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Conseil d’Etat, 12 juin 2002, n° 240741, Caisse de décès "Union d’épargne d’Alsace et de Lorraine"

Les mesures conservatoires prises en application de l’article L. 510-8 du code de la mutualité par la Commission de contrôle des mutuelles et institution de prévoyance constituent des mesures de police administrative qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 240741

CAISSE DE DECES "UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET DE LORRAINE"

M. Boulouis, Rapporteur

Mme Boissard, Commissaire du gouvernement

Séance du 22 mai 2002

Lecture du 12 juin 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête enregistrée le 5 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la CAISSE DE DECES « UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET DE LORRAINE », dont le siège est 29, rue des Bouchers à Strasbourg (67000) ; la CAISSE DE DECES "UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET DE LORRAINE" demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision n° 2001/2 du 6 novembre 2001 par laquelle la commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance lui a enjoint, d’une part, de présenter au plus tard le 31 janvier 2002 un nouveau programme de redressement et, d’autre part, lui a interdit de recueillir de nouvelles adhésions à compter du 1er décembre 2001 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la mutualité ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l’ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de la CAISSE DE DECES "UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET DE LORRAINE",
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la CAISSE-DE-DECES-« UNION D-’EPARGNE D’ALSACE ET LORRAINE » demande l’annulation de la décision n° 2001/2 du 6 novembre 2001 par laquelle la commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance, sur le fondement des articles L. 510-8 et L. 510-9 du code de la mutualité dans leur rédaction résultant de l’ordonnance du 19 avril 2001 lui a, d’une part, enjoint de présenter au plus tard le 31 janvier 2002 un programme de redressement et, d’autre part, interdit de recueillir de nouvelles adhésions pendant trois mois à compter du 1er décembre 2001 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Sur le droit applicable à la date de la décision attaquée :

En ce qui concerne l’article L. 510-8 du code de la mutualité :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 510-8 du code de la mutualité dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 19 avril 2001 : « Lorsqu’une mutuelle, une union ou une fédération a enfreint une disposition législative ou réglementaire à laquelle elle est soumise ou lorsque son fonctionnement met gravement en péril sa marge de solvabilité ou l’exécution des engagements qu’elle a contractés envers les participants, les bénéficiaires ou leurs ayants droit, la commission de contrôle, après l’avoir mise en mesure de présenter des observations, peut lui adresser une mise en garde./ Elle peut également, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de prendre dans un délai déterminé toutes mesures destinées à rétablir ou renforcer son équilibre financier ou à corriger ses pratiques (...) » ;

Considérant, en premier lieu, que ces dispositions, qui définissent les mesures conservatoires que peut prendre la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance instituée par l’article L. 951-1 du code de la sécurité sociale dans les cas qu’elles déterminent, se suffisent à elles-mêmes ; qu’elle sont, par suite, immédiatement entrées en vigueur, sans attendre la publication d’un décret d’application dont aucune disposition de l’article L. 510-8 ni aucune disposition finale du titre ou du chapitre dans lesquels il s’insère ne prévoit d’ailleurs l’intervention ;

Considérant, en deuxième lieu, que le délai d’un an dont, en application de l’article 4 de l’ordonnance du 19 avril 2001, ont disposé les mutuelles pour se conformer aux dispositions nouvelles du code de la mutualité n’a eu ni pour objet ni pour effet de repousser d’un an l’entrée en vigueur de ce code, et notamment du chapitre de celui-ci consacré aux pouvoirs de la commission de contrôle ;

En ce qui concerne l’article L. 510-9 du code de la mutualité :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 510-9 du code dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 19 avril 2001 : « Lorsque la situation financière d’une mutuelle ou d’une union est telle que les intérêts des membres participants et des bénéficiaires et de leurs ayants droit sont compromis ou susceptibles de l’être, la commission de contrôle prend les mesures d’urgence nécessaires à la sauvegarde de ces intérêts./ Elle peut, à ce titre, mettre la mutuelle ou l’union sous surveillance spéciale./ Elle peut aussi restreindre ou interdire la libre disposition de tout ou partie des actifs de la mutuelle ou de l’union, limiter ou suspendre temporairement certaines opérations ou désigner un administrateur provisoire à qui sont transférés les pouvoirs nécessaires à l’administration et à la direction de la mutuelle ou de l’union. Cette désignation- est faites soit à la demande-des dirigeants lorsqu’ils estiment ne plus être en mesure d’exercer normalement leurs fonctions, soit à l’initiative de la commission de contrôle lorsque la gestion de la mutuelle ou de l’union ne peut plus être assurée dans des conditions normales, ou lorsque la commission a pris une mesure de suspension en application de l’article L. 510-11. A la date de cette désignation, les pouvoirs du conseil d’administration et des dirigeants salariés ayant reçu délégation de pouvoirs sont suspendus./ Les mesures mentionnées au troisième alinéa du présent article sont levées ou confirmées par la commission de contrôle, après procédure contradictoire, dans un délai prévu par décret en Conseil d’Etat. Ce même décret précise les modalités d’application du présent article » ;

Considérant que ces dispositions, relatives aux mesures d’urgence que peut prendre la commission de contrôle dans le cas où la situation financière d’une mutuelle menace les intérêts de ses membres et de ses bénéficiaires, ne sont pas suffisamment précises à la fois sur la durée de validité initiale des mesures de surveillance ou de gestion qui peuvent être décidées et sur la procédure qui doit être observée au terme de ce délai avant de confirmer ou de lever ces mesures ; que leur entrée en vigueur a donc été différée jusqu’à la publication du décret chargé, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 510-9, de fixer le délai mentionné ci-dessus et, plus généralement, de préciser les modalités d’application de cet article ; que, faute pour ce décret d’être intervenu à la date du 6 novembre 2001 à laquelle a été prise la décision attaquée, les dispositions précitées de l’article L.510-9 du code de la mutualité n’étaient pas encore applicables à cette date ;

Sur la légalité de l’injonction de présenter un programme de redressement :

Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, entré en vigueur le 1er novembre 2000 : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L’autorité administrative n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique./ Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables : l ° En cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l’ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) » ;

Considérant, en premier lieu, que la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, qui doit être regardée comme une « autorité administrative » au sens de l’article premier de la loi du 12 avril 2000, est soumise aux prescriptions de l’article 24 de cette dernière loi ;

Considérant, en deuxième lieu, que les mesures conservatoires prises en application de l’article L. 510-8 précité du code de la mutualité constituent des mesures de police administrative qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si l’article L. 510-8 prévoit que la mutuelle, l’union ou la fédération doit avoir été « mise en mesure de présenter des observations » par la commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance avant que celle-ci ne prenne éventuellement de telles mesures, ces dispositions se bornent à rappeler le principe du respect des droits de la défense sans pour autant instituer une « procédure contradictoire particulière » au sens du 3°du deuxième alinéa de l’article 24 précité de la loi du 12 avril 2000 ; que la mesure attaquée entre donc dans le champ de ce dernier article qui fait notamment obligation à l’autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d’audition formées par les personnes concernées en vue de présenter des observations orales, alors même qu’elles auraient déjà présenté des observations écrites ; .

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’injonction de présenter un programme de redressement a été prononcée sans que la caisse requérante ait été informée au préalable qu’une telle décision était susceptible d’intervenir ; qu’elle n’a été ainsi, ni mise en mesure de présenter des observations écrites, ni, alors que, par une lettre en date du 5 décembre 2000, le président de la CAISSE DE DECES « UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET LORRAINE » avait fait part au président de la commission de son souhait d’être entendu par celle-ci, mise à même de faire entendre ses représentants par la commission ; que, par suite, la caisse requérante est fondée à soutenir que l’injonction de présenter un programme de redressement a été prise en méconnaissance de l’article L. 510-8 du code de la mutualité et de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 et à en demander pour ce motif l’annulation ;

Sur la légalité de l’interdiction de recueillir de nouvelles adhésions pendant trois mois à compter du 1er décembre 2001 :

Considérant que si, dans leur rédaction antérieure à l’intervention de l’ordonnance du 19 avril 2001, les articles L. 531-2, L.531-3 et L.531-4 du code de la mutualité permettaient à la commission de contrôle, dans les conditions et limites posées par ces articles, de confier tout ou partie des pouvoirs du conseil d’administration d’une mutuelle à un ou plusieurs administrateurs provisoires, ils ne l’habilitaient pas, au titre des mesures conservatoires justifiées par l’urgence, à limiter ou suspendre temporairement certaines opérations effectuées par la mutuelle, comme la possibilité de recueillir de nouvelles adhésions ; que la caisse requérante est, par suite, fondée à soutenir que la commission n’avait pas compétence pour lui interdire temporairement, comme elle l’a fait par la décision attaquée, de recueillir de nouvelles adhésions et à demander l’annulation de cette décision en tant qu’elle prescrit cette interdiction ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat à payer à la CAISSE DE DECES « UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET LORRAINE » la somme de 3 500 euros qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision n° 2001/2 du 6 novembre 2001 de la commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance est annulée.

Article 2 : L’Etat versera à CAISSE DE DECES "UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET DE LORRAINE" la somme de 3500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à CAISSE DE DECES « UNION D’EPARGNE D’ALSACE ET LORRAINE », à la commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

 


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