LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Vu la lettre enregistrée le 18 octobre 1999, sous le numéro
F 1177, par laquelle la Société Time and Diamond (TAD) a
saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le
secteur de l’horlogerie ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l’application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par les sociétés
TAD et Seiko France et par le commissaire du Gouvernement ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et les représentants des sociétés TAD
et Seiko France entendus lors de la séance du 15 novembre 2000 ;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
les motifs (II) ci-après exposés,
I. - Constatations
Par contrat en date du 10 mai 1982, la société Hattori
Seiko Corporation Ltd a confié à la Compagnie Générale
Horlogerie (ci-après CGH) la distribution exclusive, notamment en
France, des produits de la marque Seiko ; en 1996, le bénéfice
de cette exclusivité a été transféré
à la société Seiko France, filiale à 100 %
de la société Hattori ; par contrat en date du 20 février
1996, la CGH a, en effet, apporté l’ensemble de son actif à
la société Seiko France, qui vient donc aux droits du cédant
;
La société Seiko France commercialise les produits Seiko
par l’intermédiaire de distributeurs agréés choisis
en fonction de critères qualitatifs (l’accord de distribution sélective
a été notifié à la Commission européenne
et a bénéficié d’une lettre de classement en date
du 30 juin 1989), mais les produits Seiko sont également revendus
dans un réseau parallèle par l’intermédiaire de distributeurs
n’appartenant pas au réseau de distributeurs agréés
; ces distributeurs, parmi lesquels figurent la société TAD,
sont approvisionnés en produits Seiko ; la société
TAD soutient, d’une part, que le groupe Seiko ne peut, sans violer les
dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, choisir de faire
procéder à une distribution sélective de ses produits
par la société Seiko France et, par ailleurs, approvisionner
directement à partir du Japon un réseau de distribution parallèle
; elle fait valoir, d’autre part, que la société Seiko France
méconnait également ces dispositions en vendant ses produits
dans le réseau dit " non officiel " à des conditions discriminatoires,
dès lors qu’elle refuse, dans ce cas, de transmettre les bons de
garantie internationaux attachés aux montres qu’elle vend dans son
réseau dit sélectif ;
Sur la base de ces constats, un grief d’entente verticale a été
notifié à la société Seiko France.
II. – Sur la base des constatations qui précèdent, le
Conseil,
Considérant, en premier lieu, qu’il est loisible à la
société Seiko France de déterminer librement les conditions
de distribution de ses produits et de faire coexister au sein de son réseau
de distribution plusieurs catégories de distributeurs selon le type
de relations commerciales qu’elle entretient avec eux, dès lors
qu’il n’en résulte aucune discrimination de nature anticoncurrentielle
;
Considérant, en second lieu, que l’existence d’un double système
de distribution n’est pas, en soi, anticoncurrentiel puisque cela permet
aux consommateurs de bénéficier d’une offre plus abondante
et plus diversifiée ;
Considérant que la partie saisissante fait valoir que le réseau
parallèle est approvisionné par le groupe Seiko lui-même
; qu’ainsi, le groupe aurait choisi de livrer, d’une part, des montres
bénéficiant de la garantie internationale à son réseau
de distributeurs agréés et, d’autre part, des montres ne
bénéficiant pas de la garantie internationale au réseau
parallèle ; qu’une telle pratique, à la supposer établie,
ne constitue pas une pratique discriminatoire ; qu’en effet, les deux catégories
de distributeurs ne sont pas placées dans des situations équivalentes
; qu’ainsi, les distributeurs agréés doivent répondre
aux critères de sélection, alors que les distributeurs du
réseau parallèle ne sont pas soumis aux mêmes sujétions
; que, dès lors, le fait de distribuer des produits ayant des caractéristiques
différentes dans des réseaux différents ne constitue
pas en lui-même, une pratique anticoncurrentielle ;
Considérant, enfin, que la société Seiko France,
selon les observations écrites du commissaire du Gouvernement, ne
détient guère plus de 10 % du segment " moyenne gamme " du
marché de l’horlogerie ; qu’en outre, aucun élément
du dossier ne permet de supposer que la partie saisissante serait dans
une situation de dépendance économique vis-à-vis de
Seiko France ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
qu’il n’est pas établi que les pratiques dénoncées
par TAD soient constitutives de pratiques anticoncurrentielles visées
par les articles L. 420-1 ou L. 420-2 du code de commerce,