LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,
Vu la lettre enregistrée le 15 juin 1998, sous le numéro
F 1056, par laquelle la société Probinord a saisi le Conseil
de la concurrence des pratiques mises en œuvre par la Fédération
nationale des travaux publics (FNTP), qu’elle estime anticoncurrentielles
;
Vu le traité du 25 mars 1957 modifié, instituant la Communauté
européenne ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l’application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les lettres du 30 mai 2000 de la présidente du Conseil de
la concurrence notifiant aux parties et au commissaire du Gouvernement
sa décision de porter l’affaire devant la commission permanente,
conformément aux dispositions de l’article L. 463-3 du code de commerce
;
Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement,
la société Probinord et la FNTP ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement, la société Probinord et la FNTP entendus lors
de la séance du 6 décembre 2000 ;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - Constatations
A. - Le secteur des travaux publics
En 1998, les entreprises de travaux publics ont réalisé
un chiffre d’affaires de 134 milliards de francs sur le marché intérieur
et 73 milliards de francs sur les marchés extérieurs (50
% en Europe, 18 % en Afrique et 13 % en Amérique du nord). Le secteur
regroupe plus de 8 000 entreprises et 224 000 salariés permanents,
dont 67 % d’ouvriers.
La clientèle publique représente plus de 72 % du chiffre
d’affaires des entreprises de travaux publics.
Le secteur des travaux publics regroupe neuf spécialités
de travaux : les travaux routiers (35 %), les travaux électriques
(20 %), les travaux d’eau et d’assainissement (15 %), les terrassements
généraux (13 %), le génie civil (9 %), les fondations
spéciales, les travaux souterrains, les voies ferrées et
les travaux maritimes et fluviaux.
La FNTP est la fédération des organisations professionnelles
qui regroupent des entreprises spécialisées dans les travaux
publics. Elle gère le système des identifications professionnelles,
qui est actuellement, en France, la seule procédure de qualification
professionnelle existante pour les activités exercées par
les membres de la FNTP.
Le certificat d’identification professionnelle est une attestation,
délivrée par la FNTP aux entreprises des pays de la Communauté
européenne, certifiant que celles-ci ont réalisé,
sur le territoire français ou sous le contrôle de maîtres
d’œuvre ou maîtres d’ouvrage français, des travaux correspondant
à la nomenclature des activités " travaux publics ".
Au niveau européen, afin d’harmoniser les critères de
sélection des entreprises dans les marchés de travaux des
différents pays de l’Union, la Commission européenne a donné,
en 1995, des mandats identiques au CEN (Comité européen de
normalisation) et au CENELEC (son homologue dans le secteur électrique)
pour établir une norme européenne qui fournirait une base
harmonisée. Ces mandats prévoyaient, notamment, que soient
définis des critères de qualification des entreprises. Les
travaux de normalisation ne sont pas achevés, mais un projet de
norme a été soumis pour avis aux membres du CEN.
B. - Présentation des identifications professionnelles délivrées
par la FNTP
1. La procédure
La nomenclature des activités " travaux publics " codifie les
diverses activités exercées par les entreprises dans le domaine
des travaux publics. Elle comprend douze grands groupes d’activité,
à l’intérieur desquels sont distingués des profils
d’entreprises en fonction de la taille, des moyens en personnel et en matériel,
de l’ampleur des réalisations et des spécialités.
L’identification professionnelle d’une entreprise à partir de la
nomenclature ainsi construite se traduit par l’attribution du ou des numéros
de code représentatifs des activités de cette entreprise.
Ces numéros figurent sur la carte professionnelle travaux publics
qui lui est adressée chaque année par la FNTP.
Pour accéder à une demande d’identification, l’entreprise
doit être titulaire d’une carte professionnelle d’entrepreneur de
travaux publics et doit déposer un dossier qui contient les éléments
suivants : détail des effectifs et du parc de matériels possédés
par l’entreprise, ainsi que des certificats de maîtres d’ouvrage
publics ou de maîtres d’œuvre qualifiés datant de moins de
cinq ans. L’attribution d’une identification pour activité régulière
suppose au moins trois certificats valides, l’activité occasionnelle
au moins deux, un seul certificat permettant l’attribution d’une identification
à titre occasionnel pour une durée provisoire allant jusqu’à
deux ans.
Le dossier est adressé à la FNTP où il est confié
au service d’identification professionnelle et enquêtes. Le service
vérifie la validité des documents présentés
et établit les propositions d’identification. Ces propositions sont
ensuite soumises pour avis aux syndicats nationaux de spécialités
concernés et à la fédération régionale
de la région dans laquelle l’entreprise est domiciliée. Ces
organismes disposent de deux mois pour formuler leur avis. Trois mois au
plus tard après le dépôt du dossier, la FNTP délivre
à l’entreprise une nouvelle carte professionnelle avec les identifications
professionnelles accordées.
La carte professionnelle est délivrée chaque année,
sous réserve que l’entreprise soit à jour de ses cotisations.
Les profils et spécialités qu’elle énonce sont valables
cinq ans, voire dix ans pour certains types de travaux peu fréquents.
Lorsque des avis différents sont émis par la fédération
régionale et le syndicat national de spécialités ou
lorsque la décision de la FNTP est contestée par l’entreprise,
un recours peut être formé devant une instance, créée
le 25 septembre 1994. Le dossier est alors confié à un retraité
de la profession, désigné à titre d’expert, représentant
la fédération régionale ou le syndicat de spécialités.
Sur la base de l’identification proposée par la FNTP et le rapport
de la commission de recours, le président du Comité supérieur
de l’identification professionnelle statue souverainement en dernier ressort.
Sur les 8 269 entreprises exerçant une activité de travaux
publics, 6 246 ont fait une demande et ont obtenu une carte professionnelle,
soit 75 % des entreprises du secteur. Le nombre d’entreprises titulaires
d’au moins une identification s’élève à 3 696, soit
45 % des entreprises du secteur. En moyenne, une entreprise dispose de
douze identifications.
2. Les critères d’attribution des identifications professionnelles
La détention de la carte professionnelle
d’entrepreneur de travaux publics
Le règlement intérieur précise dans son article
1 : " La seule condition d’accès aux procédures d’identification
est la possession de la carte professionnelle d’entrepreneur de travaux
publics, délivrée par la FNTP aux entreprises qui réalisent
des travaux publics et qui sont régulièrement inscrites au
fichier national, versent l’ensemble des cotisations (congés payés,
intempéries, CCCA, OPPBTP) légales ou réglementaires
perçues par les caisses de congés payés, ainsi que
la cotisation fédérale professionnelle ". Par ailleurs, le
règlement intérieur précise dans son article 3 que
le demandeur doit fournir à l’appui de sa demande : " Le détail
des effectifs totaux de l’entreprise cotisant dans les caisses de congés
payés du régime travaux publics ".
L’exclusion des travaux réalisés
à l’étranger ou sous le contrôle de maîtres d’ouvrage
et maîtres d’œuvre étrangers
L’article 4 de la charte de l’identification professionnelle établie
par la FNTP précise : " Le certificat d’identification professionnelle
est une attestation, délivrée par la FNTP aux entreprises
des pays de la communauté Européenne, certifiant que celles-ci
ont réalisé, par elles-mêmes, au cours des cinq dernières
années sur le territoire français ou sous le contrôle
de maîtres d’œuvre ou maîtres d’ouvrage français, des
travaux correspondant à la nomenclature des activités travaux
publics... ".
Cette règle de non prise en compte des travaux réalisés
à l’étranger a été évoquée au
cours de réunions du Comité supérieur de l’identification
professionnelle. Le compte rendu de la réunion du 13 mai 1998 précise
: " Concernant les travaux à l’étranger le problème
posé est de s’assurer de la validité de la réalisation
: crédibilité du signataire, travaux réellement effectués,
part éventuellement sous traitée. Les certificats pourraient
être pris en compte pour le renouvellement des identifications uniquement
".
Le compte rendu de la réunion du 10 septembre 1998 précise
: " Prise en compte des travaux à l’étranger. La question
a été posée lors de la réunion du 13 mai 1998.
Le problème est de savoir si les certificats pour des travaux réalisés
à l’étranger doivent être pris en compte pour l’attribution
des nouvelles identifications ou pour le renouvellement. Les certificats
pour des travaux réalisés à l’étranger en Europe
ou dans le monde entier doivent-ils être acceptés ? Du fait
de la difficulté à établir une règle simple
dans ce domaine et les risques de litige en découlant, le comité
décide de confirmer les règles d’attribution actuelles pour
les nouvelles demandes, c’est-à-dire la prise en compte des seuls
certificats de capacité établis par des maîtres d’ouvrage
publics ou maîtres d’œuvre qualifiés français. Le comité
donne son accord pour la prise en compte des travaux réalisés
à l’étranger dans les dossiers de renouvellement uniquement,
sous contrôle des syndicats de spécialités ".
L’obligation
de posséder un parc de matériel déterminé
Selon l’article 1 de la charte de l’identification professionnelle :
" Cette qualification intrinsèque résulte de la capacité
technique, attestée par des références, de l’ampleur
et de la disponibilité des moyens en hommes et matériels,
ainsi que de la surface et de la santé financière de l’entreprise
". Le règlement intérieur précise que, pour justifier
de ses moyens en matériels, l’entreprise candidate doit fournir
les documents suivants à l’appui de sa demande : "- le détail
du parc de matériel possédé par l’entreprise, certifié
sincère par le responsable de l’entreprise ou son représentant
". Le matériel peut appartenir en propre à l’entreprise ou
être acquis en crédit-bail. En revanche, le matériel
qui est loué n’est pas pris en compte pour l’obtention de spécialités
et profils.
Des certificats de capacité qui doivent exclusivement provenir
de maîtres d’ouvrage publics ou de maîtres d’œuvre qualifiés,
limitativement énumérés pour certaines spécialités
Le règlement intérieur précise : " L’entreprise
doit... fournir les documents suivants à l’appui de la demande...
les certificats de maîtres d’ouvrage publics ou de maîtres
d’oeuvre qualifiés, détaillés et chiffrés en
langue française, spécifiant, suivant le cas, les notions
de volume, tonnage, longueur, diamètre, pression, capacité,
débit ou puissance etc... " Par ailleurs, pour certains travaux
de la filière eau, il est indiqué : " Seuls les certificats
de capacité établis par les maîtres d’œuvre qualifiés
(équipement, génie rural, direction des services techniques
et ingénieurs conseils) sont pris en compte pour l’attribution des
identifications relevant du chapitre... ". Ainsi, les certificats des maîtres
d’ouvrage privés ou ceux provenant de certains maîtres d’œuvre
ne sont pas pris en compte pour la délivrance des identifications.
3. Le comportement de la FNTP à l’égard
de la société Probinord et des petites et moyennes entreprises
A deux reprises, en 1994 et en 1998, la FNTP a, dans un premier temps,
refusé à la société Probinord certaines identifications
que cette dernière demandait. Le litige portait sur le profil 30P1
dans le secteur de la voirie, le profil 55P2 et la spécialité
5502 dans le secteur de l’assainissement.
Le service des identifications et les syndicats, consultés lors
de la procédure d’attribution des identifications, ont motivé
leur opposition à l’attribution des profils et spécialités
demandés par des considérations techniques, qu’il s’agisse
du matériel possédé ou de la nature des travaux réalisés
par la société Probinord. Ultérieurement, les voies
de recours internes à la FNTP ont, cependant, permis à la
société Probinord d’obtenir les profils et spécialités
initialement demandés.
La FNTP fait valoir que ses décisions font l’objet de peu de
critiques et que le nombre de litiges est peu élevé malgré
le nombre important de dossiers traités chaque année par
le service de l’identification professionnelle. Sur les 2 500 dossiers
instruits chaque année entre 1996 et 1999, douze seulement ont fait
l’objet d’un recours devant l’instance spécialisée. Neuf
des entreprises concernées ont obtenu totalement satisfaction, deux
partiellement et une seule n’a définitivement pas obtenu les deux
identifications qu’elle demandait.
C. - Le comportement des maîtres d’ouvrage
Les identifications professionnelles de la FNTP permettent aux entreprises
de justifier de leurs qualifications pour la réalisation d’ouvrages
requérant certaines compétences techniques ou certains moyens
de production. Elles sont, d’ailleurs, parfois utilisées par les
maîtres d’ouvrage pour sélectionner des entreprises.
Des investigations effectuées par les services de la DGCCRF auprès
de cinq maîtres d’ouvrage public, il ressort qu’à l’époque,
pour les appels d’offres dans le secteur de la voirie et de l’assainissement,
seul le conseil général de l’Essonne faisait référence
aux identifications professionnelles de la FNTP. Les autres maîtres
d’ouvrage ne mentionnaient pas les identifications professionnelles FNTP.
Ils demandaient simplement aux entreprises candidates de leur fournir des
certificats de capacité ou une liste de références
de travaux.
Les avis d’appels d’offres et de candidatures publiés dans le
Moniteur des travaux publics et du bâtiment du 3 décembre
1999, à la rubrique " Travaux publics ", ont été étudiés.
Dans trois annonces, des identifications professionnelles précises
de la FNTP sont exigées. Ainsi, dans l’annonce n° 49 6394 (Manosque),
il est indiqué : " Justifications à produire : ... Cartes
de qualifications professionnelles : canalisations sous pression : Classification
FNTP profil de l’entreprise : 50P1, 50P2, 5401 ; génie civil et
station de pompage : candidat rubrique 5101 profil 01P0 ou 01P1 " Dans
l’annonce n° 49 5637 (Port de Nice), il est indiqué : " composition
du dossier... la justification des qualifications professionnelles de l’entreprise
et notamment...qualification pour travaux de génie civil en milieu
marin (20P2) ". Enfin, dans l’annonce 49 5605 (Evreux), il est indiqué
: " Justifications et pièces à fournir : Qualifications requises
: lot n°1 nomenclature FNTP 3.0P2, 3.62,3.63, 3.8, 3.9, 5.0.P1, 5.413,
5.1.P1, 5.503, 5.504, 555, 6.P1, 6.82 ".
Par ailleurs, dans quinze autres annonces, des identifications précises
de la FNTP ou des qualifications équivalentes sont exigées.
Il s’agit des annonces 49 (6543-4136-6503-6483-6498-6527-6015-6439-3960-3903-5648-4781-4778-4775)
et 3938. Le candidat a, certes, la possibilité de présenter
des qualifications équivalentes ou similaires à celles délivrées
par la FNTP. Toutefois, il n’existe pas actuellement, en France, de qualification
équivalente ou similaire aux identifications professionnelles de
la FNTP. En conséquence, l’entreprise doit faire état des
identifications professionnelles délivrées par la FNTP.
Ainsi, pour dix-huit appels d’offres de l’échantillon, en l’absence
de qualification équivalente, la détention de certaines identifications
professionnelles de la FNTP est nécessaire pour participer à
la consultation.
Dans près de la moitié des annonces détaillées
étudiées, aucune qualification ou identification professionnelle
n’est exigée. Pour apprécier la qualification des entreprises
candidates, les maîtres d’ouvrage demandent généralement
une liste de références, à laquelle s’ajoutent parfois
des certificats de capacité, une note sur les moyens en personnel
et en matériel et, éventuellement, les qualifications détenues.
Dans ces appels d’offres, l’accès au marché n’est pas conditionné
par la détention d’une identification professionnelle.
D. - les griefs suivants ont été notifiés à
la FNTP
Un grief a été notifié à la FNTP pour avoir
mis en œuvre des pratiques contraires à l’article L. 420-1 du code
de commerce, en délivrant les identifications professionnelles qui
s’appuient sur les quatre critères suivants : la possession de la
carte professionnelle, l’acquisition en pleine propriété
ou en crédit-bail du matériel nécessaire, la preuve
de la réalisation de travaux qui doivent obligatoirement avoir été
réalisés sur le territoire français ou sous contrôle
de maîtres d’ouvrage et d’œuvre français, la détention
de certificats de capacité délivrés par des maîtres
d’ouvrage publics ou par certains maîtres d’œuvre privés qualifiés.
Un grief a également été notifié à
la FNTP pour avoir mis en œuvre des pratiques contraires à l’article
81 du traité de Rome dès lors que, pour obtenir la carte
professionnelle, une entreprise doit avoir un établissement et des
salariés en France et doit pouvoir faire état de travaux
obligatoirement réalisés sur le territoire français,
ou sous contrôle de maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre
français.
II.- Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,
Considérant que la société Probinord soutient que
le taux de 50 % des maîtres d’ouvrage qui exigent des qualifications
FNTP paraît sous-estimé dans la mesure où les publicités
dans le Moniteur des travaux publics sont plutôt représentatives
des petits contrats ou complémentaires des gros contrats ;
Considérant que la FNTP prétend, au contraire, que les
investigations menées auprès des maîtres d’ouvrage
et l’analyse des appels d’offres et de candidatures ne font nullement ressortir
que le défaut de détention d’identifications professionnelles
constituerait une barrière à l’entrée des marchés
de travaux publics ; qu’elle souligne que quatre maîtres d’ouvrage
public sur les cinq qui ont été interrogés par l’enquêteur
de la DGCCRF ne mentionnent aucune identification professionnelle ; qu’à
l’exception d’une courte période, le conseil général
de l’Essonne a accompagné sa demande d’identifications professionnelles
de la mention " ou références de travaux similaires ou équivalents
ou analogues " ; que, dès lors qu’elles peuvent être remplacées
par des références ou attestations équivalentes, le
fait de ne pas détenir des identifications professionnelles ne saurait
justifier qu’une entreprise soit écartée de la consultation
du conseil général de l’Essonne ; qu’elle conteste les données
de la notification de griefs sur les avis publiés dans le Moniteur
des travaux publics ; que, selon son analyse de 74 avis, plus des
deux tiers d’entre eux ne demandent pas d’identification professionnelle,
3 % demandent, au choix, une identification professionnelle ou des références
équivalentes et un seul avis demande exclusivement une identification
professionnelle ;
Mais considérant que, si l’analyse du comportement de cinq maîtres
d’ouvrage et le dépouillement des avis dans un seul numéro
du Moniteur des travaux publics ne permettent pas, à eux seuls,
d’évaluer avec précision la part des appels d’offres dans
lesquels des identifications professionnelles ou des qualifications professionnelles
équivalentes sont demandées, ces données permettent
d’établir que certains maîtres d’ouvrage ou maîtres
d’œuvre exigent des entreprises qu’elles détiennent certaines identifications
professionnelles ; que, si, le plus souvent, ils précisent que l’entreprise
peut présenter des qualifications équivalentes, cette possibilité
n’est pas systématique ; qu’en revanche, il n’existe généralement
pas de système équivalent permettant d’établir de
façon simple et rapide les qualifications dont l’entreprise peut
faire état ;
Considérant que la FNTP fait encore valoir que les modalités
d’application par les maîtres d’ouvrage des identifications professionnelles
délivrées par la FNTP ne lui sont aucunement imputables ;
qu’elle relève que, si la détention de certaines identifications
professionnelles était nécessaire pour accéder à
une consultation, cette situation serait constitutive d’une violation du
principe d’égalité d’accès des candidats à
la commande publique et cette décision, qui relève de la
seule responsabilité du maître d’ouvrage, ne manquerait pas
d’être sanctionnée par les juridictions administratives ;
Mais considérant qu’aucun grief sur les modalités d’application
des identifications professionnelles n’a été notifié
à la FNTP et que le Conseil n’a pas le pouvoir d’apprécier
la légalité des actes administratifs ; qu’il résulte
seulement de ce qui précède que les identifications professionnelles
sont, dans une proportion non négligeable de cas, utilisées
par les maîtres d’ouvrage pour sélectionner des entreprises
et qu’elles permettent aux entreprises de justifier facilement de leurs
qualifications pour la réalisation d’ouvrages requérant certaines
compétences techniques ou certains moyens de production ;
Considérant qu’il suit de là que la détention d’identification
professionnelle est, dans certains cas, une condition de l’accès
au marché et, dans d’autres cas, un élément facilitant
cet accès ;
Considérant qu’en conséquence, pour que le système
d’identification professionnelle soit acceptable au regard des règles
de concurrence, les critères fixés doivent être clairs
et objectifs et de nature à garantir la compétence des professionnels,
sans aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire à
cette garantie ; qu’en outre, ils ne doivent pas être appliqués
de façon discriminatoire ;
Considérant que la FNTP soutient que de telles exigences, conformes
à ce que la jurisprudence exige dans le cas de l’attribution d’un
label ou d’une qualification, ne sauraient lui être opposées
en l’espèce, l’identification ne visant qu’à constater non
une capacité particulière, mais le fait objectif que des
travaux d’un certain type ont été réalisés
;
Mais considérant que, d’une part, les effets d’une absence d’identification
sont de même nature, en ce qui concerne l’accès au marché,
que les effets d’un refus de label ou d’une absence de qualification ;
que, d’autre part, le bénéfice de l’identification ne dépend
pas seulement de constatations objectives relatives à la réalisation
de travaux, mais de critères divers tenant par exemple aux moyens
dont dispose l’entreprise ou encore à une appréciation portée
sur la valeur des certificats délivrés ;
Sur l’obligation de détenir la carte professionnelle,
Considérant que l’article 3 de la charte de l’identification
professionnelle précise : " Le certificat d’identification professionnelle
est une attestation, délivrée par la FNTP aux entreprises
des pays de la communauté européenne, certifiant que celles-ci
ont réalisé, par elles-mêmes, au cours des cinq dernières
années sur le territoire français ou sous le contrôle
de maîtres d’œuvre ou maîtres d’ouvrage français, des
travaux correspondant à la nomenclature des activités travaux
publics... " ;
Considérant que le règlement intérieur prévoit
dans son article 1 : " La seule condition d’accès aux procédures
d’identification est la possession de la carte professionnelle d’entrepreneurs
de travaux publics, délivrée par la FNTP aux entreprises
qui réalisent des travaux publics et qui sont régulièrement
inscrites au fichier national, versent l’ensemble des cotisations (congés
payés, intempéries, CCCA, OPPBTP) légales ou réglementaires
perçues par les caisses de congés payés, ainsi que
la cotisation fédérale professionnelle " ; que l’article
3 de ce règlement intérieur précise que le demandeur
doit fournir à l’appui de sa demande : " Le détail des effectifs
totaux de l’entreprise cotisant dans les caisses de congés payés
du régime travaux public " ;
Considérant que la FNTP soutient que ce critère n’a pas
d’objet discriminatoire ; que la détention de la carte professionnelle
délivrée par la FNTP prouve la parfaite régularité
de la situation des entreprises au regard de leurs obligations légales
et réglementaires, telles que prévues dans le code des marchés
publics ; qu’elle constitue une sécurité pour les maîtres
d’ouvrage, notamment au regard des risques d’emploi illicite de travailleurs
; que la connaissance par la FNTP du système légal et réglementaire
français assure la sincérité et l’objectivité
des informations retranscrites sur les cartes professionnelles et des identifications
professionnelles, ce qui, actuellement, n’est pas assuré dans le
cadre de législations et régimes juridiques disparates ;
Considérant que la FNTP prétend également que cette
exigence n’a pas d’effet discriminatoire ; qu’elle indique que cinq entreprises
ayant leur siège social dans un autre Etat membre de l’Union européenne
sont recensées dans le fichier de la FNTP ; qu’elle précise
que les sociétés étrangères exerçant
leur activité en France, d’une part, peuvent parfaitement faire
valoir les identifications professionnelles ou qualifications obtenues
dans leur pays d’origine et, d’autre part, interviennent habituellement
par l’intermédiaire de filiales implantées localement, qui
peuvent obtenir des identifications pour elles-mêmes ; qu’elle rappelle
qu’elle a été un pionnier et l’acteur prépondérant
de la mise en place d’un système d’identification professionnelle
européen pouvant bénéficier aux entreprises ayant
vocation à travailler sur le marché européen ;
Considérant que, comme le soutient la FNTP, le critère
de la détention de la carte professionnelle permet effectivement
de garantir que l’entreprise est en règle au regard de ses obligations
légales et réglementaires ; que les entreprises étrangères,
dès lors qu’elles opèrent en France, sont soumises aux mêmes
obligations sociales que les entreprises françaises ; que, toutefois,
ce critère exclut de la qualification les entreprises qui n’opèrent
pas en France ; qu’en effet, les entreprises étrangères qui
n’ont pas d’établissement ou qui n’ont pas réalisé
de travaux en France ne peuvent pas obtenir de carte professionnelle et
donc d’identification ; que le fait que cinq entreprises seulement, sur
les 6 246 entreprises qui détiennent une carte professionnelle,
ont leur siège social dans un autre pays de l’nion européenne,
confirme d’ailleurs que les identifications professionnelles sont presque
exclusivement attribuées à des entreprises ayant leur siège
en France ; qu’ainsi, la prise en considération de ce critère
peut avoir pour effet de restreindre la concurrence sur le marché
national et à l’intérieur du marché commun ;
Sur la prise en compte des seuls travaux réalisés sur
le territoire français ou sous le contrôle de maîtres
d’ouvrage ou maîtres d’œuvre français,
Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la charte de l’identification
professionnelle, " Le certificat d’identification professionnelle est une
attestation, ..., certifiant que celles-ci ont réalisé, par
elles-mêmes, au cours des cinq dernières années sur
le territoire français ou sous le contrôle de maîtres
d’œuvre ou maîtres d’ouvrage français, des travaux correspondant
à la nomenclature des activités travaux publics... " ; qu’au
cours de la réunion du 10 septembre 1998 du Comité supérieur
de l’identification professionnelle, il a été décidé
de maintenir cette règle pour les nouvelles demandes, mais de prendre
en compte les travaux réalisés à l’étranger
dans les dossiers de renouvellement ;
Considérant que la FNTP soutient que ce critère n’a pas
d’objet anticoncurrentiel et n’est justifié que par un souci de
sincérité des informations relatées par ces certificats
; qu’en l’absence d’harmonisation communautaire et d’une norme européenne
de qualification, elle ne peut vérifier les certificats de capacité
des autres pays de l’Union européenne ; que ce critère n’a
pas non plus d’effet anticoncurrentiel, car de nombreux marchés
de travaux publics sont réalisés en France par des entreprises
étrangères ; que, lorsque les entreprises françaises
travaillent à l’étranger, c’est,dans près de 90 %
des cas, par l’intermédiaire de filiales implantées localement,
qui n’ont aucune raison de demander en France une identification professionnelle
pour leurs travaux ;
Mais considérant que les travaux réalisés à
l’étranger correspondent à une part non négligeable
de l’activité des entreprises françaises ; qu’en effet, le
chiffre d’affaires à l’étranger des entreprises françaises
du secteur, hors filiales à l’étranger, s’est élevé,
en 1998, à près de 20 milliards de francs, soit 15 % du chiffre
d’affaires réalisé sur le marché intérieur
; que la non prise en compte de travaux réalisés à
l’étranger défavorise les entreprises qui réalisent
une grande part de leur activité à l’étranger ; que,
par ailleurs, ce critère ne permet pas aux entreprises étrangères
qui n’ont encore jamais réalisé de travaux en France d’obtenir
des identifications professionnelles ;
Considérant, au surplus, qu’en décidant, à partir
du mois de septembre 1998, de prendre en compte des travaux réalisés
à l’étranger pour le renouvellement des identifications,
la FNTP a démontré qu’elle était capable d’apprécier
la fiabilité et le sérieux des certificats qui proviennent
de maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre étrangers ;
que la prise en compte des certificats étrangers pour les seuls
renouvellement d’identifications est une mesure discriminatoire ; qu’en
effet, cette nouvelle règle est plus favorable aux entreprises qui
détiennent déjà des identifications, et qui ont donc
déjà travaillé en France, qu’à celles qui déposent
une première demande ;
Considérant, ainsi, que ce critère peut avoir pour effet
de restreindre la concurrence sur le territoire national et de cloisonner
le marché français ;
Sur la nécessité d’être propriétaire ou d’avoir
acquis en crédit-bail le matériel nécessaire,
Considérant que selon l’article 1 de la charte de l’identification
professionnelle : " Cette qualification intrinsèque résulte
de la capacité technique, attestée par des références,
de l’ampleur et de la disponibilité des moyens en hommes et matériels,
ainsi que de la surface et de la santé financière de l’entreprise
" ; que le règlement intérieur prévoit que, pour justifier
de ses moyens en matériels, l’entreprise candidate doit fournir
les documents suivants à l’appui de sa demande : "- le détail
du parc de matériel possédé par l’entreprise, certifié
sincère par le responsable de l’entreprise ou son représentant
" ; que la FNTP précise que le matériel peut appartenir en
propre à l’entreprise ou être acquis en crédit-bail
; qu’elle ajoute, dans ses observations, que ce critère est étendu
au matériel détenu par le biais d’une société
auxiliaire de matériel (SAM) ; qu’ainsi, le matériel qui
est loué n’est pas pris en compte pour l’obtention de spécialités
et profils ;
Considérant que la FNTP fait valoir que la capacité technique
des entreprises est appréciée au regard de leurs moyens en
main d’œuvre et en matériel ; qu’en contrepartie, elle n’exige pas
des entreprises de faire la preuve de leur capacité financière,
notamment par la production de ratios, capitaux propres ou liquidités,
tels que ceux prévus par le projet de norme européenne ;
que, par ailleurs, le régime fiscal dérogatoire des sociétés
auxiliaires de matériel (SAM) permettait aux entreprises de mettre
en commun leur matériel ; que, cependant, la suppression de cet
avantage fiscal a entraîné le développement du recours
à la location ; qu’ainsi, elle indique que le critère de
propriété du matériel, qui était justifié
par le passé, ne l’est plus, ce qui pourrait conduire la fédération
à y renoncer pour certaines spécialités pour lesquelles
la compétence du personnel de l’entreprise est une garantie de la
capacité de l’entreprise à mettre en œuvre le matériel
loué ; qu’elle précise que le règlement intérieur
sera modifié en conséquence ;
Considérant que, si la capacité d’une entreprise à
réaliser certains travaux nécessite qu’elle puisse disposer
de certains matériels, il importe peu qu’elle en soit ou non propriétaire
; que le fait de ne pas prendre en compte le matériel loué
conduit à évincer certaines entreprises qui, pourtant, possèdent
toutes les compétences techniques ; que ce critère défavorise
les petites et moyennes entreprises ou celles qui veulent pénétrer
sur un nouveau marché, surtout lorsque l’activité nécessite
de gros investissements ; que, comme le reconnaît la FNTP, ce critère
n’est pas nécessaire pour les spécialités pour lesquelles
la compétence du personnel garantit la capacité de l’entreprise
à mettre en œuvre le matériel loué ; que ce critère
peut donc avoir pour effet de restreindre la concurrence sur les marchés
concernés ;
Sur la prise en compte des seuls certificats de capacité délivrés
par les maîtres d’ouvrage publics ou certains maîtres d’œuvres
qualifiés,
Considérant qu’aux termes du règlement intérieur
: " L’entreprise doit... fournir... les certificats de maîtres d’ouvrage
publics ou de maîtres d’œuvre qualifiés, détaillés
et chiffrés en langue française,... " ; que, pour certains
travaux de la filière eau, il est indiqué : " Seuls les certificats
de capacité établis par les maîtres d’œuvre qualifiés
(équipement, génie rural, direction des services techniques
et ingénieurs conseils) sont pris en compte pour l’attribution des
identifications relevant du chapitre... " ;
Considérant que la FNTP soutient que ce critère n’a pas
d’objet anticoncurrentiel ; que les entreprises de travaux publics travaillent
à plus de 80 % pour des maîtres d’ouvrage publics qui sont
compétents techniquement ; que, dans certaines spécialités,
la compétence technique du maître d’ouvrage est déléguée
à un maître d’œuvre (par exemple, pour les petites communes,
à la DDE ou à la DDA) ; que, dans ce cas, le certificat est
demandé au maître d’œuvre que le maître d’ouvrage a
jugé qualifié pour assurer cette mission ; que, pour les
travaux purement privés où le maître d’ouvrage n’est,
en général, pas un homme de l’art, la capacité technique
est déléguée à des bureaux d’études
techniques, seuls capables d’établir les certificats nécessaires
; qu’ainsi, ce critère vise à garantir la pertinence et la
sincérité des informations relatées dans ces certificats
par des maîtres d’ouvrage publics techniquement compétents,
ce qui peut ne pas être le cas de certains maîtres d’ouvrage
privés, qui s’en remettent, alors, à des maîtres d’ouvrage
délégués ou à des maîtres d’œuvre techniquement
compétents ;
Considérant que la FNTP fait également valoir que ce critère
n’a pas d’effet anticoncurrentiel ; que les travaux réalisés
dans le cadre des marchés privés peuvent être pris
en compte par l’intermédiaire des certificats établis par
les maîtres d’œuvre ; qu’à l’exception des travaux de la filière
eau et gaz, la FNTP retient les certificats de capacité établis
tant par des maîtres d’ouvrage que par des maîtres d’œuvre,
qu’il s’agisse de marchés publics ou privés ; qu’ainsi, certaines
entreprises obtiennent leur qualification avec une majorité de marchés
privés ; que ce critère n’a donc pas d’effet discriminatoire
;
Considérant que la FNTP ajoute que, pour la filière eau,
la liste des signataires de certificats de capacité pouvant être
pris en compte figure dans la nomenclature ; que cette liste a été
précisée récemment du fait de la prise en compte des
modifications des contrôles techniques pour la réception des
ouvrages imposant, notamment, des essais normalisés d’étanchéité
et de pression qui ne peuvent être réalisés que par
ces maîtres d’œuvre qualifiés ; que, par ailleurs, dans le
cas des groupes 5 et 7 (filière eau et canalisations à grande
distance), la limitation aux seuls maîtres d’œuvre qualifiés
pour les certificats est dictée par la prédominance, dans
ces activités, de maîtres d’ouvrage concessionnaires (sociétés
de distribution d’eau et de gaz) disposant de filiales réalisant
les travaux ; que le maître d’ouvrage étant alors à
la fois juge et partie, certains certificats sont susceptibles d’être
contestés ;
Mais considérant que, s’il est légitime de chercher à
garantir la pertinence et la sincérité des certificats de
qualification, cette nécessité ne justifie pas la distinction
entre maîtres d’ouvrage publics et privés ; qu’en effet, la
compétence technique du maître d’ouvrage n’est pas liée
à son statut public ou privé mais plutôt à son
importance, à l’habitude qu’il a ou non de commander certains travaux
ou encore à l’existence, en son sein, de services techniques compétents
; que les maîtres d’ouvrage publics, comme les maîtres d’ouvrage
privés, font régulièrement appel à des maîtres
d’ouvrage délégués ou à des maîtres d’œuvre
techniquement compétents ; que, de même, cette nécessité
de garantir la pertinence et la sincérité des certificats
ne justifie pas, pour les travaux de la classe 5 et 7, que seuls les certificats
de capacité établis par les maîtres d’œuvre qualifiés
(équipement, génie rural, direction des services techniques
et ingénieurs conseils) soient pris en compte ; qu’en effet, la
compétence et l’indépendance ne sont pas l’apanage exclusif
des seules catégories de maîtres d’œuvre énoncées
; que l’exclusion a priori des certificats provenant des maîtres
d’ouvrage privés et de certains maîtres d’œuvre peut avoir
pour effet de limiter l’accès aux identifications professionnelles
et donc de restreindre la concurrence sur les marchés concernés
; qu’il n’apparaît pas impossible de sélectionner les signataires
de certificats sur la base de critères objectifs tenant à
leur capacité technique définie a priori ou encore d’accepter
qu’au delà d’une liste de signataires prédéfinie,
l’entreprise candidate à l’identification puisse faire accepter
un certificat en démontrant, au cas par cas, le sérieux de
son signataire ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède
que la prise en considération de critères liés à
la possession de la carte professionnelle, aux seuls travaux réalisés
sur le territoire français ou sous contrôle de maîtres
d’ouvrage et d’œuvre français, à la nécessité
d’avoir acquis, en pleine propriété ou en crédit-bail,
le matériel nécessaire, ainsi qu’à la détention
des seuls certificats de capacité délivrés par les
maîtres d’ouvrage publics ou par certains maîtres d’œuvre qualifiés,
est constitutive d’une pratique restrictive de concurrence ; que cette
pratique peut empêcher certaines entreprises, ayant pourtant les
compétences techniques, d’obtenir des identifications professionnelles
et avoir ainsi pour effet de restreindre la concurrence dans le secteur
des travaux publics ; que l’adoption et la mise en œuvre de ces dispositions
par une fédération d’organisations professionnelles, qui
constituent elles-mêmes des associations d’entreprises, et leur acceptation
tacite par les entreprises qui demandent le bénéfice de l’identification,
sont constitutives d’une entente prohibée par l’article L. 420-1
du code de commerce dont la FNTP est à la fois la partie organisatrice
et le support ;
Considérant, par ailleurs, que l’exigence de la détention
de la carte professionnelle et le fait de ne pas prendre en compte les
travaux réalisés à l’étranger sont des critères
qui ne permettent pas aux entreprises qui n’opèrent pas en France
d’obtenir une identification professionnelle ; que ces critères
défavorisent les entreprises ayant leur siège dans un autre
Etat membre de l’Union européenne et ne disposant pas d’une filiale
domiciliée en France et peuvent avoir pour effet de restreindre
la concurrence à l’intérieur du marché commun ; que
ces dispositions sont donc contraires à l’article 81 du traité
de Rome ;
Sur les pratiques discriminatoires dont aurait été victime
la société Probinord,
Considérant que le système d’identification mis en place
par la FNTP comprend un mécanisme de recours ; qu’après s’être
vu refuser le bénéfice d’une identification, la société
Probinord a intenté un recours et a obtenu satisfaction ; que ce
mécanisme de recours fait partie intégrante du dispositif
en cause ; que le résultat d’un recours, lorsqu’il a été
intenté, doit être pris en compte pour apprécier le
caractère éventuellement discriminatoire de la décision
de la FNTP ; qu’ainsi la société Probinord n’est pas fondée
à se plaindre d’avoir été victime d’une mise en œuvre
discriminatoire du système d’identification ;
Sur les sanctions,
Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce,
le Conseil de la concurrence : " peut ordonner aux intéressés
de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé
ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction
pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d’inexécution
des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées
à la gravité des faits reprochés, à l’importance
du dommage causé à l’économie et à la situation
de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné
et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum
de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d’affaires
hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice
clos. Si le contrevenant n’est pas une entreprise, le maximum est de dix
millions de francs " ;
Considérant que, pour apprécier la gravité des
faits reprochés, il y a lieu de prendre en compte le fait que la
FNTP déploie, depuis plusieurs décennies, des efforts importants
pour faciliter le travail administratif des entreprises et des maîtres
d’ouvrage ; que le système des identifications professionnelles
est simple et que l’instruction n’a pas révélé qu’il
avait été appliqué de manière discriminatoire,
ni en général, ni à la société saisissante
en particulier ; que la FNTP a fait œuvre de pionnier en la matière
et qu’elle est un acteur prépondérant de la mise en place
d’un système d’identification professionnelle européen pouvant
bénéficier aux entreprises de travaux publics ayant vocation
à travailler sur le marché européen ; que l’existence
d’une commission de recours présidée par une personnalité
indépendante traduit un souci d’objectivité ;
Considérant que, pour apprécier le dommage à l’économie,
il y a lieu de retenir que les identifications professionnelles de la FNTP
ne sont exigées que par certains donneurs d’ordre ; que, dans la
majorité des cas, la production de références équivalentes
est acceptée ; que, dans les faits, les litiges sont rares ; que,
s’agissant des entreprises étrangères, une majorité
intervient en France par le biais de filiales implantées localement
et donc susceptibles d’obtenir des identifications ;
Considérant que, compte tenu de ces éléments généraux
et individuels, il y a lieu d’enjoindre à la FNTP de supprimer,
dans la charte de l’identification professionnelle et dans le règlement
intérieur, les clauses qui limitent l’accès aux identifications
aux seules entreprises opérant en France, qui ne permettent pas
la prise en compte des travaux réalisés à l’étranger
ou sous contrôle de maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre
étrangers, qui ne permettent pas de prendre en compte le matériel
loué et qui excluent a priori les certificats de certains maîtres
d’ouvrage et maîtres d’œuvre,