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Tribunal administratif de Toulouse, 25 octobre 2001, n° 97/361, M. Jean B. et autres c/ Commune de Castres

Les tarifs des services publics à caractère industriel et commercial qui servent de base à la détermination des sommes demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers et ne peuvent avoir légalement pour objet de couvrir des charges étrangères à la mission dévolue à ce service.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE

N° 97/361

M. Jean B. et autres
c/ COMMUNE DE CASTRES

J.P. ARROUCAU, Conseiller rapporteur

D. ZUPAN, Commissaire du gouvernement

Audience du 11 octobre 2001

Lecture du 25 octobre 2001

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal Administratif de Toulouse,

Vu, enregistrés respectivement le 13 février et le 13 mars 1997, la requête introductive d’instance et le mémoire complémentaire présentés par M. Jean B, M. Georges C, M. Paul L et M. Jean M ayant comme mandataire commun M. Jean B ; les requérants demandent :

• l’annulation de la délibération du conseil municipal de CASTRES en date du 19 décembre 1996 approuvant l’avenant n° 1 au contrat d’exploitation par affermage du service des eaux et n° 4 au cahier des charges pour l’exploitation par affermage du service de l’assainissement conclus avec la SOCIÉTÉ LYONNAISE DES EAUX ;

• la condamnation de la VILLE DE CASTRES à leur verser la somme totale de 4 000 F au titre des frais irrépétibles de l’instance ;

Vu, enregistré le 23 juin 1997, le mémoire en défense présenté pour la COMMUNE DE CASTRES, représentée par son maire en exercice et tendant au rejet de la requête ainsi qu’à la condamnation des requérants à leur verser la somme de 15 000 F en application de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la délibération attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 octobre 2001 :
- le rapport de M. ARROUCAU, conseiller faisant fonction de président,
- les observations de M. B, requérant, celles de Maître SEYTE, avocat substituant Maître ITRAC, pour la COMMUNE DE CASTRES,
- et les conclusions de M. ZUPAN, commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la COMMUNE DE CASTRES :

Considérant d’une part, que la présente requête tend à l’annulation d’une délibération du conseil municipal de CASTRES ; qu’elle est par suite dispensée du ministère d’avocat en application, notamment, du 5° de l’article R. 431-3 du code de justice administrative ;

Considérant, d’autre part, que les requérants, dont il est constat qu’ils sont contribuables de la commune et usagers des services publics de l’eau et de l’assainissement justifient d’une qualité leur donnant intérêt à agir contre la délibération attaquée approuvant des avenants aux contrats d’affermage de ces mêmes services qui ont notamment pour objet de fixer les tarifs de ces derniers et les modalités de leur indexation ; que la circonstance selon laquelle ces avenants auraient pour conséquence de diminuer les charges supportées par les usagers par rapport à celles résultant de l’application des contrats initiaux n’est pas en l’espèce de nature à priver les requérants de tout intérêt pour agir, compte tenu de l’importance et de la durée des effets résultants pour ces mêmes usagers de la mise en oeuvre des stipulations contractuelles ainsi approuvées par le conseil municipal ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la commune doivent être écartées ;

Au fond :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d’une part, que les tarifs des services publics à caractère industriel et commercial qui servent de base à la détermination des sommes demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers et ne peuvent avoir légalement pour objet de couvrir des charges étrangères à la mission dévolue à ce service ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents comptables de la COMMUNE DE CASTRES, que la SOCIÉTÉ LYONNAISE DES EAUX a versé de 1991 à 1993, en exécution des contrats d’affermage des services de l’eau et de l’assainissement signés en septembre 1990, des "contributions spéciales au titre du droit d’utilisation" des réseaux concédés d’un montant total de 96 millions de francs ; que les sommes inscrites chaque année aux budgets annexes correspondants ont été aussitôt intégralement reversées au budget général où elles sont été comptabilisées comme recettes directes et, dès lors, nécessairement utilisées pour des dépenses étrangères aux services publics concédés ; que le caractère systématique de cette pratique démontre que lesdites "contributions spéciales" étaient à l’origine destinées à alimenter le budget général de la commune ; qu’il ressort également de rapports d’audit réalisés à la demande de la commune par un cabinet d’expertise et portant sur la gestion des services publics susmentionnés, que la société fermière a comptabilisé au nombre de ses charges jusqu’en 1996 l’amortissement des "contributions spéciales" versées de 1991 à 1993 en retenant un taux d’intérêt annuel évalué à 8,76 %, dont la contrepartie était principalement constituée par les recettes encaissées au cours de ces années auprès des usagers du service, ainsi que l’a d’ailleurs relevé le maire de CASTRES dans un rapport présenté en décembre 1996 à la commission consultative pour les services publics locaux de la commune ; que dès lors, les tarifs en vigueur jusqu’à cette dernière année étaient litigieux ;

Considérant, par ailleurs, qu’il ressort des pièces du dossier que si les nouveaux tarifs de base des services d’eau et d’assainissement applicables à compter de 1997 et prévus par les avenants faisant l’objet du litige ont été, notamment à la suite d’observations de la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées, revus à la baisse par la suppression ou la diminution de certains coût estimés excessifs ou pris en charge par la commune, aucune modification n’est intervenue en ce qui concerne la part de ces mêmes tarifs destinée à couvrir les charges d’amortissement desdites "contributions spéciales" jusqu’au terme normal des contrats prévus pour une durée de 30 ans ; que, par suite les requérants sont fondés à soutenir que les nouveaux tarifs de base institués par les articles 12 de l’avenant au contrat d’exploitation du service des eaux et 14-1° de l’avenant au contrat d’exploitation du service d’assainissement, approuvés par la délibération attaquée du 19 décembre 1996, sont entachés d’illégalité dès lors qu’ils ont pour effet de répercuter sur les usagers une partie au moins des charges d’amortissement de sommes antérieurement versées à la ville par le fermier pour couvrir des dépenses étrangères aux missions des services affermés et sans rapport direct avec les prestations fournies par ces derniers ;

Considérant, d’autre part, que les dispositions des articles 13 et 14-2° des deux avenants respectivement susmentionnés concernant l’indexation des tarifs payés par les usagers prévoient que ces tarifs sont déterminés semestriellement et son applicables aux factures émises au cours du semestre postérieur à leur fixation ; que toutefois, les factures, qui sont établies pour le semestre écoulé, incluent des consommations antérieures à la fixation du tarif dont elles font application ; que dès lors lesdites dispositions, qui ont un caractère réglementaire et qui ne sont assorties d’aucun mécanisme permettant de distinguer, même forfaitairement, les périodes de consommation antérieures à la date de modification des tarifs, ont pour effet de permettre une application rétroactive de ces derniers et sont, par suite, illégales ;

Considérant que les articles 12 et 13 de l’avenant au contrat d’exploitation du service des eaux et 14 de l’avenant au contrat d’exploitation du service d’assainissement, dont il résulte de ce qui précède qu’ils sont entachés d’illégalité, sont divisibles du surplus des dispositions desdits avenants à l’encontre desquelles aucun moyen spécifique n’est invoqué par les requérants ; que, par suite, ces derniers sont seulement fondés à demander l’annulation de la délibération attaquée du 19 décembre 1996 en tant qu’elle approuve les articles susmentionnés ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la COMMUNE DE CASTRES à payer à chacun des requérants la somme de 1 000 F (mille francs) qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant en revanche que les dispositions de l’article susmentionné font obstacle à ce que la partie tenue aux dépens ou la partie perdante bénéficie du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la COMMUNE DE CASTRES doivent dès lors être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La délibération du conseil municipal de CASTRES en date du 19 décembre 1996 est annulée en tant qu’elle approuve les articles 12 et 13 de l’avenant n° 1 au contrat d’exploitation par affermage du service des eaux et l’article 14 de l’avenant n° 4 au cahier des charges pour l’exploitation par affermage du service de l’assainissement.

Article 2 : La COMMUNE DE CASTRES versera à MM. B, C, L et M une somme de 1 000 F (mille francs) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de MM. B, C, L et M est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la COMMUNE DE CASTRES tendant à la condamnation de MM. B, C, L et M au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié :
- à M. Jean B,
- à M. Georges C,
- à M. Paul L,
- à M. Jean M,
- à la COMMUNE DE CASTRES,
- à la SOCIÉTÉ LYONNAISE DES EAUX.

 


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