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19 mai 2002
Décision n° 2000-D-50 du 5 mars 2001 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir
LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en Section,
Vu la lettre en date du 8 décembre 1995, enregistrée sous
le numéro F 816, par laquelle la société Telci a saisi
le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société
Française des Jeux et sa filiale la société Française
de Maintenance sur le marché des prestations de services de maintenance
informatique ;
Vu la lettre en date du 18 décembre 1995, enregistrée
sous le numéro F 835, par laquelle le ministre de l’économie
a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la
société Française des Jeux restreignant, notamment,
la liberté commerciale des détaillants agréés
de la société Française des Jeux ;
Vu la lettre en date du 11 avril 1996 enregistrée sous le numéro
F 865, par laquelle M. Espinguet a saisi le Conseil des mêmes pratiques
;
Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309
du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l’application de l’ordonnance
du 1er décembre 1986 ;
Vu les observations présentées par les sociétés
Telci, Tim, la société Française des Jeux, la société
Française de Maintenance et le commissaire du Gouvernement ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et le représentant de la société Française
des Jeux entendus lors de la séance du 19 septembre 2000 ;
Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et
sur les motifs (II) ci-après exposés :
I - Constatations
a. - LE SECTEUR DES JEUX DE HASARD
Si les jeux de hasard sont, en principe, prohibés par diverses
dispositions législatives, de larges dérogations sont prévues
au profit de la société Française des Jeux (ci-après
la Française des Jeux), du Pari Mutuel Uurbain (PMU) et des casinos.
Ainsi, par application des dispositions des lois du 21 mai 1836, du 31
mai 1933, du 23 juin 1989 et du 29 décembre 1994, la Française
des Jeux est autorisée à organiser des loteries, des jeux
de hasard et des paris sur des événements sportifs. Les casinos
exploitent des salles de jeux traditionnels et des machines à sous
par application des dispositions des lois du 15 juin 1907 et du 5 mai 1987.
Le Pari Mutuel Hippodrome et le Pari Mutuel Urbain sont autorisés
par les lois du 2 juin 1891 et du 16 avril 1930 à organiser des
paris sur les courses de chevaux. Enfin, une loi du 28 décembre
1981 réglemente les courses de lévriers.
1. La Française des Jeux
Héritière de la Loterie Nationale, du Loto National et
de la société de la Loterie Nationale et du Loto National,
la Française des Jeux a été créée par
le décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978, qui lui confie, notamment,
l’organisation et l’exploitation des jeux de loteries autorisés
par l’article 136 de la loi du 31 mai 1933 et les décrets des 22
juillet 1933, 10 juillet 1975 et 13 mai 1987, pris pour son application,
par dérogation à la prohibition édictée par
la loi du 21 mai 1836. Ces décrets donnent au président de
la société pouvoir pour établir les règlements
des jeux. L’article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984,
modifiée par la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993, et
le décret du 1er avril 1985 pris pour son application autorisent
la création du Loto Sportif.
Dans le cadre d’un contrat de concession passé avec l’Etat le
29 décembre 1978, la Française des Jeux bénéficie,
comme le Pari Mutuel Urbain et les casinos, d’un monopole d’exploitation
dans le secteur des jeux. Dans un arrêt Rolin du 27 octobre 1999,
le Conseil d’Etat a cependant estimé que la Française des
Jeux n’assurait pas une mission de service public.
Elle est organisée en société anonyme d’économie
mixte dans laquelle l’Etat détient 72 % des actions. Le capital
s’élève à 500 millions de francs et son chiffre d’affaire
a dépassé 33 milliards de francs en 1996. Son activité
s’exerce sous la tutelle du ministre chargé du budget ; elle est
soumise au contrôle de l’Etat sur les entreprises publiques, conformément
au décret n° 55-707 du 9 août 1953, et au contrôle
économique et financier de l’Etat, conformément au décret
n° 55-733 du 26 mai 1955. Enfin, elle relève de la juridiction
de la Cour des comptes et des vérifications de l’Inspection générale
des finances.
La société Française des Jeux a créé
de nombreuses filiales, notamment la Française d’Images, la Française
de Motivation, l’Internationale des Jeux et la Pacifique des Jeux, la Société
civile immobilière, qui est propriétaire du siège
social, et la société Française de Maintenance (ci-après
la Française de Maintenance).
La Française des Jeux commercialise un grand nombre de jeux que
l’on peut regrouper en trois catégories : les jeux de " tirage "
: le Loto et le Keno, les jeux de " grattage " : le Millionnaire, le Black
Jack, le Morpion, le Bingo, le Tac O Tac, le Banco, le Goal, le Monopoly,
le Solitaire et le Vatoo, et les jeux de pronostics sportifs : le Loto
Sportif.
Les jeux mis sur le marché par la Française des Jeux peuvent
également être classés en deux catégories, selon
que l’utilisation d’un terminal informatique est nécessaire ou non
à la validation des combinaisons jouées. On distingue alors
les jeux, dits jeux " on line ", qui nécessitent l’utilisation d’une
telle installation informatique, tels le Loto, le Loto Sportif et le Keno,
et les autres jeux, dits " instantanés " ou jeux de loterie.
Les chiffres d’affaires réalisés sur les différents
produits sont les suivants (en millions de francs) :
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Loto |
12 848 |
12 308 |
11 795 |
11 401 |
Keno |
564 |
1 346 |
1 473 |
1 939 |
Tapis vert |
393 |
- |
- |
- |
Loto sportif |
628 |
499 |
551 |
480 |
Sous-total chiffres d’affaires
on-line |
14 333 |
14 153 |
14 443 |
14 419 |
Total loterie (Millionnaire
Bingo, Tac O Tac etc...) |
16 703 |
17 038 |
18 610 |
19 282 |
TOTAL |
31 036 |
31 191 |
33 053 |
33 701 |
La diffusion des jeux dans le public est assurée par un réseau
de détaillants-mandataires liés à la Française
des Jeux par l’intermédiaire de courtiers mandataires, eux-mêmes
regroupés en GIE régionaux. En 1994, il existait en France
14 439 points de vente " on line " et 25 394 points de vente " off line
" (ou points de vente loterie), selon que ces distributeurs étaient
équipés, ou non, du matériel informatique nécessaire
pour assurer la validation des bulletins de jeux. Enfin, la Française
des Jeux exploite directement 70 boutiques qui assurent également
la fonction de centres de paiement des gains. 240 courtiers mandataires
de la Française des Jeux approvisionnent les détaillants
en billets et supports de jeux, en listes de résultats et en matériel
publicitaire. Ils animent les ventes et instruisent les dossiers de candidature
des nouveaux détaillants.
Les courtiers de la Française des Jeux sont regroupés
au sein de seize GIE régionaux présidés par un délégué
régional, qui représente la Française des Jeux et
dispose d’une délégation de signature. L’administrateur délégué
régional signe les contrats avec les détaillants.
Les détaillants perçoivent à titre de rémunération
5 % du chiffre d’affaires réalisé sur la vente de l’ensemble
des produits diffusés par la Française des Jeux.
Plus de la moitié des détaillants de la société
Française des Jeux vendent également du tabac et des journaux.
2. Le PMH et le PMU
Le Pari Mutuel Hippodrome (PMH) et le Pari Mutuel Urbain (PMU) sont
autorisés à collecter les enjeux misés sur les courses
de chevaux. Sept sociétés de courses, la Société
française de galop, la Société d’encouragement à
l’élevage du cheval français, la Société des
courses de la Côte d’Azur, la Société des courses du
pays d’Auge, la Société des courses de Compiègne,
la Société des courses de Dieppe et la Société
des courses de Fontainebleau, sont autorisées à recueillir
des paris hors de leurs hippodromes par application de l’article 5 de la
loi du 2 juin 1981. Ces sociétés sont réunies en un
groupement d’intérêt économique qui a pour objet la
mise en œuvre des moyens nécessaires au service du pari mutuel hors
des hippodromes. Les produits proposés sont le Quinté + combiné,
le Quarté + combiné, le Tiercé combiné, 2 sur
4 combiné, le Grand 7, le Simple Gagnant ou le Simple Placé,
le Couplé ou le Couplé combiné, le Trio et le Report.
3. Les casinos
Les casinos sont soumis à la tutelle étroite du ministère
de l’intérieur qui en autorise l’ouverture et l’exploitation, en
réglemente l’activité et en assure le contrôle technique
et administratif. Il existe 156 casinos en France, implantés dans
des communes pouvant se prévaloir d’un classement thermal, climatique
ou balnéaire. Moins de cinq nouveaux casinos ouvrent en moyenne
chaque année, alors que deux environ cessent leurs activités.
L’activité des casinos se partage, depuis une dizaine d’année,
entre les jeux traditionnels (roulette américaine, punto banco,
craps, roulette anglaise, black jack, roulette française, " 23 ",
" 30-40 ", boule, chemin de fer et banque) et, depuis 1987, les machines
à sous. A la fin d’octobre 1996, 11 956 machines à sous étaient
implantées dans 143 casinos.
Au total, les sommes engagées dans les jeux d’argent légaux
en France avoisinaient les 100 milliards de francs en 1996. La répartition
de cette somme entre les différents acteurs peut être estimée
de la manière suivante, selon que l’on retient l’hypothèse
haute du ministère de l’intérieur ou l’hypothèse basse
du Syndicat des casinos de France :
Selon l’hypothèse haute sur le produit brut des jeux (en milliards
de francs) :
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
PMU-PMH |
36,72 |
36,14 |
35,61 |
36,66 |
Française des jeux |
31,13 |
31,19 |
33,05 |
33,70 |
Casinos |
25,93 |
32,63 |
39,39 |
46,47 |
Total |
93,78 |
99,96 |
108,05 |
116,83 |
Selon cette hypothèse, les courses représentent à
peine un tiers du marché, la Française des Jeux 29 % et les
casinos presque 40 %.
Selon l’hypothèse basse :
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
PMU-PMH |
36,72 |
36,14 |
35,61 |
36,66 |
Française des jeux |
31,13 |
31,19 |
33,05 |
33,70 |
Casinos |
11,97 |
15,06 |
18,21 |
21,46 |
Total |
79,82 |
82,39 |
86,87 |
91,82 |
Selon cette hypothèse, les courses représentent 40 % du
marché, la Française des Jeux 36,70 % et les casinos 23,30
%.
Ce marché est en progression de 5,70 % à 8,12 % selon
l’hypothèse retenue. Mais cette croissance n’est pas uniforme. En
effet, de 1993 à 1996, alors que le secteur des courses est demeuré
stable, la Française des Jeux a vu ses recettes croître de
8,36 % et les casinos ont enregistré 79,25 % d’augmentation de leur
chiffre d’affaires en raison, principalement, du succès des machines
à sous.
B. - LE SECTEUR DES PRESTATIONS DE MAINTENANCE INFORMATIQUE
1. La prestation de maintenance micro-informatique et la structure du
marché
La maintenance micro-informatique consiste à remettre en état
de fonctionnement des micro-ordinateurs et appareils associés. On
parle de " maintenance tierce " lorsque la prestation est effectuée
par une entreprise extérieure à celle où se situe
le matériel.
En pratique, rares sont les entreprises de maintenance micro-informatique
qui ne proposent pas d’autres services à leur clients. Les prestations
annexes comprennent, notamment, la distribution de matériels informatiques,
des services tels que la mise à niveau des parcs, le déménagement,
le câblage, l’inventaire, le nettoyage ou bien encore l’" intégration
" ou le " déploiement " de réseaux. Enfin, l’ingénierie
vise, au cas par cas, à proposer au client un projet d’informatisation
après une étude de ses besoins. Le prestataire offre alors
une prestation globale, plus ou moins complexe, qu’il peut mettre en œuvre
lui-même et dont il est susceptible d’assurer la maintenance.
Ainsi, il est d’usage de distinguer les " sociétés de
services et d’ingénierie informatique ", ou SSII, qui développent
leurs activités dans le secteur de la maintenance, mais aussi de
la distribution, des services associés et de l’ingénierie,
des " sociétés de maintenance informatique indépendantes
" (des constructeurs), ou SMII, qui se limitent à la maintenance
micro-informatique stricto sensu, et des fabricants de matériel
qui peuvent accessoirement développer une activité de maintenance.
La maintenance micro-informatique est assurée par les SSII à
hauteur de 40 % du marché global, par les constructeurs à
hauteur de 30 % et par les SMII à hauteur de 20 %. Les autres catégories
de prestataires, regroupant les spécialistes et les distributeurs,
représentent environ 10 % du marché. Alors que les SSII ont
pris le leadership sur les constructeurs, les sociétés de
maintenance indépendantes perdent des parts de marché en
raison, notamment, de leurs difficultés à offrir des prestations
à plus forte valeur ajoutée en diversifiant leurs offres
de services. Parmi les sociétés de maintenance indépendantes,
certaines disposent d’une implantation nationale, voire internationale,
d’autres ont une capacité d’intervention locale.
Le marché des services informatiques avoisinait un montant total
de 16,9 milliards de francs en 1996. La maintenance s’élevait à
6,3 milliards de francs, soit 37,5 % de l’activité du secteur. Mais,
alors qu’une croissance annuelle des services informatiques d’environ 10
% est prévue jusqu’en 2001, les activités de maintenance
devraient sensiblement décroître en raison, notamment, de
la plus grande fiabilité des installations.
Les dix premières sociétés intervenant dans le
secteur de la maintenance réaliseraient 90 % du chiffre d’affaires
du marché global. La Française de Maintenance, qui se présente
comme une SSII, se situerait en 165ème position des 500 premières
sociétés d’informatique toutes activités confondues
(construction, distribution, édition, services).
La structure du prix des prestations de maintenance varie en fonction
de nombreux paramètres : notamment, la taille, l’ancienneté,
l’homogénéité, la répartition géographique
de l’implantation du parc informatique à entretenir, les délais
d’intervention, la qualité de la " hot line " du client. On observe,
depuis quatre ou cinq ans, une nette diminution du prix de ces prestations
d’environ 20 à 40 %, voire, selon certains professionnels, de 50
%. Cette évolution serait la conséquence de la diminution
du taux d’intervention et d’une concurrence accrue. Néanmoins, les
dirigeants de la Française de Maintenance précisent que la
maintenance des installations informatiques de production (terminaux de
paiement, serveurs, routeurs, etc.) demeure une activité rentable.
2. La société Française de Maintenance
La Française de Maintenance est une société anonyme,
créée en 1991 pour " filialiser " l’activité informatique
de la Française des Jeux et valoriser ses compétences dans
ce secteur spécifique. Son capital de 20 MF est détenu à
concurrence de 90 % par la Française des Jeux et de 10 % par les
salariés de l’entreprise. Elle est soumise aux règles comptables
de droit commun applicables aux sociétés anonymes. Elle a
pour objet statutaire principal " la conception, la fabrication, l’achat,
la vente, la location l’installation, l’entretien, la réparation,
la transformation de matériels, pièces de rechange, logiciels,
progiciels et réseaux dans les domaines informatiques télédistribution,
y compris le conseil et l’assistance dans ces domaines ". La Française
de Maintenance est donc spécialisée dans la maintenance et
la remise en service des outils informatiques de production (terminaux
de paiement, terminaux de points de vente, serveurs, réseaux, produits
d’interconnexion). Elle exerce également son activité dans
le domaine de l’ingénierie et commercialise, accessoirement, des
ordinateurs et des logiciels. Elle dispose de sept agences régionales
relayées par 55 agences techniques, quatre agences outremer, un
centre national de support, un laboratoire national et un département
ingénierie. Elle emploie environ 280 salariés.
Selon les déclarations de M. Bernard Lapeyre, directeur des systèmes
informatiques de la Française des Jeux, confirmées par les
conclusions d’un audit du groupe réalisé en 1994, la filialisation
de l’activité informatique de la Française des Jeux en 1991
était destinée à éviter des licenciements de
techniciens, à permettre à cette dernière société
de réaliser des gains de productivité en réduisant
le coût de la maintenance de son matériel et à conquérir
de nouvelles parts du marché de la maintenance. La filialisation
s’est, en effet, accompagnée du transfert, au profit de la Française
de Maintenance, de 165 collaborateurs de la Française des Jeux.
Les axes stratégiques assignés à la Française
de Maintenance sont résumés dans le rapport d’audit de 1994
précité : " La Française de Maintenance, avec sa structure
terrain et son savoir-faire a marqué sa volonté de pénétrer
un marché concurrentiel, tout en s’engageant à maintenir
vis-à-vis de la Française des Jeux, son client principal,
une qualité d’intervention irréprochable ".
A ce jour, la Française de Maintenance a pour activité
principale la maintenance du parc de terminaux de prises de jeux de la
Française des Jeux, mais développe ses activités avec
des entreprises extérieures au groupe auquel elle appartient. Cependant,
un audit réalisé en 1996 relève que : " La FDM a entrepris
les actions nécessaires au développement et à la diversification
de son chiffre d’affaires, mais à ce jour, la pérennité
de la filiale reste étroitement liée au volume d’affaires
qui lui est confié par sa maison mère, la Française
des Jeux " et souligne encore que : " Le poids de la Française des
Jeux en tant que client principal de la FDM est indispensable pour maintenir
les atouts de la filiale face à la concurrence ".
Le tableau suivant présente les chiffres d’affaires réalisés
par la Française de Maintenance depuis trois ans et distingue la
part de l’activité interne au groupe de celle réalisée
avec des entreprises extérieures :
|
1994 |
1995 |
1996 |
|
en MF |
en % |
en MF |
en % |
en MF |
en % |
CA total |
231,61 |
100 |
184,71 |
100 |
180,5 |
100 |
dont groupe |
154,10 |
66,53 |
114,9 |
62 |
108,7 |
60,22 |
dont hors groupe |
77,51 |
33,46 |
69,84 |
38 |
71,8 |
39,77 |
La maintenance micro-informatique représente 80 % de son chiffre
d’affaires, l’ingénierie et les services 15 % et la vente de matériel
5 %.
L’activité de la Française de Maintenance a diminué
de 22 % en deux ans et son résultat d’exploitation est passé
de 10,59 MF en 1994 à 7,81 MF en 1995 et à 5,81 MF en 1996.
C. - Les pratiques relevées sur le marché du mobilier
de comptoir (saisines F 835 et F 865)
1. La subordination de l’agrément des détaillants de la
Française des Jeux à l’acquisition d’un mobilier spécial
Les dispositions contractuelles
Le contrat type de mandat, intitulé " contrat la Française
des Jeux / détaillant ", aux termes duquel la Française des
jeux confie à un commerçant le soin de promouvoir et de vendre
ses jeux, comporte, outre l’obligation de réaliser un chiffre d’affaires
minimum, celle d’acquérir un mobilier spécial destiné
à la diffusion des jeux, dit " espace-jeux ", et de réserver
dans son local commercial un emplacement suffisant pour l’installation
de ce mobilier. L’équipement " espace-jeux " se compose de deux
éléments :
le " comptoir terminal ", qui permet à la fois
de recevoir le terminal informatique (non compris dans le meuble) nécessaire
à la validation des jeux " on-line ", et des vitrines de présentation
des tickets pour l’ensemble des jeux instantanés ;
le " corner jeux ", qui sert de présentoir en forme de colonne
sur laquelle les joueurs peuvent lire les résultats des tirages
précédents, prendre des formulaires de jeu et les remplir.
En outre, il est spécifié que : " Les mobiliers sont vendus
conformément au contrat cadre de la Française des Jeux ",
qui précise, notamment, leurs conditions d’installation et d’utilisation.
Les frais d’étude, les démarches auprès des administrations,
la livraison et l’installation des mobiliers commandés, ainsi que
les travaux électriques et téléphoniques directement
liés à ces installations, sont compris dans le montant facturé.
Enfin des modalités de paiement sont prévues : " Le paiement
est échelonné sur 4 ans, sans intérêt, soit
208 semaines, la totalité de la TVA étant prélevée
la première semaine ; en cas de cessation d’activité le restant
dû est immédiatement exigible ".
La fourniture exclusive du mobilier " espace-jeux " par la Française
des Jeux
Les détaillants agréés ont donc l’obligation d’acquérir
le mobilier " espace-jeux ", constitué d’un " comptoir terminal
" et d’un " corner jeux ", auprès de la Française des Jeux.
Jusqu’en 1994, la société Quassart était le fabricant
et l’installateur exclusif des mobiliers " espaces-jeux ", dont elle assurait,
en outre, la maintenance pour le compte de la Française des Jeux.
Le prix de ce mobilier s’élevait alors à 38 770 F hors taxes.
Les dessins d’origine du mobilier et des enseignes ont été
créés et déposés par M. Carré, président
de la société Quassart. En 1992, celui-ci a cédé
conjointement à la Française des Jeux et à la société
Quassart ses droits patrimoniaux sur les trois modèles déposés.
Ultérieurement, la Française des jeux a diversifié
ses fournisseurs. Par contrats en date du 10 octobre 1994, du 26 décembre
1994 et du 19 octobre 1995, la Française des Jeux a successivement
confié à la société IMR la fabrication et l’installation
de 120, 1 880 et 500 mobiliers " espace-jeux ". Par un autre contrat en
date du 17 juillet 1997, la Française des Jeux a commandé
1 000 " corners jeux " supplémentaires à la société
NIM et 1 000 " comptoirs terminaux " à la société
SUM.
Le prix du mobilier a évolué dans des proportions notables.
Il a été fixé, du 1er décembre 1994 au 31 décembre
1996, à la somme totale de 26 902 F, le " comptoir terminal " étant
facturé 15 608 F HT et le " corner jeux " 11 294 F HT. Depuis le
1er janvier 1997, le total s’élève à 24 444 F HT.
Cette baisse de prix est liée aux diminutions de coûts obtenus
sur la fabrication et l’installation. La Française des Jeux évalue
le coût de revient du mobilier " espace-jeux ", qui comprend " le
coût de fabrication du Corner-jeu, du Comptoir-terminal et de l’enseigne,
les honoraires de l’architecte chargé de l’installation, le coût
de l’installation " à 38 000 F environ pour le mobilier fabriqué
par la société Quassart, à 27 800 F pour celui fabriqué
par IMR et à 25 000 F pour celui fabriqué par les société
NIM et SUM et installé par la société Spie Trindel.
La Française des Jeux a précisé que le prix de vente
du mobilier ne comportait la perception d’aucun droit sur les modèles
déposés.
La Française des Jeux a déclaré avoir réalisé
sur la vente des mobiliers les chiffres d’affaires hors taxes suivants
: 8 808 950 F en 1990, 80 471 620 F en 1991, 133 938 050 F en 1992, 149
218 555 F en 1993, 40 543 109 F en 1994, 40 784 239 F en 1995, 18 464 018
F en 1996 et 16 338 960 F en 1997. Elle affirme que le prix de revient
de ce mobilier étant sensiblement équivalent à celui
de son prix de vente, cette activité de vente de mobilier n’a pas
contribué directement aux résultats de la société.
2. La mise en œuvre de l’obligation d’achat du mobilier
L’application stricte des dispositions contractuelles
Les dispositions des articles 4.4.1 et 4.4.2 du contrat de mandat précité
imposent l’achat à la Française des Jeux et l’installation
de l’équipement à tous les commerçants qui sollicitent
leur agrément. Plusieurs courtiers ont déclaré que
la présentation d’un dossier de candidature était effectivement
subordonnée à la signature préalable d’un bon de commande
du mobilier, ce qui a été confirmé par l’ensemble
des détaillants interrogés. De fait, le document destiné
à la commande du mobilier est joint au dossier remis au candidat
à l’agrément.
De plus, le commerçant qui cède son fonds ne transmet
pas sa qualité de détaillant agréé de la Française
des jeux (article 6.2). Son successeur doit donc solliciter cette habilitation,
qui lui est accordée intuitu personae, et est subordonnée
à l’acquisition du mobilier. Ainsi, M. Espinguet, partie saisissante,
qui avait refusé de se doter du mobilier, a sollicité l’exonération
de cette obligation au profit du cessionnaire de son fonds de commerce,
désireux de lui succéder comme mandataire agréé
de la Française des Jeux. Mais, par lettre du 28 mars 1996, le président-directeur
général de la Française des jeux lui répondait
que : " ...compte tenu du fait qu’il ne vous est fait aucune obligation
d’acquérir ce mobilier, il ne me paraît pas opportun d’envisager
une dérogation partielle " [au profit de son successeur] et concluait
: " Aussi, dès lors qu’un acquéreur potentiel pour votre
établissement nous est présenté, il est normal de
le prévenir que s’il souhaite diffuser les produits " on-line "
de La Française des Jeux, il doit non seulement remplir le dossier
de candidature et satisfaire à toutes les conditions requises, mais
qu’il doit aussi accepter notre démarche marketing dont le mobilier,
qui est un instrument rentable pour les deux partenaires, fait partie ".
La revue des détaillants de tabac " le Losange " rapporte dans
son numéro de septembre 1992 la cas d’un retrait de valideuse de
Loto chez un détaillant ayant refusé l’installation du mobilier,
et la Française des Jeux a fourni une liste de onze détaillants
nouvellement agréés, et donc contractuellement engagés
à s’équiper du mobilier, qui se sont vu retirer leur agrément
pour n’avoir pas tenu leur engagement.
Les pressions exercées sur les détaillants déjà
agréés
Les détaillants agréés antérieurement à
1990 n’étaient pas tenus par les dispositions contractuelles précitées
subordonnant l’agrément à l’acquisition du mobilier " espace-jeux
". Néanmoins, MM Joigneau, Delhomme, Parneix, Arnaud, Brunet, Deloutre
et Pradeau ont expressément déclaré avoir subi des
pressions de la part des courtiers de la Française des Jeux les
incitant à faire l’acquisition de l’équipement complet.
En outre, le président de la Confédération nationale
des débitants de tabac de France a confirmé l’existence de
ces pressions et, dans une certaine mesure, le responsable de l’administration
commerciale de la Française des Jeux, M. Bernard, a lui-même
conforté la vraisemblance de ces pratiques en déclarant au
cours de l’enquête : " Les détaillants préalablement
agréés n’ont pas l’obligation de se doter du concept " Espace
jeux ". Ils sont cependant fortement incités à le faire ".
Il convient, toutefois, de relever que, dès 1996, la politique
de la Française des Jeux a été modifiée et
que des directives ont été données préconisant
une application plus souple des clauses contractuelles relatives à
l’acquisition de ces meubles. Aujourd’hui, les détaillants peuvent
s’adresser au fournisseur de leur choix. Le contrat liant la Française
de Jeux aux détaillants ne fait plus obligation d’acquérir
le mobilier auprès de la Française des Jeux. De plus, les
plans de fabrication des mobiliers sont mis à la disposition des
détaillants qui en font la demande. La Française des Jeux
a également précisé qu’elle envisageait de proposer
la location aux détaillants d’un nouveau mobilier " espace-jeux
", actuellement expérimenté dans une centaine de points de
vente.
D. - Les pratiques relevées sur le marché de la maintenance
micro-informatique
1. La subvention des activités de la Française de Maintenance
par la Française des Jeux
La Française de Maintenance fournit diverses prestations de services
au profit de la Française des Jeux. Ces services sont réalisés
en application d’un contrat d’entretien des terminaux de jeux, d’un contrat
de maintenance des installations informatiques internes de la Française
des Jeux, d’un contrat de maintenance de l’équipement informatique
du réseau de courtage, d’un contrat pour l’installation et la maintenance
des outils de merchandising, d’un contrat pour l’installation et l’entretien
des équipements électriques et téléphoniques
des détaillants et, enfin, d’un contrat pour la maintenance des
matériels multimédia des centres de formation régionaux.
L’entretien des 15 100 points de vente de la Française des Jeux
informatisés, c’est-à-dire dotés d’un terminal " Saphir
", est donc assuré par la Française de Maintenance, aux termes
d’un contrat pour " la maintenance des matériels informatiques de
traitement des jeux, équipant les bureaux de validation ". Dans
les villes de plus de 100 000 habitants, le délai d’intervention
prévu est de deux heures environ. Le prix global de ces prestations
annuelles, pièces détachées non comprises, fournies
dans le cadre de contrats de maintenance, a été fixé
forfaitairement à 96 000 000 F HT pour la période du 1er
janvier 1995 au 31 décembre 1995. Par avenant en date du 28 mars
1997, ce chiffre a été ramené à 88 000 000
F HT.
Or, il s’avère que la Française des Jeux prend en charge
une partie de la masse salariale de la Française de Maintenance
par une sur-rémunération de certains contrats qui la lie
à sa filiale. M. Thareau, directeur général adjoint
de la Française de Maintenance a précisé, au sujet
de ces rémunérations : " Je précise qu’en ce qui concerne
le contrat spécifique des terminaux de jeux avec La Française
des Jeux, une partie des surcoûts sociaux de La Française
de Maintenance sont affectés aux contrats des terminaux de jeux.
Autrement dit, une partie des avantages sociaux associés à
l’histoire du groupe sont à la charge de La Française des
Jeux, ce qui lui coûte environ 8 MF " ; ou bien encore : " Le surcoût
lié à l’héritage Française des jeux concernant
88 techniciens (des 112 techniciens nécessaires à la réalisation
de la prestation) est affecté une fois pour toutes au contrat terminaux
de jeux [...] A l’heure actuelle, si La Française de Maintenance
fait des bénéfices, c’est grâce au contrat Saphir (terminaux
de jeux) avec La Française des Jeux ".
L’audit diligenté en 1995 a mis l’accent sur ce problème
en ces termes : " La Française de Maintenance continue ses efforts
de maîtrise progressive des coûts salariaux, à savoir
: limiter la progression des salaires nominaux pour combler le handicap
vis-à-vis de la concurrence (l’audit groupe avait mentionné
en 1994 que 50 % des techniciens avaient un salaire supérieur d’environ
20 % à celui du marché). Sur ce point, les dirigeants de
la FDM signalent que La Française des Jeux a accepté de prendre
à sa charge le surcoût des salaires des techniciens, dans
l’acceptation du prix du contrat de maintenance des terminaux Française
des jeux ". L’audit, effectué en 1996 par la Française des
Jeux, confirme la prise en charge de ce surcoût pour un montant supérieur
: " La FDM a entrepris en 1996, conjointement avec le département
contrôle de gestion Française des jeux, de chiffrer avec précision
le poids des coûts sociaux issus de son passé en tant que
structure Française des jeux. Ce surcoût provient du niveau
supérieur au marché : des salaires des anciens collaborateurs
Française des jeux embauchés par la FDM, des avantages sociaux
des anciens collaborateurs Française des jeux embauchés par
la FDM, étendus aux collaborateurs embauchés depuis, des
charges indexées sur les salaires (taxes, dotation au comité
d’entreprise...). Le surcoût total a été estimé
à 21,3 MF (dont participation et intéressements de 4 MF)
dont environ 14 MF au titre des effectifs embauchés pour la maintenance
du CSEE et affectés en 1996 à des activités autres.
14 MF sont pris en charge par La Française des Jeux dans le prix
de contrats qui la lient à sa filiale ". Le compte-rendu de la réunion
tenue le 1er août 1996 à la Française de Maintenance
sur la question de l’évaluation du coût de " l’héritage
" de la Française des Jeux concluait dans le même sens, et
estimait que " La Française de Maintenance est pénalisée
d’environ 17 MF par rapport au marché concurrentiel ". L’audit préconise,
notamment, " la réduction progressive du surcoût supporté
par La Française des Jeux dans les contrats de maintenance des terminaux
(- 6 MF en 1996, - 2 MF en 1997) et indique que : " le prix du marché
a été estimé par le département contrôle
de gestion de La Française des Jeux à environ 75 MF (contre
88 MF facturés pour 1997). Il restera donc un écart de 13
MF (88 MF - 75 MF) qui ne pourra se réduire que partiellement et
très lentement, au rythme des ajustements salariaux effectués
par La Française de Maintenance (départ de collaborateurs,
augmentations individuelles plutôt que collectives ) ".
Il est encore possible d’évaluer cette subvention de manière
plus précise au moyen de la comptabilité tenue par la Française
des Jeux depuis 1996. Il résulte de ces documents que la Française
de Maintenance a réalisé un chiffre d’affaires de 90 121
KF avec le contrat de maintenance des terminaux Saphir en 1996. Le montant
des coûts variables directs imputés à cette activité
s’élevait à 44 239 KF et celui des coûts fixes directs
à 8 279 KF, celui des coûts variables indirects à 8
474 KF, soit un total de 60 992 KF. L’entreprise a donc dégagé
sur cette activité une marge nette de 29 139 KF, soit un taux de
marge de 32,3 %. Il est donc possible de calculer, à partir des
coûts engagés, le montant du chiffre d’affaires qui aurait
été réalisé si l’objectif de rentabilité
de 10 %, affiché par la Française de Maintenance et la Française
des Jeux, avait été respecté. Le chiffre d’affaires
aurait été de 67 091 KF (60 992 + 6 099,2). D’après
cette méthode d’estimation, la subvention de la Française
des Jeux à la Française de Maintenance pour 1996 s’est élevée
à 23 030 KF, soit la différence entre le chiffre d’affaires
réel (90 121 KF) et le chiffre d’affaires réalisé
avec une marge de 10 % (67 091 KF). Un taux de marge supérieur à
10 % est également pratiqué sur d’autres contrats de prestations
conclus par la Française de Maintenance au profit de sa société
mère. Ainsi, le contrat pour la maintenance de l’équipement
informatique du réseau de courtage, portant sur un chiffre d’affaires
de 6,122 MF, a permis à la Française de Maintenance de dégager
une marge nette réelle de 23 %. De même la marge réalisée
sur le contrat relatif à la pose et à l’entretien des bandeaux
lumineux a été fixée à 15,39 %.
Cette évaluation est proche de celle communiquée par la
Française de Maintenance au cours de l’instruction, qui fixe, en
définitive, le total des " surcoûts sociaux " à 21
320 KF. La société précise qu’il convient de distinguer
entre deux catégories de surcoûts sociaux :
Ceux bénéficiant uniquement aux salariés
issus de la Française des Jeux ; ces coûts sont affectés
aux contrats de maintenance des terminaux de prises de jeux de la Française
des Jeux.
Ceux consistant en des avantages sociaux qui ne pouvaient être
légalement réservés aux seuls salariés issus
de la Française des Jeux et qu’il a fallu également accorder
aux nouveaux embauchés, dont le recrutement a été
lié au développement de l’entreprise. Ils sont également
appelés " surcoûts ", car ils constituent des avantages sociaux
dont ne bénéficient pas les salariés des autres entreprises
du marché.
Ces surcoûts sont affectés analytiquement aux contrats et
peuvent être ventilés en quatre catégories : les surcoûts
d’exploitation, les surcoûts de structure, les surcoûts financiers
et les surcoûts sur l’intéressement et la participation. L’affectation
de ces surcoûts entre les différents contrats est présentée
dans le tableau suivant :
Catégories de surcoûts |
Répartition |
Totaux |
|
Sur groupe Française des Jeux |
hors groupe Française
des Jeux |
|
|
sur les terminaux de jeux |
sur les autres opérations groupe Française
des Jeux |
|
|
surcoûts d’exploitation |
11 897 KF |
483 KF |
2 254 KF |
14 634 KF |
surcoûts de structure |
2 456 KF |
|
|
2 456 KF |
s/total 1 |
14 353 KF |
483 KF |
2 254 KF |
17 090 KF |
surcoûts financiers |
230 KF |
|
|
230 KF |
surcoûts sur intéressements &
participation |
2 453 KF |
276 KF |
1 271 KF |
4 000 KF |
s/total 2 |
2 683 KF |
276 KF |
1 271 KF |
4 230 KF |
total des surcoûts |
17 036 KF |
759 KF |
3 525 KF |
21 320 KF |
On constatera que, sur les 21 320 KF représentant la totalité
des surcoûts sociaux, 3 525 KF ont été imputés
sur les contrats " hors groupe ". Il est donc établi que la Française
des Jeux a versé à la Française de Maintenance une
subvention, sous la forme d’un surcroît de rémunération
du contrat de maintenance des terminaux de jeux d’un montant de 17 036
KF et d’autres opérations pour un montant de 759 KF. Dans ces conditions,
" l’aide " apportée par la société mère à
sa filiale, sous la forme d’une sur-rémunération de ses contrats,
s’est élevée en 1996 à 17 795 KF.
Les dirigeants sociaux ont été informés de cette
situation et des risques qu’elle pouvait faire encourir au libre jeu de
la concurrence sur le marché de la maintenance informatique par
le rapport d’audit du 26 avril 1994, lequel relevait : " La dépendance
de La Française de Maintenance vis-à-vis de La Française
des Jeux est incontestablement importante. [...] Il paraît vraisemblable
que l’essentiel de la rentabilité provienne du contrat de maintenance
passé avec La Française des Jeux, occultant ainsi des activités
" maintenance " (et surtout " distribution ") avec des clients extérieurs
peu bénéficiaires, voire déficitaires, compte tenu
notamment d’un coût élevé de main-d’œuvre ( La Française
de Maintenance reconnaît être globalement 25 % plus chère
que le marché. Or, la part de la main-d’oeuvre est prépondérante).
La Française des Jeux via son contrat de maintenance, ne doit en
aucun cas financer une activité éventuellement déficitaire
de la filiale réalisée avec des clients extérieurs.
Cet état de fait, s’il se révèle fondé, n’autorise
certes pas une course au chiffre d’affaires à tout prix, entraînant
fréquemment une prestation de qualité inférieure ".
2. Les contrats de maintenance déficitaires
passés par la Française de Maintenance
La comptabilité analytique de la
Française de Maintenance
L’existence d’une comptabilité analytique tenue par la Française
de Maintenance permet de déterminer la rentabilité de chaque
contrat exécuté par cette entreprise pour le compte de ses
clients. La décomposition analytique des coûts de revient
prévisionnels, qui a été mise en œuvre au cours de
l’année 1993, fait, chaque année, l’objet d’une mise à
jour. Les prix de revient prévisionnels sont calculés sur
une moyenne de trois ans pour les contrats de maintenance.
Les objectifs assignés à cette comptabilité analytique
et les principes généraux suivis pour sa tenue, la répartition
des coûts, la traduction analytique de la chaîne de service
et les unités d’œuvre retenues pour la répartition des coûts
variables sont présentés dans le compte-rendu de la réunion
tenue le 1er août 1996 à la Française de Maintenance
et dans plusieurs autres documents.
Les coûts variables, tels qu’ils résultent de la comptabilité
analytique de la Française de Maintenance, comprennent l’ensemble
des charges suivantes :
les coûts variables directs : la consommation de
pièces détachées ; la sous-traitance terrain ; les
coûts des marchandises vendues ; les frais de transport ; les frais
d’emballages ; la sous-traitance atelier ; les frais de personnel, frais
de véhicules, frais de déplacements et frais de télécommunication
: des techniciens terrain, des techniciens hot line, des magasiniers logistique
et acheteurs, des techniciens atelier.
les coûts variables indirects : les frais de fonctionnement techniques
et administratifs des techniciens terrain, des techniciens hot line, des
magasiniers logistiques et des techniciens atelier ; les frais de personnel,
frais de véhicules, frais de déplacements et frais de télécommunication,
frais de fonctionnement techniques et administratifs : des ingénieurs,
des commerciaux, de l’encadrement terrain, des techniciens supports, des
techniciens logistiques et chargés de projet et des chefs de projet
; la communication externe ; les dotations aux provisions sur stock.
Les frais de main-d’œuvre (traitements et salaires) représentent
une part importante des charges pour ce type de prestations de services
et sont comptabilisés par la Française de Maintenance au
titre des " coûts variables directs ou indirects ". L’examen des
comptes d’exploitation de la Française de Maintenance pour les exercices
1992, 1993, 1994, 1995 et 1996 permet de mettre en évidence les
évolutions suivantes :
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
CA |
96 405 747 |
161 909 375 |
187 143 705 |
164 343 462 |
160 098 399 |
Salaires et
traitements |
40 250 173 |
49 451 262 |
56 151 688 |
53 229 842 |
54 122 766 |
Charges
sociales |
16 728 212 |
22 107 055 |
28 063 126 |
26 515 060 |
26 778 735 |
effectifs |
194 |
290 (316) |
319 |
303 |
296 |
Les contrats dont l’exploitation s’est avérée
déficitaire au cours de l’année 1996
Il s’avère que, sur les 100 contrats de fourniture de prestations
de services informatiques conclus pour le compte d’entreprises extérieures
au groupe, dix-sept l’ont été à des prix inférieurs
à leurs coûts variables. La plupart de ces contrats avaient
pour objet la maintenance d’installations informatiques stricto sensu,
les autres concernaient des prestations de services informatiques autres,
répertoriées sous les rubriques " déploiement migration
", " délégation de personnel " ou " TPRO".
E. - LES GRIEFS NOTIFIES
Un grief a été notifié à la Française
des Jeux pour avoir, courant 1995 et 1996, fait une exploitation abusive
de la position dominante qu’elle détient sur le marché des
jeux de hasard pur, en subordonnant l’agrément de ses détaillants
à l’acquisition de deux éléments de mobilier, dits
" comptoir terminal " et " corner jeux ", dont elle était le fournisseur
exclusif, et en exerçant des pressions sur plusieurs revendeurs
déjà agréés pour les inciter à faire
l’acquisition de ce mobilier, alors que cet équipement ne présentait
pas une utilité incontestable et qu’il lui était loisible
de définir des spécifications objectives de qualité
(par la diffusion d’un plan de fabrication par exemple), lesdites pratiques
ayant eu pour objet, et ayant pu avoir pour effet, de fausser ou restreindre
le jeu de la concurrence sur le marché du mobilier de comptoir,
dans des conditions contraires aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance
du 1er décembre 1986.
Un autre grief a été notifié à la Française
des jeux, pour avoir, au cours de l’année 1996, fait une exploitation
abusive de la position dominante qu’elle détient sur le marché
des jeux de hasard pur, en faisant exécuter par sa filiale, la Française
de Maintenance, au cours de l’année 1996, des prestations de services
sur le marché de la maintenance informatique et des prestations
informatiques à des prix inférieurs aux coûts variables
de ces prestations, notamment :
à l’occasion d’un contrat exécuté
pour le compte de l’ANPE au prix de 2 704 000 F, alors que le total des
coûts variables directs et indirects s’est élevé à
4 433 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Stime au prix de 2 337 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 2 862 000 F ;
l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte de la
société SNCF (N) au prix de 1 869 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 2 343 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société SNCF (L) au prix de 1 287 000 F, alors que
le total des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 1 502 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Fit au prix de 600 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 620 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Rockwellau prix de 182 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 335 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Cepar au prix de 132 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 213 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Leca Sud au prix de 105 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 146 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Telec au prix de 80 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 147 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Leca Sud au prix de 76 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 122 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société RMC au prix de 67 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 69 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société CMCAS au prix de 57 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 69 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Fideling au prix de 33 000 F, alors que le
total des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 37 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Synin au prix de 31 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 33 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société CGEA 1 au prix de 16 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 20 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Robecco au prix de 11 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 16 000 F ;
à l’occasion d’un contrat exécuté pour le compte
de la société Zero au prix de 3 000 F, alors que le total
des coûts variables directs et indirects s’est élevé
à 4 000 F .
II. – Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil,
A. - SUR LES MARCHES PERTINENTS
1. Le marché des jeux de hasard pur commercialisés par
la Française des Jeux
Considérant que le marché est le lieu théorique
où se confrontent l’offre et la demande de produits ou de services
qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs
comme substituables entre eux, mais non substituables aux autres biens
ou services ; qu’en pratique, pour définir les contours d’un marché,
le Conseil identifie les produits ou services dont on peut raisonnablement
penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs
de satisfaire une même demande et entre lesquels ils peuvent arbitrer
; qu’en l’espèce, plusieurs critères permettent d’établir
que les offres de jeux proposées par la Française des Jeux,
le PMU et les casinos ne sont pas substituables entre elles ;
Considérant, en premier lieu, qu’au sein des activités
ludiques, les jeux qui font espérer un gain d’argent, éventuellement
hors de proportion avec la mise investie, répondent à un
besoin spécifique, qui dépasse la seule distraction et qui
intéresse, notamment, une clientèle d’habitués ;
Considérant, sur le plan de l’offre, que la prise en considération
de la nature des différents jeux d’argent conduit à distinguer
les jeux de " hasard pur ", reposant exclusivement sur la réalisation
d’événements déterminés par les seules probabilités
mathématiques, et les jeux de " hasard partiellement maîtrisé
", faisant entrer en ligne de compte des facteurs de nature diverses susceptibles
d’infléchir la loi des probabilités, telles les connaissances
du joueur relatives, par exemple, aux performances antérieures d’une
équipe sportive ou d’un cheval de course ; que tous les jeux de
la Française des Jeux, à l’exception des paris sportifs,
et les jeux de casinos entrent dans la catégorie des jeux de hasard
pur, les jeux du PMU et le Loto Sportif entrant dans la seconde catégorie
;
Considérant que la prise en compte de la méthode de distribution
amène à distinguer, au sein des jeux de hasard pur, les jeux
commercialisés exclusivement dans les salles des casinos et les
autres ; que les jeux de la Française des Jeux étant commercialisés
dans ses 40 000 points de vente, leur disponibilité sur l’ensemble
du territoire national est parfaitement assurée ; qu’en revanche,
les jeux de casinos ne sont proposés qu’en des lieux limités,
à l’intérieur de la maison de jeux et moyennant le versement
d’un droit de timbre ; que toutes ces circonstances rendent les jeux de
casino indisponibles sur la plus grande partie du territoire national,
tant pour des raisons matérielles que légales ; que cette
disponibilité géographique limitée est essentielle
pour distinguer le marché des jeux de hasard pur proposés
par les casinos de ceux commercialisés par la Française des
Jeux ;
Considérant, sur le plan de la demande, que le comportement des
demandeurs conforte cette analyse ; qu’en effet, le profil sociologique
des joueurs et le montant moyen des mises conduisent à distinguer
entre des catégories de clientèles différentes ; que
15 % seulement de la population joue aux courses au moins une fois dans
l’année, les parieurs étant à 65 % des hommes âgés
de 35 à 49 ans et issus de milieux socio-professionnels généralement
modestes ; que les deux tiers de la population française jouent
aux jeux de la Française des Jeux, ce qui conduit à une grande
variété des profils de joueurs qui, en définitive,
représentent toutes les catégories de la population ; que
les écarts importants existant entre les mises moyennes engagées
par les joueurs selon le type de jeu semblent conforter cette analyse,
la mise moyenne pour les jeux de la Française des Jeux étant
de 30 francs, ceux du PMU de 60 francs et ceux des machines à sous
de 250 francs ;
Considérant que les représentants de la Française
des Jeux et du PMU, ainsi que les joueurs eux-mêmes, ont une perception
claire de la non substituabilité de ces deux formes de jeux ; que
les représentants du PMU ne considèrent pas que la Française
des Jeux soit un " véritable concurrent du PMU en terme de métier
", le seul produit de la Française des Jeux se rapprochant des paris
étant le Loto Sportif qui implique un minimum " d’investissement
intellectuel " ; que, de même, pour les représentants de la
Française des Jeux, " à part le Loto sportif, aucun produit
de La Française des Jeux n’est en concurrence avec les produits
du PMU " ; que la Française des Jeux jouit d’une réputation
de dynamisme commercial et bénéficie de la variété
de ses jeux ; que le " taux de notoriété " de la Française
des Jeux était évalué par l’institut de sondage IPSOS
en 1996 à 96 % contre 53 % pour le PMU ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que les " jeux de hasard pur " de la Française des Jeux ne sont
substituables ni avec les " jeux de hasard partiellement maîtrisé
", tels les paris sur les courses de chevaux organisés par le PMU,
ni avec les jeux de hasard pur des casinos, en raison, notamment pour ces
derniers, de leur disponibilité géographique restreinte ;
que, dans ces conditions, il existe donc bien un marché spécifique
des jeux organisés et commercialisés par la société
La Française des Jeux, caractérisé tant par la spécificité
des produits offerts et leur mode de distribution, que par une demande
particulière émanant d’une clientèle très large
;
2. Sur la position de la Française des Jeux sur le marché
des jeux de hasard pur
Considérant que, sur le marché pertinent ainsi défini,
la Française des Jeux bénéficie d’un monopole légal
en application, notamment, de l’article 136 de la loi de finances du 31
mai 1933, monopole qui suffit à caractériser une position
dominante ;
3. Sur la position de la Française de Maintenance sur le marché
de la maintenance informatique
Considérant que la société la Française
des Jeux et la société la Française de Maintenance
ne contestent pas la définition du marché pertinent des jeux
de hasard pur commercialisés par la Française des Jeux, ni
la position dominante de cette dernière ; qu’en revanche, le groupe
Telci et la société Tim exposent que le rapporteur aurait
omis, à tort, de retenir comme marché pertinent le marché
de la maintenance micro-informatique et de constater, sur ce marché,
la position dominante de la société la Française de
Maintenance ; que, selon les saisissants, en effet, les aides consenties
par la Française des Jeux à sa filiale permettraient à
cette dernière de s’affranchir totalement des contraintes liées
à la rentabilité de ses activités, ce qui caractériserait
à soi seul, une position dominante de la Française de Maintenance
sur le marché pertinent de la maintenance informatique ;
Mais considérant que, si l’équipement micro-informatique
se distingue des autres catégories d’équipement informatique,
les activités de maintenance, qui supposent essentiellement, de
la part des opérateurs, un savoir-faire et une connaissance des
équipements, présentent une fluidité suffisante du
côté de l’offre pour qu’un marché de la maintenance
informatique au sens large puisse être retenu ;
Considérant que, sur le marché de la maintenance informatique,
la part du chiffre d’affaires cumulée des dix premières sociétés,
au nombre desquelles ne figure pas la Française de Maintenance,
s’élevait à 90 % ; que la Française de Maintenance
ne se situait qu’en 165ème position des 500 premières sociétés
d’informatique ; que, s’il est exact que " la part de marché ne
constitue qu’un indice, parmi d’autres, de l’existence d’une position dominante
", encore faut-il que la part de marché détenue soit suffisamment
importante pour permettre à l’entreprise d’exercer un pouvoir de
marché ; que, dès lors que la part de marché de la
Française de Maintenance est très inférieure à
10 %, quels que soient par ailleurs les avantages ou les privilèges
dont elle dispose, il ne peut être prétendu qu’elle occuperait
un position dominante sur ce marché ; qu’au surplus, le grief concernant
la pratique relevée sur le marché de la maintenance informatique
ayant été imputé à la Française des
Jeux et non à la Française de Maintenance, il n’est pas utile,
pour qualifier ladite pratique, de démontrer l’existence d’une position
dominante de la Française de Maintenance sur ce marché pertinent
;
B. - SUR LES PRATIQUES
En ce qui concerne les pratiques relevées sur le marché
du mobilier de comptoir
Considérant que la diffusion dans le public des jeux mis sur
le marché par la Française des Jeux (Loto, Keno, le Millionnaire,
le Black Jack, le Morpion, le Bingo, etc.) est assurée par un réseau
de détaillants-mandataires agréés ; qu’en 1995 et
1996, les conditions d’agrément prévues dans le contrat-type
de mandat, intitulé " contrat La Française des Jeux / détaillant
", étaient principalement relatives à la réalisation
d’un chiffre d’affaires minimum et à l’acquisition, auprès
de la Française des Jeux, d’un mobilier spécial " espace-jeux
", destiné à la diffusion des jeux ; que cet équipement
" espace-jeux " se compose de deux éléments indissociables,
le " comptoir terminal ", qui reçoit le terminal informatique pour
les jeux on-line, et le " corner jeux ", qui sert de présentoir
; qu’à l’époque des faits, ce mobilier était exclusivement
vendu et installé par la Française des Jeux ; que la clause
subordonnant l’agrément des détaillants à l’acquisition
du mobilier auprès de la Française des Jeux a été
appliquée strictement jusqu’en 1996 ; que c’est ainsi que M. Espinguet,
détaillant qui avait sollicité de la Française des
Jeux l’exonération de cette obligation d’équipement au profit
du repreneur de son fonds de commerce qui postulait à l’agrément
de la Française des Jeux, s’était vu opposer un refus ferme
et définitif en mars 1996 ; qu’en outre, des détaillants
agréés antérieurement à 1990, non tenus par
cette obligation contractuelle (M.M. Joigneau, Delhomme, Parneix, Arnaud,
Brunet, Deloutre et Pradeau), ont déclaré avoir subi des
pressions de la part des courtiers de la Française des Jeux pour
les inciter à faire l’acquisition de l’équipement complet
;
a) Sur la clause du contrat-type
Considérant qu’à titre principal, la Française
des Jeux expose que la clause d’exclusivité obligeant les détaillants
agréés à acheter leur mobilier " espace-jeux " auprès
d’elle n’est pas constitutive d’un abus, car elle détient les droits
patrimoniaux sur le mobilier litigieux, aux termes d’un protocole d’accord
du 3 septembre 1992 et d’un contrat de cession de modèles industriels
du 22 septembre 1992 ; qu’à l’appui de ces arguments, la société
défenderesse cite une décision du Conseil de la concurrence
n° 99-D-34 du 8 juin 1999, aux termes de laquelle " il est loisible
au détenteur d’un droit exclusif de propriété intellectuelle,
soit de se réserver l’usage de ce droit, soit d’en concéder
l’usage exclusif à la personne de son choix ; (...) dans les deux
cas, les produits mis sur le marché en application de cette exclusivité
ne peuvent, en tout état de cause, être offerts que par un
seul opérateur, lequel ne peut, dès lors, pour les produits
considérés, être en concurrence avec un autre offreur
" ;
Mais considérant que la clause d’exclusivité visée
dans la notification de griefs ne concerne pas la protection d’un droit
de propriété intellectuelle, mais l’obligation, faite à
un détaillant souhaitant recevoir l’agrément de la Française
de Jeux, d’acquérir un équipement auprès du titulaire
de ce droit, ce qui est différent ; qu’ainsi, la référence
à la décision n° 99-D-34 précitée n’est
pas pertinente ;
b) Sur la justification de l’obligation
Considérant que la société la Française
des Jeux expose que l’obligation imposée aux détaillants
de s’équiper des deux éléments de mobilier est justifiée,
tant dans son principe que dans ses modalités ; que l’utilité
du mobilier résulterait de la nécessité de créer
une signalétique propre à la Française des Jeux, pour
permettre de distinguer ses produits des autres jeux proposés par
les détaillants ; que, d’ailleurs, cette utilité serait démontrée
par la progression du chiffre d’affaires des détaillants qui se
sont dotés du mobilier litigieux ; que ses caractéristiques
particulières seraient également pleinement justifiées
et, enfin, que le mobilier ne serait nullement surdimensionné, n’encombrerait
pas les magasins et serait nécessaire à l’aménagement
d’un espace comptabilité avec un terminal informatique ;
Mais considérant, d’une part, que depuis lors, le contrat liant
la Française de Jeux aux détaillants ne leur fait plus obligation
d’acquérir le mobilier auprès de la Française des
Jeux ; que le détaillant peut maintenant faire confectionner cet
équipement par le fabricant de son choix, les plans de fabrication
des mobiliers étant mis à la disposition des détaillants
sur leur demande ; qu’il suit de là que la situation qui prévalait
précédemment, ne répondait pas à des nécessités
techniques impératives ;
Considérant, d’autre part, que, dans une décision n°
87-D-08 du 28 avril 1987 relative à des pratiques mises en œuvre
par la société Nouvelle Messagerie de la Presse Parisienne
(NMPP) et sa filiale, la société d’Agence et de Diffusion,
le Conseil de la concurrence a retenu que la société NMPP,
en situation de position dominante sur le marché de la distribution
de la presse, en exerçant des pressions sur les diffuseurs de presse
candidats à l’agrément (les détaillants, ses mandataires),
en vue de les inciter à choisir le mobilier (présentoirs
pour les journaux) que son département " modernisation et promotion
" proposait, s’était rendue coupable d’un abus de position dominante
: " considérant que si NMPP s’est vu confier un rôle général
de contrôle de l’aménagement des dépôts de presse
par les éditeurs légitimement intéressés à
ce que leurs produits de presse soient présentés de façon
impartiale (...), les pressions que l’entreprise a exercées sur
certains distributeurs pour que ceux-ci choisissent les mobiliers d’agencement
qu’elle propose ne sauraient être considérées comme
nécessaires à l’exercice de cette mission de contrôle
et de modernisation, dès lors qu’existent des mobiliers concurrents
susceptibles de répondre aux objectifs recherchés " ;
Considérant, par ailleurs, que le mode de distribution des jeux
de hasard commercialisés par la Française des Jeux à
travers un réseau national de mandataires-détaillants agréés
se rapproche, à beaucoup d’égards, de la franchise ou de
la distribution sélective et permet d’invoquer les principes fixés
par la jurisprudence dans ces domaines voisins ; qu’en matière de
franchise, le Conseil de la concurrence a estimé, dans une décision
n° 97-D-51 du 24 juin 1997 (Hypromat France), qu’ "un franchiseur n’est
en droit d’imposer aux franchisés de s’approvisionner exclusivement
auprès de sa société ou auprès des fournisseurs
qu’il aura référencés que dans la mesure où
cette obligation est nécessaire à la protection des droits
de propriété du franchiseur ou au maintien de l’identité
et de la réputation du réseau et qu’autant qu’il est prouvé
qu’il n’est pas possible, en pratique, en raison de la nature des produits
qui font l’objet de la franchise, d’appliquer des spécifications
objectives de qualité " ; que, plus particulièrement, en
ce qui concerne la clause d’un contrat de franchise comportant l’obligation
pour les franchisés de s’adresser exclusivement, pour l’aménagement
extérieur et intérieur de leur magasin, à un fournisseur
exclusif, filiale du franchiseur, le Conseil de la concurrence a considéré,
dans une décision n° 96-D-36 du 28 mai 1996 (Zanier SA), que,
" s’il est loisible à un franchiseur, pour assurer l’unité
du réseau, de faire respecter par les franchisés les éléments
d’identification de la marque et de présentation des articles à
travers l’application d’un cahier des charges, rien ne justifi(ait), en
l’espèce, qu’une filiale du franchiseur soit seule à pouvoir
effectuer ce type de prestation ; (...) en effet, (...) une telle clause
(peut) avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, d’une
part, sur le marché de l’agencement de magasins en limitant l’accès
d’autres entreprise à ce marché, d’autre part, entre les
franchisés qui étaient en situation de se faire concurrence,
en leur interdisant de rechercher des conditions de financement moins onéreuses
pour leurs installations ; (...) ; que (...) cette clause allait au-delà
de ce qui est indispensable au fonctionnement de la franchise " ; que cette
analyse a été reprise par le Conseil dans sa décision
n° 99-D-49 du 6 juillet 1999 concernant les pratiques de la société
Yves Rocher ; qu’il résulte ainsi de la jurisprudence rappelée
que toute obligation restreignant l’accès des détaillants
à l’offre des fabricants de mobilier et, corrélativement,
l’accès de ces derniers à la demande de certaines catégories
de détaillants, doit être objectivement justifiée ;
Considérant qu’à supposer que la présence du mobilier
" espace jeux " pour servir de support aux connexions électriques
et téléphoniques au terminal de prise de jeux soit une nécessité
technique, la rédaction d’un cahier des charges aurait permis de
répondre à cette nécessité tout en laissant
la possibilité aux détaillants de choisir leurs fabricants
de meubles et de faire jouer la concurrence ; que la faisabilité
d’un tel cahier a, d’ailleurs, été démontrée,
puisque, comme le souligne la Française des Jeux dans ses conclusions,
" depuis 1998, la clause relative au mobilier " Espace jeux " du contrat
de mandataire propose au co-contractant une option entre l’acquisition
du mobilier auprès de La Française des Jeux et la consultation
du cahier des charges aux fins de fabrication par un fournisseur tiers
" ; qu’ainsi, en 1995 et 1996, la Française des Jeux, en se posant
comme le fournisseur exclusif du mobilier auprès de ses détaillants
et en leur proposant des conditions tarifaires uniques, nettement supérieures
aux prix du marché, limitait, sans en démontrer la nécessité,
l’accès d’autres entreprises au marché du mobilier d’agencement
et restreignait la compétition entre les détaillants, en
leur interdisant de rechercher des installations moins onéreuses
; que ces pratiques ont eu pour objet, et pu avoir pour effet, de fausser
ou restreindre le jeu de la concurrence sur le marché du mobilier
de comptoir et entre les détaillants situés dans une même
zone de chalandise, dans des conditions contraires aux dispositions de
l’article L. 420-2 du code de commerce ;
c) Sur le contrat de mandat
Considérant que, contrairement à ce qu’allègue
la Française des Jeux, le Conseil de la concurrence a déjà
sanctionné, dans la décision précitée n°
87-D-08, comme abus de position dominante, les pressions exercées
par un mandant, les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne, sur
ses mandataires détaillants diffuseurs de journaux, pour les inciter,
à l’occasion d’une demande d’agrément, à choisir le
mobilier d’agencement qu’il proposait ; qu’ainsi, la qualification de mandat
donnée aux relations contractuelles entre la Française des
Jeux et ses détaillants est sans effet sur le présent litige,
relatif à un abus de position dominante qui a eu pour objet et a
pu avoir pour effet de fausser ou restreindre le jeu de la concurrence
sur le marché du mobilier de comptoir ;
Considérant, en conclusion, que la Française des Jeux
a, dans les circonstances susrappelées, fait une exploitation abusive
de sa position dominante sur le marché des jeux de hasard pur distribués
par elle, en subordonnant l’agrément de ses détaillants à
l’acquisition de deux éléments de mobilier, dits " comptoir
terminal " et " corner jeux ", dont elle était le fournisseur exclusif,
et en exerçant des pressions sur plusieurs revendeurs déjà
agréés pour les inciter à faire l’acquisition de ce
mobilier, alors qu’il lui suffisait d’exiger des spécifications
objectives de qualité (par la diffusion d’un plan de fabrication
par exemple), ce qu’elle a du reste fait ultérieurement, lesdites
pratiques ayant eu pour objet, et ayant pu avoir pour effet, de fausser
ou restreindre le jeu de la concurrence, dans des conditions contraires
aux dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ;
En ce qui concerne les pratiques relevées sur le marché
de la maintenance informatique
Considérant que l’entretien des 15 100 points de vente de la
Française des Jeux informatisés, c’est-à-dire dotés
d’un terminal " Saphir ", est assuré par la Française de
Maintenance, filiale de la Française des Jeux, dont c’est la principale
activité (62 % de son chiffre d’affaires en 1995), aux termes d’un
contrat pour " la maintenance des matériels informatiques de traitement
des jeux, équipant les bureaux de validation " ; que la Française
de Maintenance est une société anonyme issue de la filialisation
des activités de maintenance micro-informatique de la Française
des Jeux , dont le capital était, à l’époque, détenu
à 90 % par sa société mère et à 10 %
par ses salariés ; qu’elle a aussi développé ses activités
à l’égard d’entreprises extérieures au groupe auquel
elle appartient ;
Considérant, d’une part, qu’il est établi qu’en 1996,
la Française des Jeux a sur-rémunéré certains
contrats de maintenance qui la liaient à sa filiale ; que l’aide
ainsi apportée est évaluée à 17,795 millions
de francs ;
Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction
que, sur les 100 contrats de fourniture de prestations de services informatiques
conclus pendant cette période par la Française de Maintenance
avec des entreprises extérieures au groupe, dix-sept l’ont été
à des prix inférieurs à leurs coûts variables
; que c’est, par exemple, le cas du marché commandité par
l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE), la société Telci
en ayant été évincée par la Française
de Maintenance ;
Considérant qu’il est licite, pour une entreprise publique qui
dispose d’une position dominante sur un marché en vertu d’un monopole
légal, d’entrer sur un ou des marchés concurrentiels, à
condition qu’elle n’abuse pas de sa position dominante pour restreindre
ou tenter de restreindre l’accès au marché pour ses concurrents
en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une
concurrence par les mérites ; qu’ainsi, une entreprise publique
disposant d’un monopole légal, qui utilise les ressources de son
activité monopolistique pour subventionner une nouvelle activité,
ne méconnaît pas, de ce seul fait, les dispositions de l’article
L. 420-2 du code de commerce ;
Considérant, en revanche, qu’est susceptible de constituer un
abus le fait, pour une entreprise disposant d’un monopole légal,
c’est-à-dire un monopole dont l’acquisition n’a supposé aucune
dépense et est insusceptible d’être contesté, d’utiliser
tout ou partie de l’excédent des ressources que lui procure son
activité sous monopole pour subventionner une offre présentée
sur un marché concurrentiel, lorsque la subvention est utilisée
pour pratiquer des prix prédateurs ou lorsqu’elle a conditionné
une pratique commerciale qui, sans être prédatrice, a entraîné
une perturbation durable du marché qui n’aurait pas eu lieu sans
elle ;
Considérant qu’en l’espèce, la Française des Jeux,
utilisant les ressources tirées du monopole des jeux, a consenti
à sa filiale une subvention, qui a permis à cette dernière
de pratiquer, sur le marché concurrentiel de la maintenance informatique,
des prix inférieurs à ses coûts variables, pratique
qui a eu pour effet de lui permettre de remporter dix-sept contrats de
maintenance que des concurrents auraient remportés si cette pratique
de prix n’avait pas eu lieu ;
a) Sur l’inapplicabilité du droit de la concurrence aux prestataires
de service de maintenance informatique
Considérant que, d’après la Française des Jeux,
les sociétés de maintenance informatique ne pourraient connaître
leurs coûts a priori et donc fixer des prix qui seraient toujours
non critiquables au regard du droit de la concurrence ; que l’exécution
d’un contrat de maintenance pourrait s’avérer a posteriori déficitaire,
compte tenu de prévisions erronées, sans qu’il soit possible
de corriger les prix pendant la vie du contrat ; que cette situation constituerait
une différence fondamentale par rapport à celle des fabricants
de produits manufacturés et rendrait, par conséquent, inapplicable
les concepts habituels du droit de la concurrence ;
Considérant que de nombreuses activités économiques
connaissent des aléas qui ne permettent pas d’effectuer avec certitude
des calculs prévisionnels de coût ou de rentabilité
; que le droit de la concurrence leur est applicable ; que le livre IV
du code de commerce s’applique notamment aux activités de prestation
de service ; qu’en l’espèce, d’ailleurs, les pratiques reprochées
à la Française des Jeux et à sa filiale consistent
précisément à avoir contracté dans des conditions
qui ne permettaient pas de se prémunir raisonnablement contre les
aléas ; qu’en effet, compte tenu des incertitudes relatives aux
coûts, les opérateurs du secteur calculent leurs soumissions
en prévoyant une marge avant impôt d’environ 10 %, alors que
la Française de Maintenance retenait un chiffre de l’ordre de 2
ou 3 % avant impôt ; que le caractère déficitaire des
contrats litigieux ne peut s’expliquer, à lui seul, par la seule
difficulté à appréhender avec certitude les coûts
avant l’exécution des marchés, dès lors que l’instruction
a mis en évidence que, sur les dix-sept contrats litigieux, la perte
moyenne, par rapport aux coûts variables afférents à
ces prestations, s’est élevée au pourcentage très
important de 35,47 ;
b) Sur le lien de connexité entre le marché dominé
et le marché où se sont déroulées les pratiques
litigieuses
Considérant qu’à titre principal, la Française
des Jeux expose que la pratique consistant, pour la Française des
Jeux, en situation de monopole sur le marché des jeux de hasard
de la Française des Jeux, à permettre à sa filiale
de pratiquer des prix inférieurs aux coûts variables sur le
marché de la maintenance informatique ne saurait constituer une
pratique prohibée, en l’absence de toute connexité entre
le marché des jeux de hasard pur et le marché de la maintenance
informatique et de preuve d’un lien de causalité entre la position
dominante de la Française des Jeux sur le marché des jeux
et sa contribution aux charges sociales de la Française de Maintenance
;
Considérant que la jurisprudence, tant française que communautaire,
vérifie que les pratiques constatées sur un marché
donné et dénoncées comme abusives sont dans un rapport
de causalité avec la domination exercée sur un marché
; que, lorsque le marché où se sont déroulées
les pratiques litigieuses et le marché dominé sont distincts,
cette vérification conduit, généralement, à
s’assurer que ces deux marchés ont un lien de connexité objectif
; que, toutefois, lorsque les pratiques consistent en l’application sur
le marché concurrentiel de prix bas rendus possibles par des transferts
de ressources provenant de la rente dégagée grâce à
la position détenue sur le marché dominé par l’auteur
des subventions, l’existence de la relation de causalité entre les
pratiques et la position dominante s’induit du seul comportement de l’entreprise
dominante ; qu’en d’autres termes, cette dernière, par le financement
abusif de l’activité concurrentielle, établit elle-même
un lien de connexité entre les deux marchés ;
Considérant, qu’en l’espèce, les pratiques relevées
prennent appui sur les moyens dont la Française des Jeux dispose
du fait de sa situation de société d’économie mixte,
titulaire d’un monopole légal ; qu’assurée d’avoir ses charges
couvertes par " la part des mises allouées à l’organisation
des jeux, fixée par l’Etat ", elle peut s’abstraire des conditions
de rentabilité des entreprises du secteur concurrentiel ; qu’en
effet, la Française des Jeux encaisse les mises des jeux et conserve
la part de ces mises évaluée par l’Etat " de façon
à permettre à l’entreprise de couvrir les dépenses
nécessaires pour maintenir les enjeux à un niveau jugé
suffisant par l’autorité de tutelle " ; qu’ainsi qu’elle le souligne
elle-même dans ses conclusions, " La Française des Jeux n’est
qu’une émanation de l’Etat permettant d’organiser l’activité
de loterie " ; que c’est précisément parce qu’elle n’est
pas soumise aux mêmes contraintes que les entreprises du secteur
concurrentiel, que la Française des Jeux a pu financer, par une
sur-rémunération de ses contrats de maintenance, les surcoûts
salariaux supportés par sa filiale, qui rémunère ses
salariés bien au-dessus du niveau du marché ; qu’au surplus,
la technique utilisée pour valider les mises des joueurs repose
sur l’emploi de procédures informatiques dont la fiabilité
constitue un élément essentiel au succès de certains
jeux ; qu’il ne peut donc être soutenu que les deux marchés
seraient totalement étrangers l’un à l’autre ;
c) Sur la réalité des avantages financiers consentis par
la Française des Jeux à la Française de Maintenance
Considérant que la Française des Jeux prétend qu’elle
n’aurait fait, dans les contrats de maintenance visés dans la notification
de griefs, qu’endosser la charge sociale historique et récurrente
de ses anciens salariés repris par la Française de Maintenance
; qu’elle n’aurait donc pas subventionné sa filiale et ne lui aurait
donc pas permis de vendre à perte ;
Mais considérant que, si la sur-rémunération des
prestations de maintenance a servi à financer les surcoûts
bénéficiant aux anciens salariés de la Française
des Jeux, affectés à la maintenance des équipements
informatiques de la Française des Jeux, elle a également
affecté les contrats concurrentiels conclus à l’extérieur
du groupe ; que l’instruction a, en effet, démontré que l’aide
apportée par la Française des Jeux sous forme d’une sur-rémunération
des contrats avait été affectée, en 1996, à
hauteur de 17,795 millions de francs aux contrats de maintenance Saphir
et de 3,52 millions de francs aux contrats " hors groupe " ; que le rapport
d’audit réalisé le 26 avril 1994 souligne, à cet égard
: " Il paraît vraisemblable que l’essentiel de la rentabilité
provienne du contrat de maintenance passé avec La Française
des Jeux, occultant ainsi des activités " maintenance " (et surtout
" distribution ") avec des clients extérieurs peu bénéficiaires,
voire déficitaires, compte tenu notamment d’un coût élevé
de main-d’oeuvre (La Française de Maintenance reconnaît être
globalement 25 % plus chère que le marché. Or, la part de
la main-d’oeuvre est prépondérante). La Française
des Jeux via son contrat de maintenance, ne doit en aucun cas financer
une activité éventuellement déficitaire de la filiale
réalisée avec des clients extérieurs " ;
d) Sur les comparaisons entre prix et coûts variables
Considérant que la Française des Jeux conteste le calcul
des coûts moyens variables, alléguant que seuls les coûts
des matières premières, du transport et de la sous-traitance
pouvaient être comptabilisés comme coûts variables,
les frais de personnel devant, selon elle, en être exclus ;
Mais considérant que, dans sa décision n° 94-D-10
du 14 septembre 1994 concernant le secteur du béton prêt à
l’emploi dans département du Var, le Conseil s’est fondé
sur la notion de coût variable de production " tel qu’il résulte
de la comptabilité analytique établie mensuellement par chacune
des entreprises " ; qu’en l’espèce, contrairement à ce qu’allègue
la Française des Jeux, les coûts variables, tels qu’ils résultent
de la comptabilité analytique de la Française de Maintenance,
comprennent l’ensemble des charges suivantes : consommation de pièces
détachées, sous-traitance terrain, frais de transport, frais
d’emballage, sous-traitance atelier, frais de personnel, frais de véhicules,
frais de déplacements, frais de télécommunication,
frais de fonctionnement techniques et administratifs, communication externe
et dotations aux provisions sur stock ; que les frais de main-d’œuvre (traitements
et salaires) représentent une part importante des charges pour ce
type de prestations de services et sont comptabilisés par la Française
de Maintenance au titre des " coûts variables directs ou indirects
" ; que le coût variable est un coût dont le montant varie
en proportion directe de l’activité ; que, pour l’évaluer,
il est donc nécessaire d’identifier les corrélations entre
la consommation de ressources et le niveau d’activité, de telle
sorte que l’on puisse établir qu’une variation d’activité
cause une variation de la consommation de ressources ; qu’un coût
est réputé direct par rapport à un produit lorsqu’il
est causé, au premier degré, sans ambiguïté,
par l’existence même de ce produit ; qu’un coût est réputé
indirect dans le cas contraire ; que, plus concrètement, un coût
indirect représente une consommation de ressources nécessaires
pour créer l’environnement dans lequel l’activité de production
ou de commercialisation s’exerce ; que ces coûts sont communs à
tous les produits ou à certains d’entre eux et qu’il n’est pas possible
de répartir a priori ces coûts entre les différents
produits ; qu’il est cependant nécessaire d’imputer ou d’allouer
ces coûts indirects aux produits ou aux activités pris en
compte ;
Considérant que la Cour de justice des Communautés européennes,
dans l’arrêt Akzo, a précisé : " Il y a lieu de souligner
qu’un élément de coût ne relève pas par nature
des coûts fixes ou variables. Il convient donc d’examiner si les
frais de main-d’œuvre ont, en l’espèce, varié en fonction
des quantités produites " ; qu’il apparaît, en l’espèce,
que la masse salariale de la Française de Maintenance varie fortement
d’une année à l’autre ; que les coûts salariaux de
la Française de Maintenance répondent donc à la définition
jurisprudentielle des coûts variables ;
e) Sur l’objet ou l’effet anticoncurrentiel des pratiques
Considérant que la Française des Jeux expose qu’à
la supposer démontrée, la pratique de vente au dessous des
coûts variables ne pourrait avoir pour effet l’élimination
des concurrents, compte tenu de la structure du marché de la maintenance
informatique ; qu’en effet, sur ce marché, caractérisé
par des prestations de services à fort coefficient de main d’oeuvre
et par de faibles investissements capitalistiques (peu de barrières
à l’entrée), toute stratégie de prix abusivement bas
serait inefficace, car elle se traduirait par des pertes irrécupérables,
non compensées par des hausses de prix ultérieures ; que,
par ailleurs, la pratique de prix de vente au dessous des coûts variables
n’aurait pas d’objet anticoncurrentiel et ne résulterait que de
mauvaises estimations préalables de coûts ; qu’enfin, la Française
des Jeux n’aurait pas intérêt à porter atteinte à
la concurrence sur le marché de la maintenance informatique sur
lequel elle achète des prestations ;
Considérant, en premier lieu, que la jurisprudence considère
généralement que la vente au dessous du coût variable
moyen suffit à caractériser une stratégie prédatrice,
aucune autre justification ne pouvant être apportée à
un tel comportement ; que, cependant, d’une part, ce critère ne
peut être appliqué lorsqu’un prix n’est inférieur au
coût variable moyen que de façon épisodique ; que,
d’autre part, l’existence d’une stratégie prédatrice doit
être crédible au regard du contexte ; que la très faible
part détenue par la Française de Maintenance sur le marché
de la maintenance informatique (entre 0,5 et 0,7 %), combinée à
la modestie des barrières à l’entrée, rend improbable
le succès d’une stratégie prédatrice qui consisterait
à éliminer les concurrents afin de pouvoir, ensuite, relever
les prix ; qu’il suit de là que les pratiques litigieuses de la
Française de Maintenance ne peuvent être qualifiées
de prix prédateurs ;
Considérant, en second lieu, qu’ainsi qu’il a été
rappelé ci-dessus, une pratique de prix bas non prédatrice,
de la part d’une filiale d’une entreprise disposant d’un monopole public,
peut être anticoncurrentielle à la double condition qu’elle
n’ait été rendue possible que par des subventions tirées
de la rente dégagée dans l’activité monopolistique
et qu’elle ait entraîné une perturbation durable du marché
qui n’aurait pas eu lieu sans elle ; qu’il résulte du dossier que
les prix pratiqués par la Française de Maintenance pour les
contrats litigieux sont très nettement inférieurs aux prix
pratiqués par ses concurrents ; qu’ainsi, pour le contrat de l’ANPE,
le prix du poste de sélection le plus important du marché
était inférieur de 33,33 % à celui proposé
par son concurrent le plus proche, la société Tasq ; que
ces contrats de maintenance se sont trouvés lourdement déficitaires,
dans des conditions telles que l’imprévoyance ou l’erreur du soumissionnaire
ne suffit pas à l’expliquer ; qu’il est, au contraire, légitime
de penser que ces déficits ont été anticipés,
assurée qu’était la Française de Maintenance de bénéficier
de l’aide financière de sa maison-mère et des contrats de
maintenance informatique de ses terminaux qui lui assurent un volant d’activités
stables ; que ces prix particulièrement bas n’étaient pas
les seuls moyens mis en œuvre par la Française de Maintenance ;
que sa force commerciale, composée de points de vente présents
sur tout le territoire, et qui n’était viable qu’en raison du soutien
indirectement apporté par la société mère,
a contribué à l’obtention des contrats litigieux ; que plusieurs
des contrats ainsi obtenus bénéficiaient d’une très
forte visibilité (ANPE, SNCF) ; que ces pratiques ont ainsi permis
à la Française de Maintenance d’acquérir un poids
économique et une réputation déterminants pour son
avenir et ont affecté la capacité concurrentielle d’autres
entreprises du secteur ; que cette perturbation du marché n’aurait
pas pu avoir lieu sans les subventions croisées mises en œuvre par
la Française des Jeux ; que, dès lors, la pratique est qualifiable
au regard de l’article L. 420-2 du code de commerce ;
f) Sur l’imputabilité des pratiques tarifaires
Considérant que le groupe Telci et la société Tim
partagent l’analyse consistant à imputer à la Française
des Jeux le comportement de sa filiale ; qu’ils proposent, toutefois, de
retenir que l’abus est également constitué dans le chef de
cette dernière ; que la Française des Jeux n’a formulé
aucune observation sur l’imputabilité des pratiques ;
Considérant que la Française de Maintenance n’avait, au
moment des faits, aucune autonomie par rapport à sa maison-mère,
avec laquelle elle réalisait 60 % de son chiffre d’affaires ; que
cette dernière, qui disposait alors de 90 % du capital de la Française
de Maintenance, pouvait mettre à la disposition de ses filiales
des avances de trésorerie prélevées sur ses excédents,
à hauteur de 20 millions de francs, rémunérées
au taux moyen du marché monétaire au cours de la période
considérée ; que la plupart des dirigeants de la Française
des Jeux exerçaient également des responsabilités
au sein de la Française de Maintenance, M. Lapeyre étant,
par exemple, président du conseil d’administration de la Française
de Maintenance et directeur des services informatiques de la Française
des Jeux ; qu’enfin, et surtout, la gestion de la filiale et la détermination
de sa stratégie commerciale étaient étroitement contrôlées
par la société mère ; que les grandes orientations
de la Française de Maintenance étaient, en effet, définies
de concert avec la société mère ; qu’en cas de désaccord,
le point de vue de la Française des Jeux l’emportait ; qu’en matière
tarifaire notamment, la Française des Jeux fixait le taux de marge
que devait appliquer la Française de Maintenance ; que, lorsque
la Française de Maintenance souhaitait réduire ce taux de
marge pour augmenter ses chances de signer un marché, elle devait
solliciter l’autorisation de la Française des Jeux ; qu’il y a donc
lieu d’imputer les pratiques tarifaires à la Française des
Jeux ;
Considérant que la Française des Jeux, qui bénéficie
d’une position dominante sur le marché des jeux de hasard pur diffusés
par elle, a fait une exploitation abusive de cette position en faisant
exécuter par sa filiale, la Française de Maintenance, des
prestations de services sur le marché de la maintenance informatique
et des prestations informatiques à des prix inférieurs aux
coûts variables afférents à ces prestations ; que ces
pratiques, qui ont eu pour objet et pour effet de fausser ou restreindre
le jeu de la concurrence, sont prohibées par les dispositions de
l’article L. 420-2 du code de commerce ;
C. - SUR LES SANCTIONS
Considérant qu’aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce
: " Il [le Conseil de la concurrence] peut ordonner aux intéressés
de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé
ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction
pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas d’inexécution
des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées
à la gravité des faits reprochés, à l’importance
du dommage à l’économie et à la situation de l’entreprise
ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées
individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné
et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum
de la sanction est, pour une entreprise de 5 % du montant du chiffre d’affaires
hors-taxes réalisé en France au cours du dernier exercice
clos. Si le contrevenant n’est pas une entreprise, le maximum est de 10
millions de francs " ;
Considérant que la partie défenderesse expose, en ce qui
concerne la première pratique, qu’en vertu de la jurisprudence,
la régularisation des clauses litigieuses des contrats d’agrément
des mandataires de la Française des Jeux, antérieurement
à la décision du Conseil, devrait conduire à exclure
le prononcé de toute sanction ; qu’en ce qui concerne la deuxième
pratique, l’absence d’intention délictueuse, l’absence d’effets
(0,15 % du marché), l’impact limité sur les concurrents,
qui sont d’ailleurs tous des entreprises importantes, les démarches
mises en œuvre par la Française de Maintenance pour mettre fin aux
pratiques irrégulières et sa bonne volonté manifestée
pendant l’instruction, devraient également l’exonérer du
prononcé de sanctions pécuniaires ; qu’elle fait valoir que
la part des mises sur jeux qui lui revient est fixée unilatéralement
par l’Etat ;
Considérant que la part des mises sur jeux revenant à
la Française des Jeux est fixée, par le ministre du budget,
à 6,10 % hors taxes des mises, soit 2 334 millions de francs ; que
les pratiques imputées à la Française des Jeux sont
graves, s’agissant d’abus de position dominante d’un monopole public sur
des marchés voisins ou connexes ; que, dans un avis du 20 juin 1985
sur le marché des treillis soudés, la Commission de la concurrence
a souligné la gravité de ce genre de pratique : " Le fait
que les entreprises filiales des groupes sidérurgiques bénéficiaires
de subventions publiques aient, afin d’éliminer la concurrence sur
le marché des treillis soudés, suivi délibérément
une politique de prix anormalement bas pendant la fin de l’année
1982 et le début de l’année 1983 revêt une particulière
gravité. Ces entreprises, en effet, ne pouvaient ignorer qu’une
telle politique était de nature à porter un grave préjudice
aux sociétés indépendantes présentes sur le
marché des treillis soudés et qui ne pouvaient, comme elles,
compenser leurs pertes par des subventions de leurs sociétés
mères " ; que le dommage à l’économie résultant
des deux pratiques peut être évalué, d’une part, par
le surcoût ayant pesé sur les détaillants agréés
de la Française des Jeux, du fait de la surévaluation du
mobilier litigieux par rapport au prix du marché, et, d’autre part,
par le montant global des marchés de maintenance informatique perdus
par les concurrents de la Française de Maintenance ; qu’il y a lieu
de prendre également en compte, pour déterminer la sanction
encourue, s’agissant de la deuxième pratique, la bonne collaboration
de la Française des Jeux au cours de l’enquête et de l’instruction,
la durée limitée de cette pratique et, enfin, son faible
impact sur le marché de la maintenance informatique (13 millions
sur 16,9 milliards de francs) ; qu’au vu de ces éléments,
il y a lieu de condamner la Française des Jeux à une sanction
pécuniaire de 17 millions de francs,
D E C I D E :
Article 1er : Il est établi que la société
la Française des Jeux a enfreint les dispositions de l’article L.
420-2 du code de commerce sur le marché du mobilier de comptoir
et sur celui de la maintenance micro-informatique.
Article 2 : Une sanction pécuniaire de 17 millions de
francs est infligée à la société la Française
des Jeux.
Délibéré, sur le rapport oral de Mme LUC, par Mme
HAGELSTEEN, présidente, Mme PASTUREL, vice-présidente, Mmes
MOUILLARD, FLURY-HERARD, MM. RIPOTOT, BIDAUD et ROBIN, membres.
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