CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 306153
MUSEE RODIN
Mme Fontana
Rapporteur
M. Nicolas Boulouis
Commissaire du gouvernement
Séance du 14 mai 2008
Lecture du 23 mai 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 18 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le MUSEE RODIN, dont le siège est 19, boulevard des Invalides à Paris (75007) ; le MUSEE RODIN demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 18 mai 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Horeto Sorest’Art, annulé la procédure de passation de la délégation de service public relative à l’exploitation de la cafétéria du jardin du MUSEE RODIN ;
2°) de mettre à la charge de la société Horeto Sorest’Art une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu le décret n°93-471 du 24 mars 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
les observations de Me Le Prado, avocat du MUSEE RODIN et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Horeto Sorest’Art,
les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des (.) conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l’Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations (.) " ;
Considérant que le MUSEE RODIN se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 18 mai 2007 par laquelle le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative par la société Horeto Sorest’Art, dont l’offre avait été rejetée, a annulé la procédure de passation de la délégation de service public relative à l’exploitation de la cafétéria du jardin du musée ;
Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société Horeto Sorest’Art a soulevé devant ce juge le moyen tiré de ce que le MUSEE RODIN avait méconnu ses obligations de mise en concurrence en n’indiquant pas dans les avis d’appel à la concurrence la durée de la délégation ; que dès lors, en considérant qu’était ainsi invoqué un manquement du MUSEE RODIN à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et en faisant droit à ce moyen, le juge des référés ne s’est pas fondé sur un moyen soulevé d’office ; qu’ainsi le MUSEE RODIN n’est pas fondé à soutenir que l’ordonnance attaquée aurait été rendue à l’issue d’une procédure irrégulière ;
Sur le bien- fondé de l’ordonnance attaquée :
Considérant qu’aux termes de l’article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques : " (.) Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat. / La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public. / La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s’il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l’usager. / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire " ; qu’aux termes de l’article 40 de cette loi : " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre (.) " ; qu’enfin, aux termes de l’article 1er du décret du 24 mars 1993 portant application de l’article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relatif à la publicité des délégations de service public : " L’autorité responsable de la personne publique délégante doit satisfaire à l’exigence de publicité prévue à l’article 38 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée par une insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné. / Cette insertion précise la date limite de présentation des offres de candidature, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication. / Elle précise également les modalités de présentation de ces offres et mentionne les caractéristiques essentielles de la convention envisagée, notamment son objet et sa nature " ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 38 de la loi du 29 janvier 1993 que l’autorité responsable de la personne publique délégante choisit librement, au vu des offres présentées, ceux des candidats admis à présenter une offre avec qui elle entend mener des négociations ; que, par suite, en jugeant que le MUSEE RODIN était tenu d’engager des négociations avec l’ensemble des candidats dont la candidature avait été admise et en en déduisant que faute d’avoir engagé des négociations avec la société Horeto Sorest’Art, qui avait été admise à présenter une offre, cet établissement public avait méconnu le principe d’égalité de traitement entre les candidats, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ;
Considérant toutefois que l’ordonnance contestée est également fondée sur le motif tiré de ce que faute d’avoir indiqué aux candidats la durée de la délégation, la personne publique avait également méconnu à ce titre les règles de publicité et de mise en concurrence ;
Considérant que le juge des référés a, par une interprétation souveraine, estimé que les stipulations du cahier des charges de la délégation remis aux candidats prévoyaient que la durée de la délégation était liée à la nature des investissements à réaliser par le délégataire, lequel n’avait pas nécessairement de tels investissements à réaliser, et qu’ainsi, en l’absence d’indication portant sur ce point dans les avis d’appel public à la concurrence, le MUSEE RODIN n’avait pas fait connaître aux candidats cette durée de la délégation ; que le juge des référés n’a donc pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’établissement public avait ainsi méconnu les obligations résultant des dispositions précitées en ne portant pas à la connaissance des candidats la caractéristique essentielle de la délégation relative à sa durée et avait par conséquent méconnu les règles de publicité et de mise en concurrence ;
Considérant qu’il résulte ce qui précède que le motif tiré de la méconnaissance par le MUSEE RODIN de ses obligations de publicité et de mise en concurrence, faute d’avoir informé les entreprises candidates de la durée de la convention envisagée, justifie à lui seul l’annulation de la procédure par l’ordonnance attaquée ; que le MUSEE RODIN n’est, dès lors, pas fondé à demander l’annulation de cette ordonnance ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du MUSEE RODIN le versement d’une somme de 3 000 euros à la société Horeto Sorest’Art au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi du MUSEE RODIN est rejeté.
Article 2 : Le MUSEE RODIN paiera à la société Horeto Sorest’Art la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MUSEE RODIN et à la société Horeto Sorest’Art.