ;
Sur les sanctions
Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce
: " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés
de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé
ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction
pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d’inexécution
des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées
à la gravité des faits reprochés, à l’importance
du dommage causé à l’économie et à la situation
de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné
et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum
de la sanction est, pour une entreprise, de 5p.100 du montant du chiffre
d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier
exercice clos. Si le contrevenant n’est pas une entreprise, le maximum
est de dix millions de francs. Le Conseil de la concurrence peut ordonner
la publication de sa décision dans les journaux ou publications
qu’il désigne, l’affichage dans les lieux qu’il indique et l’insertion
de sa décision dans le rapport établi sur les opérations
de l’exercice par les gérants, le conseil d’administration ou de
directoire de l’entreprise. Les frais sont supportés par la personne
intéressée " ; qu’en application de l’article L. 464-5 du
code de commerce " La commission permanente peut prononcer les mesures
prévues à l’article L. 464-2, les sanctions infligées
ne pouvant, toutefois, excéder 500 000 F pour chacun des auteurs
des pratiques " ;
Considérant qu’il convient, par application de l’article L. 464-2
ci-dessus rappelé, de prévenir la poursuite des pratiques
analysées ci-dessus en enjoignant à l’Ordre des avocats au
barreau de Nice de ne plus élaborer ni diffuser de barème
d’honoraires ;
Considérant qu’il y a lieu, pour apprécier le dommage
à l’économie, de retenir que les documents en cause donnaient
des indications d’honoraires, comportant des montants forfaitaires et des
seuils minimum, pour un très grand nombre de prestations judiciaires
et juridiques ; que la gravité des pratiques doit s’apprécier
en tenant compte de la circonstance que le document " Recommandations concernant
les honoraires d’avocats " a été diffusé en 1990 et
réactualisé en 1994 et que le document " Honoraires d’usage
en matière juridique " a été diffusé en 1994
par l’Ordre des avocats au barreau de Nice à l’ensemble de ses membres
et de ce que le ministère d’avocat est, s’agissant de différentes
procédures, obligatoire ; qu’il convient, en revanche, de relever
également que le conseil de l’Ordre a décidé , au
cours de sa séance du 1er avril 1996, de cesser toute diffusion
de barèmes et que Me Jean-Claude Bensa, ancien bâtonnier de
l’Ordre, et Me Bernard Delsol, bâtonnier en fonction en 1998, ont
signé conjointement une lettre-circulaire, datée du 13 février
1998, rappelant le principe de la liberté de fixation des honoraires
des avocats en accord avec le client ;
Considérant que, pour l’année 1999, les cotisations versées
à l’Ordre des avocats au barreau de Nice par les 664 avocats inscrits
se sont élevées à 703 609 francs ;
Considérant qu’en fonction des éléments tels qu’appréciés
ci-dessus, il convient d’enjoindre à l’Ordre des avocats au barreau
de Nice, d’une part, de cesser toute diffusion de barèmes d’honoraires
et, d’autre part, d’adresser, dans un délai de deux mois à
compter de sa notification, une copie de la présente décision
à chacun des avocats inscrits au barreau de Nice ; qu’il convient
également d’infliger à l’Ordre des avocats au barreau de
Nice une sanction pécuniaire de 150 000 francs,
Délibéré, sur le rapport oral de Mme BERGAENTZLE,
par Mme HAGELSTEEN, présidente, présidant la séance,
Mme PASTUREL, vice-présidente, et M. CORTESSE, vice-président.