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Conseil d’etat, 7 novembre 2008, n° 296644, Jacques C.

Les cessions mentionnées au II de l’article 92 B qui mettent fin au report d’imposition des plus-values sont les cessions à titre onéreux ; que, dans ces conditions, l’acte de donation-partage, par lequel un contribuable, en s’en réservant l’usufruit, donne la nue-propriété de titres reçus lors d’un échange de droits sociaux placé sous le régime du report d’imposition de la plus-value, ne met pas fin au report de l’imposition pour la partie de la plus-value correspondant à l’usufruit ; qu’en revanche, lorsque le contribuable cède son usufruit à titre onéreux, une telle cession met fin au report de l’imposition.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 296644

M. C.

M. Jean-Marc Anton
Rapporteur

M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement

Séance du 17 septembre 2008
Lecture du 7 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 20 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Jacques C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 2 mai 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 3 juin 2004 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution de remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 1996 ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête d’appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. C.,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C. a apporté en 1992 à une société soumise à l’impôt sur les sociétés les titres qu’il possédait dans une autre société dont il détenait avec les membres de sa famille plus de 25 % du capital social et a demandé le report de l’imposition de la plus-value dégagée par cette opération ; qu’en décembre 1995, il a fait donation à ses enfants de la nue-propriété d’une partie des titres reçus au moment de l’apport, en s’en réservant l’usufruit ; qu’en avril 1996, M. C. et ses enfants ont cédé conjointement l’ensemble de leurs droits sur les titres à un même tiers ; que l’administration fiscale, estimant que la plus-value en report d’imposition était devenue imposable à l’occasion de la cession des droits démembrés et constatant que M. C. ne l’avait pas déclarée en 1996, a établi des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre de cette année, en taxant la plus-value à hauteur de la valeur de l’usufruit ; que M. C. forme un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 2 mai 2006 confirmant le jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 juin 2004 rejetant sa demande en réduction des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 1996 ;

Considérant qu’aux termes du I ter de l’article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige : "(.) l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de droits sociaux (.) peut, sur demande expresse du contribuable, (.) être reportée au moment où s’opérera la transmission ou le rachat des droits sociaux reçus à l’occasion de l’échange" ; qu’aux termes du 4 de cet article dans sa rédaction alors applicable : "L’imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d’échange de droits sociaux résultant d’une opération de fusion, scission ou d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l’article 92 B (.)" ; qu’aux termes du II de l’article 92 B du même code, alors en vigueur : "1°.l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de titres résultant. d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut être reportée au moment où s’opérera la cession ou le rachat des titres reçus lors de l’échange" ; qu’il résulte des dispositions de ce dernier article, éclairées par les travaux parlementaires, que les cessions mentionnées au II de l’article 92 B qui mettent fin au report d’imposition des plus-values sont les cessions à titre onéreux ; que, dans ces conditions, l’acte de donation-partage, par lequel un contribuable, en s’en réservant l’usufruit, donne la nue-propriété de titres reçus lors d’un échange de droits sociaux placé sous le régime du report d’imposition de la plus-value, ne met pas fin au report de l’imposition pour la partie de la plus-value correspondant à l’usufruit ; qu’en revanche, lorsque le contribuable cède son usufruit à titre onéreux, une telle cession met fin au report de l’imposition ;

Considérant, en premier lieu, qu’après avoir relevé que l’opération de donation-partage avec réserve d’usufruit, qui ne constitue pas une cession au sens du II de l’article 92 B du code général des impôts, n’avait pas mis fin au report de l’imposition de la plus-value réalisée en 1992 pour la partie de son montant correspondant à l’usufruit des actions démembrées, c’est sans erreur de droit que la cour a jugé que dès lors que ce report avait pris fin le 1er avril 1996, lorsque M. C. a cédé son droit d’usufruit sur ses actions, l’administration fiscale était en droit d’établir les impositions supplémentaires sur le montant non contesté de la plus-value calculé en fonction de la valeur de l’usufruit ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 578 du code civil : "L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance" ; que la cour a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de l’article 578 du code civil précité au motif que l’imposition litigieuse concernait la plus-value réalisée en 1992 à l’occasion de l’échange des titres et non la vente en 1996 de droits démembrés, alors que M. C. soutenait que dès lors qu’il n’était qu’usufruitier des actions en 1996, il n’avait pas la possibilité d’en céder la propriété et ne pouvait se voir appliquer les dispositions du II de l’article 92 B du code général des impôts relatives à la cession de titres ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la circonstance relevée par la cour que M. C. ne détenait en 1996 que l’usufruit des titres ne faisait pas obstacle à ce qu’en application du II de l’article 92 B, cette cession à titre onéreux de ce droit mettait fin dans cette mesure en 1996 au report de l’imposition de la plus-value constatée en 1992 ; que, dès lors, ce motif de pur droit doit être substitué à celui retenu par la cour pour écarter le moyen invoqué par M. C. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. C. doit être rejeté ; qu’en conséquence, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative s’opposent à ce que l’Etat verse à M. C. la somme qu’il réclame sur ce fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. C. est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques C. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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