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19 mai 2002
Décision n° 2000-D-83 du 13 février 2001 relative à des pratiques mises en œuvre par la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et le Comité Français d’Organisation France 98 (CFO) à l’occasion de la Coupe du monde de football 1998
LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,
Vu la lettre enregistrée le 3 décembre 1998 sous le numéro
F 1103, par laquelle la société OMVESA a saisi le Conseil
de la concurrence de pratiques qui auraient été mises en
oeuvre à son encontre par le Comité Français d’Organisation
France 98 (CFO) ;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l’application de l’ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à
la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu les observations présentées par la FIFA, le CFO, la
société OMVESA ainsi que par le commissaire du Gouvernement
;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement, le représentant de la société OMVESA
ainsi que les représentants du CFO et de la FIFA, entendus au cours
de la séance du 6 décembre 2000 ;
I. - Constatations
Le 2 juillet 1992, le Comité exécutif de la Fédération
Internationale de Football Association (FIFA) a confié à
la France l’organisation de la 16ème Coupe du monde devant se dérouler
du 10 juin au 12 juillet 1998. A cette fin s’est constitué, sous
l’égide de la Fédération Française de Football
(FFF), membre de la FIFA, le Comité Français d’Organisation
de la Coupe du monde (CFO). Dix villes ont été sélectionnées
par le Gouvernement, le CFO et la FIFA pour accueillir la Coupe du monde,
la finale devant se dérouler au stade de France à Saint-Denis.
La société OMVESA est une société de droit
espagnol, dont le siège social se trouve à Madrid, qui exerce
l’activité de " tour opérateur ". Cette société,
qui possède des agences en Espagne ainsi que dans différents
pays d’Amérique latine et aux Etats-Unis, a indiqué que,
si des ventes de billets avaient été effectuées à
des ressortissants japonais et iraniens par son agence de New-York, elle
n’avait, en revanche, procédé à aucune vente de forfaits
touristiques à l’occasion de la Coupe du monde de football 1998
en dehors des zones géographiques qui lui avaient été
attribuées et, " en particulier (.....) à des clients, ressortissants
français ".
Cette entreprise a été retenue, aux termes d’une procédure
de sélection, par le Comité Français d’Organisation
de la Coupe du monde 1998 (CFO) en tant que " Tour Operator Autorisé
" (TOA) pour les zones " CONMEBOL " (Amérique du sud) et " CONCACAF
" (Amérique du nord, Amérique centrale et Caraïbes)
de la FIFA.
A. - L’organisation du secteur
1. La FIFA – Présentation - Organisation
Fondée en 1904 à l’initiative d’un journaliste français,
la FIFA a son siège à Zurich, en Suisse. Le rôle de
cette organisation est d’édicter les lois du jeu, de règlementer
les transferts internationaux de joueurs et d’organiser des compétitions
internationales comme la Coupe du monde, les Championnats du monde des
moins de vingt ans, le Tournoi de football des jeux Olympiques...
Le congrès de la FIFA, " instance législative ", se réunit
tous les ans afin d’élaborer les statuts et les règlements.
Son président est élu tous les quatre ans. Chaque association
nationale affiliée (198 actuellement) dispose d’une voix. Le comité
exécutif de la FIFA, dont le domaine de compétence s’étend
à tout ce qui ne ressort pas de la compétence du congrès,
comprend un président, huit vice-présidents et douze membres.
2. La Coupe du monde de football
Organisée tous les quatre ans par la FIFA, la Coupe du monde
de football est un événement sportif mondial de première
importance. Un comité d’organisation est désigné au
sein de la FIFA pour " assumer (....) la responsabilité de l’organisation
et du déroulement de la compétition ". Le comité exécutif
de la FIFA désigne une seule association nationale affiliée
en tant qu’" agent exécuteur de la Coupe du monde ". Toute la compétition
doit se dérouler à l’intérieur des frontières
du même pays.
Le cahier des charges pour l’association nationale organisatrice de
la Coupe du monde 1998 précise (1. Prescriptions fondamentales)
que " l’association nationale désignée et son comité
organisateur sont placés sous le contrôle de la FIFA et de
la commission d’organisation de la Coupe du monde de la FIFA " et que "
c’est la FIFA qui prend, en dernière instance, les décisions
de principe concernant tous les points ".
Le même document rappelle qu’" il est (...) indispensable qu’avant
l’attribution définitive d’une coupe du monde de la FIFA, on dispose
d’une déclaration du Gouvernement du pays qui :
a) accueille favorablement l’organisation de la Coupe du monde de Football
dans ledit pays et
b) donne les garanties (....) requises pour faire de cette Coupe du
monde un succès ".
La FIFA justifie cette exigence par l’importance de l’événement
et par le fait que des " tâches importantes ", comme la sécurité,
" tombent directement dans le domaine de compétence " de l’état
dans lequel est organisée la compétition. Il est également
prévu (point 9 du cahier des charges) qu’une partie des billets
pour tous les matches doit être réservée aux associations
nationales affiliées à la FIFA.
De fait, le règlement de la Coupe du monde 1998 indiquait, en
son article 34, que " jusqu’à 20 % des billets d’entrée payants
pour tous les matches (......) doivent être réservés
pour les associations nationales membres de la FIFA. La FIFA édicte
des directives relatives à l’obtention de ces billets " et précise
qu’" il convient de réserver à la FIFA 2 000 billets d’entrée
payants (....) pour le match d’ouverture, les demi-finales, le match pour
la troisième place et pour la finale ". Des billets payants et gratuits
doivent en outre, aux termes du même article, être réservés
aux associations nationales participant à la compétition
finale.
Les recettes provenant de l’organisation de la Coupe du monde, qui comprenaient
les produits de la vente des billets, des droits de télévision
et des droits de publicité dans les stades, devaient être
réparties comme suit :
30 % au comité organisateur local,
70 % aux associations nationales participant à la compétition
finale, " selon le nombre de matches disputés par chaque équipe
".
Aux termes de l’article 36 du règlement précité, un
certain nombre de dépenses doivent être déduites des
recettes brutes, avant répartition. Il s’agit notamment des " frais
généraux d’organisation et d’administration de la FIFA ",
qui s’élèvent à 19 % des recettes, ainsi que d’un
certain nombre de frais tels que les " imprévus " et les dépenses
de préparation des associations nationales.
La Coupe du monde se déroule en deux phases : une compétition
préliminaire et une compétition finale.
La compétition préliminaire a pour but de qualifier, dans
les six confédérations de la FIFA, les trente pays qui participeront
à la compétition finale aux côtés du pays organisateur
et du précédent vainqueur (le Brésil avait emporté
la Coupe du monde 1994). Le tirage au sort entre les 172 pays inscrits
s’est déroulé le 12 décembre 1995 à Paris.
La qualification à l’épreuve finale s’effectuait par zones
géographiques correspondant aux zones attribuées aux confédérations
(UEFA, CONCACAF...).
La compétition finale de la Coupe du monde 1998 s’est déroulée
du 10 juin au 12 juillet 1998 en présence de 32 pays au lieu de
24 jusqu’alors. Le match inaugural (écosse c./Brésil), ainsi
que la finale (Brésil c./France) se sont déroulés
au stade de Saint-Denis, qui peut contenir jusqu’à 80 000 places.
Un tirage au sort a été organisé à Marseille,
le 4 décembre 1997, afin de répartir en huit groupes les
32 pays sélectionnés lors de la compétition préliminaire,
les deux premiers de chaque groupe étant qualifiés pour disputer
les huitièmes de finale, suivis des quarts de finale, des demi-finales,
de la finale pour la troisième place et de la finale. La compétition
comprenait 64 matches au total pendant une durée de 33 jours.
Dix villes avaient été sélectionnées et,
pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du monde, chaque
équipe devait disputer ses trois premiers matches de première
phase dans une ville différente, ce qui devait entraîner des
déplacements pour les supporters dans certaines des villes retenues.
Le calendrier de l’épreuve se présentait comme suit :
première phase : du 10 juin au 26 juin 1998 - huitièmes
de finale du 27 juin au 30 juin - quarts de finale : les 3 et 4 juillet
demi-finales : 7 et 8 juillet - finale pour les troisième et quatrième
places : 11 juillet - finale : 12 juillet.
B. - Système mis en place lors de la Coupe du monde de football
1998
1. Le Comité Français d’Organisation
Le Comité Français d’Organisation de la Coupe du monde
1998 (CFO), identifié sous la marque " France 98 ", a été
créé, le 10 novembre 1992. Cette organisation, qui était
co-présidée par MM. Fernand Sastre, président de la
FFF, et Michel Platini, avait pour objet la préparation et l’organisation
de la Coupe du monde 1998, en conformité avec le cahier des charges
de la FIFA et le protocole financier signé avec l’état français.
Il se composait d’une assemblée générale de laquelle
émanait un conseil d’administration, lequel a élu un bureau
présidé par MM. Sastre et Platini.
L’association comprenait (Cf. article 6 des statuts du CFO) :
des membres de droit : le délégué de la FIFA ou
son représentant, 24 représentants de la Fédération
Française de Football (FFF), le président du Comité
National Olympique et Sportif (CNOSF), dix représentants de l’état
dont des représentants des principaux ministères, sept représentants
des collectivités territoriales et le président de l’Assemblée
des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie ou son représentant,
cinq personnalités qualifiées désignées
par les membres de droit.
Les recettes prévisionnelles de la billetterie étaient
estimées, par le document de présentation du CFO remis à
la presse, à 1 035 millions de francs et les recettes prévisionnelles
de " partenariat " à 867 millions de francs.
2. L’organisation de la billetterie - présentation
Le document de présentation à la presse de la billetterie
de France 98 indiquait les " prévisions de répartition des
ventes " des 2 500 000 billets au total, comme suit :
- 60 % (soit 1 500 000 billets) pour le grand public résidant
en France et pour les " membres de la famille française du football
" (licenciés, abonnés des clubs professionnels, ligues, districts...)
;
- 20 % (soit 500 000 billets) aux fédérations nationales
membres de la FIFA ;
- 8 % (soit 200 000 billets) pour les tours opérateurs ;
- 12 % (soit 300 000 billets) pour les entreprises françaises
et étrangères " partenaires de France 98 ".
Ce même document soulignait que, du 27 novembre 1996 au 27 mai
1997, 1 270 000 billets, sur un total de 2 666 500 places disponibles,
avaient été vendus sous la forme de " Pass France 98", qui
permettaient aux spectateurs d’assister à cinq ou six matchs dans
une même ville, lors de la première phase, ainsi qu’à
un match des huitièmes de finale. Le CFO, les tours opérateurs
sélectionnés pour la zone UEFA et les fédérations
nationales pouvaient commercialiser des Pass France 98. Ces billets étaient
vendus " en aveugle ", en ce sens que les spectateurs ne connaissaient
pas les équipes concernées par les matches au moment de leur
acquisition, le tirage au sort des équipes n’ayant été
effectué que le 4 décembre 1997.
Aucun des tours-opérateurs de la zone UEFA n’a commercialisé
de " Pass France 98 ", ces prestataires ayant préféré
les écouler individuellement après tirage au sort des équipes.
Indépendamment du " Pass " mis en place par le CFO, il était
prévu que les spectateurs nationaux et étrangers puissent
se procurer des billets individuels :
- soit directement auprès du CFO, à partir de la mi-septembre
1997, pour le public résidant en France et pour les matches d’ouverture,
de quart, de demi-finale, de troisième/quatrième finale et
de finale (environ 300 000 billets), ainsi qu’à partir de mars 1998
pour les matches de première phase, et les huitièmes de finale
;
- soit, s’agissant des spectateurs étrangers, auprès
des tours-opérateurs et des fédérations nationales
de football, à partir de décembre 1997, pour tous les matchs.
Le CFO a commercialisé le Pass France 98 " en aveugle ", entre
le 27 novembre 1996 et le 27 mai 1997, soit environ sept mois avant le
tirage au sort des équipes, le 4 décembre 1997. Du 18 septembre
au 18 octobre 1997, le CFO a procédé à la vente de
billets individuels permettant d’assister à une seule rencontre
des " grands matches " (ouverture, quart, demi classement et finale), et
ce, également " en aveugle " et par tirage au sort, eu égard
à la forte demande. Enfin, s’agissant des autres matches (première
phase, hors match d’ouverture et huitième de finale), le CFO a également
vendu des billets individuels, à compter du 22 avril 1998, au fur
et à mesure du déroulement de la compétition.
La Commission européenne a estimé (décision du
20 juillet 2000) que le CFO avait abusé de la position dominante
qu’il détenait sur les marchés de la vente en aveugle de
billets au grand public lors de la première et de la deuxième
phase de la Coupe du monde de football 1998, en imposant des transactions
non équitables aux consommateurs situés hors de France, notamment
en imposant aux acheteurs de billets d’indiquer une adresse en France puis
dans l’EEE, ce qui a eu pour effet de limiter les débouchés
au préjudice de ces consommateurs.
Le déroulement chronologique des principaux événements
survenus dans l’organisation de la billetterie apparaît dans le tableau
ci-après :
calendrier de la compétition
|
calendrier de la vente de billets pour la phase finale
(2 666 500 billets disponibles au total)
|
Tirage au sort des matches préliminaires
:12 décembre 1995 |
|
Déroulement des matches préliminaires
: du 1er mars 1996 au 16 novembre 1997 |
Vente de " Pass France 98 " par le CFO (359
500 billets) : du 27 novembre 1996 au 27 mai 1997 Ouverture d’un site d’information
du public sur la Toile (World-Wide web) : 6 mai 1997 Notification du système
de sélection des TO par le CFO : 11 juin 1997 Approbation par la
Commission européenne : 30 juin 1997 Période de demande de
billets individuels " en aveugle " pour les " Grands matches " (181 000
attribués) : du 18 septembre au 18 octobre 1997choix de la société
Omvesa : 31 octobre (CONCACAF) et 13 novembre 1997 (CONMEBOL) |
Tirage au sort des équipes : 4 décembre
1997 |
Possibilité pour les TOA de commander
des billets " supplémentaires " pour les deux phases en fonction
des disponibilités Date limite de commandes des billets garantis
par les TOA : 15 décembre 1997 Tirage au sort (parmi le million
de demandeurs) des " Grands matches " : 19 décembre 1997 Date limite
de commande des billets garantis par les TOA : 15 décembre 1997 |
Première phase : 10 juin au 26 juin 1998 |
Vente de billets individuels pour la première
phase et les 1/8ème (175 500 billets) : à partir du 22 avril
1998 Vente de billets pour la 2ème phase : à partir du 26
juin 1998 |
1/8ème de finale : 27 au 30 juin 1998 |
|
¼ de finale : 3 et 4 juillet 1998 |
|
½ finale : 7 et 8 juillet 1998 |
|
Finale 3ème et 4ème places : 11
juillet 1998 |
|
Finale : 12 juillet 1998 |
|
3. Les modalités de sélection et de vente des billets
aux tours-opérateurs autorisés (TOA)
Le système de sélection des tours-opérateurs, qui
assuraient la vente des billets d’accès au sein de l’Espace économique
Européen (EEE), a fait l’objet d’une notification à la Commission
européenne, le 11 juin 1997. Celle-ci a approuvé, par lettre
en date du 30 juin 1997, le système envisagé par le CFO pour
le choix des tours opérateurs autorisés à vendre des
billets pour tous les matches de la Coupe du monde, finale comprise.
Bien que considérant que le système de sélection
envisagé par le CFO " pouvait entraîner des restrictions de
concurrence ", dans la mesure où il limitait le nombre de voyagistes
responsables de la vente de billets donnant accès à la Coupe
du monde 1998, la Commission a estimé que " le système de
sélection dans son ensemble était proportionné aux
objectifs poursuivis par le CFO, à savoir rendre la Coupe du monde
accessible au plus grand nombre par la mise en place d’un vaste réseau
de réservation des billets sans aboutir, pour des raisons de sécurité,
à mélanger des populations de supporters ".
Dans sa demande d’attestation négative adressée à
la Commission, le 11 juin 1997, au sujet de la sélection des professionnels
du tourisme, le CFO indiquait (page 17) : " Le CFO a également prévu
d’envoyer à la FIFA des conditions générales de vente
prévoyant que les ventes par les fédérations pourront
se faire non seulement aux membres des clubs mais aussi à tous TO
agréés par les instances de leur pays et qui respecteront
les consignes de sécurité appliquées par le CFO. L’objet
de cette condition qui a été envisagée par le CFO,
suite à des discussions avec la Commission, est d’élargir
le public auquel s’adresseront les fédérations nationales
".
Les dix-sept TOA sélectionnés, dont la société
OMVESA, pouvaient obtenir une licence, en contrepartie du versement d’une
contribution financière, et étaient assurés d’obtenir
des billets directement auprès du CFO pour les rencontres.
La demande d’attestation négative, adressée à la
Commission européenne au sujet de la sélection des professionnels
du tourisme par le CFO, prévoyait que la vente à l’étranger
pourrait débuter dès la sélection des TOA, prévue
pour octobre 1997, avec possibilité pour ces derniers d’acheter
des billets après le tirage au sort des équipes, le 4 décembre
1997. Ce document indiquait en effet : " Les TO souhaitent en effet acheter
des billets pour des matchs spécifiques (par exemple, Brésil-Allemagne),
or, ils ne connaîtront l’existence de ces matchs qu’après
le tirage au sort des équipes/- Pour des raisons de sécurité
et de cohérence commerciale reposant sur l’existence d’une masse
critique de billets par TO, le CFO s’est vu contraint de limiter à
cinq le nombre de TO dans la zone UEFA et à trois dans les autres
zones ".
Pour ce qui concerne la licence, le document susmentionné précisait
(page 20) : " La licence permettra au TO d’utiliser l’emblème officiel
de la Coupe du monde associé à la dénomination " Tour
opérateur autorisé ". Cette licence est accordée par
zone et est obligatoire. Le CFO examinera le montant proposé par
les TO pour l’achat de cette licence ".
S’agissant de la marge de manoeuvre accordée aux TO pour la revente
des billets, il était indiqué : " Suite à des discussions
préliminaires avec la commission, le CFO a décidé
d’ouvrir la vente aux TO en éliminant les restrictions à
la revente. Les TO pourront désormais revendre les billets n’importe
où dans la Communauté à n’importe quel utilisateur
final sous réserve d’indiquer la nationalité de l’utilisateur
et l’équipe qu’il soutient ".
Par ailleurs, le " guide pratique " remis aux tours opérateurs
candidats appelait l’attention de ces derniers sur l’existence d’un document
intitulé " Tour Operators - produits, prix, quantités " annexé
au guide pratique et faisait état notamment des informations suivantes
:
- les prix indiqués sur les billets correspondent aux prix publics
TTC. Ils sont majorés de 10 % pour " frais de gestion ". Le prix
unitaire des billets figure sur le même document ;
- les quantités indiquées correspondent au minimum de
billets garantis aux tours-opérateurs sélectionnés
:
Il existe cinq zones de sélection (UEFA, AFC/OFC, CAF, CONMEBOL,
CONCAFAF), étant précisé que " la zone de sélection
détermine les billets dont pourront disposer les Tour Operators
sélectionnés, qu’ils pourront revendre dans tous les pays,
sans distinction de zone ". Le CFO a, d’ailleurs, indiqué, à
ce sujet : " Aucune restriction territoriale concernant la vente n’a été
imposée aux tours opérateurs ; tous les tours opérateurs
pouvaient donc vendre des billets en Europe ".
- aucune exclusivité ne sera accordée à un tour-opérateur
;
- nombre de Pass France 98 réservés aux TO de la zone
UEFA ;
- nombre de billets match par match de la première phase (phase
de qualification) accordé chaque TO :
- à un TO de la zone UEFA pouvait acheter 6 750 billets au total
;
- les TO des autres zones pouvaient acheter au maximum : 3 000 billets
pour la zone AFC/OFC, 3 750 billets pour la zone CAF, 3 500 billets pour
la zone COMEBOL et 2 250 billets pour la zone CONCACAF.
- nombre de billets pour le match d’ouverture (une seule des deux équipes
était connue : il s’agissait du Brésil :
Avant le tirage au sort : 240 billets par TO de la zone UEFA et 50 billets
pour les autres TO ;
Après le tirage au sort : 140 billets par TO de la zone UEFA
si l’équipe appartient à cette zone et 200 billets aux TO
de la zone concernée si l’autre équipe appartient à
une zone différente de la zone UEFA.
Par ailleurs, les " Conditions générales de vente applicables
aux Tour Operator Autorisés " signées par la société
OMVESA précisent (pages 2 et 3 du document annexé à
la lettre en date du 28 avril 1999 du CFO) : " Le TOA devra se conformer
aux dispositions du " Manuel Tour Operator Autorisé ". Ce document
est réputé faire partie intégrante des présentes
conditions générales de vente (.......) A partir du moment
où le contingent de billets garanti pour chaque TOA est épuisé,
le CFO traitera les commandes selon les disponibilités, sans garantie
d’obtention. A réception par le CFO du formulaire de commande dûment
complété et signé, l’offre de commande du TOA est
irrévocable ".
Le nombre total de billets match par match de la deuxième phase
alloué à chaque TO apparaît dans le tableau ci-après
:
|
UEFA |
AFC/OFC |
CAF |
CONMEBOL |
CONCACAF |
matches de 1/8ème |
1 185
|
525
|
655
|
655
|
395
|
matches de ¼ |
1 145
|
510
|
635
|
635
|
380
|
matches de ½finale |
570
|
255
|
315
|
315
|
190
|
finale 3ème et 4ème place |
320
|
150
|
150
|
150
|
150
|
finale |
320
|
150
|
150
|
150
|
150
|
Les billets des huitièmes et quart de finale " garantis " devaient,
aux termes du contrat, être proposés à chaque TOA,
même si les équipes de sa zone n’étaient pas qualifiées,
mais uniquement pour les villes où ces équipes joueraient
si elles étaient qualifiées.
Sur la base de ce document, les TOA étaient donc assurés
de disposer du nombre total de billets suivant :
|
UEFA
|
AFC/OFC
|
CAF
|
CONMEBOL
|
CONCACAF
|
matches de première phase |
12 150
|
2 800
|
3 550
|
3 740
|
2 050
|
matches de deuxième phase |
4 340
|
1 590
|
1 905
|
1 905
|
1 265
|
Total |
16 490
|
4 390
|
5 455
|
5 645
|
3 315
|
La société OMVESA, qui a été sélectionnée
pour les zones CONCACAF et CONMEBOLE, était donc assurée
d’obtenir au minimum : 5 645 + 3315 = 8 960 billets.
En ce qui concerne les billets supplémentaires, il était
stipulé (page 5, paragraphe 7, du document précité)
: " Des billets match par match pour les 2 phases seront proposés
après tirage au sort du 4 décembre 1997, en fonction des
disponibilités et par lots de 50 billets ".
L’autre document, intitulé " Manuel Tour Operator Autorisé
" et faisant partie des conditions de vente, donnait une répartition
sensiblement différente des billets garantis à chaque TO
:
|
UEFA
|
AFC/OFC
|
CAF
|
CONMEBOL
|
CONCACAF
|
matches de première phase |
11 490
|
3 000
|
3 750
|
3 740
|
2 250
|
matches de deuxième phase |
4 340
|
1 590
|
1 905
|
1 905
|
1 265
|
Total |
15 830
|
4 590
|
5 655
|
5 645
|
3 515
|
Sur la base de ce document, la société OMVESA était
donc assurée d’obtenir au minimum : 5 645 + 3 515 = 9 160 billets.
Au sujet des billets supplémentaires, ce document contractuel
mentionnait (page 12 de l’annexe) : " 1. Définition : En plus du
nombre total de billets garanti à chaque TOA (.....), des billets
match par match pourront être proposés aux TOA après
le tirage au sort du 4 décembre 1997 et ce, jusqu’à la veille
de chaque match.
2. Quantités : Aucune quantité n’est garantie ; ces billets
supplémentaires seront proposés aux Tour operators en fonction
des disponibilités ".
Il était également indiqué que les prix de ces
billets seraient équivalents aux prix fixés pour les billets
garantis. Ceci explique que, par lettre en date du 5 décembre 1997,
le CFO confirmait à la société OMVESA l’attribution
de billets garantis pour chacune des zones concernées, dans les
limites susmentionnées. Dans la même correspondance, le CFO
déclarait à la société saisissante : " toute
demande supplémentaire de votre part ne pourra être prise
en considération qu’à compter du 1er janvier 1998 ".
Les prix des billets vendus aux tours-opérateurs (TOA) figurent
dans le manuel TOA ; ces tours-opérateurs pouvaient obtenir des
billets de deuxième et troisième catégorie (quatrième
à Saint-Denis).
Les TOA avaient également la possibilité de commander
des billets " Prestige ", " Or " et " Argent ". Le " Manuel Tour Operator
Autorisé " précisait toutefois que ces billets seraient vendus
" selon disponibilité ".
4. Les modalités de vente aux fédérations
Des conditions générales de vente relatives à la
distribution des billets par les fédérations nationales ont
été établies par le CFO et approuvées par la
FIFA (document annexé au courrier du 28 avril 1999 du CFO).
Il était prévu que les associations nationales " auront
la faculté de revendre les billets directement à l’utilisateur
final, ou par l’intermédiaire de distributeurs agréés
ou de tout autre réseau de commercialisation pour lesquels les associations
nationales seront pleinement responsables (ci-après le " réseau
de distribution ") ".
Par ailleurs, chaque association nationale devait communiquer à
la FIFA et au CFO " la liste exhaustive des entités constituant
son réseau de distribution ". La vente de billets par toute autre
personne physique ou morale était interdite.
Or, le CFO a déclaré, au sujet des fédérations
nationales de football (lettre du 22 juillet 1999) : " (...) malgré
plusieurs demandes du CFO, celles-ci n’ont pas communiqué le nom
et les coordonnées de leurs revendeurs ".
Les associations nationales étaient également tenues de
faire respecter, par leur réseau de distribution, la limite de quatre
billets par acheteur pour une rencontre donnée et tenir à
la disposition du CFO et/ou de la FIFA les coordonnées (nom, adresse,
numéro de pièce d’identité) des supporters ainsi que
le nom de l’équipe nationale soutenue.
Enfin, le règlement stipulait qu’en cas de non-respect de ces
obligations, la FIFA ou le CFO pourraient demander à l’association
nationale de " remédier sans délai à toute défaillance
et à défaut de procéder à la résolution
de la vente ".
Dans sa décision du 20 juillet 1999, la Commission européenne
précise que la vente aux fédérations nationales de
football de la grande majorité des billets des matches de la seconde
phase n’a commencé qu’après l’achèvement de la première
phase, à savoir le 26 juin 1998.
Le système finalement retenu par le CFO pour la Coupe du monde
1998 différait sensiblement de celui adopté en Italie pour
la Coupe du monde 1990, dans la mesure où la circulaire FIFA du
23 octobre 1989 prévoyait (Cf. décision de la Commission
européenne du 27 octobre 1992) : " la vente à des agences
de voyages ou autres est interdite ". Il était en outre prévu
que la vente par l’intermédiaire des fédérations ne
pouvait avoir lieu " que dans le pays propre ".
5. Les ventes effectives de billets
Les chiffres communiqués au rapporteur par le CFO (annexe 4 à
la lettre du 20 avril 1999) figurent ci-après :
Répartition des ventes effectives de billets
|
nombre de places
|
%
|
TOTAL DES PLACES UTILISABLES
|
2 666 500
|
100
|
Loges et sièges de prestige |
200 300
|
7,51
|
Total des places de C1 à C4 |
2 466 200
|
92,49
|
Grand Public |
1 925 350
|
72,21
|
Pass Famille du Football |
359 500
|
13,48
|
Pass grand public |
393 200
|
14,75
|
Grands matches Grand Public |
181 000
|
6,79
|
Billets à l’unité Grand Public |
175 500
|
6,58
|
FIFA, associations nationales |
622 150
|
23,33
|
Tours opérateurs |
175 450
|
6,58
|
Personnes handicapées |
18 550
|
0,70
|
Partenaires |
426 950
|
16,01
|
Associés commerciaux |
350 650
|
13,15
|
Collectivités publiques |
76 300
|
2,86
|
Opérations diverses |
108 550
|
4,07
|
Places non vendues |
5 350
|
0,20
|
dont handicapés |
2 500
|
0,09
|
Selon les informations communiquées à la Commission européenne
par le CFO (réponse aux griefs, page 13), les billets vendus " en
aveugle " par lui (Pass France 98 et billets " match par match " pour les
grands matches) représentent 15 % et 7 % du nombre total de billets
vendus et environ 13 % du chiffre d’affaires billetterie, soit moins de
5 % du chiffre d’affaires total du CFO.
Le CFO a également versé au dossier la répartition
de la vente des billets à l’occasion du match d’ouverture et de
la finale à Saint-Denis. Ces chiffres sont repris ci-après
:
Répartition de la vente des billets à l’occasion du match
d’ouverture
et de la finale à Saint-Denis
|
Ouverture
|
finale
|
TOTAL DES PLACES disponibles |
71 642
|
71 030
|
Loges et sièges de prestige |
8 982
|
8 957
|
Total des places de C1 à C4 |
62 660
|
62 073
|
Grand Public |
|
|
Grand public et Famille du Football |
25 641
|
21 020
|
FIFA, associations nationales |
18 621
|
17 653
|
Tours opérateurs |
2 319
|
3 400
|
Personnes handicapées |
1 218
|
1 246
|
Partenaires |
|
|
Associé commerciaux |
10 348
|
13 155
|
Collectivités publiques |
1 446
|
1 640
|
Opérations diverses |
3 067
|
3 957
|
Par ailleurs, le CFO a versé au dossier le détail des
billets vendus aux tours opérateurs. Ces ventes apparaissent dans
le tableau suivant :
TOTAL T.O.A. - France 98
Tour Opérateur
|
Nombre
|
Nombre
|
Nombre
|
Nombre
|
Chiffres
|
Licence
|
Total
|
Part de
|
Ordre
|
Autorisé
|
billets
|
billets
|
billets
|
billets
|
d’affaires
|
|
|
licence
|
d’intérêt
|
|
garantis
|
commandés
|
supplé-mentaires
|
total
|
|
|
|
dans le
|
|
|
au
|
au
|
28/05
|
|
|
|
|
CA.
|
|
|
15/12/97
|
31/01/98
|
au 11/07/98
|
|
|
|
|
|
|
WAGONLIT
SPORTS |
5 705
|
6 117
|
2 664
|
8 781
|
|
|
|
10,38 %
|
1
|
OMVESA |
9 210
|
9 210
|
10 569
|
19 779
|
11 205 546 F
|
1 750 000 F
|
12 955 546 F
|
13, 51 %
|
2
|
SPORTSWORLD |
5 705
|
4 831
|
106
|
4 937
|
|
|
|
20,16 %
|
3
|
STELLA BARROS |
5 645
|
5 645
|
2 124
|
7 769
|
|
|
|
21,99 %
|
4
|
PRIMESPORT
INTERNATIONAL |
31 820
|
32 032
|
10 195
|
42 227
|
|
|
|
22,10 %
|
5
|
VOSS +
VOTAVA |
15 830
|
16 063
|
3 842
|
19 905
|
|
|
|
25,25 %
|
6
|
GULLIVERS |
19 395
|
19 395
|
1 906
|
21 301
|
|
|
|
27,42 %
|
7
|
KEN AIR GROUP |
4 640
|
4 640
|
1 587
|
6 227
|
|
|
|
27,50 %
|
8
|
JT TRAVEL |
4 640
|
4 640
|
2 133
|
6 773
|
|
|
|
27,69 %
|
9
|
RAIL EUROPE |
3 565
|
3 582
|
0
|
3 582
|
|
|
|
34,27 %
|
10
|
MIKE
BURTON
SPORTSTRAV
EL |
15 830
|
15 830
|
2 173
|
18 003
|
|
|
|
35,36 %
|
11
|
PAUWELS
TRAVEL
BUREAU |
15 830
|
15 830
|
410
|
16 240
|
|
|
|
39,52 %
|
12
|
Total |
137 815
|
137 815
|
37 709
|
175 524
|
64 573 504 F
|
21 287 002 F
|
85 860 506 F
|
25,43 %
|
|
Selon le manuel TOA, chaque TOA de la zone UEFA pouvait commander des
Pass France 98 dans la limite de 5 500 billets, ce qui représentait
un total de 27 500 billets, pour les TOA ayant décidé de
commercialiser les Pass France 98 sous forme de billets individuels.
Un grief a été notifié au CFO et à la FIFA
d’avoir abusé de la position dominante qu’il détenaient collectivement
sur le marché des billets d’accès aux matches de la Coupe
du monde de football en ayant laissé fonctionner, parallèlement
au système de distribution sélective reposant sur les TOA,
un système de vente de billets par les fédérations.
II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le
Conseil,
Considérant que la société OMVESA, qui déclare
avoir " fait connaître à plusieurs reprises au CFO ses besoins
supplémentaires " à compter du 1er janvier 1998, soutient
que le CFO s’est " contenté de fournir de façon anarchique
et erratique les billets supplémentaires " demandés par elle
; que cette entreprise allègue que, " laissée dans le doute
jusqu’au dernier moment ", elle a dû se tourner vers le marché
parallèle pour obtenir des billets supplémentaires à
des prix supérieurs à ceux qu’elle aurait pu obtenir en s’approvisionnant
directement auprès du CFO ; que cette pratique, de nature, selon
la société OMVESA, à lui causer un " préjudice
considérable ", serait contraire aux dispositions du livre IV du
code de commerce ;
Considérant que le CFO et la FIFA soutiennent que les pratiques
dénoncées par la société OMVESA n’entrent pas
dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence ou du traité
de Rome ; que, selon le CFO, les pratiques en cause seraient " de nature
purement commerciale " ; que la FIFA déclare également que
la saisine de la société OMVESA, " qui a assigné le
CFO devant le tribunal de grande instance de Paris ", concernerait " les
relations contractuelles entre le CFO et OMVESA " ;
Mais considérant que le grief notifié au CFO et à
la FIFA ne se limite pas aux relations contractuelles entre ces associations
et la société OMVESA, mais porte sur les relations commerciales
entretenues par ces associations avec les tour-opérateurs (TOA)
et les agences de voyages à l’occasion de la Coupe du monde de football
1998 ; que les relations commerciales entre des personnes organisant des
manifestations sportives ou des foires et salons et les entreprises désireuses
de participer à de tels événements sont susceptibles
de relever des dispositions du livre IV du code de commerce, dès
lors que les pratiques auxquelles elles peuvent donner lieu ont pour objet
ou peuvent avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un
marché ;
Considérant que la FIFA soutient que le marché des billets
d’entrée dans les stades " destinés à la confection
de forfaits touristiques à l’occasion de la coupe du monde 1998
", tel que défini dans la notification de griefs, n’existe pas,
dans la mesure où, d’une part, les TOA étaient " libres de
vendre les billets dont ils disposaient comme ils l’entendaient " et, d’autre
part, que ces revendeurs pouvaient revendre les billets qui leur étaient
alloués " dans tous les pays sans distinction de zone " ;
Mais considérant que le marché, au sens où l’entend
le droit de la concurrence, se définit comme le lieu sur lequel
se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique
; qu’une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant
rarement, le Conseil retient comme substituables et comme se trouvant sur
un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement
penser que les demandeurs les regardent comme des moyens alternatifs entre
lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande ;
Considérant que les éléments du dossier révèlent
qu’au cas d’espèce, la demande émanant des tours-opérateurs
et des agences de voyages, aux fins de confectionner des forfaits touristiques,
se distinguait des demandes de billets secs ; que la société
OMVESA a, en effet, déclaré, dans une correspondance en date
du 15 juin 1999 : " OMVESA n’a pas commercialisé de billets d’entrée
dans les stades qui ne soient pas partie intégrante de forfaits
touristiques à l’occasion de la Coupe du monde 1998.(.....), OMVESA
est un voyagiste et non un revendeur de tickets " ; que, dans sa décision
du 20 juillet 1999, la Commission européenne relève (36)
que " la majorité des billets proposés par les tours-opérateurs
européens au grand public ont été commercialisés
dans le cadre d’un forfait comprenant, en sus du billet proprement dit,
la prestation d’autres services " ; que, par ailleurs, dans sa décision
du 27 octobre 1992, relative à une procédure au titre de
l’article 85 du traité CEE à propos de la Coupe du monde
de football de 1990 en Italie, la Commission européenne avait indiqué
que sa décision ne concernait pas l’ensemble du système de
distribution des billets, mais uniquement les contrats par lesquels les
organisateurs de la Coupe du monde ont concédé (...) l’exclusivité
mondiale de la fourniture des billets d’entrée aux stades " aux
fins de confection des forfaits touristiques ", et précisé
que le marché sur lequel devaient être appréciés
les effets des contrats en cause était donc celui de la vente de
forfaits touristiques lors de la Coupe du monde de football ; qu’il n’est,
en outre, pas contesté que, compte tenu de l’importance de la demande
et de l’insuffisance de l’offre en billets commercialisés par les
circuits " officiels " mis en place par le CFO et la FIFA, s’est constitué,
pour alimenter le marché des billets destinés à la
confection des forfaits touristiques, un marché parallèle
dénommé " marché gris ", à partir des excédents
de billets dont disposaient certains tours-opérateurs ou certaines
fédérations nationales ; que l’argument selon lequel les
TOA sélectionnés pouvaient commercialiser des billets en
l’état est sans portée sur l’existence d’un marché
constitué par l’offre et la demande de billets destinés à
être revendus, dans le cadre de la confection de forfaits touristiques
à l’occasion de la Coupe du monde de football 1998, par les tours-opérateurs
; que ce marché, constitué par le croisement de l’offre émanant
de tours-opérateurs installés dans l’ensemble des continents
et la demande correspondante, revêtait une dimension au moins communautaire
;
En ce qui concerne l’intervention de la FIFA et du CFO sur le marché
de la vente de billets aux tours-opérateurs,
Considérant que la FIFA soutient, qu’à supposer que l’on
retienne un tel marché, elle n’y était pas présente,
dans la mesure où l’article 34 du règlement de la Coupe du
monde 1998 précise que l’" ensemble du système comprenant
la réalisation des billets d’entrée, les prix, la distribution
et la vente est de la responsabilité du Comité organisateur
local " ;
Mais considérant qu’il n’est pas contesté que les fédérations
nationales disposaient, aux termes des conditions générales
de vente approuvées par la FIFA, de la faculté de commercialiser
les billets délivrés, soit directement, soit par l’intermédiaire
de " distributeurs agréés ou de tout autre réseau
de commercialisation pour lesquels les associations nationales seront pleinement
responsables " ; que, même si la FIFA déclare que son rôle
dans la distribution des billets aux fédérations a été
" bien limité ", elle ne peut utilement soutenir qu’elle n’a pas
pris une part active dans l’organisation et la mise en œuvre du système
de distribution de la billetterie dans la mesure où, comme le déclare
le CFO dans ses observations écrites : " le CFO (....) n’est jamais
intervenu dans la vente de billets aux associations nationales. La vente
de ces billets a toujours été du ressort de la FIFA et le
CFO n’a pas été informé du mode de répartition
entre les différentes associations nationales " ; que la vente de
billets d’entrée dans les stades étant une activité
de nature économique, le CFO et la FIFA peuvent être considérés
comme des entités présentes sur un marché et susceptibles,
à ce titre, de relever des dispositions des articles 82 du traité
CE et L. 420-2 du code de commerce ;
En ce qui concerne la position de la FIFA et du CFO sur le marché
considéré,
Considérant que le CFO déclare que " jamais le CFO et
la FIFA ne se sont présentés ni n’ont agi ensemble comme
une entité collective en ce qui concerne la vente des billets pour
la Coupe du monde 1998 " ; que cette association en déduit qu’il
est donc exclu que " ces deux entités, juridiquement indépendantes
et parfaitement distinctes et autonomes aux yeux des autres opérateurs
" aient pu détenir collectivement une position dominante sur un
quelconque marché ;
Mais considérant, comme le relève justement la FIFA dans
ses observations écrites, qu’une position dominante collective qui,
en soi n’est pas illicite, est constituée par plusieurs entreprises
qui, bien que juridiquement indépendantes, " se présentent
ou agissent ensemble sur un marché spécifique, comme une
entité collective " ; qu’en l’espèce, le CFO a été
créé, le 10 novembre 1998, par la FIFA ; que la FIFA est
membre de droit du CFO ; qu’ainsi que l’a déclaré le CFO
à la Commission européenne, dans un document du 30 novembre
1998 : " La FIFA possède tous les droits sur la Coupe du monde de
football de la FIFA, qu’il s’agisse des droits de radio-télédiffusion,
des droits d’exploitation commerciale et du pouvoir sportif sur l’épreuve
elle-même " ; qu’aux termes de l’article 36 du règlement de
la Coupe du monde 1998, 19 % des recettes brutes provenant de la vente
de billets, des droits de télévision et des droits de publicité
dans les stades devaient être prélevés, de manière
forfaitaire, par la FIFA au titre de " frais généraux d’organisation
et d’administration de la FIFA " ; que le reste de la recette devait être
partagé entre le CFO (30 %) et les associations nationales membres
de la FIFA participant à la compétition finale (70 %), au
prorata du nombre de matches disputés par chacune des équipes
; que le cahier des charges pour l’association nationale organisatrice
de la Coupe du monde 1998 précisait (1. Prescriptions fondamentales)
que " l’association nationale désignée et son comité
organisateur sont placés sous le contrôle de la FIFA et de
la commission d’organisation de la Coupe du monde de la FIFA " et que "
c’est la FIFA qui prend, en dernière instance, les décisions
de principe concernant tous les points " ; qu’il résulte de l’ensemble
de ces dispositions que le CFO et la FIFA détenaient ensemble, lors
de la Coupe du monde de football 1998, une position dominante collective
sur le marché des billets destinés à la confection
des forfaits touristiques à l’occasion de cette épreuve sportive
;
En ce qui concerne les pratiques mises en œuvre par le CFO et la FIFA,
Considérant que les conditions de sélection des tours-opérateurs
ont été notifiées à la Commission européenne,
qui a adressé une lettre de classement au CFO, le 30 juin 1997 ;
que cette association a procédé à la sélection
de 17 tours-opérateurs au vu des critères techniques et financiers
notifiés à la Commission ; qu’ainsi, l’accréditation
d’un tour-opérateur était soumise à une proposition
financière destinée à couvrir le prix de la licence,
valable pour une zone géographique donnée et devant permettre
l’utilisation de l’emblème officiel de la Coupe du monde associé
à la dénomination " Tour-Opérateur autorisé
", ainsi qu’un nombre donné de billets garantis ; que les Tour-Opérator
Autorisés ont, en outre, été soumis à un certain
nombre de contraintes ; qu’ainsi, les bons de commandes établis
par le CFO au cours des mois de mai, juin et juillet 1998 font apparaître
que la société OMVESA était tenue de revendre les
billets dans la limite d’un prix unitaire n’excédant pas 20 % leur
valeur faciale ; que la société Wagonlit Sports, entendue
lors de l’instruction, a confirmé avoir été soumise
à cette obligation par le CFO pour ce qui concerne les billets supplémentaires
; que, pour des raisons de sécurité, les TOA devaient, par
ailleurs, s’engager à fournir au CFO la nationalité et le
nom de l’équipe supportée par chaque acquéreur de
billet ; que les TOA devaient s’engager également à ne recourir,
sauf accord du CFO, qu’à des intermédiaires titulaires d’une
licence IATA " à qui il devra imposer les conditions générales
de vente auxquelles il aura lui-même souscrit ", et à se porter
garant du nombre limite de billets détenus par chaque utilisateur
final ;
Considérant que les ventes aux fédérations nationales
étaient régies par des conditions générales
de vente établies par le CFO et approuvées par la FIFA ;
que ce document prévoyait que les associations nationales " auront
la faculté de revendre les billets directement à l’utilisateur
final, ou par l’intermédiaire de distributeurs agréés
ou de tout autre réseau de commercialisation pour lesquels les associations
nationales seront pleinement responsables (ci-après le " réseau
de distribution ") " ; que, par ailleurs, chaque association nationale
devait communiquer à la FIFA et au CFO " la liste exhaustive des
entités constituant son réseau de distribution ", la vente
de billets par toute autre personne physique ou morale étant prohibée
; qu’aux termes de ce même document, les associations nationales
étaient également tenues de faire respecter par leur réseau
de distribution la limite de billets par acheteur fixée par le CFO
pour une rencontre donnée et tenir à la disposition du CFO
et/ou de la FIFA les coordonnées (nom, adresse, numéro de
pièce d’identité) des supporters, ainsi que le nom de l’équipe
nationale soutenue ; qu’enfin, le règlement stipulait, qu’en cas
de non-respect de ces obligations, la FIFA ou le CFO pourraient demander
à l’association nationale de " remédier sans délai
à toute défaillance et à défaut de procéder
à la résolution de la vente " ; qu’en cas d’invendus, les
associations nationales étaient tenues de faire " leurs meilleurs
efforts " pour les retourner au CFO avant la rencontre concernée,
et ceci " dans les meilleurs délais " ;
Considérant que le document de présentation à la
presse de la billetterie France 98 prévoyait un quota de 200 000
billets pour les tours-opérateurs (8 %) ; que les TOA étaient,
aux termes des documents annexés aux conditions générales
de vente, assurés d’obtenir au moins 137 815 billets au total pour
les matches de première et deuxième phase, ainsi que des
billets supplémentaires, sans qu’aucune quantité ne soit
toutefois garantie pour ce type de billets ; que le " Manuel Tour-Opérator
autorisé " précisait, en effet, que ces billets seraient
" proposés aux tours opérators en fonction des disponibilités
" ; qu’il ressort de l’instruction que les TOA ont obtenu la totalité
des billets garantis ainsi que 37 709 billets supplémentaires, soit
175 524 billets au total, représentant 6,58 % du nombre total de
billets (cote 245 des annexes du rapport) ; qu’ainsi, selon les chiffres
versés au dossier par le CFO, la société OMVESA a
obtenu 10 569 billets supplémentaires pour un nombre de billets
garantis de 9 210 ; que cette société fait enfin partie,
avec la société Wagonlit Sports, des deux entreprises dont
la part de la licence est la moins élevée dans le chiffre
d’affaires réalisé avec le CFO, le ratio prix de la licence/chiffre
d’affaires s’élevant à 13, 51% pour OMVESA contre en moyenne
25,43 % pour l’ensemble des TOA ;
Considérant, comme l’atteste le succès de la commercialisation
de Pass France 98, que les organisateurs de la Coupe du monde 1998 se sont
trouvés rapidement dans l’impossibilité de satisfaire la
totalité de la demande de billets ; qu’en raison de la pénurie
de billets et du système de quotas " garantis " attribués
par zones géographiques, certains TOA disposant d’excédents
ont été amenés à commercialiser des billets
auprès d’autres TOA, parfois à des prix de l’ordre de sept
à huit fois leur valeur faciale ; que, par ailleurs, selon des informations
rendues publiques, consignées dans la notification de griefs et
non contestées par les parties, des professionnels du tourisme se
sont également tournés vers certaines fédérations
de pays non qualifiés pour la Coupe du monde ou économiquement
en difficulté pour obtenir des billets ;
Considérant, en premier lieu, que la société OMVESA,
agréée pour la zone américaine, a reconnu n’avoir
vendu aucun forfait touristique à l’occasion de la Coupe du monde
de football dans un Etat membre de la communauté européenne,
qu’il n’est pas vraisemblable que des forfaits comprenant le prix d’un
voyage aller et retour entre une ville américaine (exceptionnellement
japonaise ou iranienne) et une ville française aient pu être
rétrocédés à des amateurs de football résidant
dans l’un des Etats membres ; qu’ainsi, à supposer même que
la discrimination dont la société OMVESA soutient qu’elle
aurait été victime ait pu avoir un objet et/ou un effet anticoncurrentiel,
cette pratique n’a pu affecter ni le marché de la Communauté
européenne, ni le marché français, et n’entre ni dans
le champ d’application de l’article L. 420-2 du code de commerce, ni dans
celui de l’article 82 du traité de Rome ;
Considérant, en deuxième lieu, d’une manière générale,
que, s’il n’est pas contesté que certains tours-opérateurs
agréés ou non agréés se sont procuré,
ou pouvaient se procurer, pour les intégrer dans des forfaits touristiques,
des billets attribués par le FIFA aux fédérations
nationales et destinés à leurs clubs et à leurs supporters,
soit directement auprès d’elles ou de leurs réseaux officiels
de distribution, soit indirectement au marché gris, sur lequel ces
billets, parmi d’autres, étaient ouvertement offerts à des
prix très élevés, aucun élément du dossier
ne démontre en quoi ces pratiques auraient pu avoir un objet et/ou
un effet anticoncurrentiel ; qu’en effet, l’existence d’un double réseau
de distribution, sélectif dans un cas, non sélectif dans
l’autre, n’est pas en soi anticoncurrentiel, notamment lorsque l’adhésion
au réseau sélectif débouche sur des avantages spécifiques
; qu’en l’espèce, les TOA bénéficiaient du droit de
faire usage de l’appellation " Coupe du monde " ; qu’il ne leur était
en outre pas interdit de se procurer des billets après des fédérations
et dans les mêmes conditions que les TO non agréés
; que les TOA n’étaient donc pas victimes de pratiques discriminatoires
;
Considérant, en troisième lieu, qu’en tout état
de cause, la circonstance que la FIFA et le CFO ne seraient pas intervenus
avec une fermeté suffisante auprès des fédérations
pour leur intimer de s’opposer ou de mettre fin aux pratiques de vente
de billets non conformes aux conditions imposées par la FIFA, alors
qu’il était explicitement prévu dans les conditions générales
de vente qu’il appartenait aux fédérations d’en assurer le
respect, ne peut être considéré comme constitutive
d’un abus de position dominante, au sens de l’article L. 420-2 du code
de commerce et de l’article 82 du traité de Rome ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède
qu’il n’est pas établi que les pratiques mises en œuvre par la FIFA
et le CFO à l’occasion de la Coupe du monde de football pour l’organisation
de la billeterie aient constitué un abus de position dominante prohibé
par les dispositions de l’article 82 du traité de Rome et de l’article
L. 420-2 du code de commerce,
D E C I D E :
Article unique. - Il n’est pas établi que la FIFA et le
CFO ont enfreint les dispositions de l’article 82 du traité de Rome
et de l’article L. 420-2 du code de commerce.
Délibéré, sur le rapport de M. BOURHIS, par Mme
HAGELSTEEN, présidente, M. CORTESSE, vice-président, et M.
BARGUE, membre, en remplacement de Mme PASTUREL, vice-présidente,
empêchée.
|