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19 mai 2002
Décision n° 2000-D-67 du 13 février 2001 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la vente d’espaces publicitaires télévisuels
LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en formation plénière,
Vu la lettre enregistrée le 24 décembre 1996 sous les
numéros F 932 et M 194, par laquelle le Conseil de la concurrence
a été saisi par la société Canal +, au titre
de l’article 8-1 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre
1986, de la pratique de remises " de parts de marché " mise en œuvre
par la société TF1 Publicité en 1996 et 1997 ;
Vu la décision n° 97-MC-02 en date du 12 mars 1997, par laquelle
le Conseil a déclaré la saisine recevable, mais a rejeté
la demande de mesures conservatoires dont elle était assortie ;
Vu la décision en date du 20 mai 1997 enregistrée sous
le numéro F 958, par laquelle le Conseil a décidé
de se saisir d’office des problèmes de concurrence posés
par la pratique de remises " de parts de marché " dans le secteur
de la vente d’espaces publicitaires télévisuels ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l’application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par les sociétés
Télévision Française 1 " TF1 " et TF1 Publicité,
les sociétés France 2, France 3 et France Télévision
Publicité, la société M6 Publicité, par la
société Canal + et par le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et les représentants des sociétés Canal
+, TF1 et TF1 Publicité, France 2, France 3 et France Télévision
Publicité, M6 Publicité entendus au cours de la séance
du 7 novembre 2000 ;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
les motifs (II) ci-après exposés ;
I. - Constatations
A. - la publicité télévisuelle
1. Les spécificités de la publicité télévisuelle
a) Caractéristiques
L’espace publicitaire offert par la télévision est caractérisé
notamment par :
Un coût de revient presque nul ;
Une valeur directement dépendante de l’audience.
En effet, l’espace publicitaire ne coûte quasiment rien au diffuseur,
les coûts étant très largement des coûts fixes.
Au contraire, dans le même temps qu’une chaîne diffuse de la
publicité, elle réalise une économie, puisqu’elle
n’a pas à diffuser de programme.
Par ailleurs, les annonceurs achètent aux télévisions
une promesse d’audience. C’est pourquoi les prix des écrans sont
calculés en fonction des prévisions d’audience, lesquelles
sont basées sur les résultats précédents.
Le taux d’audience utile d’une campagne, mesuré statistiquement
par la société Médiamétrie, fait appel à
la notion de GRP (Gross Rating Point) définie comme " le nombre
moyen de contacts à une campagne publicitaire pour 100 personnes
de la cible étudiée ". Un " contact " étant considéré
comme établi lorsqu’un élément de la population est
exposé une fois au message diffusé ; le nombre de GRP délivré
par une campagne publicitaire correspond donc au produit de la couverture
(pourcentage de la population touchée), par la répétition
(nombre de contacts parmi cette population couverte).
Or, l’audience des chaînes de télévision subissant
de constantes fluctuations, les prévisions d’audience, et par conséquent
les prix des écrans, revêtent le caractère d’un pari
plus ou moins aléatoire. Par ailleurs, à la différence
d’autres médias, l’audience totale de la télévision
demeurant relativement constante, pour un moment de la journée ou
une période de l’année donnée (183 minutes/jour en
moyenne en 1993), tout progrès d’audience d’une émission
se fait au détriment des émissions concurrentes.
Par ailleurs, l’espace publicitaire télévisé présente
des caractéristiques qui le différencient des espaces publicitaires
sur les autres médias. La construction d’un plan TV en amont de
l’achat, d’une part, et la commercialisation de l’espace publicitaire télévisuel,
d’autre part, sont autant de critères de différenciation.
La construction d’un plan TV
Dans l’optique d’un investissement publicitaire média, un annonceur
aura à arbitrer entre les différents supports à sa
disposition en fonction de plusieurs critères qui devront correspondre
à ses objectifs média propres (marketing, image, lancement
d’un produit, couverture, répétition, etc). Or, il apparaît
que le choix opéré, s’il intègre évidemment
une notion de coût de l’investissement par média, ne tient
compte que du coût global estimé. La détermination
des budgets par média ne se fait pas, ainsi, en mettant en concurrence
les divers supports entre eux, en fonction de leurs coûts, mais davantage
en mettant en adéquation les objectifs des annonceurs avec les apports
qualitatifs propres à chacun des différents médias.
M. Beauclair, directeur des médias de l’Union des annonceurs
(UDA), a déclaré à ce sujet : " (…) en théorie,
le choix du média se fait en amont de la décision d’investissement,
bien avant que les conditions générales de vente des supports
soient connues (…) ". (Cf. procès-verbal de déclaration en
date du 11 mai 1998).
Mme Bouchayer, directeur général adjoint de la centrale
d’achat d’espace Médiacompany, a indiqué : " La télévision
et la presse sont des médias qui se complémentarisent. La
télévision assure la couverture, étant un média
de masse, et la presse permet de travailler sur l’image. L’affichage permettra
de faire de la répétition immédiate. La radio permet
de faire de la répétition et de créer du trafic. Le
choix du média est fait en fonction de l’objectif média (couverture,
répétition, notoriété, image, création
de trafic). Ensuite, on fera des répartitions budgétaires,
avec un ticket d’entrée par média ". (Cf.procès-verbal
de déclaration en date du 24 juillet 1998).
M. Blandin, président-directeur général de la société
Medianetwork France et président de l’UDECAM (Union des entreprises
de conseil et d’achat média) a expliqué : " (…) nous sommes
avant tout des conseils en stratégie média. Au départ,
nous sommes tous sur la base de multimédia avec un annonceur donné.
Compte tenu des contraintes légales, des contraintes de budget,
d’expression et d’autres, nous allons faire le choix des médias
qui nous intéressent. Les critères de conditions tarifaires
n’interviennent pas à ce niveau. Les recommandations de stratégie-planning
sont distinctes de la fonction d’achat (…) ". (Cf. procès-verbal
de déclaration en date 14 mai 1998).
Cette complémentarité des différents médias
entre eux, ainsi que le fait que les choix des supports soient effectués
par les annonceurs antérieurement à la connaissance précise
qu’ils peuvent avoir des coûts d’investissement en télévision,
souligne que les différents médias ne sont effectivement
pas mis en concurrence entre eux par les annonceurs.
Mme Blanco, média manager au sein du groupe Procter & Gamble,
explique ainsi les mécanismes de choix d’investissements : " En
amont du plan média, ce sont les marques qui définissent
leurs stratégies média. Leur stratégie média
découle de leurs objectifs de volume et de rentabilité et
déterminent des blocs de dépenses, en termes de publicité,
de merchandising, de promotion, de relations publiques ...etc. Par la suite,
est définie la stratégie média afin d’établir
les plans médias par marque. Cette stratégie doit répondre
aux objectifs marketing de la marque (augmentation de notoriété,
lancement de nouveau produit). Ces éléments sont communiqués
à l’agence qui va nous faire des recommandations concernant les
médias à utiliser et les niveaux de performance pour chaque
média ".
Ces propos sont également repris par Mme Lebel, manager of média
au sein du groupe Procter & Gamble : " (…) partant de nos objectifs
marketing, nous déterminons un volume de dépenses par média
pour l’ensemble du groupe Procter. Et c’est seulement à ce stade,
lorsqu’a été déterminée l’enveloppe pour chaque
média, que nous entrons en phase de négociation avec les
différents supports au sein de chaque média (…) ". " (…)
Ce n’est pas en tout état de cause au moment où nous négocions
qu’une décision éventuelle de substituer un média
par un autre est prise, puisque cette décision est prise en amont
au moment de la définition de la média-stratégie (…)
". (Cf. procès-verbal de déclaration en date du 11 juin 1998).
La décision des annonceurs d’investir dans la télévision
est ainsi un choix antérieur à l’application de critères
purement économiques. Ce sont les objectifs de stratégie
média par marque qui déterminent le choix des annonceurs
d’investir sur un média plutôt que sur un autre.
La mise en concurrence effective n’intervient qu’au moment de la négociation
avec les différents supports, et plus particulièrement entre
les trois ou quatre grandes régies : TF1 Publicité, France
Espace qui regroupe les chaînes France 2 et France 3, M6 Publicité
et Canal +.
La commercialisation de l’espace publicitaire télévisuel
La vente d’espace publicitaire télévisuel obéit
à certaines règles et met en œuvre divers outils spécifiques
que l’on ne retrouve pas dans les autres supports publicitaires.
La mesure de l’audience
Le média télévision se distingue des autres en
ce qu’il est le plus ou le mieux mesuré de tous. L’audimat, puis
le Mediamat, outils de mesure d’audience développés par la
société Mediamétrie, permettent en effet de connaître
quasi instantanément les résultats de l’audience d’une émission
donnée et des spots publicitaires eux-mêmes. Aucun autre support
n’offre une telle précision quant aux données disponibles
relatives à la mesure de la performance des investissements publicitaires
des annonceurs. Ainsi, les chiffres des ventes et de lecture de la presse
ne sont disponibles que périodiquement (une fois par an pour la
presse quotidienne et deux fois pour la presse magazine) et il en est de
même de la mesure de l’audience des radios (quatre fois par an) ;
au surplus, il s’agit d’une mesure quart d’heure par quart d’heure de l’audience,
sans comparaison avec la précision du Mediamat qui se fait seconde
par seconde. L’affichage quant à lui, mesuré à partir
d’enquêtes de mobilité (itinéraire, durée des
déplacements, moyens de transport), est, sans aucun doute, le média
le moins bien mesuré de tous.
En ce qui concerne la mesure du niveau des investissements des annonceurs,
le média télévision propose aussi, avec la pige quantitative
réalisée par la société Secodip, un outil fiable
et reconnu par l’ensemble des professionnels intervenant dans ce secteur
d’activité. Cet outil permet une évaluation précise
sur la base des tarifs bruts des chaînes des investissements effectués
par les annonceurs sur les principales chaînes de télévision.
Le recoupement de ces données avec les résultats d’audience
de Médiamétrie ont ainsi permis le développement d’une
multitude d’outils d’optimisation des achats.
C’est d’ailleurs la disponibilité de ces éléments
et leur contrôle par l’ensemble des opérateurs qui ont permis
la mise en œuvre par les régies des chaînes de conditions
spécifiquement liées aux parts d’investissement réalisées
par les annonceurs. Ce faisant, les grandes régies intervenant sur
le média télévision se différencient de nouveau
de celles commercialisant d’autres supports, qui, ne disposant pas de ces
instruments de mesure, n’ont pas intégré cette dimension
de la même façon dans leurs conditions générales
de vente.
Les tarifs et conditions générales de vente
La commercialisation de l’espace publicitaire télévisé
se caractérise par une complexité certaine des tarifs et
des conditions générales de vente.
Les tarifs, publiés généralement par quadrimestre
sur la base du spot de trente secondes, deviennent multiples, sont applicables
pour des périodes données de l’année et sont, en outre,
modifiés quotidiennement. Ils sont également modulés
en fonction de plusieurs paramètres : secteur économique,
famille de messages, choix d’une semaine ou d’une période (ce qui
a une incidence sur le dégressif, l’audience étant fortement
saisonnalisée).
Les conditions générales de vente des régies sont
également propres à ce média et font intervenir une
multitude de critères permettant d’obtenir des taux de remise optimisés
(volume, part de marché, saisonnalité, emplacement dans l’écran,
fidélité, achat en floating, centralisation des achats, etc).
La complexité toujours croissante de ces conditions a même
amené TF1 Publicité à mettre à disposition
de ses clients un logiciel de calcul à l’occasion de la publication
de ses conditions générales de vente 1998.
b) Un cadre légal et réglementaire particulier
Le régime de la diffusion télévisuelle
Les télévisions privées nationales, régionales
ou locales, diffusées par voie hertzienne terrestre obéissent
à un régime d’autorisation délivré par le Conseil
supérieur de l’audiovisuel. Il en va de même pour les réseaux
câblés.
Les services de télévision diffusés par satellite
sont soumis à un régime de convention avec le Conseil supérieur
de l’audiovisuel, s’ils ne sont pas déjà titulaires d’une
convention au titre de leur diffusion par voie hertzienne terrestre ou
de leur distribution par câble.
L’attribution des fréquences nécessaires à la diffusion
des émissions des chaînes de télévision publiques,
ainsi qu’à celle de la chaîne culturelle européenne
(Arte) et de la Cinquième, est décidée par le Conseil
supérieur de l’audiovisuel hors appel aux candidatures. Ces chaînes
disposent, de par la loi, d’une priorité d’accès aux ressources
hertziennes quand l’usage de fréquences supplémentaires est
nécessaire à l’exercice de leurs missions de service public.
Le régime de la diffusion des messages publicitaires télévisuels
La diffusion des messages publicitaires télévisés
est encadrée par un ensemble de dispositions législatives,
réglementaires et conventionnelles qui limite l’offre d’espaces.
Il s’agit, d’une part, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre1986
modifiée, relative à la liberté de communication,
du décret n° 92-280 du 27 mars 1992, fixant les principes généraux
concernant le régime applicable à la publicité et
au parrainage télévisé, d’autre part, des cahiers
des missions et des charges de France 2 et France 3, ainsi que des conventions
de TF1, M6 et Canal + passées avec le Conseil supérieur de
l’audiovisuel.
Cet encadrement législatif et réglementaire impose des
conditions de diffusion des messages publicitaires différentes suivant
les chaînes. Les diffuseurs privés, à l’exception notable
de Canal +, bénéficient globalement d’un régime de
diffusion plus souple que celui des chaînes publiques. Compte tenu
du mode de financement de Canal + (abonnement, publicité, parrainage),
son régime publicitaire est plus contraignant.
Les différences de régime entre les chaînes tiennent,
pour l’essentiel, aux règles régissant les interruptions
des émissions qu’elles diffusent, plus particulièrement les
interruptions des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, auxquelles
viennent s’ajouter des limites ou des plafonds particuliers.
c) une perception bien individualisée par les opérateurs
Tous les acteurs (annonceurs, centrales d’achat, consultants) ont une
perception de l’existence d’un marché distinct en ce qui concerne
la publicité télévisuelle, ainsi que l’attestent les
déclarations suivantes :
Selon Mme Bizalion, chef du service médias de la société
Renault SA : " (…) la télévision est un média qui
permet en terme de contenu publicitaire de montrer un produit en action,
de raconter une histoire, de donner envie, et en terme de fonction du média,
c’est un média extrêmement puissant qui permet de toucher
un maximum de population en un temps très réduit. Il allie
ainsi puissance, rapidité des contacts et qualité du contenu.
Ce média est aussi une très grande motivation pour le réseau
commercial (…) ". (Cf. procès-verbal de déclaration en date
du 22 juin 1998).
M. Delafon, consultant de l’Institut Recma, explique : " (…) les industriels
ont besoin de convaincre leurs distributeurs au niveau des chefs de rayon
que la marque fait de la publicité à la télévision.
C’est un plus indéniable pour être référencé
et disposer de conditions attractives auprès de la grande distribution
…) ". (Cf. procès-verbal de déclaration en date du 24 juin
1998).
M. Paillet, président du Club des annonceurs, a, quant à
lui, précisé : " (…) les entreprises n’ont plus aujourd’hui
à arbitrer entre les médias, mais entre les différents
moyens de communication. Il y a un marché global des moyens de communication,
dans lequel s’inscrit le marché des médias. Dans ce dernier
s’inscrit le marché de la publicité télévisée.
Le marché télé a sa propre singularité qui
le distingue des autres médias. Nous ne sommes pas dans un système
de substituabilité de médias mais dans un système
de complémentarité de médias ". (Cf. procès-verbal
de déclaration en date du 27 mai 1998).
M. Lavedrine, président de la société Web Sat Pub,
a indiqué (Cf. procès-verbal de déclaration en date
du 24 septembre 1998) : " Le marché de la télévision
est à mon sens un marché individualisé et pertinent.
C’est la perception que nous en avons au vu des comportements des centrales
d’achat qui tendent à raisonner en fonction des mêmes critères
(audience, coûts au GRP, couverture, répétition) que
ceux qui prévalent dans les achats d’espace publicitaire sur les
grandes chaînes hertziennes (…) ".
2. - Le marché de la publicité télévisuelle
Il se caractérise :
par une dépense globale en progression de 10 % de 1992 à
1997, une progression plus forte de la télévision que des
autres médias pour la même période et une relative
stabilité des parts de marché des chaînes,
par une offre stable car il n’y a pas de bouleversement majeur dans
l’offre des chaînes hertziennes. On peut d’ailleurs constater que,
globalement, les régies de ces chaînes continuent à
prélever l’essentiel des budgets attribués au support télévision
en 1997 : 24,7 milliards de francs pour TF1, France 2, France 3, Canal
+, la Cinquième et M6, contre 461 millions de francs pour l’ensemble
des chaînes du câble et du satellite ; l’audience de ces dernières
n’atteint, pour l’instant, qu’environ 3,4 % et progresse lentement (2,3
% en 1993) (Source Mediamétrie) ;
par la place prééminente de TF1 Publicité sur
le marché de la publicité télévisuelle, suivie
par France Télévision Publicité et M6 Publicité
;
par un rapport part de marché/audience supérieur à
1 en ce qui concerne TF1 Publicité et M6 Publicité.
Les parts de marché des régies publicitaires des chaînes
à diffusion nationale ont évolué comme suit sur la
période 1995/1997 :
Parts de marché
(SECODIP)
|
1995
|
1996
|
1997
|
Evolution 97/95
|
TF1 Publicité |
52,43%
|
51,64%
|
50,20%
|
-2,23 pts
|
FRANCE2 |
17,45%
|
17,70%
|
18,37%
|
+0,92 pts
|
FRANCE3 |
11,24%
|
11,35%
|
11,49%
|
+0,25 pts
|
(Sous-Total France Télévision
Publicité) |
28,69%
|
29,05%
|
29,86%
|
+1,17 pts
|
M6 Publicité |
16,12%
|
16,66%
|
17,04%
|
+0,92 pts
|
(Sous-Total TF1 Publicité-France
Télévision Publicité-M6-Publicité) |
97,24%
|
97,35%
|
97,09%
|
-0,15 pts
|
CANAL+ |
2,63%
|
2,43%
|
2,56%
|
-0,07 pts
|
IP |
0,13 %
|
0,22 %
|
0,35 %
|
+0,22 pts
|
(Source SECODIP - Conseil Supérieur de l’Audiovisuel : Avis du
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel du 15 octobre 1999).
Les audiences sont les suivantes :
Cible : 15 ans
et plus
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
Variation 1993/1997
|
TF1 |
39,6%
|
38,4%
|
36,7%
|
34,9%
|
34,4%
|
-5,2 pts
|
FRANCE2 |
25,6%
|
26,1%
|
24,6%
|
25,1%
|
24,7%
|
-0,9 pts
|
FRANCE3 |
15,1%
|
15,9%
|
17,8%
|
17,8%
|
17,3%
|
+2,2 pts
|
M6 |
11,0%
|
11,1%
|
11,1%
|
11,4%
|
12,1%
|
+1,1 pts
|
CANAL+ |
5,0%
|
4,6%
|
4,3%
|
4,5%
|
4,6%
|
-0,4 pts
|
LA 5EME |
-
|
-
|
1,4%
|
1,6%
|
1,8%
|
+0,4 pts
|
ARTE |
1,1%
|
1,0%
|
1,3%
|
1,4%
|
1,6%
|
+0,5 pts
|
Autres |
2,8%
|
2,8%
|
2,8%
|
3,3%
|
3,6%
|
+0,8 pts
|
Cible : Ménagère<50ans |
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
Variation 1993/1997
|
TF1 |
41,5%
|
40,6%
|
38,6%
|
37,0%
|
37,2%
|
-4,3 pts
|
FRANCE2 |
22,3%
|
22,0%
|
21,5%
|
21,4%
|
20,9%
|
-1,4 pts
|
FRANCE3 |
12,3%
|
12,3%
|
13,8%
|
13,3%
|
13,1%
|
+0,8 pts
|
M6 |
14,6%
|
15,5%
|
15,6%
|
16,9%
|
17,5%
|
+2,9 pts
|
CANAL+ |
6,2%
|
6,1%
|
5,2%
|
5,4%
|
5,2%
|
-1,0 pt
|
LA 5EME |
-
|
-
|
1,3%
|
1,4%
|
1,5%
|
+0,2 pts
|
ARTE |
0,8%
|
1,1%
|
1,2%
|
1,4%
|
1,3%
|
+0,5 pts
|
Autres |
2,3%
|
2,5%
|
2,8%
|
3,2%
|
3,4%
|
+1,1 pts
|
(Source Médiamétrie-Médiamat/CARAT TV).
Les rapports audience/part de marché sont les suivantes :
Cible :
|
1995
|
1996
|
1997
|
Evolution
|
4 ans et plus
|
Audience
|
Part de
marché
|
Différence
|
Audience
|
Part de marché
|
Différence
|
Audience Globale
|
Part de marché
|
Différence
|
1997 %
1995
|
TF1 PUBLICITE
|
37,30 %
|
52 ,43 %
|
15,13
|
35,40 %
|
51,64 %
|
16,24
|
35,00 %
|
50,20 %
|
15,20
|
0,07
|
France 2
|
23,80 %
|
17,45 %
|
- 6,35
|
24,20 %
|
17,70 %
|
- 6,50
|
23,70 %
|
18,37 %
|
- 5,33
|
1,02
|
France 3
|
17,60 %
|
11,24 %
|
- 6,36
|
17,70 %
|
11,35 %
|
- 6,35
|
17,10 %
|
11,49 %
|
- 5,61
|
0,75
|
(Sous-total France Espace)
|
41,41 %
|
28,69 %
|
- 12,71
|
41,90 %
|
29,05 %
|
- 12,85
|
40,80 %
|
29,86 %
|
- 10,94
|
1,77
|
M6 PUBLICITE
|
11,50 %
|
16,12 %
|
4,62
|
11,90 %
|
16,66 %
|
4,76
|
12,70 %
|
17,04 %
|
4,34
|
- 0,28
|
CANAL +
|
4,40 %
|
2,63 %
|
- 1,77
|
4,50 %
|
2,43 %
|
- 2,07
|
4,50 %
|
2,56 %
|
- 1,94
|
- 0,17
|
IP
|
1,30 %
|
0,13 %
|
- 1,17
|
1,60 %
|
0,22 %
|
- 1,38
|
1,80 %
|
0,35 %
|
- 1,45
|
- 0,28
|
(Source Médiamétrie et Secodip – Rapport d’enquête
1999, p. 56).
Cible :
|
1996
|
1997
|
Evolution
|
Ménagère < 50 ans
|
Audience Ecrans
|
Part de marché
|
Différence
|
Audience Ecrans
|
Part de marché
|
Différence
|
1997 % 1995
|
TF1 PUBLICITE
|
46,8 %
|
51,64 %
|
4,84
|
46 %
|
50,20 %
|
4,20
|
- 0,64
|
France 2
|
18,1 %
|
17,70 %
|
- 0,40
|
17,3 %
|
18,37 %
|
1,07
|
1,47
|
France 3
|
11,9 %
|
11,35 %
|
- 0,55
|
12,7 %
|
11,49 %
|
- 1,21
|
- 0,66
|
(Sous-Total France Espace)
|
30,00 %
|
29,25 %
|
- 0,95
|
30,00 %
|
29,86 %
|
- 0,14
|
0,81
|
M6 PUBLICITE
|
18,5 %
|
16,66 %
|
- 1,84
|
18,8 %
|
17,04 %
|
- 1,76
|
0,08
|
CANAL +
|
3,4 %
|
2,43 %
|
- 0,97
|
3,7 %
|
2,56 %
|
- 1,14
|
- 0,17
|
IP
|
1 ,2 %
|
0,22 %
|
- 0,98
|
1,5 %
|
0,35 %
|
- 1,15
|
- 0,17
|
(Source Médiamétrie – Rapport d’enquête 1999 p.
57)
Enfin, le rapprochement entre le taux d’audience utile mesuré
statistiquement par le GRP (nombre moyens de contacts à une campagne
publicitaire pour cent personnes) et les parts de marché par chaînes,
se présente de la manière suivante :
Comparatif parts d’audience émissions/parts de marché
par chaîne 1996-1997
sur la cible des ménagères de moins de 50 ans
|
1996
|
1997
|
|
GRP
|
PDM
|
Ecart
|
GRP
|
PDM
|
Ecart
|
TF1 |
46,6
|
50,9
|
4,3
|
45,5
|
49,5
|
4,0
|
FTV |
30,2
|
29,1
|
- 1,1
|
29,5
|
30,0
|
0,5
|
M6 |
18,6
|
16,4
|
- 2,2
|
19,7
|
16,8
|
- 2,9
|
Canal + |
3,4
|
2,4
|
- 1,0
|
3,6
|
2,5
|
- 1,1
|
(Tableau produit p. 18 des observations de France 2, France 3 et France
Télévision Publicité en réponse au rapport)
En 1997, les offres et coûts GRP sur un certain nombre de cibles
se présentaient comme suit :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
CIBLE
|
TF1
|
FRANCE 2
|
FRANCE 3
|
CANAL +
|
M6
|
|
Offre GRP
|
Coût GRP
|
Offre GRP
|
Coût GRP
|
Offre GRP
|
Coût GRP
|
Offre GRP
|
Coût GRP
|
Offre GRP
|
Coût GRP
|
4-10 ans |
60 420
|
29 176 F
|
12 904
|
47 265 F
|
22 284
|
20 047 F
|
3 185
|
39 261 F
|
25 570
|
24 001 F
|
15-34 ans |
63 404
|
27 803 F
|
210 633
|
28 956 F
|
14 613
|
30 570 F
|
7 770
|
17 441 F
|
33 086
|
18 549 F
|
Ménagère avec Enfant |
82 943
|
21 254 F
|
25 592
|
24 211 F
|
19 404
|
23 022 F
|
4 914
|
25 448 F
|
33 723
|
18 199 F
|
Ménagère - 50 ans |
78 726
|
22 392 F
|
29 451
|
20 710 F
|
21 043
|
21 230 F
|
6 232
|
20 066 F
|
33 587
|
18 273 F
|
CSP + |
45 490
|
38 753 F
|
25 227
|
24 177 F
|
17 812
|
25 081 F
|
6 425
|
19 464 F
|
16 887
|
36 342 F
|
50 ans |
99 056
|
17 796 F
|
59 363
|
10 274 F
|
50 618
|
8 225 F
|
3 386
|
36 934 F
|
15 981
|
38 403 F
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
(Source : BUSINESS).
Sur la cible Ménagère - 50 ans, qui est la référence,
TF1 a le coût au GRP le plus élevé.
La régie de TF1 a des prix élevés sur son cœur
de cible, contrairement à toutes les autres chaînes qui tendent
à pratiquer des tarifs attractifs sur leur cœur de cible respectif
(France 2 et France 3 sur les ménagères, les CSP + et les
+ 50 ans ; Canal + sur les CSP + et les 15/34 ; M6 sur les 15/34 et les ménagères
avec enfant).
Lors de l’enquête, interrogés sur la position de TF1, les
intervenants, qu’il s’agisse des concurrents directs de TF1, des centrales
d’achat d’espace ou des annonceurs eux-mêmes, ont unanimement reconnu
son leadership incontestable, tant en terme d’audience ou d’image, qu’en
terme de performances commerciales.
Mme Vendroux, directrice de la régie publicitaire de Canal +,
précise pour sa part : " (…) Jusqu’en 1995, toutes les chaînes
attendaient systématiquement que TF1 Publicité diffuse ses
nouvelles conditions générales de vente et surtout ses barèmes
pour élaborer les leurs par rapport à celles de TF1 Publicité.
En 1995, l’UDA a demandé aux acteurs du marché de déposer
en même temps leurs nouvelles conditions générales
de vente pour éviter ce décalage. Cette demande était
consécutive à une requête des centrales d’achat d’espace
qui étaient gênées dans l’élaboration de leurs
plans média ". (Cf. procès-verbal de déclaration en
date du 3 avril 1998).
M. Santini, directeur général de la société
France Espace confirme (Cf. procès-verbal de déclaration
en date du 23 juillet 1998) : " Antérieurement à 1996, les
conditions générales de vente étaient publiées
séparément. En général TF1 déposait
les siennes le premier, et les autres chaînes s’inspiraient de leurs
conditions pour déterminer les leurs. C’est TF1 qui orientait ainsi
les conditions du marché. Depuis, l’UDA souhaitant avoir les conditions
de toutes les chaînes ensemble et y voyant vraisemblablement un facteur
de concurrence entre les chaînes, et éviter que les conditions
des chaînes ne ressemblent pas trop à celles de TF1, a demandé
aux chaînes de déposer leurs conditions le même jour
à la même heure (…) ".
B. - Les pratiques constatees
1. Les contrats de vente simple
.1. Conditions de vente de TF1 Publicité
TF1 Publicité pratique des " dégressifs " fondés
sur les parts de marché et des dégressifs d’évolution.
Même si l’on constate une inflexion de la politique de TF1 Publicité
en ce qui a trait à ses exigences en matière de part d’investissement
minimum du budget de l’annonceur consacré à la publicité
télévisuelle affecté à la chaîne (qui
passe de 55 % en 1993-1994 à 50 % en 1997), les conditions générales
de vente de la régie restent largement influencées par la
part de marché. En d’autres termes, les rabais proposés par
la chaîne ne sont consentis que si l’annonceur lui consacre une part
de ses dépenses de publicité télévisuelle supérieure
à un pourcentage fixé par les conditions générales
de vente. Ce pourcentage est nettement supérieur à la part
d’audience de la chaîne et se rapproche, voire dépasse, la
part détenue par TF1 sur le marché.
En 1996, TF1 Publicité cherche à préserver sa part
de marché, compte tenu d’un contexte d’audience plus difficile,
en affichant une nette progression des dégressifs à partir
de 53 % de part de marché, y compris pour les annonceurs dont le
chiffre d’affaires est à la baisse par rapport à 1995. La
remise d’apport progressif résulte ainsi de la fusion de la prime
de part de marché et de la prime d’évolution ; elle est marquée
par :
une baisse des planchers de part de marché (50 % contre 53 %
en 95 et 55 % en 94) ;
une souplesse accrue dans la gestion de la part de marché :
trois tranches (40-52/53/54-60) se substituent à une rémunération
au point ;
la création d’une nouvelle famille de produits reprenant les
secteurs à cibles CSP + (banque, assurance, télécommunications,
informatique, tourisme …) et aux planchers adaptés (45 % de part
de marché exigée contre 50 pour les autres secteurs).
Il convient de noter que cette remise reste conditionnée par
un seuil minimum de part d’investissement, même si celui-ci baisse
par rapport à 1995 (45 et 50 % suivant les secteurs contre 53 %
en 1995).
C’est également le cas de la nouvelle prime de bonification rémunérant
entre 0,5 et 1,5 % de remise supplémentaire les annonceurs affectant
au moins 55% de leur investissement en publicité télévisuelle
à la chaîne depuis 1994. Ce dégressif tend de toute
évidence à récompenser et inciter la fidélité
des clients sur TF1.
La prime d’apport progressive est supprimée en 1997 et remplacée
par une prime sectorielle qui n’intègre pas la progression de volume.
Cette prime est fonction du secteur d’appartenance de l’annonceur (et de
la part de marché du secteur) et de la part d’investissement qu’il
réalise en 1997.
Deux secteurs sont constitués et la condition imposée
pour obtenir la prime de bonification en 1996 (part de marché supérieure
à 55 %) disparaît, mais la condition d’entrée demeure
élevée à 50 % de part de marché pour la famille
A et à 30 et 42 % pour 1996 et 1997 pour la famille B.
Les secteurs lourds (alimentation, toilette/beauté, entretien,
appareils ménagers, restauration, transports, etc), où la
part de marché de TF1 est supérieure à 55 %, voient
leur taux de remise progresser dès 50 % de part de marché,
mais la prime de bonification de 0,5 % n’est toujours accordée qu’à
partir du seuil de 53 % de part de marché pour la famille A, qui
regroupe les plus gros annonceurs en télévision. Pour la
famille B, la prime de bonification n’est accordée que si la part
de marché 1997 est supérieure ou égale à la
part de marché 1996.
Les secteurs moins captifs (cibles CSP + et autres) sont attirés
par des seuils abaissés et mieux rémunérés.
La prime de 0,5 % est attribuée dès que la part de marché
investie en 1997 atteint le niveau de la part de marché du secteur
d’appartenance de l’annonceur, et progresse ensuite de 0,2 % par point
supplémentaire de part de marché sur les dix points suivants.
S’agissant de l’introduction de la référence à
la part de marché dans les conditions de TF1 Publicité et
du choix du seuil minimum de 53 %, Mme Cohen, directrice générale
de la régie, a fait les commentaires suivants (Cf. procès-verbal
de déclaration en date du 21 juillet 1998) :
" (…) Après la loi Sapin et la multiplication des négociations
avec nos clients annonceurs, nous nous sommes rendu compte que la seule
condition de volume ne pouvait permettre aux petits annonceurs d’obtenir
des conditions satisfaisantes lui permettant d’investir en télévision.
C’est notre politique de développement de nos ventes en direct à
cette époque qui nous a conduit à introduire un critère
de part de marché dans nos conditions.
La référence à un seuil de 53% de part de marché
pour bénéficier de la prime de part de marché est
relative à notre part de marché audience-écran (54,3%
en 1994).
La plage d’accès à ces primes allait de 53 à 60%
de manière à pouvoir maîtriser le niveau des remises
consenties. Au delà de 60% de part de marché, nous entrions
alors dans le cadre d’une négociation conventionnelle.
La tendance en 1996 a plutôt été à une décrue
de la rémunération des conditions liées à la
part de marché.
En 1997, la masse globale des conditions que nous pouvions consentir
au travers de nos conditions générales de vente n’a pas évolué
par rapport à 1996.
C’est le besoin d’avoir une visibilité sur notre chiffre d’affaires
et la connaissance des conditions de nos concurrents tels France Espace
nous amenant à réagir, qui ont conduit à la conclusion
d’accords avec nos annonceurs.
L’introduction des secteurs en 1997 correspond à une politique
commerciale concernant les secteurs commerciaux où nous étions
les moins performants (cibles d’avantage CSP +). (…).
1.2. Conditions de vente de France Télévision Publicité
Les conditions générales de vente de France Télévision
Publicité sont communes à France 2 et France 3 et appliquées
en confondant les achats sur les deux chaînes. France Télévision
Publicité pratique aussi les " dégressifs " de parts de marchés.
Sur les années considérées, les exigences de cette
régie sont allées crescendo avec, dans certains cas, des
seuils supérieurs à la part de marché des deux chaînes.
1.3. Conditions de vente de M6 Publicité
M6 Publicité pratique aussi les dégressifs fondés
sur les parts de marché. Les seuils ont été relevés
d’année en année en étant dans certains cas légèrement
supérieurs à la part de marché et supérieurs
à la part d’audience.
1.4. Conditions de vente de Canal +/P>
Les conditions générales de vente 1996 de Canal + ne font
plus apparaître de référence à la part de marché.
La base de calcul d’un certain nombre de remises est désormais uniquement
liée à l’investissement. Les conditions générales
de vente de Canal + en 1997 et 1998 confirment l’abandon de la référence
à la part de marché.
En définitive, l’examen des conditions générales
de vente révèle que TF1 Publicité, France Télévision
Publicité et M6 pratiquent une politique de remise de part de marché.
Mais il doit être relevé que TF1 a abandonné ce critère
comme condition d’attribution des rabais. Cette pratique a également
été abandonnée par France Télévision
Publicité, M6 et Canal +.
2. Les contrats de coopération commerciale
Toutes les régies signent des accords de coopération commerciale
avec leurs clients annonceurs, mais seules les régies TF1 Publicité,
France Télévision Publicité et M6 Publicité
concluent des contrats incluant une exigence de part d’investissement.
Ces accords revêtent une importance particulière. Ils concernent
généralement les meilleurs clients des régies et affectent
la part la plus importante du marché (près de 80 % du chiffre
d’affaires de TF1 Publicité).
Les engagements contenus dans ces accords ont pour objet de fidéliser
les annonceurs en leur attribuant divers avantages en contrepartie de parts
d’investissement. Dans ce cadre, TF1 Publicité est toujours la seule
régie en 1997 qui réserve la conclusion d’accords de coopération
commerciale, et surtout l’octroi des taux de remises optimaux, à
l’attribution par les annonceurs d’une part de leurs investissements supérieure
à 53 %.
2.1. Les accords de coopération commerciale conclus par TF1 Publicité
TF1 Publicité a considérablement développé
la coopération commerciale avec ses clients annonceurs. Le nombre
d’accords conclus concerne une part du chiffre d’affaires de la régie
toujours plus importante.
Si cette coopération concernait 45 accords en 1995 (pour des
pourcentages du chiffre d’affaires allant de 2 à 5 %), elle était
conclue avec 143 annonceurs en 1997 (pour des taux compris entre 2 et 6
%). Les 63 annonceurs n’ayant pas conclu d’accords de ce type sont généralement
de petits annonceurs (moins de 10 MF de CA brut) ou des annonceurs ayant
privilégié d’autres formes de rémunération.
La part de marché minimum considérée comme " normale
" par la régie pour pouvoir accéder à la coopération
commerciale demeure fixée à 53 %. En 1995, à quelques
exceptions près, les engagements portent sur des parts de marché
comprises entre 53 et 100 %. Il en est de même en 1996. En 1997,
la grande majorité des accords continuent à faire référence
à une part d’investissement minimum supérieure à 51
%.
La coopération commerciale concernait un chiffre d’affaires de
4,872 milliards de francs en 1995 ; elle porte, en 1997, sur un ensemble
de clients représentant un chiffre d’affaires brut de 9,591 milliards
de francs (5,797,4 milliards de francs de chiffre d’affaires net réalisé
en 1997), ce qui représente près de 75 % du chiffre d’affaires
total net de la régie (77 % du CA brut SECODIP). Le taux de remise
est en moyenne supérieur à 10 % : 11 % en 1995, 10,2 % en
1996 et 12,6 %.en 1997.
2.2. Les accords de coopération commerciale conclus par France
Télévision Publicité
Comme TF1 Publicité, de 1995 à 1997, la régie France
Télévision Publicité a développé le
nombre et la part de son chiffre d’affaires sous accords de coopération
commerciale.
En 1996, les engagements signés concernent environ 290 annonceurs,
soit près de 30 % de l’ensemble des annonceurs. En 1997, le nombre
des annonceurs sous contrat passe à 329, soit 35 % du nombre total
d’annonceurs (925). La part du chiffre d’affaires brut total sous accord
atteint 71 % en 1996, en très forte progression par rapport à
1994, et est vraisemblablement encore supérieure en 1997 (même
si ces données ne sont pas disponibles), compte tenu de l’augmentation
du nombre d’accords signés.
En effet, le nombre des accords est passé d’une trentaine en
1994 à 329 en 1997, représentant un chiffre d’affaires de
4,613 milliards de francs en 1996, soit 71 % du chiffre d’affaires brut
de la régie.
Les parts de marché exigées par la régie sont variables,
entre 8 et 68,3 % en 1996 et 16,86 et 99,11 % en 1997. Elles restent fréquemment
à des niveaux inférieurs à la part de marché
effectivement détenue par la régie. Pour les trente annonceurs
les plus importants, clients de la régie, le taux moyen de remise
consenti en 1996 est de 36,92 % et de 40,91 % en 1997.
2.3. Les accords de coopération commerciale conclus par M6 Publicité
M6 Publicité a conclu, en 1996, une douzaine d’accords de coopération
commerciale avec ses plus importants clients. A une seule exception, ces
accords ont été reconduits avec ces annonceurs en 1997.
Ces contrats portent essentiellement sur des engagements de volume et
de part d’investissement minimum, mais aussi sur des obligations de répartition
par marché journalier ou sur certaines périodes de l’année.
Les parts d’investissement concernées par ces accords s’établissent
en moyenne à environ 18 % en 1996 et 1997, soit environ un point
au dessus de la part de marché détenue par la régie.
Mais cette condition n’est pas nécessaire, puisque d’autres annonceurs
s’engagent sur des niveaux de parts de marché inférieurs.
Par ailleurs, la condition de rang introduite en 1995 (à savoir
placer le support au deuxième rang dans les investissements des
annonceurs) disparaît des accords en 1996.
Le nombre des accords spécifiques est ainsi passé de 51
en 1996 à 56 en 1997. 22 accords n’ont pas été reconduits
en 1997, tandis que 27 étaient signés pour la première
fois.
En définitive, les grandes régies, TF1 Publicité,
France Télévision Publicité et M6 Publicité,
concluent avec leurs clients des contrats comportant une exigence en terme
de part d’investissement, en contrepartie de divers avantages, suivant
des barèmes non publiés. Seule, TF1 Publicité conditionnait
jusqu’en 1998 l’accès aux meilleurs taux de remise dans le cadre
de ses accords à l’affectation par l’annonceur d’une part minimale
de son budget très supérieure à sa part de marché.
3. – La mise en œuvre de ces pratiques
TF1 Publicité a joué un rôle moteur dans l’accentuation
et la pérennisation de cette pratique, compte tenu de son rôle
de leader sur le marché considéré.
M. Gazeau, directeur délégué à la gestion
de la société France Espace, explique ainsi l’introduction
de conditions liées à la part d’investissement SECODIP des
annonceurs dans les conditions générales de vente de France
Espace :
" (…) En 1993, le marché publicitaire télévision
était déprimé (de l’ordre de 2% de croissance annuelle)
et l’introduction de remises basées sur la part de marché
annonceur apparaissait comme une mesure de protection en cas de baisse
des investissements (…).
" (…) En 1993, nous avons copié les conditions générales
de vente de TF1 en ce qui a trait aux remises de parts de marché,
et nous ne pouvions pas faire autrement, sauf à prendre le risque
d’être sacrifiés par nos annonceurs. Pesant à peu près
le quart du marché publicitaire télévisuel, il n’était
pas concevable de ne pas suivre TF1 sur le terrain de la part de marché
(…) " (Cf. procès-verbal de déclaration en date du 4 juin
1998). "
Mme Lenoble, directrice générale adjointe de la société
M6 Publicité a déclaré :
" Les remises de parts de marché introduisent une rigidité
importante dans l’utilisation et l’optimisation des budgets par les annonceurs
et les centrales. Pour une chaîne comme la notre il est toutefois
inenvisageable de nous en passer tant qu’elles seront pratiquées
par nos concurrents. Les autres chaînes nous apparaissent avoir des
conditions de vente très souples. Les remises de parts de marché
nous servent en quelque sorte de garde-fou, et nous permettent de nous
assurer d’une juste utilisation de M6 à son niveau d’audience "
(Cf. procès-verbal de déclaration en date du 12 mai 1998).
C. - Les griefs notifies par le rapporteur et leur imputabilité
Sur la base des pratiques décrites ci-dessus, deux griefs ont
été notifiés
- L’abus de position dominante des sociétés TF1 et TF1
Publicité
Il a été considéré que les sociétés
TF1 et TF1 Publicité avaient abusé de la position dominante
qu’elles détenaient sur le marché de la publicité
télévisuelle en pratiquant des remises de parts de marché
susceptibles de bloquer toute évolution de marché.
- L’effet cumulatif des politiques de remises de fidélité,
dans le cadre de contrats de vente simple et de contrats de coopération,
de la part de TF1 Publicité, de France Télévision
Publicité et de M6 Publicité
L’adhésion des annonceurs aux conditions de vente litigieuses
a été constitutive d’ententes dont l’effet cumulatif a pu
avoir pour objet ou pour effet de bloquer toute évolution des parts
de marché. Un grief a été notifié de ce chef
aux sociétés TF1, TF1 Publicité, France 2, France
3, France Télévision Publicité, M6 et M6 Publicité.
II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le
Conseil,
En ce qui concerne la procédure,
Considérant, en premier lieu, que les sociétés
TF1 et TF1 Publicité soutiennent que l’enquêteur n’aurait
pas répondu à la demande du rapporteur visant à vérifier
s’il existait un marché de la publicité multimédia,
que le rapporteur n’a pas complété le travail effectué
par l’enquêteur et qu’il n’a été procédé
à aucune investigation sur la substituabilité entre les différents
médias ; qu’elles constatent, en outre, que le rapport d’enquête
n’a pas reçu l’aval de la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes,
ce qui les conduit à conclure que " le rapport produit apparaît
manifestement irrégulier et entaché de nullité comme
contraire à l’article 6 de la convention européenne des droits
de l’homme et à l’article 50 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er
décembre 1986 qui disposent que la Direction générale
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
doit faire procéder sans délai à toute enquête
que le rapporteur juge utile.. "" ; qu’elles considèrent, en outre,
en se fondant sur les arrêts de la CJCE du 15 juin "1994 Commission/BASF
EA et du 6 avril 2000 Commission/ICI et Commission/Solvay, que l’absence
de signature et de datation de la notification de griefs et du rapport
vicie la procédure ;
Mais considérant, d’une part, que l’enquêteur a répondu
dans les 24 premières pages de son rapport à la question
de l’existence d’un marché spécifique de la publicité
télévisuelle et à celle de la substituabilité
entre médias ; que, compte tenu des éléments ainsi
rassemblés, le rapporteur n’a pas jugé nécessaire
de compléter l’instruction sur ce point (cour d’appel de Paris Lilly
France 6 mai 1997) ; que le moyen tiré de la violation de l’article
6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article
50 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, devenu l’article
L. 450-6 du code de commerce, n’est pas fondé ;
Considérant, d’autre part, que si, en transmettant, le 29 avril
1999, le rapport d’enquête au Conseil de la concurrence, le directeur
général de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes a mentionné que ce rapport " ne reflète que le
point de vue de son auteur ", cette circonstance est sans incidence sur
la régularité de la procédure, le Conseil de la concurrence
étant saisi in rem et étant seul à pouvoir qualifier
les éléments qui lui sont fournis par la direction générale
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
à l’occasion de l’instruction d’un dossier ;
Considérant, enfin, que l’article 18 du décret du 29 décembre
1986 se borne à indiquer : " Pour l’application de l’article 21
de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, la notification
des griefs retenus par le rapporteur et la notification du rapport sont
faites par le président ", et que l’article 21 de l’ordonnance n°
86-1243 du 1er décembre 1986, devenu l’article L. 463-2 du code
de commerce, prévoit que c’est le Conseil de la concurrence qui
notifie les griefs et le rapport ; que, dès lors, en l’absence de
disposition imposant de signer et de dater les griefs et le rapport, l’irrégularité
alléguée n’est pas établie ; qu’au surplus, la jurisprudence
précitée de la CJCE se fonde sur une disposition expresse
du règlement intérieur de la Commission prescrivant la signature
des actes ; qu’en outre, la notification de griefs et le rapport mentionnent
en première page qu’ils ont été établis par
M. Alain Guedj, rapporteur, lequel a présenté ses observations
lors de la séance tenue par le Conseil, le 7 novembre 2000 ; qu’enfin,
et en tout état de cause, les sociétés précitées
n’établissent pas en quoi la circonstance alléguée
aurait préjudicié à leurs droits ou à leurs
intérêts ;
Considérant, en second lieu, que la société M6
Publicité fait état du fait que c’est sur sa demande que
le rapport de la direction générale de la concurrence, de
la consommation et de la répression des fraudes, établi en
1995, a été joint à la procédure et que même
si, lors de sa communication par le Conseil de la concurrence, il a été
indiqué que ce rapport n’avait pas été fait sur demande
du Conseil de la concurrence et que le rapporteur ne s’y était pas
référé, il demeure que ledit rapport porte sur le
même secteur et sur une période commune, fait état
d’une pratique pouvant être constitutive d’un abus de position dominante
de la part de TF1 et a donné lieu à un courrier du ministre
à TF1 ; qu’il fait donc partie de la présente procédure
;
Considérant que, si le rapporteur du Conseil de la concurrence
ne s’est pas fondé sur le rapport de la direction générale
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
établi en 1995 pour établir sa notification de griefs, l’enquêteur,
dans le rapport qu’il a établi en 1999, y a fait référence
; que, pour la complète information des parties, le rapport de 1995
a été joint au dossier et soumis à la consultation
des parties ; que, dès lors, il fait partie de la présente
procédure ;
En ce qui concerne le marché,
Considérant que, dans sa décision n° 96-D-44 du 18
juin 1996, le Conseil de la concurrence a indiqué :
" Considérant que l’espace publicitaire recherché par
les annonceurs peut être disponible sur différents types de
médias, et pour chacun de ceux-ci, sur différents supports
; que de multiples combinaisons peuvent donc être envisagées
pour véhiculer les messages publicitaires ; qu’il convient donc
de déterminer si ces différentes combinaisons médias/supports
sont toutes substituables pour les annonceurs ; qu’il convient également
de rechercher s’il en est de même pour les intermédiaires
de publicité acheteurs d’espace agissant pour le compte des annonceurs
;
" ... Considérant en ce qui concerne les annonceurs, que le choix
du média et du support qui serviront de vecteur à la communication
dépend de l’importance du budget affecté à cet emploi,
de la nature du message publicitaire retenu ainsi que de la cible " de
consommateur " visée ; qu’au moment des faits et au regard de ces
trois critères, les différents médias concernés
par les pratiques décrites dans la première partie de la
présente décision (télévision, radio, affichage
et presse écrite) présentaient des caractéristiques
différentes ; qu’il est constant que les conditions d’émission
du message varient avec les spécificités techniques de chacun
de ces médias, lesquelles permettent de décliner différents
modes de mémorisation des messages (visuel et/ou auditif), avec
des durées de passage également propres à chacun d’entre
eux ; que par ailleurs, le taux de couverture de la population en général
ou d’une population donnée est éminemment variable selon
les médias, y compris entre ceux prétendant à une
couverture nationale puisqu’une chaîne de télévision
peut rassembler chaque jour plusieurs millions de téléspectateurs
devant ses écrans tandis qu’un quotidien national tire dans le même
temps au maximum à environ 500 000 exemplaires ; qu’enfin, les niveaux
tarifaires des différents médias sont hétérogènes
; que, dans ces conditions, chaque média possède des qualités
propres de nature à le rendre insubstituable à un autre média
pour un annonceur désireux de procéder à une campagne
publicitaire, soit que cet annonceur décide d’investir son budget
sur un seul média, soit qu’au contraire il décide de le répartir
entre différents médias pour moduler son message et diversifier
ou élargir ses cibles ; qu’il résulte de ce qui précède
qu’il existe, du point de vue des annonceurs, un marché de l’espace
publicitaire propre à chaque média... " ;
Considérant que la Commission européenne, dans une décision
du 20 septembre 1995 RTL/Veronica/Endemol relative à une opération
de contrôle de concentration, a indiqué : " Le marché
de la publicité télévisée - Sur le marché
de la publicité télévisée, la concurrence s’exerce
soit par la relation commerciale directe entre télédiffuseurs
et annonceurs, soit par le biais des contacts entre télédiffuseurs
et agences représentant les annonceurs. La publicité télévisée
constitue un marché distinct par rapport à la publicité
ayant pour support d’autres médias, en particulier la presse. Selon
le type de publicité choisi, le public cible peut varier considérablement.
En outre, les techniques employées (spots pour la publicité
télévisée, support graphique pour les magazines) et
les coûts de production qui leur sont liés sont également
extrêmement différents d’un média à l’autre.
Les prix, exprimés en fonction du nombre de consommateurs potentiels
effectivement touchés, sont également différents.
C’est ainsi qu’aux Pays-Bas, le coût par millier de " contacts "
publicitaires était en 1993 de 11,22 dollars pour la publicité
télévisée (moyenne sur une journée complète)
contre seulement 5,04 dollars pour la publicité dans les magazines.
Même si les frontières entre publicité télévisée
et publicité par d’autres médias ne sont pas totalement étanches
(cet aspect sera examiné plus en détail par la suite), il
est clair que la publicité télévisée et la
publicité dans la presse écrite constituent des marchés
distincts " ;
Considérant, cependant, que les sociétés TF1 et
TF1 Publicité soutiennent que l’existence d’un marché de
la publicité télévisuelle n’est pas établie
; que les précédents invoqués ne sont pas revêtus
de l’autorité de la chose jugée ; qu’elles produisent une
étude du Professeur Benzoni soutenant l’existence d’un marché
de la publicité multimédia par utilisation du test de l’élasticité
croisée et par la démonstration que le média TV n’a
pas véritablement de caractéristiques propres ;
Mais considérant que, comme le Conseil de la concurrence l’a
indiqué dans son rapport de 1992, " le marché est le lieu
sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service
spécifique "... " Pour définir les critères d’un marché,
le Conseil de la concurrence identifie les produits ou services dont on
peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme
des moyens alternatifs de satisfaire une même demande et entre lesquels
ils peuvent arbitrer " ; que, de la même façon, la Commission,
dans sa communication 97/C 372/03 (JOCE 9 décembre 1997), a précisé
: " Un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou
services que le consommateur considère comme interchangeables ou
substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix
et de l’usage auquel ils sont destinés " et qu’elle utilise la méthode
du " faisceau d’éléments d’appréciation " qui est
également employée par le Conseil ;
Considérant qu’en ce qui concerne le test de l’élasticité
croisée, le Conseil de la concurrence a indiqué, dans sa
décision n° 99-D-45 du 30 juin 1999 relative à des pratiques
constatées dans le secteur du jouet, que " si le test de l’élasticité
croisée peut être pris en compte, il fait partie du faisceau
des indices qui doivent être pris en considération pour délimiter
les marchés ; que ce test ne saurait être à lui seul
décisif, dès lors que figurent au dossier des éléments
d’appréciation qualitatifs qui doivent également être
pris en compte " ; qu’en effet, dans un arrêt du 29 novembre 1994
(Comité interprofessionnel des fromages de Cantal), la Cour de cassation
a précisé que " les critères de substituabilité
d’un produit permettant de délimiter un marché économique
de référence (...) s’apprécient différemment
selon la nature et les modalités de commercialisation du produit
en cause (...). La Cour d’appel, qui a constaté que le goût
des fromages de Cantal se distinguait "nettement de celui des autres fromages
à pâte pressée non cuite" (...), a pu, sans avoir à
rechercher si la baisse de consommation de ce produit s’expliquait par
le report de la clientèle sur d’autres fromages à pâte
pressée, statuer ainsi qu’elle l’a fait " ;qu’il en résulte
que " la délimitation des contours du marché doit être
opérée en examinant successivement et, en cas de contradiction,
en pondérant les différents indices réunis au cours
de l’instruction... " ;
Considérant que, dans la présente affaire, l’enquête
a mis en évidence, en premier lieu, de la part des acteurs concernés,
une perception générale de la spécificité du
média télévision, en deuxième lieu, l’utilisation
de techniques propres de commercialisation et de mesures, en troisième
lieu, des conditions de vente particulières et, enfin, des contraintes
juridiques spécifiques ; que ces constatations sont confortées
par la décision du Conseil de la concurrence n° 96-D-44 du 18
juin 1996 et la décision de la Commission en date du 20 septembre
1995 qui ont conclu à l’existence d’un marché de la publicité
télévisuelle ; que, dans la décision du Conseil de
la concurrence, trois critères sont utilisés pour aboutir
à la conclusion que " du point de vue des annonceurs, chaque média
possède des qualités propres de nature à les rendre
insubstituables " : importance du budget, nature du message et de la cible
; que, dans celle de la Commission, trois critères sont distingués
: le public cible, les techniques employées et les prix ; qu’il
n’y a pas de différence fondamentale entre ces critères et
la méthodologie suivie par l’enquêteur et par le rapporteur
; que, même si les décisions précitées du Conseil
de la concurrence et de la Commission n’ont pas autorité de la chose
jugée, aucun élément nouveau n’est venu modifier les
constatations relatives au marché pertinent contenues dans ces décisions
;
Considérant que, en ce qui concerne l’étude du Professeur
Benzoni produite par les sociétés TF1 et TF1 Publicité
et qui conclut à l’existence d’un marché plurimédia
compte tenu d’une analyse fondée sur un test d’élasticité
croisée, il convient de relever qu’alors qu’il y a, selon l’auteur,
61 359 annonceurs quel que soit le support, son étude ne vise, dans
un premier temps, que les 10 199 annonceurs plurimédia et, dans
un deuxième temps, les 2 506 annonceurs plurimédia recourant
à la télévision, alors que ce dernier chiffre représente
moins de 4 % du nombre total des annonceurs, même s’ils concentrent
75 % de l’investissement global en publicité média sur le
marché français ; que c’est à partir de ces chiffres
traduisant une sélection artificielle et asymétrique des
demandeurs que le test a été pratiqué ; que, même
si de nombreuses données ont été utilisées,
la courbe qui les symbolise a été établie sur la base
de cinq points seulement, c’est-à-dire sur la base de cinq rapprochements
entre variation de prix et variation de la demande ; que ce nombre réduit
de points ne permet pas de s’assurer de la validité du test ;
Considérant que, si l’étude relève encore que le
média TV n’a pas de caractéristiques propres en ce qui concerne
la couverture et la mémorisation, il résulte de l’enquête
qu’il demeure, dans l’esprit des acteurs du marché et principalement
des demandeurs, ce qui est essentiel, que le média TV est distinct
des autres, alors que le Professeur Benzoni constate lui-même qu’il
y a toujours des différences selon le média si on compare
le niveau de mémorisation et de répétition et se borne,
afin de démontrer l’absence de distinction entre médias,
à donner des pourcentages de couverture maximales des médias
; qu’il résulte, d’ailleurs, de l’existence de préférences
affichées de la part des demandeurs et des changements parfois brutaux
de leur stratégie média qui ne sont pas liés à
des variations de leurs prix relatifs, que la possibilité d’obtenir
des couples répétition/mémorisation équivalents
dans les différents médias, à la supposer établie,
ne permet pas de conclure à une indifférence des décideurs
à l’égard des différentes catégories de médias
; que, dès lors, il apparaît que les conclusions de cette
étude ne sont pas de nature à remettre en cause les résultats
de l’enquête ni l’analyse des décisions du Conseil de la concurrence
et de la Commission, précitées ;
Considérant que les sociétés TF1 et TF1 Publicité
ont produit, après le rapport, une étude de l’Union des annonceurs
(UDA) intitulée " une nouvelle segmentation du marché publicitaire
Secodip 1999 " qui " confirmerait point par point la segmentation effectuée
dans l’étude du Professeur Benzoni " et une étude complémentaire
de ce dernier ; que l’étude de l’UDA, dont rien ne précise
les objectifs, ne constitue nullement la démonstration annoncée
et apparaît comme un simple état descriptif des investissements
publicitaires ; que l’analyse complémentaire de M. le Professeur
Benzoni n’apporte pas d’éléments nouveaux par rapport à
son étude de base déjà examinée ; qu’il convient
à nouveau d’affirmer que la circonstance qu’il puisse y avoir des
investissements publicitaires plurimédias ne permet pas de conclure
à l’existence d’un marché unique de la publicité,
tous supports confondus ;
Considérant que la société M6 Publicité,
qui reconnaît le bien fondé de la distinction des marchés
publicitaires par média, soutient qu’il convient de distinguer l’espace
publicitaire télévisuel des chaînes généralistes
et l’espace publicitaire télévisuel des chaînes thématiques,
ce qui serait confirmé par le rapport d’enquête de 1995 et
par les décisions du Conseil de la concurrence, notamment la décision
n° 99-D-85 du 22 décembre 1999 ; que, selon cette société,
la singularité du marché de l’espace publicitaire télévisuel
des chaînes thématiques résulte de quatre critères
: en premier lieu, des techniques propres de mesure d’audience et de parts
de marché publicitaire avec impossibilité de calculer l’impact
des remises de part de marché ; en deuxième lieu, une différence
de positionnement des chaînes thématiques et des chaînes
généralistes hertziennes par rapport aux cibles avec des
critères d’achat différents (puissance des écrans
pour les chaînes généralistes hertziennes et qualité
de la cible recherchée pour les chaînes thématiques)
; en troisième lieu, une tarification différente des écrans
des chaînes thématiques avec un prix de l’espace publicitaire
moins cher que sur les chaînes hertziennes, tandis que le coût
GRP y est nettement plus élevé ; enfin, une commercialisation
par des régies gérant également des chaînes
généralistes, ce qui confirme l’absence de concurrence entre
les deux types de chaîne ; qu’elle considère que le marché
pertinent est celui des chaînes généralistes nationales
: TF1 avec 50,2 % de part de marché, F2 avec 18,37 %, F3 avec 16,49
%, M6 avec 17,04 % et Canal + avec 2,56 % ; qu’elle relève que le
marché pertinent est " un marché de répartition, stable
tant du point de vue des opérateurs présents que plus relativement
de leur part de marché " et que " l’indice de concentration du marché
est très élevé puisque deux opérateurs représentent
à eux seuls plus de 80 % du marché en 1997 (dont 50,2 % TF1
Publicité et 29,86 % pour France Télévision Publicité)
" ; qu’elle indique, enfin, que le Conseil supérieur de l’audiovisuel,
dans ses avis du 7 mars 1997 et 14 octobre 1999, considère qu’il
existe un marché de la publicité télévisuelle
propre aux chaînes nationales hertziennes sans y inclure les chaînes
du câble et du satellite ;
Considérant que, compte tenu de la très faible part du
marché publicitaire télévisuel occupée au cours
des années 94 à 96 par les chaînes de télévision
thématiques et du fait qu’à l’époque, celles-ci ne
faisaient l’objet d’aucune mesure spécifique d’audience et n’entraient
donc pas dans les calculs de parts de marché utilisés pour
la mise en œuvre des pratiques examinées, la question de l’intégration
de ces chaînes dans le marché de l’espace publicitaire télévisuel
est sans utilité pour l’examen du présent dossier ;
En ce qui concerne les pratiques,
Sur l’abus de position dominante de TF1 Publicité
Sur la position dominante de TF1 Publicité
Considérant que le marché pertinent étant celui
de la publicité télévisuelle, tel que défini
précédemment, il s’agit d’examiner, en premier lieu, les
parts de marché détenues par les différentes chaînes,
même si d’autres critères peuvent être également
pris en considération ; que TF1 Publicité détient
plus de 50 % de part dudit marché de 1995 à 1997, le deuxième
opérateur, France Télévision Publicité, détenant
avec 29 %, une part bien inférieure ; que l’érosion de la
part d’audience de TF1, pendant la période considérée,
ne s’accompagne pas d’une évolution aussi significative de la part
détenue par la chaîne sur le marché de la publicité
télévisée ; que, quelles que soient les raisons de
cette situation, qui peut, par exemple, être imputable aux règles
strictes limitant les écrans publicitaires sur les chaînes
publiques non cryptées, elle n’en démontre pas moins que
TF1 est capable de maintenir ou développer ses recettes malgré
la baisse de son audience ; que la " puissance des écrans " de TF1
est un fait incontestable pour les professionnels ; que, si l’on compare
la part d’audience des émissions par rapport aux parts de marché
détenues par chaque chaîne, que l’on raisonne en audience
globale ou sur la cible de référence pour TF1 (la ménagère
de moins de 50 ans), on constate que TF1 obtient des annonceurs une part
d’investissement supérieure à sa part d’audience, alors que
les autres chaînes ont un rapport négatif, à l’exception
de M6 lorsque l’on raisonne en audience globale (+ 4.62 contre + 15,13
pour TF1) ; que, si l’on retient le rapport audience/part de marché
sur la cible des ménagères de moins de 50 ans, seul TF1,
obtient un écart positif alors que, précisément, c’est
sur cette cible que la chaîne réalise ses meilleurs taux d’audience
(Cf. les tableaux " Les rapports audience/part de marché " de la
présente décision) ;
Considérant que ce même écart, supérieur
à quatre points, se retrouve si l’on compare le rapport entre le
taux d’audience utile mesuré statistiquement par le GRP et les parts
de marché par chaîne :
Comparatif Parts d’offre GRP/parts de marché par chaîne
1996-1997
|
1996
|
1997
|
|
GRP
|
PDM
|
|
GRP
|
PDM
|
|
TF1 |
46,6
|
50,9
|
4,3
|
45,5
|
49,5
|
4,0
|
FTV |
30,2
|
29,1
|
- 1,1
|
29,5
|
30,0
|
0,5
|
M6 |
18,6
|
16,4
|
- 2,2
|
19,7
|
16,8
|
- 2,9
|
Canal + |
3,4
|
2,4
|
- 1,0
|
3,6
|
2,5
|
- 1,1
|
Source PDM : Sécodip
Cible : ménagères < 50 ans.
Considérant, ainsi, que TF1 est en mesure de conserver des parts
de marché de la publicité télévisuelle supérieures
à ses taux d’audience, alors même que ceux-ci déterminent
largement les choix faits par les annonceurs ; que ces éléments
confirment le rôle de leader joué par TF1 sur le marché
de la publicité télévisuelle ;
Considérant que les sociétés TF1 et TF1 Publicité
soutiennent qu’à supposer qu’il existe un marché de la publicité
télévisuelle, elles ne sont pas en position dominante sur
ce marché ; qu’elles font état de la décision d’ouverture
de procédure contre la France au titre des aides accordées
à France 2 et France 3, publiée au JOCE du 27 novembre 1999,
pour en déduire que la puissance financière de France Télévision
et de Canal + est supérieure à la leur ; qu’elles ajoutent
que l’analyse, qui aboutit à l’affirmation de leur position dominante,
n’est pas conforme à celle de la Commission européenne qui
utilise le critère de la capacité de financement des programmes
; qu’elles considèrent, également, qu’une telle analyse est
contraire aux enseignements de la théorie économique sur
l’oligopole mixte, selon laquelle " l’objectif de bien-être poursuivi
par la firme publique impose généralement une perte de profit
très importante pour les firmes privées " car " les firmes
privées font face à un rival pratiquant des prix très
faibles " ; qu’elles estiment que la part d’audience des écrans
et plus généralement celle des programmes et leur évolution
ne démontrent pas l’existence d’une position dominante et que le
coût GRP de certains écrans de TF1 constitue seulement une
manifestation du prix de marché de ces écrans dans un contexte
de prix bas du service public ; qu’elles font valoir que les parts d’audience
de TF1 Publicité en ce qui concerne les ménagères
de moins de 50 ans (46 %) ne sont pas disproportionnées par rapport
à celles de France Télévision Publicité (30
%) et de M6 Publicité (18,8 %) pour l’année 1997 ; qu’elles
précisent qu’il n’y a pas eu, en 1993, alignement des différentes
chaînes sur ses pratiques tarifaires de remise de fidélité
puisque, comme le révélaient les décisions n°
93-D-59 du 15 décembre 1993 et n° 96-D-44 du 18 juin 1996 du
Conseil de la concurrence, cette pratique était antérieurement
répandue dans ce secteur ; qu’elles allèguent que TF1 Publicité
ne peut s’affranchir de la concurrence compte tenu de la puissance économique
de France Télévision et de la fluidité du marché,
qui serait établie par le développement de France Télévision
Publicité et de M6 ainsi que par l’apparition de la Cinquième
et des chaînes thématiques, parallèlement à
la forte érosion de ses parts de marché ; qu’elles prétendent
que, même dans l’hypothèse de l’existence d’une position dominante
sur le marché de la publicité télévisuelle,
la situation de TF1 sur ce marché ainsi que l’importance des remises
pratiquées ne permettent pas de qualifier ces pratiques d’anticoncurrentielles,
puisque TF1 ne peut imposer aux annonceurs une quelconque exclusivité
; que ces pratiques visent à avantager les petits annonceurs et
qu’elles répondent à leurs demandes ;
Mais considérant, en premier lieu, que l’existence d’une décision
d’ouverture de procédure contre la France au titre des aides accordées
à France 2 et France 3 n’est opérante qu’en ce qui concerne
le marché de la diffusion télévisuelle et non les
marchés de la publicité ; qu’elle ne peut suffire à
démontrer l’absence de position dominante de TF1 Publicité
sur le marché de la publicité télévisuelle
;
Considérant, en deuxième lieu, que l’argumentation des
sociétés TF1 et TF1 Publicité, selon laquelle, en
raison de l’existence d’un oligopole mixte, les prix bas pratiqués
par France Télévision, en quelque sorte subventionnés,
réduiraient leur marge de manœuvre, ne peut qu’être écartée
lorsqu’on constate que les coûts GRP de TF1 pour les catégories
Ménagère de moins de 50 ans et CSP plus de 50 ans sont les
plus élevés, ce qui démontre que, sur son cœur de
cible, cette chaîne, compte tenu de sa puissance, peut pratiquer
des prix élevés sans être contrainte par le niveau
des prix pratiqués par la régie publicitaire des chaînes
publiques ;
Considérant, en troisième lieu, que, s’agissant des parts
d’audience de TF1 Publicité en ce qui concerne les ménagères
de moins de 50 ans par rapport à celles de France Télévision
Publicité et de M6 Publicité pour l’année 1997, il
convient de relever, d’une part, que le chiffre de 46 %, avec un différentiel
de seize points par rapport à l’opérateur suivant, est, au
contraire, élevé et, d’autre part, que doit être pris
en considération l’ensemble des facteurs de puissance cumulés
de TF1 ; qu’en ce qui concerne la cible CSP, TF1 est toujours en tête
; que, si TF1 voit ses parts de marché publicitaire diminuer, celles-ci
demeurent néanmoins très importantes et que la limitation
de la publicité sur les chaînes publiques est un facteur particulièrement
favorable pour elle ;
Considérant, en quatrième lieu, que si les décisions
n° 93-D-59 du 15 décembre 1999 et n° 96-D-44 du 18 juin
1996 du Conseil de la concurrence font déjà état,
dans le secteur de la publicité télévisée,
de pratiques de remise de publicité pour des périodes antérieures
à 1993, il demeure que, compte tenu de la position de TF1 Publicité
sur le marché pertinent, sa politique tarifaire ne pouvait avoir
qu’un effet d’entraînement, de généralisation et d’accentuation
; que, surtout, il convient de constater qu’après l’intervention
de la loi dite " loi Sapin ", qui a modifié sensiblement les relations
contractuelles entre annonceurs et supports, c’est bien TF1 qui a pratiqué,
en premier, une politique de remise de fidélité, ainsi que
l’attestent les déclarations déjà citées de
Mme Vendroux, directrice de la régie publicitaire de Canal +, et
de M. Santini, directeur général de la société
France Espace ;
Considérant, enfin, que s’agissant de l’impossibilité
prétendue, pour les sociétés TF1 et TF1 Publicité
de s’affranchir de la pression du marché, il ne peut qu’être
constaté que la pratique de remises fondées sur une part
de dépenses publicitaires supérieure aux parts d’audience
de la chaîne démontre que TF1 Publicité a pu, tout
au contraire, s’affranchir de la pression de la concurrence ; que, si les
parts de marché publicitaire des sociétés TF1 et TF1
Publicité sont passées de 52,43 % à 50,20 % en 1997,
elles restent fort importantes et supérieures de vingt points environ
à celle de France Télévision Publicité ; qu’aucune
indication n’a été donnée de ce que cette érosion
se serait poursuivie de manière sensible ;
Considérant que, compte tenu de la part du marché de la
publicité télévisuelle détenue par TF1 et sa
filiale TF1 Publicité, de sa capacité à maintenir
en toutes circonstances un rapport part d’audience/part de marché
publicitaire positif –ce qu’elle est la seule à pouvoir faire–,
ainsi que de la possibilité qu’elle conserve de pratiquer des prix
supérieurs à ceux de ses concurrents, les sociétés
TF1 et TF1 Publicité doivent être regardées comme occupant
au cours de la période considérée, qui s’étend
du 24 décembre 1993 au 20 mai 1997, une position dominante sur le
marché de la publicité télévisuelle ;
Sur les griefs d’abus de position dominante résultant de la pratique
de remise de parts de marché mise en œuvre par TF1 et TF1 Publicité
Considérant que l’arrêt Hoffmann La Roche, rendu par la
Cour de justice des communautés européennes le 13 février
1979, énonce : " Attendu que, pour une entreprise se trouvant en
position dominante sur un marché, le fait de lier –fût-ce
à leur demande- des acheteurs par une obligation ou promesse de
s’approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable
de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue
une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article
86 du traité, soit que l’obligation en question soit stipulée
sans plus, soit qu’elle trouve sa contrepartie dans l’octroi de rabais
; qu’il en est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs
par une obligation formelle, applique, soit en vertu d’accords passés
avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais
de fidélité, c’est-à-dire de remises liées
à la condition que le client – quel que soit par ailleurs le montant,
considérable ou minime, de ses achats- s’approvisionne exclusivement
pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès
de l’entreprise en position dominante ; qu’en effet, les engagements d’approvisionnement
exclusif de cette nature, avec ou sans la contrepartie de rabais ou l’octroi
de rabais de fidélité en vue d’inciter l’acheteur à
s’approvisionner exclusivement auprès de l’entreprise en position
dominante, sont incompatibles avec l’objectif d’une concurrence non faussée
dans le marché commun parce qu’ils ne reposent pas – sauf circonstances
exceptionnelles rendant éventuellement admissible un accord entre
entreprises dans le cadre de l’article 85, et en particulier du paragraphe
3 de cette disposition – sur une prestation économique justifiant
cette charge ou cet avantage, mais tendent à enlever à l’acheteur,
ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en
ce qui concerne ses sources d’approvisionnement et à barrer l’accès
du marché aux autres producteurs …. ; que la notion d’exploitation
abusive est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise
en position dominante qui sont de nature à influencer la structure
d’un marché où, à la suite précisément
de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence
est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle,
par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent
une compétition normale des produits ou services sur la base des
prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré
de concurrence existant encore sur le marché ou au développement
de cette concurrence " : que la Cour a ensuite vérifié l’existence
des engagements et leur nature, et éventuellement la possibilité
de s’en libérer ; que cette analyse a été reprise
par la Cour dans l’affaire Michelin (CJCE 9 novembre 1983) et dans l’affaire
BPB du 1er avril 1993, et par le Conseil de la concurrence dans sa décision
n° 96-D-10 du 20 février 1996 ODA ; que cette jurisprudence
n’exige pas de relation d’exclusivité totale ;
Considérant que la mise en œuvre de remises fondées sur
les parts de marché conduit les annonceurs à affecter à
la chaîne qui leur consent cet avantage le budget publicitaire minimum
qui leur est imposé pour pouvoir en bénéficier ; qu’une
telle remise, qui s’apparente à une remise de fidélité,
fait obstacle à la fluidité des investissements publicitaires
entre les différentes chaînes hertziennes ; que, mise en œuvre
par une entreprise en position dominante, elle constitue un abus prohibé
par les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ;
Sur le grief d’entente dans le cadre de contrats de vente simple ou
de contrats de coopération
Considérant qu’il convient de rappeler que dans l’affaire SA
Brasserie De Haecht (CJCE 12 décembre 1967), la Cour de justice
a énoncé que : " Les conventions par lesquelles une entreprise
s’engage à ne se fournir que dans une entreprise à l’exclusion
de toute autre ne réunissent pas, par leur seule nature, les éléments
constitutifs de l’incompatibilité avec le marché commun,
prévus à l’article 85, paragraphe 1, du traité. Elles
peuvent cependant les réunir lorsque, soit isolément, soit
simultanément avec d’autres, dans le contexte économique
et juridique dans lequel elles sont intervenues et sur la base d’un ensemble
d’éléments objectifs de droit ou de fait, elles sont susceptibles
d’affecter le commerce entre Etats membres et ont, soit pour objet, soit
pour effet, d’empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence
" ; que, dans l’affaire Delimitis du 28 février 1991, elle a précisé
: " Il y a donc lieu de répondre aux trois premières questions
préjudicielles qu’un contrat de fourniture de bière est interdit
par l’article 85, paragraphe 1, du traité CEE, s’il est satisfait
à deux conditions cumulatives. Il faut, en premier lieu, que compte
tenu du contexte économique et juridique du contrat litigieux, le
marché national de la distribution de bière dans des débits
de boissons soit difficilement accessible pour des concurrents qui pourraient
s’implanter sur ce marché ou qui pourraient y élargir leur
part de marché. Le fait que le contrat litigieux relève,
dans ce marché, d’un ensemble de contrats similaires qui produisent
un effet cumulatif sur le jeu de la concurrence ne constitue qu’un facteur
parmi d’autres pour apprécier si un tel marché est effectivement
d’un accès difficile. Il faut, en second lieu, que le contrat litigieux
contribue de manière significative à l’effet de blocage produit
par l’ensemble de ces contrats dans leur contexte économique et
juridique. L’importance de la contribution du contrat individuel dépend
de la position des parties contractantes sur le marché en cause
et de la durée du contrat " ; que la Cour a apporté des précisions
quant à l’application de la jurisprudence sur l’effet cumulatif
ainsi des contrats, en notant que l’analyse d’un tel effet sur les possibilités
pour les concurrents de s’implanter sur le marché considéré
ou d’y agrandir leur part de marché nécessite, dans un premier
temps, la délimitation du marché et l’examen de la nature
et de l’importance de l’ensemble desdits contrats ; que la simple constatation
de l’existence de contrats similaires ne suffit pas et qu’il faut également
examiner s’il existe des possibilités réelles et concrètes
pour un nouveau concurrent de s’infiltrer dans le faisceau de contrats,
en tenant compte des conditions dans lesquelles s’accomplit le jeu de la
concurrence sur le marché de référence ; qu’elle ajoutait
que, si l’examen a révélé que le marché en
soi est difficilement accessible, il convient, dans un deuxième
temps, d’apprécier dans quelle mesure les contrats conclus par l’entreprise
en cause contribuent à l’effet cumulatif produit par l’ensemble
des contrats similaires relevés sur le marché ; qu’il convient
de vérifier que cette contribution est significative et, qu’à
cet égard, sont prises en compte la position des parties contractantes
sur le marché ainsi que la durée du contrat ;
Considérant que le nombre d’opérateurs sur le marché
de la publicité télévisuelle est restreint par des
contraintes fortes, la possibilité de diffuser des programmes par
voie hertzienne dépendant du nombre de fréquences disponibles,
qui est limité, et d’autorisations délivrées par le
Conseil supérieur de l’audiovisuel ; que, toutefois, les contrats
en cause, passés entre des annonceurs et les régies de chaînes
de télévision autorisées qui organisent des relations
entre des offreurs et des acheteurs finaux et non entre des producteurs
et des distributeurs comme cela était le cas dans les décisions
rendues par la Cour de justice, ne sont pas tous identiques, en particulier
en ce qui concerne le pourcentage des dépenses de publicité
télévisuelle déclenchant les remises de part de marché,
ce seuil n’étant pas toujours supérieur ou égal à
la part de marché détenue par la chaîne ; que leur
durée n’est qu’annuelle, ce qui permet aux annonceurs de remettre
aisément en cause les choix qu’ils ont faits en matière de
chaînes télévisuelles pour l’allocation de leur publicité
; qu’ainsi, la pratique en cause ne rigidifie pas le marché sur
une longue période ; que, compte tenu des caractéristiques
de l’offre d’espace publicitaire, dont le coût est pratiquement nul
pour le diffuseur alors que, dans le même temps qu’il diffuse de
la publicité, il réalise une économie puisqu’il n’a
pas à diffuser de programmes, il est toujours possible à
l’une des chaînes hertziennes nationales de proposer des tarifs particulièrement
attrayants pour ses écrans publicitaires et de tenter ainsi d’augmenter
sa part sur le marché de la publicité télévisuelle
; qu’ainsi, les conditions de l’effet cumulatif des conventions en cause
ne sont pas satisfaites ; que, par suite, le grief d’entente anticoncurrentielle
ne peut être retenu ; qu’il n’y a donc pas lieu de poursuivre la
procédure de ce chef à l’encontre des sociétés
TF1 et TF1 Publicité, France Télévision et M6 Publicité
;
Sur l’imputabilité du grief d’abus de position dominante
Considérant que le grief d’abus de position dominante a été
notifié à la fois aux sociétés TF1 et TF1 Publicité
; que, dans son rapport, le rapporteur a abandonné le grief en tant
qu’il était imputable à TF1, au motif qu’il n’était
pas établi que la société TF1 Publicité ne
soit pas autonome, et l’a confirmé en tant qu’il était applicable
à TF1 Publicité ; que, dans leurs observations communes en
réponse à ce rapport, les deux sociétés indiquent
que la société TF1 " prenait acte de l’abandon des griefs
qui lui ont été notifiés et ne s’estime donc plus
concernée par la présente procédure " ;
Mais considérant, en premier lieu, que comme le reconnaît
la société TF1 elle-même, elle a été
destinataire, ainsi que sa filiale, la société TF1 Publicité,
du grief d’abus de position dominante notifié par le rapporteur
; que la société TF1 a répondu, avec sa filiale, la
société TF1 Publicité, à cette notification
de griefs par des observations enregistrées le 24 mars 2000 ; qu’elle
a ainsi pu présenter sa défense, qui était d’ailleurs
strictement commune à celle présentée par la société
TF1 Publicité, sa filiale ;
Considérant, en second lieu, qu’à la suite de la communication
du rapport, les sociétés TF1 et TF1 Publicité ont
présenté un mémoire commun ; que, d’une part, la société
TF1, faisant référence au rapport, y demandait sa mise hors
de cause ; que, d’autre part, la société TF1 Publicité
y faisait valoir que " contrairement aux présuppositions du rapporteur,
elle ne dispose d’aucune autonomie juridique et d’action par rapport à
sa société mère ; …que TF1 était détenu
à plus de 99 % par TF1 et que son Conseil d’administration était
pour l’essentiel composé de dirigeants de la société
mère ; ….qu’étant structurellement et commercialement intégrée
à sa société mère, elle ne saurait être
responsable des faits qui lui sont aujourd’hui reprochés " ; qu’il
résulte, ainsi, des écritures mêmes de la société
TF1 Publicité qu’en l’absence de toute autonomie de sa part, les
faits qui lui sont reprochés, ne peuvent être imputés
qu’à sa société mère, la société
TF1 ;
Considérant que la question posée au Conseil étant
de savoir, non pas si la société TF1 a, en tant que telle,
commis les faits visés dans la saisine et qui ont été
décrits ci-dessus, mais si, en raison des liens d’étroite
dépendance entre la société mère et sa filiale,
la personnalité morale de la société TF1 Publicité
ne s’est pas trouvée dissoute dans celle de la société
TF1 et si, dès lors, cette dernière ne doit pas répondre
des griefs retenus au terme d’une procédure pleinement contradictoire
à son endroit, l’appréciation du rapport sur l’indépendance
de la filiale ne lie pas le Conseil ; que, l’absence d’autonomie de la
société TF1 Publicité à l’égard de sa
société mère apparaissant certaine au vu des éléments
du dossier, la société TF1 doit être maintenue dans
les liens de la poursuite et qu’il convient de lui imputer la responsabilité
des pratiques d’abus de position dominante précédemment analysées
;
Sur les suites à donner
Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce
" le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés
de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé
ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction
pécuniaire applicable, soit immédiatement, soit en cas d’inexécution
des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées
à la gravité des faits reprochés, à l’importance
du dommage causé à l’économie et à la situation
de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné
et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum
de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d’affaires
hors taxes en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant
n’est pas une entreprise, le montant maximum est de dix millions de francs.
Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision
dans les journaux de publications qu’il désigne, l’affichage dans
les lieux qu’il indique et l’insertion de sa décision dans le rapport
établi sur les opérations de l’exercice par les gérants,
le conseil d’administration ou le directoire de l’entreprise. Les frais
sont supportés par la personne intéressée " ;
Considérant que, pour apprécier la gravité des
faits et l’importance du dommage causé à l’économie,
il y a lieu de relever, en ce qui concerne le grief d’abus de position
dominante, que la pratique en cause a eu pour objet et pour effet de maintenir
la position dominante détenue par la société TF1 et
de faire obstacle à la fluidité du marché ; que, compte
tenu de la position de leader de cette société, la politique
commerciale qu’elle a suivie a eu un effet d’entraînement et de généralisation
sur l’ensemble du marché, renforçant ainsi sa rigidité
; que cette pratique a été maintenue alors même que
le ministre de l’économie avait, le 6 février 1996, adressé
à la société TF1 un courrier l’engageant à
modifier la politique tarifaire de son entreprise ; que l’importance du
dommage à l’économie résulte de la généralisation
de cette pratique sur un marché évalué en 1997 à
24,7 milliards de francs ; que, toutefois, si l’on peut penser qu’en l’absence
de cette pratique, les parts de marché de chaque régie publicitaire
auraient pu évoluer de manière plus contrastée, il
y a lieu de relever que, sur la période 1995/1997, la part de marché
de TF1 Publicité a enregistré une baisse de 2,23 points,
alors que celle de France Espace et de M6 Publicité ont progressé
respectivement de 1,17 et 0,92 point ; que, sur la période, la seule
société concurrente de la société TF1 Publicité
à avoir enregistré une baisse de parts de marché est
la société Canal + ; que, toutefois, cette baisse est faible
(- 0,07 point) ; que la société TF1 a déclaré,
lors de la séance, avoir abandonné toute pratique s’apparentant
à une remise de part de marché ;
Considérant que la société TF1 a réalisé
en France, au cours de l’exercice clos en décembre 1999, un chiffre
d’affaires de 8 435 587 300 F ; qu’en fonction des éléments
généraux et individuels tels qu’appréciés ci-dessus,
il y a de lui d’infliger une sanction pécuniaire de 8 000 000 F
;
Considérant que, compte tenu de l’abandon de la pratique par
la société TF1, il n’y a pas lieu à délivrer
d’injonction ;
Considérant que, compte tenu de l’existence d’une position dominante
qui, sans être en elle-même interdite, constitue une condition
favorable à la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles,
il convient d’informer les annonceurs des difficultés de fonctionnement
du marché afin qu’ils y exercent leur vigilance ; que, dès
lors, il y a lieu d’enjoindre à la société TF1 de
publier la présente décision dans une revue professionnelle,
D E C I D E :
Article 1er. - Il est établi que la société
TF1 a enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce.
Article 2. – Il est infligé à la société
TF1 une sanction pécuniaire de 8 000 000 F.
Article 3. - Dans un délai maximum de trois mois suivant
sa notification, le texte de la présente décision sera publié
avec des caractères en permettant la lisibilité dans des
conditions normales dans la revue Stratégie. Cette publication sera
précédée de la mention : " Décision du Conseil
de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par la
société TF1 ".
Article 4. – Il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure
engagée sur le fondement des dispositions de l’article L. 420-1
du code de commerce à l’encontre des sociétés TF1
et TF1 Publicité, France 2 , France 3, France Télévision
Publicité, M6 et M6 Publicité.
Délibéré, sur le rapport de M. GUEDJ, par Mme HAGELSTEEN,
présidente, Mme PASTUREL, vice-présidente, Mmes FLURY-HERARD
et PERROT, MM. BIDAUT, PIOT, LASSERRE, NASSE, RIPOTOT et ROBIN, membres.
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