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Conseil d’ETat, 6 août 2008, n° 274621, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ Maurice A.

Aux termes de l’article 1649 ter C du code général des impôts alors en vigueur : "Les façonniers doivent tenir un registre spécial indiquant les nom et adresse des donneurs d’ordres et mentionnant, pour chacun d’eux, la nature et les quantités des matières mises en œuvre et des produits transformés livrés. Ce registre doit être représenté à tout agent de la direction générale des impôts (.)". Eu égard à l’objet de ce registre qui est de permettre de retracer l’origine et la quantité des matériaux utilisés par les façonniers ainsi que la destination des produits transformés, l’irrégularité de ce registre entraîne celle de la comptabilité alors même que celle-ci serait par ailleurs régulière en la forme.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 274621

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ M. A.

M. Eric Combes
Rapporteur

M. Laurent Vallée
Commissaire du gouvernement

Séance du 30 mai 2008
Lecture du 6 août 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 26 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 7 octobre 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de l’article 1er du jugement du 3 novembre 1998 du tribunal administratif de Lyon déchargeant M. Maurice A. des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 et, d’autre part, à ce que ces droits et pénalités soient remis à la charge de M. A., à titre principal, à hauteur d’une somme de 18 461 852 F (2 815 778, 98 euros) et, à titre subsidiaire, à hauteur d’une somme de 15 311 636 F (2 335 311, 91 euros) ;

2°) réglant l’affaire au fond, de remettre à la charge de M. A. les impositions litigieuses et les pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Combes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de M. A.,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l’entreprise individuelle de bijouterie Dianor, exploitée par M. A. à Lyon, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des années 1985 à 1987 ; qu’une reconstitution du chiffre d’affaires a été effectuée au titre de ces mêmes années et s’est traduite par la mise en recouvrement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis conformément à l’avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 octobre 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté son recours tendant à l’annulation de l’article 1er du jugement du 3 novembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A. pour la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1649 ter C du code général des impôts alors en vigueur : "Les façonniers doivent tenir un registre spécial indiquant les nom et adresse des donneurs d’ordres et mentionnant, pour chacun d’eux, la nature et les quantités des matières mises en œuvre et des produits transformés livrés. Ce registre doit être représenté à tout agent de la direction générale des impôts (.)" ; qu’eu égard à l’objet de ce registre qui est de permettre de retracer l’origine et la quantité des matériaux utilisés par les façonniers ainsi que la destination des produits transformés, l’irrégularité de ce registre entraîne celle de la comptabilité alors même que celle-ci serait par ailleurs régulière en la forme ; que, par suite, en jugeant que s’il était vrai que ni le registre des façonniers tenu par M. A., ni les factures correspondantes, ne permettaient d’identifier ses donneurs d’ordre, ce seul grief était, en l’absence de tout autre élément anormal concernant en particulier les quantités de métal traitées par l’intéressé, insuffisant pour permettre la remise en cause de la sincérité des écritures comptables et autoriser l’administration à reconstituer le chiffre d’affaires de l’entreprise Dianor en écartant la comptabilité, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;

Considérant que c’est à tort que, pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquelles M. A. a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987, le tribunal administratif de Lyon a jugé que les irrégularités invoquées par l’administration ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme étant de nature à établir le caractère non probant de la comptabilité et que l’administration ne pouvait valablement procéder à la reconstitution du chiffre d’affaires de l’entreprise de M. A. pour la période litigieuse ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A. devant le tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : "L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée." ; qu’il résulte des notifications de redressements du 5 décembre 1988 et du 3 mai 1989 concernant l’année 1985, d’une part, les années 1986 et 1987, d’autre part, que ces pièces de procédure mentionnent l’impôt concerné, la période d’imposition en cause, la procédure d’imposition utilisée, les textes applicables, les différents chefs de redressements, les motifs de redressements, la base d’imposition et les droits rappelés ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l’insuffisante motivation des notifications de redressements ne peut qu’être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le contribuable ne peut soutenir avoir été privé d’un débat oral et contradictoire avec le vérificateur dès lors que la vérification s’est déroulée au siège de l’entreprise et qu’il ne démontre pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec lui ; qu’il ressort de la requête introductive d’instance adressée au tribunal administratif par M. A. que les opérations de vérification se sont déroulées à raison de plusieurs demi-journées sur place ; que, dès lors, M. A. n’est pas fondé à se prévaloir de l’absence de débat oral et contradictoire à l’occasion de la vérification de comptabilité dont son entreprise a fait l’objet ;

Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient M. A., le vérificateur, pour rejeter la comptabilité de son entreprise, s’est fondé sur le résultat de ses interventions sur place et non sur le contenu du rapport établi le 21 juillet 1987 par la brigade d’interventions interrégionale de Lyon ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes du dernier alinéa du II de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : "L’ordonnance (.) n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (.)" ; qu’il résulte de ces dispositions qu’aucune contestation de l’ordonnance qui a autorisé la visite et qui n’a fait l’objet d’aucun pourvoi en cassation ou qui a fait l’objet d’un pourvoi rejeté par la Cour de cassation ne peut être élevée devant le juge de l’impôt ; que, par suite, M. A. ne saurait se prévaloir de l’insuffisante motivation de l’ordonnance du 21 mars 1988 ;

Considérant, en cinquième lieu, que la méconnaissance par le vérificateur de l’obligation de secret professionnel à laquelle il est tenu dans l’exercice de ses fonctions, en admettant même qu’une telle violation soit établie, est sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition ;

Considérant, en sixième lieu, qu’en écartant la comptabilité de M. A. comme non probante et en lui déniant la qualité de façonnier, l’administration s’est bornée à qualifier l’activité de l’intéressé et ne s’est pas fondée, même implicitement, sur l’existence d’un abus de droit ; que, par suite, M. A. ne peut utilement invoquer la violation des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en septième lieu, que le registre tenu par M. A. faisait état d’adresses inexactes pour les donneurs d’ordres, dont aucun n’a pu être retrouvé par l’administration ; que les recherches effectuées dans le cadre du droit de communication pour savoir si les entreprises mentionnées sur ce registre étaient inscrites au registre du commerce et des sociétés se sont avérées négatives ; que M. A. ne conteste pas le caractère fictif de l’ensemble de ces informations ; qu’en conséquence l’administration pouvait, à bon droit, rejeter la comptabilité de son entreprise et reconstituer le chiffre d’affaires d’après une méthode extra-comptable ; que, contrairement à ce que soutient M. A., l’administration pouvait, pour cette reconstitution, utiliser certains éléments utiles de sa comptabilité ;

Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article 89 de l’annexe III au code général des impôts, alors en vigueur : "Le taux majoré de la taxe sur la valeur ajoutée s’applique aux opérations d’achat, d’importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les biens, neufs ou d’occasion, désignés ci-après : / 1° Ouvrages composés en entier ou en partie de perles fines, perles de culture, (.) de platine, d’or et d’argent (.)" ;

Considérant que les irrégularités entachant le registre des façonniers tenu par M. A. n’ont permis à l’administration ni de vérifier la réalité des travaux à façon allégués, ni de suivre les matières premières utilisées ; que, par suite, l’administration a pu à bon droit restituer à ces opérations leur caractère de ventes effectuées au profit de particuliers et les soumettre au taux de 33, 33 % ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE l’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 3 novembre 1998, le tribunal administratif de Lyon a accordé à M. A. la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutées afférents à la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 ainsi que des pénalités correspondantes ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 7 octobre 2004 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L’article 1er du jugement du 3 novembre 1998 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A. devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 4 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés sur la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 et les pénalités correspondantes, dont le tribunal administratif de Lyon avait prononcé la décharge par le jugement du 3 novembre 1998, sont remis à la charge de M. A..

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. Maurice A..

 


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