Présentation :
L’Etat pluriculturel est devenu un concept majeur du début du XXIème siècle, tant au Nord qu’au Sud de la planète. La plupart des Etats sont confrontés à l’éveil ou à l’affirmation des différentes cultures des différentes communautés en leur sein. Pour nos sociétés plurielles, voici venu le temps des droits aux différences. En réalité, devant ce phénomène universel, les positions de l’Etat varient : il aménage la coexistence des communautés culturelles ; ou il ne veut pas les connaître. Entre ces deux pôles, bien des nuances existent, du refus des différences à leur tolérance, et enfin à leur reconnaissance. La France est un exemple typique de déchirement : elle est arc boutée sur le principe fondateur de la République une et indivisible, mais elle prévoit à ce principe de telles exceptions qu’elle est en plein bouleversement. Elle prétend ne faire de cas particulier qu’en son outre-mer, mais déjà la Corse ou le Pays Basque, ou la Bretagne veulent suivre une voie où se trouve, depuis longtemps, l’Alsace-Moselle.
Comment l’Etat démocratique va-t-il régir sa pluriculturalité ? Comment les différentes options praticables peuvent-elles, chacune, impliquer une part de cohésion et une part de fragmentation sociale ? Comment concilier droits à la différence et droit à l’indifférence ? De telles questions ne peuvent être traitées qu’en analysant les diverses expériences.
L’analyse de l’Etat pluriculturel doit être doublement comparative :
• au sens géographique, car l’étude de la diversité doit être effectuée dans la diversité même : c’est-à-dire que la coexistence des différences est elle même différente selon les Etats envisagés ;
• au sens scientifique, car ce grand champ d’études doit être investi par les compétences conjointes tant des juristes que des politistes, et des anthropologues et tous chercheurs en sciences sociales en général. Les cultures et leur coexistence ne sauraient en aucun cas être analysées par des recherches compartimentées, mais au contraire par une pluridisciplinarité opérant dans le comparatisme.
Aussi le présent colloque vise-t-il une vaste collaboration plurilatérale, tant entre universités francophones que non francophones, et entre universités du Nord et du Sud.
L’initiative, et le lieu du colloque représentant l’aboutissement du grand débat se situent en un lieu symbolique de la pluriculturalité : la Nouvelle-Calédonie.
En effet, la Nouvelle-Calédonie représente en même temps la France et son outre-mer à qui, par exception, elle reconnaît le droit à la différence ; c’est le pays de l’accord de Nouméa dont les orientations ont valeur constitutionnelle, qui proclame l’identité propre du peuple kanak et parle de souveraineté partagée.
Le cas très particulier de la Nouvelle-Calédonie fera l’objet d’une analyse détaillée. Peut-on départager ceux qui ne font que tolérer son statut seulement sous réserve de son caractère hautement exceptionnel, et ceux qui y voient l’exemple à suivre pour la paix entre les hommes de bonne volonté ?
On examinera les points de vue des institutions de l’Etat et des pouvoirs publics néo-calédoniens, mais aussi on écoutera s’exprimer les représentants des différentes communautés culturelles en présence.
La Nouvelle-Calédonie est elle-même la rencontre de l’Europe et de l’Océanie, le carrefour des mélanésiens, des polynésiens, et des asiatiques. Et elle est un ferment vivant de la francophonie dans un océan anglophone.
Ainsi cette manifestation sur l’Etat pluriculturel amènera-t-elle à Nouméa des représentants d’autres universités du Pacifique :
• celle du Vanuatu, ancien condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides marqué par une bi-culturalité européenne plaquée sur une complexe culture autochtone ;
• université de la Polynésie Française, d’un territoire à la fois proche et différent de la Nouvelle-Calédonie ;
• universités d’Australie et de la Nouvelle-Zélande, grands voisins du Pacifique confrontés chacun à sa manière à la culture des peuples indigènes : aborigènes et maoris ;
• université du Pacifique Sud à Fidji, ce pays où le consensus a buté sur le coup d’Etat.
De France, on observera avec intérêt le cas d’un voisin, partiellement francophone : la Belgique. L’Etat pluriculturel belge a connu de graves troubles, qu’il semble avoir résolus par l’option fédérale, d’autant plus remarquable qu’elle est ici mise en œuvre, de manière plutôt inhabituelle, à une échelle géographiquement limitée.
Il sera aussi utile d’examiner une vaste fédération, pluriculturelle et notamment de culture française : le Canada, où la persévérance des Québécois veut forcer le destin, et où existe aussi la communauté acadienne ; le Canada doit encore savoir quoi répondre à ceux qu’il appelle "les peuples fondateurs", autochtones réclamant aujourd’hui toute leur place ; et enfin, à l’autre bout de la chaîne de l’Histoire, il doit intégrer tous les peuples allogènes récemment arrivés mais aujourd’hui partie prenante dans la citoyenneté canadienne.
La grande fédération voisine, les Etats Unis d’Amérique, nous montre comment le melting pot évolue, plus de deux siècles après la déclaration d’indépendance d’un Etat dont la pluriculturalité n’a fait que s’étendre.
L’analyse de l’Etat pluriculturel exige d’examiner le cas particulièrement pertinent de l’Afrique du Sud, jadis négation absolue de la vie en intelligence de communautés différentes, aujourd’hui défi à ce passé rejeté mais pesant. L’Afrique du Sud a su acquérir des vertus exemplaires.
A l’autre bout du continent, l’Algérie est à la recherche de sa pluriculturalité. Quant à l’Afrique noire, les problèmes des droits aux différences s’y posent dans des contextes très complexes.
En Europe, riche de multiples expériences, l’espoir est vacillant là où l’Etat pluriculturel s’est défait dans le pire des chaos, dans l’ancienne Yougoslavie. Il est très serein en Suisse, dans la vieille confédération helvétique.
Au Viet Nam, le régime de parti unique s’accommode de la reconnaissance aux ethnies minoritaires de leurs "droits d’utiliser leur langue, leur écriture, de conserver leur identité nationale et de faire valoir leurs belles mœurs, coutumes, traditions et cultures", comme l’exprime la Constitution.
Le développement passe par la paix, et celle-ci est conditionnée par la tolérance mutuelle des peuples, c’est-à-dire par la compréhension mutuelle des cultures.
Le colloque sur "L’Etat pluriculturel et les droits aux différences" reposera sur l’axe Paix et Développement. La hauteur du débat qu’il instaurera sera garantie par la qualité scientifique des intervenants :
• spécialistes confirmés en la matière, pour les différentes universités françaises et étrangères impliquées ;
• représentants éminents des grandes disciplines directement concernées et des institutions représentatives : Association française de Science Politique, Association française d’Anthropologie du Droit ; Agence universitaire de la francophonie et Institut de Droit d’outre-mer.
Cette qualité scientifique dans la multilatéralité des approches, tant interdisciplinaire qu’inter nationale, attestera la grande diversité des expériences décrites et des thèses défendues, et ainsi la fécondité de la manifestation.
Les travaux qui en résulteront reflèteront donc cette diversité et le débat qu’elle engendre. Ils seront publiés et largement diffusés grâce à la participation directe au colloque de nombreuses universités de nombreux pays.
Ainsi, l’université accomplira-t-elle effectivement sa vocation d’universalité, dans la diversité.
La manifestation ici présentée n’a donc pas seulement un objet : un grand colloque à Nouméa sur l’Etat pluriculturel ; il a un but plus lointain : à partir de la Nouvelle-Calédonie, symbole de la France pluriculturelle, tisser des liens entre les universités de différentes cultures, entre les universitaires et leurs structures de recherches, et s’assurer de rendre ces liens désormais plus étroits, afin de concrétiser une pratique même de la pluriculturalité.
Programme :
Mercredi 3 juillet 2002
8h30 - Ouverture du colloque, par Monsieur le Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
Rapport introductif par Paul DE DECKKER et Jean-Yves FABERON, Université de la Nouvelle-Calédonie
PROLEGOMENES : Des différentes approches des différences
Ce que différence veut dire en sciences politiques par Bertrand BADIE, Institut d’études politiques de Paris
Pluralité des approches juridiques de la pluriculturalité par NGUYEN NGOC DIEN, Université Can Tho, Viet Nam, et Claude-Emmanuel LEROY, Agence universitaire de la francophonie, Hanoï
10h00 - Pause
L’Etat pluriculturel et le Droit constitutionnel par Jean-Yves CHEROT, Université d’Aix-Marseille III
Les droits aux différences devant la Cour européenne des Droits de l’Homme par Patrice JEAN, Université de la Nouvelle-Calédonie
La citoyenneté à l’épreuve du pluralisme culturel par Fred CONSTANT, Recteur de l’Université Senghor d’Alexandrie, Egypte
11h30 - Débat
Première partie : COMPARAISONS
14h00 - DES DIFFERENCES PROBLEMATIQUES
La France métropolitaine par Gérard MARCOU, Université de Paris I et Jean-Louis AUTIN, Université de Montpellier I
La Yougoslavie : l’échec d’un Etat plurinational ambigu par Paul GARDE, Université de Provence
Etat et société en Algérie : à la recherche de la pluriculturalité par Daho DJERBAL, Université d’Alger, Algérie
15h30 - Pause
Complexité des perspectives pour les droits aux différences en Afrique noire par Patrice NDIAYE, Université de Montpellier I
L’évolution du pluriculturalisme dans les Constitutions de Fidji par Brij LAL, Australian National University , Canberra, Australie, et Steven RATUVA, University of South Pacific, Suva, Fidji
17h00 - Débat
Jeudi 4 juillet 2002
8h30 - DES DIFFERENCES INTEGREES
France :
. Les départements d’outre-mer et Mayotte. Des frontières aux marches : la dilution de la République intra nationale par Thierry MICHALON, Université des Antilles et de la Guyane
. La Polynésie française par Louise PELTZER, Ministre de la Culture du gouvernement de la Polynésie française, et Laurent TESOKA, Université de Montpellier I
Existe t-il un modèle européen d’Etat pluriculturel entre la France unitaire "indivisible", et la Belgique et la Suisse fédérales ? par Jacques ZILLER, Institut universitaire européen de Florence, Italie
10h00 - Pause
La place des minorités dans le système juridique vietnamien par Joële NGUYEN DUY TAN, Université de Paris II
La reconnaissance constitutionnelle des différences au Vanuatu par Vincent LUNABECK, Président de la Cour suprême de Vanuatu
Le multilinguisme institutionnel de Vanuatu par Michel WAUTHION, Agence universitaire de la Francophonie, Port-Vila, Vanuatu
11h30 - Débat
14h00 - DES DIFFERENCES ORGANISEES
La Suisse : quelle tradition pluriculturelle ? par Philippe AUGE, Université Montpellier I
La Belgique : une société pluriculturelle, un Etat bicommunautaire par Francis DELPEREE, Université catholique de Louvain, Belgique
La reconnaissance du pluriculturalisme dans la Constitution canadienne et sa mise en œuvre par Denis LEMIEUX, Université Laval, Québec, Canada
15h30 - Pause
Pluriculturalisme et démocratie constitutionnelle aux Etats-Unis par Guy SCOFFONI, Université d’Aix-Marseille III
La refondation de l’Etat de droit sur la multiplicité culturelle : l’Afrique du Sud par Xavier PHILIPPE, Universités d’Aix-Marseille III et du Cap
La reconnaissance des peuples premiers en Australie et en Nouvelle-Zélande : une re-définition différenciée de l’unité nationale par Maryvonne NEDELJKOVIC, Centre d’études du Pacifique, Université du Havre
17h - Débat
Vendredi 5 juillet 2002
Deuxième partie : LA NOUVELLE-CALEDONIE
8h30 - Rapport introductif : Pluriculturalité, ville et brousse par Jean-Pierre DOUMENGE, Université de Montpellier III
I- L’ETAT
Le rôle du gouvernement central par M. le Délégué du Gouvernement en Nouvelle-Calédonie
Les réponses de l’institution judiciaire à la pluriculturalité de la Nouvelle-Calédonie : la participation des citoyens à la justice par l’échevinage par Gérard FEY, Premier Président de la Cour d’Appel de Nouméa
10h00 - Pause
Distinction du droit à la différence en droit civil et en droit pénal : comparaison entre la Nouvelle-Calédonie et l’Australie par Régis LAFARGUE, Magistrat et Université de Paris X
II- LES POUVOIRS PUBLICS LOCAUX
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par Déwé GORODEY, Vice présidente du gouvernement
Le congrès de la Nouvelle-Calédonie par Simon LOUECKHOTE, Sénateur, Président du congrès
11h30 - Débat
14h00
Le sénat coutumier
Les provinces et la pluriculturalité : table-ronde avec les représentants de chacune des trois provinces
15h30 - Pause
III- LES COMMUNAUTES CULTURELLES
De la diversité des cultures à une communauté de destin : table-ronde avec la participation de Christiane TERRIER ( ?), Gabriel MAUVAKA, Hamid MOKADDEM, Elie POIGOUNE, Jean VAN MAI : table-ronde et débat
17h00 - Clôture du colloque, par Mme le Ministre de l’Outre-mer ou son représentant.
Comité d’organisation :
M. le Professeur Paul DE DECKKER, Président de l’Université de la Nouvelle-Calédonie
M. le Professeur Jean-Yves FABERON, Universités de Montpellier I et de la Nouvelle-Calédonie
M. le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ou son représentant
M. le Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou son représentant
Comité scientifique :
M. le Professeur Paul DE DECKKER, Directeur de l’équipe d’accueil "Identité et oralité dans le Pacifique", Université de la Nouvelle-Calédonie
M. le Professeur Jean-Yves FABERON, Directeur de l’Institut de Droit d’outre-mer, Université Montpellier I
M. le Professeur Bertrand BADIE, Association française de sciences politiques
M. le Professeur Fred CONSTANT, Recteur de l’Université Senghor, Alexandrie (Egypte).
M. le Professeur Norbert ROULAND, Association française d’Anthropologie du Droit, membre de l’Institut universitaire de France
Renseignements et inscriptions :
MM Jean-Yves FABERON et Paul DE DECCKER
Mél : jy.faberon@canl.nc ou dedeckke@univ-nc.nc
Fax : 687.25.48.29
Tél : 687.25.48.03 (ou 04)