LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en commission permanente,
Vu la lettre enregistrée le 24 avril 1998 sous le numéro
F 1047, par laquelle le ministre de l’économie, des finances et
de l’industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées
lors de la passation de marchés de revêtements de sols et
de peinture conclus à l’occasion d’opérations de construction,
reconstruction et rénovation d’immeubles, réalisées
pour le compte de collectivités ou établissements publics
du département du Finistère ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986, modifié, pris pour application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par les sociétés
Rumayor, Périou et Kerdreux-Garlatti et par le commissaire du Gouvernement
;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire
du Gouvernement entendus lors de la séance du 26 septembre 2000,
les sociétés Rumayor, Périou, Kerdreux-Garlatti et
Dilasser ayant été régulièrement convoquées
;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
sur les motifs (II) ci-après exposés :
I - Constatations
A - Les marchés concernés
Il s’agit de marchés publics organisés sous forme d’appels
d’offres ouverts en 1993, 1995 et 1996, relatifs à des travaux de
revêtements de sols et de peinture réalisés dans le
cadre d’opérations de rénovation d’immeubles appartenant
à des collectivités ou établissements publics.
Sont ainsi concernés :
l’appel d’offres ouvert en 1993 par le Conseil général
de Bretagne pour la modernisation du lycée agricole de Morlaix au
titre du lot n° 3 " revêtement de sol- faïence " ;
l’appel d’offres ouvert en 1993 par la mairie de Saint-Pol-de-Léon
pour la construction de la bibliothèque municipale au titre du lot
n° 10 " revêtement de sols et faïence " ;
l’appel d’offres ouvert en 1995 pour l’OPAC départemental du
Finistère pour la construction de cinq logements locatifs à
Carantec au titre des lots n° 10 " revêtement de sols durs "
et 11 " revêtements de sols souples " ;
l’appel d’offres ouvert en 1994 par le Conseil général
du Finistère pour l’extension du GIP Bretagne Biotechnologies à
Saint-Pol-de-Léon au titre du lot n° 11 " carrelage-revêtements
de sols " ;
l’appel d’offres ouvert en 1996 par le Syndicat intercommunal de Saint-Pol-de-Léon
pour la construction du centre de secours au titre du lot n° 11 " peinture-revêtement
de sol " ;
l’appel d’offres ouvert en 1995 par le CNRS délégation
Bretagne pour créer un centre de conférence et de formation
initiale continue à la station biologique de Roscoff, au titre des
lots n° 10 " revêtements de sols " et 11 " peinture ".
Les caractéristiques de ces divers marchés sont retracées
dans le tableau suivant :
Marchés |
Morlaix
Modernisation du service restauration du Lycée Suscinio
|
Saint-Pol
de Léon
Construction d’une bibliothèque municipale
|
Carantec
OPAC
Habitat 29
|
Saint-Pol de Léon
GIP Prince de Bretagne
|
Saint-Pol de Léon
Construction d’un centre de secours
|
Roscoff
Réhabilitation d’un immeuble à la station biologique
|
Date limite de réception des offres |
24/11/95 |
25/03 au 07/05/93 |
17/10/95 |
03/11/95 |
06/05/96 |
26/01/96 |
Maîtres d’ouvrage |
Conseil Régional de Bretagne |
Mairie de Saint Pol de Léon |
OPAC départemental |
Conseil général du Finistère |
SIVU de Saint Pol de Léon |
CNRS |
Montant total du marché
(ensemble des lots)
|
3.973 KF (TTC)
(estimation)
|
2.651 KF (HT)
(estimation
|
1.679 KF (TTC)
(réel attribué)
|
828 KF (HT)
(estimation
|
3.859 KF (TTC)
(estimation)
|
8.900 KF
|
Lots concernés |
n° 3 |
n° 10 |
n° 10 et 11 |
n° 11 |
n° 11 |
n° 10 et 11 |
Montants des lots |
162 758 |
146 456 |
65 057 |
61 550 |
120 228 |
626 367 |
Attributaires |
LE TEUFF |
RUMAYOR |
ARECA |
RUMAYOR |
DECORS & techniques |
Groupement RUMAYOR, DILASSER, KERDREUX &
GARLATTI |
Les cinq entreprises concernées sont des petites et moyennes
entreprises qui, à l’époque des faits, ont réalisé
un chiffre d’affaires compris entre 2 760 KF et 14 000 KF. Elles sont implantées
localement et travaillent essentiellement dans le département du
Finistère.
B - Les pratiques relevées
1. En ce qui concerne le marché de la modernisation du service
de restauration du lycée agricole de Suscinio à Morlaix
Une télécopie du 22 novembre 1995 émanant de l’entreprise
Rumayor a été découverte par le maître d’œuvre,
la société Isateg, dans l’offre de l’entreprise " La Fraternelle
", ce qui a conduit le maître d’œuvre à annuler l’appel d’offres
et à en organiser un nouveau en 1996, dont ont été
exclues les entreprises en cause. Cette télécopie est une
copie du bordereau quantitatif et estimatif élaboré par le
maître d’ouvrage. Dans les rubriques de ce bordereau sont portées
à la main des indications de prix et de quantités servant
à déterminer le prix final. Elles sont strictement identiques
à celles contenues dans l’acte d’engagement transmis par la SCOP
La Fraternelle au maître d’œuvre, qu’il s’agisse de chacun des travaux
prévus par le bordereau ou du montant total de ceux-ci arrêté
à la somme de 202 795 F HT. Parallèlement, l’offre de l’entreprise
Rumayor est fixée à 172 316 F HT.
Dans une déclaration faite le 5 juin 1996 aux enquêteurs,
M. Rumayor, de la société Rumayor, a indiqué : " Dans
le cadre de nos bonnes relations avec l’entreprise La Fraternelle, rue
Villeneuve à Morlaix, ayant pour activité plâtrerie
et carrelage, j’ai transmis par télécopie du 22 novembre
1995 à la demande de M. Talegas, gérant en 1995 de cette
société coopérative ouvrière, une estimation
chiffrée basée sur ma propre estimation. Cette entreprise
n’étant pas spécialisée dans le revêtement plastique,
M. Talegas. m’a demandé de lui remettre une étude afin de
récupérer sa caution dont je ne connais pas le montant ".
De son côté, le même jour, M. Bougeant, de l’entreprise
La Fraternelle, a déclaré : " En ce qui concerne le fax de
la Sarl Rumayor en date du 22 novembre 1995 (10H48), trouvé dans
notre proposition par le cabinet ISATEG et que vous m’avez présenté
en me précisant son origine, nous avons répondu à
ce marché sur proposition de M. Rumayor mais nous n’étions
pas intéressés par ce marché ou les prestations demandées.
Il y avait beaucoup de sols soufflés et nous n’avons pas d’agrément
dans ce domaine. Rumayor a, par contre, une qualification dans ce domaine.
Nous avons, par erreur, joint la télécopie de Rumayor à
notre proposition ".
Par ailleurs, dans une déclaration faite à la même
date, M. Périou, de l’entreprise Périou, a fait état
d’une communication avec M. Rumayor à propos de ce marché
: " En ce qui concerne le marché du lycée de Suscinio à
Morlaix, je vous apporte les précisions suivantes :
Pour la partie revêtements muraux, j’ai téléphoné
à la société Rumayor, à M. Rumayor Jean-Pierre,
pour avoir communication d’un prix moyen de pose en main d’œuvre. Il m’a
indiqué un prix de 120 F HT au m2 environ. J’ai ajouté à
ce prix, le prix des matériaux avec 10 % de chute pour arriver à
mon prix compte tenu d’une marge estimée à environ 5 %. J’ai
effectué cette démarche dans l’optique d’une éventuelle
sous-traitance ".
Si M. Rumayor a déclaré ne pas se souvenir de cet appel
téléphonique, il admet, en revanche, qu’il a pu communiquer
un tel prix à M. Périou.
2. En ce qui concerne le marché de la construction de la bibliothèque
municipale de Saint-Pol-de-Léon
Dans le dossier relatif à ce marché, remis le 5 juin 1996
par la société La Fraternelle aux enquêteurs, a été
trouvée une télécopie datée du 6 mai 1993 émanant
de la société Rumayor et donnant le détail d’une étude
de prix relative à ce marché. Il s’agit d’un devis portant
sur le lot n° 10 " revêtement de sols " et évaluant à
204 051 F TTC l’offre calculée par l’entreprise Rumayor pour le
compte de la société La Fraternelle.
M. Bougeant, de la société La Fraternelle, a fourni les
explications suivantes : " Il s’agissait également d’un lot comportant
des sols soufflés pour lesquels mon entreprise n’est pas qualifiée
au contraire de la Sarl Rumayor. Comme dans le cas précédent,
M. Rumayor m’a demandé néanmoins de répondre à
l’appel d’offres. Il m’a communiqué par télécopie
le montant minimum auquel je devais répondre et j’ai répondu
plus cher. Le devis communiqué par Rumayor était au total
de 204 051,30 F TTC alors que le mien était de 218 622,99 F TTC.
C’est l’entreprise Rumayor qui avait eu le marché et réalisé
l’ensemble des prestations ".
3. En ce qui concerne le marché de construction de cinq logements
locatifs à Carantec
Un document manuscrit non daté a été communiqué
par la société Rumayor aux enquêteurs le 5 juin 1996.
Il a pour titre " Kerdreux Habitat 29 Carantec, tranche 2 ". Il précise
les quantités et les prix des fournitures nécessaires à
l’établissement des devis des lots n° 10 " sols durs " et 11
" sols collés " de ce même marché.
Interrogé sur la signification de cette étude dans laquelle
figure, en haut à gauche, le nom de la société Kerdreux,
M. Rumayor a déclaré : " Je vous précise qu’il s’agit
d’une entreprise brestoise dont la gérante est Mlle Thomas et le
métreur, M. Fay, avec qui nous travaillons conjoint et solidaire
à l’occasion de gros chantiers. Au cas particulier, c’est M. Fay
qui ne souhaitant pas répondre sur ce dossier mais désirant
récupérer le montant de sa caution (299,09 F) m’a contacté
pour que je lui communique un détail de mon étude. J’ai donc
établi sur un papier sans en-tête une étude comportant
des quantités et des prix unitaires légèrement supérieurs
aux nôtres (pièces 1 et 2) ".
Le représentant de la société Kerdreux-Garlatti
a, pour sa part, déclaré aux enquêteurs : " Dans les
dossiers d’appel d’offres logements locatifs Carantec, M. Rumayor a été
sollicité par nos soins en vue de récupérer la caution
versée pour obtenir le dossier auprès du maître d’ouvrage.
Ces échanges ont dû se faire au dernier moment à tel
point que nous n’avons pas pu répondre sur le marché de Carantec
".
4. En ce qui concerne le marché de l’extension du laboratoire
GIP Prince de Bretagne Biotechnologie à Saint-Pol-de-Léon
Un document manuscrit, intitulé " Kerdreux GIP Saint-Pol de Léon
" a été trouvé dans les locaux de l’entreprise Rumayor.
Elaboré par cette entreprise, il fixe les quantités et prix
à retenir pour le lot n° 11 " carrelage-revêtements de
sols " de ce marché. Il indique un prix total de 65 115 F, supérieur
de plus de 4 000 F à l’offre de la société Rumayor
qui a obtenu le marché.
Dans sa déclaration du 5 juin 1996, M. Rumayor a affirmé
: " Concernant le dossier GIP Prince de Bretagne Biotechnologie, ayant
pour maître d’ouvrage le Conseil général, pour lequel
vous me demandez l’explication de l’annotation "Kerdreux" en haut à
gauche du manuscrit, je vous signale que le cas est identique au premier
que vous avez soulevé : c’est-à-dire souhait par l’entreprise
Kerdreux de récupérer la caution (500 F). J’ai donc répondu
personnellement à cet appel d’offres et j’ai adressé une
étude à l’entreprise Kerdreux avec des prix légèrement
supérieurs aux miens (différence de 4 000 F environ sur l’ensemble
".
De fait, l’offre de l’entreprise Kerdreux a repris exactement les éléments
de ce document et l’entreprise Rumayor a obtenu le marché.
Invitée à présenter des explications, Mme Thomas,
directeur général de la société Kerdreux et
Garlatti, a déclaré, le 22 octobre 1996 : " Je constate que
la comparaison du document établi par Rumayor et par M. Fay mon
collaborateur montre que les libellés, les quantités unitaires
et les prix unitaires sont identiques.
Il n’y a vraisemblablement pas eu d’étude de prix de notre part
sur ce dossier. Je pense que nous n’avons pas travaillé sur le secteur
de Saint—Pol-de-Léon, Roscoff depuis cinq, six ans environ ".
Un collaborateur de cette société a reconnu : " avoir
utilisé ce document, je ne me souviens pas du mode de transmission
(téléphone ou fax). J’ai sollicité M. Rumayor pour
récupérer le chèque de caution d’un montant de 500
F. Habituellement, nous réalisons nos propres études mais
dans ce cas, nous ne disposions pas de suffisamment de temps ".
5. En ce qui concerne le marché de construction du centre de
secours de Saint-Pol-de-Léon
Deux télécopies relatives à l’évaluation
du lot n° 11 " peinture revêtements de sols " de ce marché,
adressées par l’entreprise Dilasser à la société
Rumayor, ont été trouvées dans les documents communiqués
par cette dernière aux enquêteurs. La première, datée
du 8 mars 1996, est un devis détaillé par rubrique de travaux
d’un montant de 183 684 F HT. La seconde, datée du 2 mai 1996, porte
sur les mêmes catégories de travaux mais mentionne un montant
de travaux de 165 549 F HT et porte en bas de page la mention " envoi de
Dilasser ".
Appelé à s’expliquer, M. Rumayor a déclaré
: " S’agissant du centre de secours de Saint-Pol-de-Léon (premier
appel d’offres, mars 1996), vous me demandez l’origine des télécopies
(pièces n° 4 et 5) dont j’étais destinataire. Je vous
indique que cette opération comportait notamment un lot carrelage
et un lot peinture lors du premier appel d’offres qui a été
déclaré infructueux. Je n’ai soumissionné que sur
le lot carrelage. Les télécopies proviennent de l’entreprise
Dilasser, avenue de la Gare – Saint-Pol-de-Léon, spécialisée
en peinture. M. Dilasser m’a adressé, à titre d’information,
la pièce n° 4 étude de prix peinture revêtement
(lot n° 11). Dans ce cas, l’entreprise Dilasser répondait à
l’appel d’offres et j’aurais été éventuellement sous-traitant
compte tenu de l’importance du marché.
Lors du deuxième appel d’offres, sachant que le précédent
avait été infructueux, nous avons pensé qu’il pouvait
s’agir d’une insuffisance de réponses. Avec M. Dilasser, nous avons
convenu de remettre chacun une offre : j’ai donc établi mon devis
(pièce n° 6) pour ce deuxième appel d’offres (lot n°
11) sur la base de l’étude (pièce n° 5), établie
par M. Dilasser. J’ai été informé par le SIVU à
Saint-Pol-de-Léon que j’étais attributaire du seul lot carrelage
".
M. Dilasser a, de son côté, indiqué : " Lorsque
le premier appel d’offres a été déclaré infructueux,
M. Rumayor (fils) m’a appelé pour me demander si j’avais répondu
et pour me demander que l’on réponde en commun sur le deuxième
appel d’offres.
Pour le deuxième tour, nous avons établi notre devis en
commun, en vue de faire deux réponses distinctes aux mêmes
prix. Le devis daté du 2 mai 1996 est un brouillon établi
par mes soins qui a été adressé à M. Rumayor.
En ce qui concerne le premier appel d’offres déclaré infructueux
et pour lequel j’aurais établi le devis du 8 mars 1996 selon les
déclarations de M. Rumayor, je conteste le principe de l’accord
pour le premier appel d’offres et donc l’origine de ce document qui pour
moi n’émane pas de mon entreprise.
Le but du deuxième devis adressé le 2 mai 1996 à
M. Rumayor était de ne pas faire de la surenchère l’un sur
l’autre. On voulait que ce marché reste à une entreprise
locale. Si nous avions été moins disants nous aurions travaillé
en commun selon notre planning : l’entreprise Rumayor m’aurait peut-être
aidé à faire les travaux de peinture, revêtements muraux,
seul lot sur lequel j’avais soumissionné. Préalablement à
ma réponse et à ma connaissance, la mairie de Saint-Pol-de-Léon
n’avait pas été informée de contacts avec l’entreprise
Rumayor ".
Lors du deuxième appel d’offres, l’entreprise Rumayor a soumissionné
sur le lot n° 11 à un prix exactement identique à celui
figurant sur la télécopie envoyée par l’entreprise
Dilasser le 2 mai 1996.
6. En ce qui concerne le marché de la réhabilitation d’un
immeuble à la station biologique de Roscoff
Les documents remis par le CNRS de Rennes font apparaître que
l’entreprise Rumayor s’est groupée avec la société
Kerdreux-Garlatti pour le lot n° 10 " revêtements de sols " et
avec l’entreprise Dilasser pour le lot n° 11 " peinture " de ce marché.
Amenée à indiquer la raison de ce groupement, Mme Thomas,
président du conseil d’administration de la société
Kerdreux-Garlatti, a déclaré, le 22 octobre 1996 : " Je vous
signale qu’en 1996, nous avons obtenu en groupement conjoint avec l’entreprise
Rumayor (mandataire) le marché de station biologique (lot n°
10) à Roscoff - maître d’ouvrage CNRS Délégation
Bretagne et Pays-de-Loire. Nous n’en n’avions pas eu en 1995 ".
De son côté, M. Dilasser a indiqué, le 23 octobre
1996, aux enquêteurs : " Avant le chantier de SIVU centre de secours
de Saint-Pol-de-Léon, il n’y avait jamais eu d’entente (mise en
commun de moyens et de prix) pour répondre aux appels d’offres importants.
On ne s’entend que pour les gros chantiers afin d’éviter l’arrivée
des entreprises extérieures (notamment Brest et Saint-Brieuc) sur
notre marché local. Ainsi, nous nous sommes mis d’accord sur le
principe d’une réponse commune pour les lots que je suis à
même de faire, sur deux marchés : GIP Bretagne de technologie
à Saint-Pol-de-Léon non attributaire - Station biologique
de Roscoff (aménagement ancien hôtel de France). Lot commun
pour lequel nous sommes attributaires.
Je vous précise que dans le cas de la station biologique de Roscoff,
nous nous sommes réunis chez Rumayor pour établir un prix
en commun afin d’établir un document unique tapé par ses
soins. Actuellement, nous ne nous sommes pas encore mis d’accord sur la
part respective que chaque entreprise effectuera sur le lot peinture.
Dans cette affaire, Rumayor avait retiré l’ensemble du dossier
d’appel d’offres, il souhaitait répondre pour les sols scellés
et collés, comme il ne pouvait pas assumer seul les travaux de peinture,
il m’a contacté pour faire une réponse commune ".
C - Les griefs notifiés
Sur la base de ces constatations, les griefs suivants ont été
notifiés :
aux sociétés Rumayor et La Fraternelle, pour mise en
œuvre d’une concertation ayant pour objet de coordonner leurs offres sur
le marché de la modernisation du service de restauration du lycée
agricole de Morlaix et pour effet de tromper, par la remise d’une offre
de couverture, le maître d’ouvrage sur la réalité de
la concurrence.
aux sociétés Rumayor et Périou, pour mise en œuvre
d’une concertation sur le prix de la main d’œuvre afférente au même
marché ayant eu pour objet la coordination de leurs offres et pour
effet d’affaiblir leur intensité concurrentielle.
aux sociétés La Fraternelle et Rumayor, pour mise en
œuvre d’une concertation sur le marché de la construction de la
bibliothèque municipale de Saint-Pol-de-Léon ayant eu pour
objet la coordination de leurs offres et pour effet de tromper le maître
d’ouvrage sur la réalité de la concurrence.
aux sociétés Rumayor et Kerdreux-Garlatti, pour mise
en œuvre d’une concertation ayant eu pour objet la coordination de leurs
offres sur le marché de construction de logements locatifs à
Carantec et pour effet, par le dépôt d’une offre de couverture,
de tromper le maître d’ouvrage sur leur intensité concurrentielle.
aux sociétés Rumayor et Kerdreux-Garlatti, pour mise
en œuvre d’une concertation ayant eu pour objet de coordonner leurs offres
sur le marché de l’extension du laboratoire GIP Bretagne biotechnologie
à Saint-Pol-de-Léon et pour effet, notamment par la remise
d’une offre de couverture, de tromper le maître d’ouvrage sur la
réalité de la concurrence.
aux sociétés Rumayor et Dilasser, pour mise en œuvre
d’une concertation ayant eu pour objet de coordonner leurs offres sur le
marché de construction du centre de secours de Saint-Pol-de-Léon
et pour effet, en particulier par la remise d’une offre de couverture,
de tromper le maître d’ouvrage sur la réalité concurrentielle
de leurs propositions.
aux sociétés Rumayor, Kerdreux-Garlatti et Dilasser,
pour mise en œuvre d’une concertation, par le biais de la création
de groupements en vue d’une soumission commune au marché de la réhabilitation
de l’hôtel de France à la station biologique de Roscoff, ayant
pour objet d’éliminer la concurrence entre les membres locaux des
groupements et de faire obstacle à l’entrée sur les marchés
en cause d’entreprises extérieures et pour effet une répartition
de ces marchés entre les entreprises participant à ces groupements.
II - Sur la base des constatations qui précèdent, le
Conseil,
Sur les pratiques constatées,
En ce qui concerne le marché de la modernisation du service de
restauration du lycée agricole de Suscinio à Morlaix (lot
n° 3)
Considérant, qu’en matière de marchés publics,
une entente anticoncurrentielle entre entreprises peut, notamment, prendre
la forme d’une coordination des offres et d’échanges d’informations
antérieurement à la date où le résultat de
la consultation est connu ; que les échanges d’informations entre
entreprises soumissionnaires à un même marché préalablement
au dépôt effectif de leurs offres, qu’il s’agisse de l’existence
de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur disponibilité
en personnel ou en matériel, de leur intérêt ou de
leur absence d’intérêt pour le marché considéré,
ou des prix qu’ils envisagent de proposer, sont de nature à limiter
l’intensité de la concurrence entre les entreprises qui y participent
;
Considérant qu’une télécopie émanant de
l’entreprise Rumayor a été découverte par le maître
d’œuvre dans l’offre de l’entreprise La Fraternelle ; que celle-ci a repris,
dans ses documents d’engagement, les prix qui y figuraient ; que, dans
une déclaration du 6 juin 1996, le représentant de cette
société a reconnu qu’il n’était pas intéressé
par ce marché mais qu’il avait répondu à l’appel d’offres,
sur proposition de la société Rumayor ;
Considérant, par ailleurs, que M. Périou, de la société
Périou, a déclaré que, pour la partie revêtements
muraux de ce chantier, il avait téléphoné à
M. Rumayor pour avoir le prix moyen de pose en main d’œuvre ; que cette
information lui a permis de calculer son prix final de soumission ; que
son offre sur le lot n° 3 a été jugée la mieux
disante dans le rapport de dépouillement des offres ; qu’elle n’a
pas obtenu le marché en raison de la décision du maître
d’ouvrage de déclarer l’appel d’offre infructueux compte tenu de
la découverte dans le dossier remis par la SCOP La Fraternelle du
document comportant une évaluation chiffrée émanant
de l’entreprise Rumayor ;
Considérant que la société Rumayor, sans contester
la réalité des faits, fait valoir, d’une part, que ceux-ci
se sont produits à l’occasion d’un appel d’offres qui a été
annulé et, qu’en tout état de cause, le prix qu’elle proposait
n’était pas le moins disant ; qu’en conséquence, les pratiques
qui lui sont reprochées n’ont pas eu et n’étaient pas de
nature à avoir un effet sur l’attribution du marché ;
Considérant que, d’autre part, M. Rumayor signale n’avoir gardé
aucun souvenir d’une conversation téléphonique avec M. Périou
sur le prix de la main d’œuvre pour la pose de revêtements muraux
et soutient, qu’à supposer que la matérialité des
faits soit retenue, la communication de cette information n’a eu aucune
influence sur le choix de l’entreprise par le maître d’ouvrage ;
Considérant que, de son côté, la société
Périou, niant avoir participé à un échange
d’informations anticoncurrentiel sur des éléments de prix
d’un marché, expose qu’elle n’avait pas le matériel et le
personnel nécessaires pour réaliser la partie des travaux
afférente aux revêtements muraux en faïence et que, sans
l’information communiquée par M. Rumayor, elle aurait été
incapable de répondre à l’appel d’offres ; qu’au demeurant,
ce type d’information ne pouvait avoir une influence déterminante
sur la fixation des prix, dès lors qu’en raison de la législation
sociale, les prix de main d’œuvre sont peu différents entre entreprises
du même secteur et, qu’au surplus, le coût de main d’œuvre
ne représente qu’une faible partie de la totalité du devis
; qu’enfin, les informations échangées entre les trois entreprises
en cause ne les ont pas empêchées de présenter, lors
du premier appel d’offres, des propositions très différentes
; qu’ainsi, il n’y a pas eu d’atteinte sensible au marché ;
Mais considérant, en premier lieu, que l’échange d’informations
entre la société La Fraternelle et la société
Rumayor n’a pas été sans effet, dès lors que cette
dernière, assurée de bénéficier d’une offre
de couverture de la part de la société La Fraternelle, a
pu présenter une offre inférieure de 15 % qui l’a conduite
à être la moins disante ;
Considérant, en second lieu, que l’échange d’informations
entre la société Rumayor et la société Périou
est intervenu préalablement à la date limite de réception
des offres ; que les éléments de prix relatifs à la
main d’œuvre nécessaire à la pose de faïence sur d’importantes
superficies ne sont nullement négligeables dans la décomposition
du prix final ; qu’à supposer que la SA Périou n’ait pas
eu les moyens techniques et le personnel nécessaires à la
réalisation de cette partie des travaux, il lui était loisible
de rechercher des partenaires pour constituer un groupement sans avoir
besoin d’échanger de telles informations avec des sociétés
concurrentes, à l’insu du maître d’ouvrage ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que les sociétés Rumayor, La Fraternelle et Périou
ont mis en œuvre une concertation relative aux prix d’un marché
pour lequel elles ont fait le choix de présenter des offres séparées
; que cette concertation, ayant eu pour objet d’élaborer ou de fixer
en commun le montant de leurs propositions, a faussé le jeu de la
concurrence et trompé en outre le maître d’ouvrage sur la
réalité et l’étendue de la concurrence entre les soumissionnaires
au marché considéré ;
En ce qui concerne le marché de la construction de la bibliothèque
municipale de Saint-Pol-de-Léon (lot n° 10)
Considérant que la société Rumayor a adressé
par télécopie, le 6 mai 1993, un devis à la société
La Fraternelle contenant des indications de prix minimum pour le marché
auquel cette dernière était invitée à soumissionner
dans le cadre de l’appel d’offres ouvert par la mairie de Saint-Pol-de-Léon
; que, de fait, la société La Fraternelle a répondu
à cette soumission en couvrant, par une offre supérieure,
la société Rumayor, qui a obtenu le marché ;
Considérant que la société Rumayor soutient que
la procédure diligentée à son encontre sur ce marché
est prescrite, du fait que les pratiques qui lui sont reprochées
se sont étendues entre la date de lancement de l’appel d’offres,
le 25 mars 1993, et la date limite de soumission, fixée au 7 mai
1993 ; que, pour satisfaire aux dispositions de l’article L. 462-7 du code
de commerce, un acte tendant à la recherche et à la constatation
des faits aurait dû intervenir avant le 7 mai 1996 ; que la seule
mesure d’enquête susceptible d’avoir un effet interruptif de prescription
est constituée par les procès-verbaux dressés par
les enquêteurs le 5 juin 1996, dans les locaux des deux entreprises
en cause ;
Considérant, s’agissant de la prescription, que la visite des
enquêteurs, le 5 juin 1996, est le seul acte ayant permis de saisir
le dossier de ce marché et de découvrir l’existence de la
télécopie adressée par la société Rumayor
; que cet acte est intervenu plus de trois ans après la commission
des faits ; qu’en conséquence, le Conseil ne peut se prononcer sur
les pratiques intervenues sur ce marché qui n’ont fait l’objet,
dans ce délai, d’aucune recherche et constatation ;
En ce qui concerne le marché de la construction de cinq logements
locatifs à Carantec (lots n° 10 et 11)
Considérant que le document intitulé " Kerdreux Habitat
29 Carantec ", retrouvé dans le dossier de ce marché, communiqué
par la SARL Rumayor, démontre que cette société a
adressé à la société Kerdreux-Garlatti une
étude de prix pour ce marché, légèrement supérieure
au montant de ses propres offres ; que les deux entreprises ont déclaré
avoir eu l’intention de présenter des offres ; que, si la société
Kerdreux-Garlatti n’a pas soumissionné effectivement, c’est en raison
de la date tardive de cet échange par rapport à la date limite
de remise des offres ; que, néanmoins, ces deux sociétés
concurrentes ont échangé des informations alors qu’elles
avaient l’intention de déposer leurs propositions séparément
;
Considérant que la société Rumayor avance qu’elle
a communiqué une étude de prix à la demande de la
société Kerdreux-Garlatti pour permettre à celle-ci
de déposer une offre et de récupérer sa caution ;
qu’en toute hypothèse, l’échange d’informations n’a pas eu
d’influence sur le déroulement de la procédure d’appel d’offres,
ses propositions sur les lots n° 10 et 11 étant sensiblement
supérieures à celles de l’entreprise retenue par le maître
d’ouvrage ;
Considérant que, de son côté, la société
Kerdreux-Garlatti confirme qu’elle a demandé des éléments
permettant d’établir rapidement une offre, non pour emporter un
marché qu’elle n’avait pas les moyens de réaliser, mais pour
obtenir la restitution de la caution versée pour avoir le dossier
de consultation ; qu’elle soutient que la jurisprudence du Conseil de la
concurrence subordonne la qualification d’entente illicite au dépôt
par l’entreprise d’un dossier de soumission auprès du maître
d’ouvrage ; qu’en l’espèce, n’ayant pas effectivement déposé
de soumission, elle n’a pu mettre en œuvre une entente prohibée
au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce ; qu’en conséquence,
le grief qui lui a été notifié doit être retiré
;
Mais considérant qu’il est établi que les sociétés
Rumayor et Kerdreux-Garlatti ont échangé des informations
sur leur prix de soumission à un moment où elles avaient
toutes les deux l’intention de déposer des offres, peu important
le mobile qui a conduit cette dernière société à
demander à la société Rumayor de lui communiquer son
étude de prix ; que seules des circonstances indépendantes
de sa volonté, liées à la brièveté du
délai ayant séparé la réception de l’étude
de prix de la date limite de présentation des offres, ont empêché
la société Kerdreux-Garlatti de soumissionner à ce
marché ; qu’en indiquant son intention de déposer une offre
légèrement supérieure au prix calculé par la
société Rumayor, elle reconnaît avoir préparé
une offre de couverture laissant la voie libre à cette dernière
;
Considérant, par ailleurs, que la société Kerdreux-Garlatti,
ayant en main le dossier de candidature, avait en sa possession tous les
éléments techniques pour calculer ses prix en fonction de
ses propres coûts ; qu’en outre, dès lors qu’elle s’était
déjà portée candidate sur ces mêmes lots en
1994, elle ne peut invoquer valablement le manque de temps pour calculer
son offre ; qu’elle n’est pas fondée à expliquer sa demande
auprès de Rumayor par son souci de récupérer la caution,
alors qu’elle pouvait elle-même calculer ses prix ; qu’ainsi, les
échanges d’informations entre les sociétés Rumayor
et Kerdreux-Garlatti avaient pour objet l’étude en commun des prix
du marché afin d’échapper au jeu normal de la concurrence
et de tromper, au surplus, le maître d’ouvrage sur la réalité
de celle-ci ;
En ce qui concerne le marché de l’extension du laboratoire GIP
Bretagne biotechnologie à Saint-Pol-de-Léon (lot n° 11)
Considérant que les entreprises Rumayor et Kerdreux-Garlatti
ont échangé des informations sur les prix de ce marché
; que la société Rumayor a calculé le montant de l’offre
communiquée à la société Kerdreux-Garlatti
afin que celle-ci puisse soumissionner à un prix légèrement
supérieur à celui qu’elle allait elle-même proposer ;
que ces deux sociétés se sont entendues pour élaborer
une offre de couverture qui a permis à la société
Rumayor d’obtenir le marché ;
Considérant que la société Rumayor soutient à
nouveau que l’objet de cet échange était la récupération
du dépôt de garantie versé pour retirer le dossier
de consultation, sans volonté d’adopter un comportement commun lors
de la soumission ; que la société Kerdreux-Garlatti estime,
pour sa part, n’avoir pas déposé une offre de couverture
mais une offre de principe sur un marché qui ne l’intéressait
pas ; que cette pratique n’a pu fausser la concurrence dès lors
que, d’une part, les prix proposés par la société
Rumayor étaient conformes à la réalité du marché
et que, d’autre part, il n’est pas établi qu’elle ait reçu
des compensations en contrepartie sur d’autres marchés ;
Mais considérant que, sur un marché où elles étaient
concurrentes et pour l’obtention duquel elles ont toutes deux présenté
des offres, l’échange d’informations entre les sociétés
Rumayor et Kerdreux-Garlatti sur les prix a permis à cette dernière
de faire une offre, sans référence à ses propres coûts,
mais au contraire à partir de prix calculés par une autre
entreprise ; que cette concertation a permis aux deux sociétés,
dont l’une seulement avait l’intention réelle d’emporter le marché,
de fausser le jeu de la concurrence et de tromper de surcroît le
maître d’ouvrage sur un marché où aucune autre entreprise
ne s’était portée candidate ;
En ce qui concerne le marché de construction du centre de secours
de Saint-Pol de Léon (lot n° 11)
Considérant que la société Dilasser a adressé
à la société Rumayor, avant la date limite de remise
des offres, deux devis, l’un daté du 8 mars 1996 et l’autre du 2
mai 1996, détaillant par rubrique le prix des travaux du lot n°
11 de ce marché ; que la société Rumayor a déposé
une offre auprès du SIVU de Saint-Pol-de-Léon, dont le montant
est identique à celui figurant sur le document adressé par
la société Dilasser ; qu’en revanche, cette dernière
a déposé une offre d’un montant inférieur au prix
qu’elle a calculé pour le compte de la société Rumayor
; qu’ainsi, il apparaît que ces deux entreprises se sont entendues
pour coordonner leurs soumissions, en permettant à la société
Rumayor de présenter une offre de couverture ;
Considérant que la société Rumayor, sans contester
avoir établi sa proposition à partir du document adressé
par l’entreprise Dilasser, fait valoir que cette concertation est demeurée
sans effet, le maître d’ouvrage ayant finalement retenu une autre
entreprise ;
Mais considérant que, dans ses déclarations, l’entreprise
Rumayor a reconnu que, lors du premier appel d’offres ouvert pour le lot
" peinture " de ce marché, elle n’avait pas soumissionné
; qu’elle a estimé, avec l’entreprise Dilasser, que l’insuffisance
des réponses avait conduit le maître d’ouvrage à déclarer
cet appel d’offre infructueux ; qu’en conséquence, les deux entreprises
se sont mises d’accord pour présenter chacune une offre sur la base
de l’étude remise par l’entreprise Dilasser ; qu’ainsi, il est établi
que ces deux entreprises, pensant que le maître d’ouvrage souhaitait
un plus grand nombre d’offres, se sont entendues pour être candidates
séparément tout en coordonnant leurs offres, la société
Rumayor couvrant l’entreprise Dilasser, laquelle souhaitait obtenir le
marché ; que le fait qu’une troisième entreprise ait été
retenue par le maître d’ouvrage est sans incidence sur la qualification
de pratiques d’entente retenues contre les sociétés Rumayor
et Dilasser ;
En ce qui concerne le marché de la réhabilitation d’un
immeuble à la station biologique de Roscoff (lots n° 10 et 11)
Considérant que la société Rumayor s’est groupée
avec la société Kerdreux-Garlatti pour le lot " revêtement
de sols " et avec la société Dilasser pour le lot " peinture
" de ce marché ; que cette dernière a déclaré
que le groupement avait été constitué non pour mettre
en commun des compétences techniques et humaines, mais pour faire
obstacle à l’arrivée d’entreprises extérieures sur
le marché local ; que l’absence de répartition a priori des
travaux à réaliser entre les membres des groupements pouvait
laisser croire que ceux-ci n’avaient d’autre but que de faciliter une étude
en commun des prix et de permettre une répartition des lots dans
des conditions inconnues du maître d’ouvrage ;
Considérant, cependant, que les sociétés en cause
se sont réunies sous la forme d’un groupement d’entreprises solidaires
; que le maître d’ouvrage a été dès l’origine
informé du mode d’organisation juridique retenu ; que les actes
d’engagement ont été signés par les trois sociétés
; que, dès lors que cette forme de soumission engageait chaque entreprise
pour la réalisation de la totalité des travaux, aucune ventilation
de ceux-ci ne pouvait être effectuée ;
Considérant, en outre, que tant le montant élevé
du marché, de l’ordre de 630 000 F HT, que les technicités
particulières mises en œuvre dans la pose collée de sols
souples avec soudure à chaud et la réalisation en PCV de
cabines étanches ont pu justifier que des entreprises de moyenne
importance, ne disposant pas chacune de tout le savoir-faire requis pour
ce type de chantier, aient pu se réunir pour mener à bien
ces travaux ;
Considérant, enfin, que ce groupement a permis aux entreprises
membres d’élaborer des propositions suffisamment compétitives
pour leur permettre d’être les moins disantes sur les deux lots en
cause et ainsi de l’emporter par leurs mérites sur les entreprises
extérieures ;
Considérant, en conséquence, qu’il n’est pas établi
que les trois sociétés ayant emporté les lots n°
10 et 11 de ce marché, auxquels ont également soumissionné
d’autres entreprises, se sont livrées à des pratiques dont
l’objet ou les effets étaient anticoncurrentiels ;
Sur les suites à donner
Considérant que, par jugement du tribunal de commerce de Morlaix
en date du 26 juillet 1996, la liquidation judiciaire de la société
La Fraternelle a été ordonnée ; qu’en application
des dispositions de l’article 1844-7° du code civil, ce jugement a
entraîné la fin de la société, laquelle a cessé
toute activité ; qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de
prononcer de sanctions à son égard ;
Sur les sanctions
Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce,
le Conseil de la concurrence " peut infliger une sanction pécuniaire
applicable soit immédiatement, soit en cas d’inexécution
des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées
à la gravité des faits reprochés, à l’importance
du dommage causé à l’économie et à la situation
de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné
et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum
de la sanction est, pour une entreprise de 5 % du montant du chiffre d’affaires
hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice
clos (...) " ; qu’en application de l’article L. 463-3 du même code,
la commission permanente du Conseil peut prononcer les mesures prévues
à l’article L. 464-5 de ce code, les sanctions infligées
ne pouvant, toutefois, excéder 500 000 F pour chacun des auteurs
des pratiques prohibées ;
Considérant que, dans les marchés en cause, des griefs
ont été retenus à l’encontre de cinq sociétés
qui sont des PME prestataires de services en matière de peinture
et de carrelage ; que les accords, échanges d’informations sur les
prix et les pratiques de soumission de couverture ont présenté
un caractère répétitif ; qu’en échangeant des
informations préalablement à la remise des offres, les entreprises
intéressées ont pu limiter la concurrence entre elles et
s’assurer qu’elles déposaient des propositions d’un niveau de prix
supérieur à celles qu’elles auraient présentées
en l’absence de concertation ; que ces entreprises, habituées à
réaliser des travaux de ce type pour le compte de collectivités
publiques, ne pouvaient ignorer la portée des infractions aux règles
de la concurrence pour les travaux exécutés dans ce cadre
; que, dès lors, la gravité de leurs pratiques anticoncurrentielles
est établie ;
Considérant, en revanche, que le montant total des quatre marchés
en cause est évalué à la somme de 409 593 F HT et
porte sur des travaux non renouvelables ; que l’entente entre ces sociétés
n’a, sur aucun de ces marchés, empêché la soumission
d’entreprises tierces extérieures à la concertation qu’elles
ont mise en œuvre entre elles ; qu’ainsi, le dommage à l’économie
est resté limité ;
En ce qui concerne la société Rumayor
Considérant que cette société s’est livrée
à des pratiques anticoncurrentielles prohibées, en premier
lieu, pour l’attribution du marché de pose de revêtements
de sols et de faïences pour la modernisation du service restauration
du lycée agricole Suscinio à Morlaix, en deuxième
lieu, pour l’attribution du marché de pose de revêtements
sur sols durs et sur sols souples pour la construction de cinq logements
locatifs à Carantec, en troisième lieu, pour l’attribution
du marché de pose de carrelage dans les travaux d’extension du laboratoire
GIP Bretagne biotechnologie à Saint-Pol-de-Léon, en quatrième
lieu, pour l’attribution du marché de peinture et de pose de revêtements
de sols dans les travaux de construction du centre de secours de Saint-Pol-de-Léon
; qu’elle a joué un rôle important dans la mise en œuvre de
ces concertations en adressant elle-même, dans trois marchés
sur quatre, les calculs réalisés pour les comptes d’autres
entreprises concurrentes ; qu’elle n’a cependant obtenu qu’un seul de ces
quatre marchés ;
Considérant que la société Rumayor présentait,
pour l’année 1999, un bénéfice de 301 076 F ; qu’elle
a réalisé au 31 décembre 1999, dernier exercice clos
disponible, un chiffre d’affaires de 7 640 535 F ; qu’en fonction des éléments
généraux et individuels tels qu’appréciés ci-dessus,
il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 160 000 F
;
En ce qui concerne la société Périou
Considérant que cette société s’est livrée
à des pratiques anticoncurrentielles prohibées pour l’attribution
du marché de pose de revêtements de sols et de faïences
pour la modernisation du service restauration du lycée agricole
Suscinio à Morlaix ; qu’elle n’a, cependant, pas obtenu ce marché
;
Considérant que la société Périou présentait,
pour l’année 1999, un bénéfice de 141 219 F ; qu’elle
a réalisé au 30 mars 2000, dernier exercice clos disponible,
un chiffre d’affaires de 6 246 708 F ; qu’en fonction des éléments
généraux et individuels tels qu’appréciés ci-dessus,
il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 40 000 F
;
En ce qui concerne la société Kerdreux-Garlatti
Considérant que cette société s’est livrée
à des pratiques anticoncurrentielles, en premier lieu, pour l’attribution
du marché de pose de revêtements sur sols durs et sur sols
souples dans les travaux de construction de cinq logements locatifs à
Carantec et, en second lieu, pour l’attribution du marché de pose
de carrelage dans les travaux d’extension du laboratoire GIP Bretagne biotechnologie
à Saint-Pol-de-Léon ; qu’elle n’a, cependant, pas obtenu
ces marchés ;
Considérant que la société Kerdreux-Garlatti présentait,
pour l’année 1999, un bénéfice de 135 414 F ; qu’elle
a réalisé au 30 septembre 1999, dernier exercice clos disponible,
un chiffre d’affaires de 19 674 248 F ; qu’en fonction des éléments
généraux et individuels tels qu’appréciés ci-dessus,
il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 160 000 F
;
En ce qui concerne la société Dilasser
Considérant que cette société s’est livrée
à des pratiques anticoncurrentielles pour l’attribution du marché
de peinture et de pose de revêtements de sols dans les travaux de
construction du centre de secours de Saint-Pol-de-Léon ; qu’elle
n’a,cependant, pas obtenu ce marché ;
Considérant que la société Dilasser présentait,
pour l’année 1999, un bénéfice de 137 571 F ; qu’elle
a réalisé au 31 août 1999, dernier exercice clos disponible,
un chiffre d’affaires de 2 870 692 F ; qu’en fonction des éléments
généraux et individuels tels qu’appréciés ci-dessus,
il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 30 000 F,