LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,
Vu la lettre enregistrée le 15 avril 1996 sous le numéro
F 864, par laquelle la Société nouvelle de mécanique
(SNMO) a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques de l’entreprise
EDF et de la société SIGED ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié pris pour l’application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu la décision n° 96-MC-05 du 11 juin 1996 du Conseil de
la concurrence ;
Vu les observations présentées par la société
SNMO et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire
du Gouvernement entendus au cours de la séance du 15 novembre 2000,
la SNMO ayant été régulièrement convoquée
;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
les motifs (II) ci-après exposés :
I. - Constatations
A. - La réglementation, les caractéristiques du produit
et le marché
1. Les règles applicables au transport d’objet contaminés
La réglementation des transports d’objets contaminés est
élaborée à partir des recommandations émises
au niveau international par l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA), organisme dépendant de l’Organisation des nations
unies (ONU), recommandations qui sont ensuite reprises par des directives
communautaires et transposées par les états membres.
La réglementation française figure au Règlement
pour le transport des matières dangereuses par la route (RTMDR).
Celui-ci fixe les dispositions applicables à tous les transports
par route de matières ou objets dangereux (explosifs, gaz, matières
inflammables, toxiques et radioactives). Ce document est actualisé
en fonction des modifications intervenues au plan international, dans des
délais variables. En conséquence, les nouvelles dispositions
sont connues des autorités compétentes et des opérateurs
dès qu’elles sont publiées par l’AIEA et avant même
que la réglementation intérieure soit mise à jour.
Le RTMDR définit les caractéristiques des différents
emballages et des différents niveaux de contamination des objets
transportés. S’agissant des niveaux de contamination, la réglementation
distingue, d’une part, les objets contaminés superficiellement (OCS)
et, d’autre part, les matières de faible activité spécifique.
Le RTMDR définit également les différents conditionnements
et distingue plusieurs catégories d’emballages IP1, IP2, IP3, A
et B qui sont très divers d’une catégorie à l’autre
et à l’intérieur de chacune des catégories ; ces produits
sont également très différents en fonction de l’usage
auquel ils sont affectés. Les matériaux utilisés peuvent
être très variables, de même que les dimensions de ces
emballages.
Sont concernés par la saisine les emballages de type A, destinés
au transport d’outils, matériels ou pièces détachées
contaminés par la radioactivité dans les centrales nucléaires,
et particulièrement les emballages achetés par EDF à
partir des appels d’offres de juin 1994 et par les autres intervenants,
depuis la modification de la réglementation internationale en matière
de transport des produits contaminés.
Afin de mettre la réglementation française en conformité
avec le règlement AIEA, tel que modifié en 1985, les seuils
de contamination maximum des objets contaminés superficiellement
ont été modifiés par le RTMDR en 1992. Les dispositions
de l’arrêté du 15 septembre 1992 fixent l’entrée en
vigueur des nouvelles dispositions au 1er juillet 1993. A compter de cette
date, les emballages de type A devront être utilisés pour
le transport par route d’objets contaminés, alors que, jusque-là,
seuls les emballages IP2, moins performants, étaient utilisés.
Ces dispositions ont obligé les utilisateurs, dont EDF, à
changer leurs emballages. Toutefois, par arrêté du 1er juillet
1993, le ministre des transports a reporté de 18 mois la date d’entrée
en vigueur des nouvelles dispositions.
2. Les acteurs
Les demandeurs ou utilisateurs d’emballages sont essentiellement des
entreprises qui assurent le service de maintenance et l’entretien des centrales
nucléaires, parmi lesquelles EDF elle-même (principalement
son unité technique opérationnelle), mais également
Framatome, premier opérateur en maintenance sur les centrales nucléaires,
et des transporteurs qui louent les emballages à ces prestataires.
Les principaux fabricants d’emballage sont des entreprises de tuyauterie,
chaudronnerie, mécanique. On peut estimer ainsi à une vingtaine
le nombre de sociétés intéressées par ce secteur,
mais celles pouvant faire état d’une réelle expérience
dans ce domaine, telles que SNMO ou SIGED, sont en nombre plus limité.
SNMO a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques d’EDF et de
la société SIGED, qui fabrique des produits concurrents,
soutenant qu’EDF a sollicité et obtenu le report de la date d’entrée
en vigueur de la réglementation pour favoriser SIGED alors qu’elle-même
constituait, à l’époque, le seul offreur pour les emballages
du type de la dimension requise. Cette action serait la conséquence
d’une entente entre EDF, par ailleurs opérateur dominant sur le
marché, et son fournisseur, la société SIGED. Elle
aurait eu pour effet d’évincer SNMO des appels d’offres lancées
par EDF en 1994 et 1995, alors que SNMO était en situation de dépendance
économique à l’égard d’EDF.
B. - Les entreprises en cause
La société SNMO (Société nouvelle de mécanique
et d’outillage) est issue du rachat en 1991 de deux sociétés
de chaudronnerie industrielle, la société ECM et la Société
nouvelle de métallurgie orangeoise (SNMO) qui fut, jusqu’en 1987,
une filiale du CEA. Ces deux sociétés avaient déjà
une activité de fabrication d’emballages pour le transport de matières
radioactives pour le compte de Framatome et d’EDF. En 1992-1993, SNMO a
développé sa propre gamme d’emballages de type A. La société
s’est orientée vers une activité de fabrication et de vente
de cabines de sablage sous pression qui représente, actuellement,
environ 80 % de son chiffre d’affaires.
SIGED est une société anonyme de chaudronnerie industrielle.
Elle a réalisé en 1995 un chiffre d’affaires de 130 MF environ,
dont 20 % avec EDF. Les autres clients relèvent des secteurs spatial
(15-20 %), pétrolier (10-15 %), chimique (10-12 %), agro-alimentaire
etc... L’activité de fabricant d’emballages pour le secteur nucléaire
a débuté en 1988. Dès 1990, l’entreprise était
en mesure de réaliser des emballages de type A et a livré
ses premières commandes à la société Cargo
Face One et aux sociétés Intercontrôle et Socodei au
premier semestre 1993. La fabrication des emballages de type A de plus
petites dimensions n’a commencé qu’après mi-1994, lorsque
la société a été déclarée adjudicataire
de deux marchés (par la société Intercontrôle
et le service UTO de l’entreprise EDF). Ces deux marchés représentaient
environ 500 emballages de différentes dimensions.
EDF est, aux termes de l’article 2 de la loi n° 46-628 du 8 avril
1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, un
établissement public industriel et commercial. à ce titre,
EDF est soumis aux dispositions du droit de la concurrence. L’essentiel
des achats de matériels pour le transport des produits contaminés
de l’établissement public sont effectués par son Unité
technique opérationnelle (UTO). EDF est l’un des principaux acheteurs
d’emballages de type A, devancé toutefois par la société
Framatome s’agissant des achats de caisses. Ainsi, entre 1989 et 1995,
EDF a acheté 472 caisses pour 13 588 KF et dix autres emballages
de grande dimension pour 5 050 KF, soit un total de 18 638 KF, Framatome
ayant acheté pendant la même période 1 399 caisses
d’une valeur totale de 18 380 KF (le prix moyen d’achat d’un conteneur
est beaucoup plus élevé que celui d’une caisse, de l’ordre
de 500 000 F, alors que celui des caisses est très variable).
Lors de la parution de l’arrêté ministériel du 15
septembre 1992, EDF a tout d’abord cherché à utiliser les
emballages IP2 en les adaptant, ce qui s’est avéré impossible.
Aussi EDF a-t-elle, en juin 1993, sollicité, puis obtenu, du ministre
des transports un report de la date d’entrée en vigueur de la nouvelle
réglementation. Ce n’est qu’en 1994 que l’établissement public
s’est équipé en conteneurs de type A, par l’appel d’offres
litigieux de 1994 (384 caisses et six conteneurs), puis en lançant
de nouveaux appels d’offres en 1996 et 1997.
C. - Les pratiques constatées
1. La demande de report de la date d’entrée en vigueur de la
nouvelle réglementation
En juin 1993, EDF a fait une demande de dérogation aux dispositions
du RTMDR. Le 7 juillet 1993, le ministre de l’équipement, des transports
et du tourisme a informé EDF qu’après consultation de la
Commission du transport des matières dangereuses, un arrêté
autorisant provisoirement l’utilisation des emballages IP2 serait prochainement
publié au Journal officiel. En effet, l’arrêté du 1er
juillet 1993, publié au Journal officiel du 18 juillet, reporte
la période transitoire de 18 mois.
2. L’achat d’emballages par EDF en juin 1994
En juin 1994, EDF a lancé des appels d’offres européens
pour deux marchés, l’un portant sur l’achat de six conteneurs de
type A et 56 conteneurs IP2, l’autre sur la fourniture de 384 caisses de
type A, de 49 modèles différents.
Selon le représentant du service UTO, ces marchés n’ont
pu être lancés avant juin 1994, les cahiers des charges n’étant
pas définitivement arrêtés, bien qu’un projet ait été
émis en interne en mai 1993. La longueur de la procédure
serait justifiée par la consultation d’experts des services du ministère
des transports, par les règles de fonctionnement interne d’EDF,
ainsi que par l’obligation de suivre la procédure prévue
par la directive communautaire n° 90-531 sur les marchés de
fournitures et travaux, le montant total du marché étant
supérieur à 2,7 MF. Les premiers marchés passés
par UTO selon les prescriptions de cette directive ont nécessité
un délai de huit mois.
Ainsi, EDF a fait paraître un avis de publicité au Journal
officiel des Communautés Européennes du 12 février
1994. Les entreprises intéressées ont reçu un dossier
d’examen d’aptitude (DEA) destiné à sélectionner les
entreprises aptes à concourir. Vingt entreprises ont retourné
ce document dûment complété au service UTO d’EDF, lequel
en a retenu cinq pour le marché des conteneurs et dix pour le marché
des caisses. L’UTO a adressé un projet de marché, accompagné
des cahiers des spécifications des conditions techniques aux entreprises
sélectionnées, lesquelles devaient faire une proposition
technique (conception du matériel) et une proposition commerciale
sous plis séparés. Les marchés ont été
attribués dans le cadre de la procédure négociée,
selon l’offre économiquement la plus avantageuse. Pour sélectionner
les entreprises ayant retourné le DEA complété, EDF
a établi une série de critères, dont certains éliminatoires,
d’autres quantifiables, et a fixé un minimum de points. Les offres
techniques et commerciales des entreprises sélectionnées
ont été analysées marché par marché.
S’agissant du marché des caisses, sur les dix entreprises admises
à faire des propositions, sept seulement ont remis une offre complète.
Seules les offres techniques des sociétés SIGED et Safial
ont été considérées par EDF comme pleinement
satisfaisantes. Toutefois, celle de la société Safial a été
rejetée en raison du délai et parce que son prix était
supérieur de 53 % au prix proposé par la société
SIGED. à ce stade de la procédure, EDF, qui avait prévu
initialement d’attribuer le marché de 384 caisses à deux
fournisseurs, a fait le choix d’attribuer l’ensemble du marché à
la société SIGED.
En ce qui concerne les conteneurs, ce marché prévoyait
l’attribution de l’ensemble des conteneurs IP2 et A à l’entreprise
la moins disante proposant une offre techniquement satisfaisante. Les sociétés
SIGED et Setri ont formulé des offres de prix voisines pour la totalité
du marché. Setri était moins disante que SIGED sur le marché
des conteneurs de type A et plus chère sur les conteneurs IP2. En
définitive, la société SIGED, étant moins disante
sur l’ensemble des produits, a emporté le marché.
La société SNMO avait été éliminée
dès le stade de la sélection des entreprises (DEA). Selon
la grille d’appréciation fournie, elle s’est vu appliquer une note
éliminatoire et a, de surcroît, obtenu un nombre de points
inférieur au seuil fixé par l’acheteur.
3. Les autres marchés passés par EDF
EDF a passé deux autres marchés en 1996 et 1997 pour la
conception et la fabrication de conteneurs de type A, pour lesquels la
société SNMO n’a pas été consultée.
Les deux marchés n’étaient pas soumis aux dispositions de
la directive communautaire, le montant de chacun étant inférieur
au seuil. S’agissant du premier marché, sur six entreprises consultées,
dont la société SIGED, c’est la société AMS
Brinex qui a été déclarée attributaire. En
ce qui concerne le second marché, parmi six entreprises consultées,
la société SIGED a été retenue comme étant
la moins disante.
4. Les marchés passés par les autres demandeurs
La société SNMO a été déclarée
adjudicataire de deux marchés passés par deux sociétés
(Cegelec et Logitest), alors qu’elle n’a pas été retenue
lors de consultations menées par les sociétés Intercontrôle
et Socodéi (filiale d’EDF).
La société Intercontrôle a lancé un premier
appel d’offres auprès de six sociétés, parmi lesquelles
les sociétés SNMO et SIGED. La société SIGED
a été déclarée attributaire, après sélection
de trois entreprises. La SNMO n’a pas été sélectionnée
en raison d’une insuffisance d’équipements permettant de répondre
aux exigences de qualité. A la fin de 1994, sur un marché
de dix emballages, la société SNMO n’a pas été
consultée. La société SIGED a été déclarée
adjudicataire.
La société Socodei, filiale d’EDF, a lancé un appel
d’offres au début de 1992 pour la réalisation de 36 conteneurs.
Parmi les trois offres retenues, celle de la société SNMO,
quoique moins disante sur une partie du marché, a été
écartée après visite des locaux de fabrication, au
motif que la société n’apportait pas les garanties nécessaires
au plan technique. La société précise que, bien que
liée à EDF, elle n’a pas reçu de l’établissement
public d’instructions ou de recommandations quant aux fournisseurs d’emballages
de type A à consulter.
La société Logistest a commandé, dans le cadre
d’appels d’offres passés en 1993, dix conteneurs dix pieds de type
A à la société SNMO après consultation de cinq
sociétés, dont la société SIGED.
Quant à la société CGA-Cegelec, elle a également
passé commande de deux conteneurs de type A à la société
SNMO en 1995 et de deux autres à la société SIGED.
Sur la base de ces constatations, une proposition de non-lieu a été
notifiée à la société SNMO.
II. - Sur la base des constations qui précèdent, le Conseil,
Sur la procédure
Considérant que, dans une lettre en date du 28 janvier 2000,
la SNMO a indiqué au Conseil de la concurrence : " ...nous nous
permettons de porter à votre connaissance que nous ne poursuivrons
pas cette procédure pour la raison essentielle que, depuis, nous
avons fortement développé notre activité dans le secteur
privé concurrentiel... " ; que cette formule, en raison de son ambiguïté,
ne peut être interprétée comme un désistement
pur et simple de sa saisine par la société SNMO ; qu’il convient,
dès lors, d’examiner la proposition de non-lieu ;
Sur les pratiques constatées
A. - En ce qui concerne la position d’EDF sur le marché concerné
Considérant que, compte tenu des exigences réglementaires,
les entreprises souhaitant transporter des outils, matériels ou
pièces détachées contaminés par la radioactivité
à la suite de leur utilisation dans des centrales nucléaires
devaient, à l’époque des faits, recourir à des emballages
de type A ; que, si ces derniers peuvent présenter des dimensions
et des caractéristiques variées, les entreprises susceptibles
de les fabriquer paraissent avoir été en mesure de proposer
indifféremment les différentes sortes d’emballages de type
A ; qu’en revanche, seules certaines entreprises du secteur de la chaudronnerie
se révèlent capables de fabriquer des emballages compatibles
avec les normes applicables par la filière nucléaire ; que
cette capacité ne suffit cependant pas à leur permettre d’offrir
instantanément des emballages d’un type donné compatible
à la fois avec les exigences réglementaires propres à
chaque type d’emballage et avec les demandes précises des clients
potentiels, qui sont en nombre restreint et sont des acteurs spécialisés
de la filière nucléaire ; qu’il résulte de cette insubstituabilité
entre les produits proposés par les entreprises appartenant au secteur
de la chaudronnerie, même spécialisées dans les emballages
à destination de la filière nucléaire, de l’absence
de substituabilité du côté de la demande entre les
emballages de type A et les autres et de la substituabilité entre
les emballages de type A fabriqués par les differentes entreprises
qui en ont la capacité qu’un marché des emballages de type
A peut être défini ;
Considérant que, depuis que la nouvelle réglementation
était connue des utilisateurs (soit après 1985), deux opérateurs
se partagent l’essentiel des commandes sur le marché des emballages
de type A destinés au transport d’outils, matériels et pièces
détachées contaminés par la radioactivité dans
les centrales nucléaires : la société Framatome, qui
a représenté 47,9 % des achats en valeur et 68,1 % en nombre
de caisses, et EDF avec 35,5 % en valeur et 23 % en nombre de caisses ;
que ces deux acheteurs représentent ensemble 91 % d’achats en volume
et 83,4 % en valeur ; que le marché, tel que défini, comprend
les commandes passées par Framatome antérieurement à
la modification réglementaire, dans la mesure où elles avaient
pour objet de s’y adapter par anticipation ; que la part des achats réalisée
par la société EDF ne permet pas, en tout état de
cause, de conclure que l’établissement public détient une
position dominante d’acheteur sur le marché des emballages de type
A, d’autant que, du côté des fournisseurs, jusqu’en 1994,
SNMO a été le principal fournisseur de caisses de type A,
avec 63,9 % des ventes et 67,8 % des volumes, tandis qu’à partir
de juillet 1994, la société SIGED est devenue le principal
fournisseur de caisses type A avec 74 % des ventes en valeur et 66,1 %
en volume ;
Considérant qu’il suit de là que les pratiques reprochées
à EDF ne peuvent constituer un abus de position dominante ;
B. - En ce qui concerne l’éventuel état de dépendance
économique
Considérant que, selon les dispositions du 2° de l’article
L. 420-2 du code de commerce, une entreprise se trouve dans une situation
de dépendance économique vis-à-vis du fournisseur
(ou client) avec lequel elle réalise une part importante de ses
ventes (ou achats), dès lors que, dans l’hypothèse où
elle devrait renoncer à ces ventes (ou achats), elle ne disposerait
d’aucune solution équivalente pour poursuivre son activité
;
Considérant que les critères retenus par la jurisprudence
pour déterminer l’existence d’une situation de dépendance
économique sont au nombre de quatre : la part de l’entreprise dans
le chiffre d’affaires de l’entreprise dépendante, la notoriété
de la marque, l’existence ou non de solution alternative, les facteurs
ayant conduit à la situation de dépendance (choix stratégique
ou obligé de la victime du comportement dénoncé) ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que le report de
la date d’entrée en vigueur de la réglementation imposant
le transport par route de matériels contaminés dans des emballages
de type A et le rejet par EDF UTO de la candidature de la société
SNMO n’ont pas été de nature à mettre en péril
l’existence de celle-ci ; que l’entreprise a pu bénéficier
de commandes d’autres opérateurs et qu’une partie de celles-ci a
été reportée sur les années 1994 et 1995 ;
qu’enfin, si la part des emballages a fortement baissé dans son
chiffre d’affaires à partir de 1995, la société a
pu orienter son activité vers la fabrication et le négoce
de cabines de sablage, sans qu’il soit établi que cette réorganisation
lui ait occasionné des coûts tels qu’ils aient mis en cause
la viabilité de l’entreprise ; qu’il suit de là que la société
SNMO ne se trouve pas dans une situation de dépendance économique
vis-à-vis d’EDF ;
C. - En ce qui concerne les éléments constitutifs d’une
entente entre EDF et la société SIGED
Sur la demande de report d’entrée en vigueur de l’arrêté
du 15 septembre 1992
Considérant qu’il n’est pas démontré que la demande
de report par EDF de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté
ait été motivée par la volonté de faire bénéficier
la société SIGED des commandes commerciales de matériels
aux nouvelles normes ; qu’avant juin 1994, cette société
n’avait d’ailleurs pas de relations avec EDF UTO ; que le seul élément
figurant au rapport d’enquête fait état d’un " contact entre
EDF et cette société " sans qu’il soit précisé
à quel moment ce contact a eu lieu et quel en aurait été
l’objet ; que, si, au début de 1993, la société SIGED
avait bien été déclarée adjudicataire d’un
important marché de conteneurs de type A passé par Socodei,
filiale d’EDF, cet élément est insuffisant pour conclure
à l’existence d’une entente anticoncurrentielle entre EDF et la
société SIGED ; que, contrairement aux affirmations de la
société SNMO, celle-ci n’était pas la seule entreprise
capable de fabriquer des emballages de type A conformes à la règle
mentionnée ; que la société SIGED et d’autres entreprises,
concurrentes de la société SNMO, maîtrisaient également
la technique de fabrication de ce type d’emballage ; qu’ainsi, la société
SIGED avait fabriqué, en juillet 1993, des emballages de type A
de grande dimension, suite à une commande émanant de la société
Socodei, passée le 21 février ; qu’il est donc probable que
la technologie des caisses et des petits emballages de type A n’était
pas de nature à lui poser de problèmes particuliers ; qu’ainsi,
les affirmations de la société SNMO selon lesquelles la demande
de report de la date d’application de l’arrêté du 15 septembre
1992 n’aurait eu pour objet que de permettre à la société
SIGED d’adapter sa fabrication des emballages de type A à la nouvelle
réglementation, ou de priver la SNMO d’une opportunité, ne
sont pas fondées ;
Sur le déroulement de la procédure de passation des marchés
EDF-UTO de 1994
Considérant qu’EDF a choisi, pour s’approvisionner en produits
" sur mesure ", de définir les spécifications de ses besoins
et de faire concevoir et exécuter les produits par des fournisseurs
extérieurs ; que la société Framatome a préféré,
au contraire, concevoir elle-même les produits et les faire exécuter
sur place par ses fournisseurs ; que chaque option relève du libre
choix des entreprises et qu’il n’appartient pas au Conseil de se prononcer
sur la pertinence du choix économique retenu par EDF ;
Considérant qu’aucun élément du dossier ne permet
d’affirmer que les clauses techniques mises au point par EDF auraient été
définies de manière qu’elles ne puissent être respectées
que par une seule entreprise, la société SIGED ;
Considérant qu’ EDF a respecté la procédure prévue
par la directive européenne n° 93-38 du 14 juin 1993, qui précise
que les entités adjudicataires peuvent gérer un système
de qualification de fournisseurs sur la base de règles et de critères
objectifs afin " de réduire le nombre des candidats à un
niveau justifié par la nécessité d’équilibre
entre les caractéristiques spécifiques de la procédure..
" mais " le nombre des candidats retenus doit toutefois tenir compte du
besoin d’assurer une concurrence suffisante " ; que l’établissement
public a sélectionné, au vu des vingt et un dossiers d’examen
d’aptitude qui lui étaient parvenus, un certain nombre d’entreprises
(cinq pour le marché des conteneurs, dix pour le marché des
caisses) auxquelles il a adressé un exemplaire du cahier des spécifications
des conditions techniques et a demandé des propositions techniques
et commerciales sous plis séparés ; que, compte tenu des
caractéristiques du secteur concerné, il n’apparaît
pas injustifié que l’établissement public ait sélectionné,
sur les 21 dossiers, respectivement cinq et dix entreprises pour chacun
des marchés ;
Considérant qu’il n’est pas démontré qu’EDF aurait
appliqué de manière discriminatoire les critères de
choix de ses fournisseurs ; que le seul fait qu’EDF ait introduit un critère
éliminatoire spécifique, " contentieux commercial prolongé
avec le fournisseur ", pour les appels d’offres EDF-UTO de juin 1994, ne
saurait à lui seul témoigner de la volonté de l’établissement
public d’éliminer la société SNMO du marché
; qu’en effet, la prise en compte d’un tel critère traduit la préoccupation
légitime de tout gestionnaire d’éviter des risques dans l’exécution
des contrats à venir ; qu’enfin, il n’appartient pas au Conseil
de se prononcer sur la nature de ce contentieux pour apprécier la
pertinence de l’application qui a pu être faite du critère
spécifié ;
Considérant, de même, qu’il n’a pu être établi
qu’EDF a éliminé SNMO sur une application discriminatoire
des critères techniques ; qu’en premier lieu, l’enquête ne
permet pas de contester sérieusement les évaluations des
différents fournisseurs ; que le rejet de la candidature de la société
SNMO est motivé ; qu’au surplus, et à supposer même
que la société SNMO aurait été défavorisée
par rapport à ses concurrents, aucun élément ne permet
de démontrer que ces pratiques s’inscrivent dans le cadre d’une
entente entre EDF et la société SIGED, en vue d’évincer
la société SNMO, ni même d’établir que seule
la société SIGED aurait pu bénéficier de la
pratique litigieuse ;
Considérant que, si la Commission des marchés d’EDF, instituée
par le décret n° 48-1442 du 18 septembre 1948 pour émettre
des avis sur les marchés et avenants passés par EDF, n’a
pas été consultée sur le marché en cause, ce
constat ne suffit pas à démontrer l’existence d’une pratique
anticoncurrentielle, d’autant que les éléments recueillis
ne permettent pas de savoir si, habituellement, tous les marchés
de cette importance sont examinés par la commission susvisée
; qu’en définitive, ni l’existence de l’entente alléguée,
ni la réalité des pratiques auxquelles elle aurait donné
lieu ne sont établies ;
D. - Sur l’existence éventuelle d’un délit de favoritisme
Considérant que les pratiques susceptibles de relever des dispositions
des lois n° 91-531 du 3 janvier 1991 et de l’article 49-III de la loi
n° 93-112 du 29 janvier 1993 n’entrent pas dans le champ de compétence
du Conseil de la concurrence ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède
qu’il y lieu d’appliquer les dispositions de l’article L. 464-6 du code
précité et de décider qu’il n’y a pas lieu de poursuivre
la procédure,