CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 296395
Mme C.
M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur
Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement
Séance du 20 juin 2008
Lecture du 30 juillet 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 20 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Raymonde C. ; Mme C. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation ou, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement du 4 novembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l’indemnisation des dommages que lui ont causé les infrastructures autoroutières exploitées par la Société des autoroutes de Paris-Normandie (SAPN) lors d’inondations survenues le 13 août 1997 et le 15 juin 1998 et l’a condamnée à rembourser à la société des autoroutes Paris-Normandie la provision de 6 097, 96 euros qui lui avait été versée ;
2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler ce jugement et de faire droit à ses demandes tendant à la condamnation de la Société des autoroutes Paris-Normandie à réparer son préjudice et d’ordonner une mesure d’expertise pour évaluer le montant réel de son préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Auditeur,
les observations de Me Odent, avocat de Mme C. et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la Société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN),
les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’en vertu de l’article R. 431-1 du code de justice administrative, lorsqu’une partie est représentée devant le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel par un des mandataires mentionnés à l’article R. 431-2 du même code, c’est-à-dire par un avocat, par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ou par un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé, les actes de procédure, à l’exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751 et suivants, ne seront accomplis qu’à l’égard de ce mandataire ;
Considérant que, dans le cas où, au cours d’une même procédure, des mémoires sont présentés au nom d’une partie par des mandataires différents, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel doit, s’il y a doute sur l’identité du mandataire ayant seul qualité pour représenter cette partie, inviter celle-ci à la lui faire connaître ;
Considérant que la requête de Mme C., enregistrée le 17 janvier 2005 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, a été présentée devant cette dernière sous la signature de Me Jallet, avocat au barreau de Bernay ; que, toutefois, par télécopie enregistrée à la même date et confirmée par lettre, une autre requête a été présentée par Me Chaton, avocat au barreau de Dijon, sans pour autant que Mme C. ait fait connaître qu’elle avait déchargé l’un ou l’autre de ces avocats de son mandat, ou que l’un de ceux-ci ait fait connaître qu’il entendait y mettre fin ; que, dans ces conditions, il appartenait à la cour administrative d’appel d’inviter Mme C. à lui indiquer le nom du mandataire qui était seul habilité à la représenter ; que la cour s’est abstenue d’effectuer une telle démarche et s’est bornée à communiquer les actes de la procédure à Me Chaton qu’elle a seul convoqué à l’audience ; que Mme C. est, par suite, fondée à soutenir que l’arrêt attaqué a été rendu à la suite d’une procédure irrégulière ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la propriété de Mme C. a été endommagée par des inondations survenues les 13 août 1997 et 15 juin 1998 ; qu’elle a recherché la responsabilité de la Société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) devant le tribunal administratif de Rouen qui, par jugement du 9 juin 2000, a reconnu cette société responsable pour moitié des dommages subis, avant dire droit, a ordonné un supplément d’instruction aux fins, pour Mme C., de fournir, dans un délai d’un mois, tous éléments de nature à justifier le montant du préjudice subi et, enfin, a rejeté les conclusions de Mme C. tendant à ce qu’une expertise complémentaire soit ordonnée ; que, sur appel de Mme C., la cour administrative d’appel de Douai, par un arrêt du 11 décembre 2001, devenu définitif, a réformé le jugement du tribunal en déclarant la Société des autoroutes de Paris-Normandie entièrement responsable des dommages causés à la propriété de Mme C. et rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que, par jugement du 4 novembre 2004, le tribunal administratif de Rouen a rejeté à nouveau la demande de désignation d’expert de Mme C. ainsi que, faute d’avoir obtenu de celle-ci les éléments demandés par le jugement du 9 juin 2000, ses prétentions indemnitaires et a condamné celle-ci à rembourser à la Société des autoroutes Paris-Normandie la provision de 6 097, 96 euros qu’elle avait reçue ;
Considérant que le moyen tiré de l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du 11 décembre 2001 a été soulevé par la Société des autoroutes Paris-Normandie devant le tribunal administratif de Rouen et non d’office par ce dernier et n’avait pas à être communiqué par le tribunal à Mme C., qui en avait eu connaissance par l’échange des mémoires ; que, par suite, Mme C. n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité ;
Considérant que, malgré les pièces qu’elle a produites pour la première fois devant le Conseil d’Etat, qui ne concernent que des travaux, pour certains très largement postérieurs aux inondations, dont les liens avec le dommage ne sont ni justifiés ni même précisés, Mme C. n’a pas fourni les justifications de l’étendue et de la consistance de son préjudice qu’il lui appartenait de produire en vertu de l’arrêt du 11 décembre 2001 ; qu’elle ne justifie pas non plus de l’utilité d’une nouvelle expertise alors qu’elle s’est abstenue de fournir les pièces qui lui étaient demandées ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme C. n’est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Société des autoroutes Paris-Normandie, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme C. la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme C. la somme demandée par la Société des autoroutes Paris-Normandie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 8 juin 2006 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme C. devant la cour administrative d’appel de Douai est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la Société des autoroutes Paris-Normandie tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Raymonde C., à la Société des autoroutes Paris-Normandie et au ministre d’Etat, de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.