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Conseil d’Etat, 30 juin 2004, n° 253513, Société Freudenberg

En jugeant, après avoir relevé que le fait générateur de la taxe professionnelle n’était pas encore intervenu à la clôture de l’exercice au cours duquel les provisions destinées à faire face à son paiement avaient été constituées et eu égard à la nature de cette imposition, que ladite taxe ne pouvait ainsi être regardée, au sens et pour l’application de l’article 39-1-5° du code général des impôts, comme une charge se rattachant à des opérations déjà effectuées par le contribuable à cette date de clôture ou à des événements en cours qui la rendraient probable, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 253513

SOCIETE FREUDENBERG

M. Bereyziat
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 9 juin 2004
Lecture du 30 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 21 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE FREUDENBERG, dont le siège est 170, rue Branly, zone industrielle sud à Mâcon (71000) ; la SOCIETE FREUDENBERG demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 7 novembre 2002 de la cour administrative d’appel de Nancy rejetant son appel dirigé contre le jugement du 7 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a débouté la société Procal, aux droits de laquelle elle était venue, de sa demande en réduction des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles l’intéressée a été assujettie au titre des exercices clos de 1987 à 1989 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale franco-allemande, dans sa rédaction issue de l’avenant du 9 juin 1969, notamment son article 9 § 4 ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 232-11 et L. 232-12 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu les dispositions du plan comptable général ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, avocat de la SOCIETE FREUDENBERG,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Procal a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant, en matière d’impôt sur les sociétés, sur ses exercices clos de 1987 à 1989 ; qu’à l’issue de ce contrôle, le vérificateur a, notamment, réintégré dans les bases d’imposition de la société, d’une part, les dotations aux provisions constituées par l’intéressée à la clôture de chacun des trois exercices vérifiés en vue du paiement de la taxe professionnelle due au titre de chacun des exercices suivants, d’autre part, le montant du précompte versé au Trésor par la société Procal à la clôture des exercices 1987 et 1988, à raison de la distribution, à sa société-mère allemande, de dividendes prélevés sur des bénéfices antérieurement mis en réserve et qui, par suite, n’avaient pas été soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal ; que sa réclamation ayant été rejetée, en tant qu’elle portait sur ces deux chefs de redressement, la société Procal a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’une demande en réduction des suppléments d’impôt sur les sociétés, assortis des intérêts de retard, mis à sa charge au titre de chacun des exercices vérifiés ; que le tribunal a rejeté cette demande en réduction par un jugement du 7 juillet 1998 ; que la SOCIETE FREUDENBERG, venue aux droits de la société Procal, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 novembre 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel qu’elle a interjeté de ce jugement ;

Sur les conclusions relatives à la provision pour taxe professionnelle :

Considérant qu’en jugeant que le fait générateur de la taxe professionnelle n’est constitué que par l’exercice, au 1er janvier de l’année d’imposition, de l’activité au titre de laquelle le contribuable est assujetti à cette taxe, alors même que tous les éléments ou opérations qui concourent à la détermination de la base d’imposition correspondante auraient, le cas échéant, été connus à une date antérieure, la cour a fait une exacte application du I de l’article 1478 du code général des impôts ; qu’en jugeant, après avoir relevé que le fait générateur de la taxe professionnelle n’était pas encore intervenu à la clôture de l’exercice au cours duquel les provisions destinées à faire face à son paiement avaient été constituées et eu égard à la nature de cette imposition, que ladite taxe ne pouvait ainsi être regardée, au sens et pour l’application de l’article 39-1-5° du code général des impôts, comme une charge se rattachant à des opérations déjà effectuées par le contribuable à cette date de clôture ou à des événements en cours qui la rendraient probable, la cour n’a pas davantage commis d’erreur de droit ;

Sur les conclusions relatives à la déductibilité du précompte mobilier :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour contester la réintégration, dans la base d’imposition de la société Procal à l’impôt sur les sociétés au titre des exercices 1987 et 1988, du précompte acquitté par cette société en application de l’article 223 sexies du code général des impôts, la SOCIETE FREUDENBERG a soutenu, à titre principal, que ce précompte constituait un dividende, au sens et pour l’application de l’article 214 A du même code ou, alternativement, par application de l’article 9 § 4 de la convention fiscale franco-allemande dans sa rédaction issue de l’avenant du 9 juin 1969, à titre subsidiaire, qu’il constituait une charge déductible de l’exercice, au sens de l’article 39-1-4° de ce code ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa du 1 de l’article 223 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause : "(.) Lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n’a pas été soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219, cette société est tenue d’acquitter un précompte égal au montant du crédit prévu à l’article 158 bis et attaché à ces distributions. Ce précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d’impôt prévu à l’article 158 bis, quels que soient les bénéficiaires des distributions" ; que le I de l’article 214 A du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, prévoit que, pour la détermination du bénéfice servant de base à l’impôt sur les sociétés, les sociétés françaises qui ont procédé à des augmentations de capital avant le 1er janvier 1991 peuvent déduire les sommes effectivement allouées à titre de dividendes aux actions ou parts représentatives des apports en numéraires correspondant à ces opérations, sous réserve que soient respectées certaines conditions énumérées au II du même article ; qu’en jugeant que constituent des dividendes, pour l’application de ce dernier article, les seuls produits distribués par une société à ses actionnaires, en exécution d’une décision prise par les organes compétents de cette société et en proportion des droits sociaux détenus par les distributaires, puis en excluant, par suite, du champ d’application de cet article les sommes versées par une société au Trésor public, à titre de précompte et conformément aux prévisions de l’article 223 sexies précité, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ; que ni les dispositions du plan comptable général, ni celles des articles L. 232-11 et L. 232-12 du code de commerce, ni davantage celles des articles 109-1-1° et 110 du code général des impôts ne sont d’aucune incidence sur ce point ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en jugeant que les stipulations de l’article 9 § 4 de la convention fiscale franco-allemande n’avaient pour objet et pour effet que d’éviter ou d’atténuer la double imposition de bénéfices dégagés en France et distribués à des résidents allemands et, par suite, que ces stipulations étaient sans incidence sur la qualification qu’il convenait de donner au précompte, au regard de la loi fiscale française et pour la seule application de cette loi à une entreprise française, la cour n’a pas méconnu la portée desdites stipulations ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, qu’aux termes de l’article 39-1 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause et dont l’article 209 du même code prévoit l’application à la détermination de l’impôt sur les sociétés : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (.) notamment : (.) 4° Sous réserve des dispositions de l’article 153, les impôts à la charge de l’entreprise, mis en recouvrement au cours de l’exercice, à l’exception des taxes prévues aux articles 235 ter Y, 238 quater, 239 bis B et 990 G (.)" ; qu’aux termes de l’article 213 de ce code, relatif à l’impôt sur les sociétés : "L’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu ne sont pas admis dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt" ; qu’il résulte enfin de l’article 223 sexies précité qu’en instituant le précompte mobilier, le législateur a entendu éviter que les sociétés qui distribuent, dans des conditions ouvrant droit au crédit d’impôt prévu à l’article 158 bis du code général des impôts, des bénéfices n’ayant pas fait l’objet d’une imposition à l’impôt sur les sociétés au taux normal, bénéficient, de ce fait, d’un avantage fiscal indû ; qu’il résulte, par suite, de l’ensemble de ces dispositions législatives que le précompte ne figure pas au nombre des charges déductibles du bénéfice net ; que ce motif, qui répond à un moyen soulevé en cause d’appel et ne suppose l’appréciation d’aucun fait, doit être substitué à celui par lequel la cour a cru pouvoir écarter, après l’avoir dénaturé, le moyen soulevé devant elle par la SOCIETE FREUDENBERG et tiré de ce que le précompte ne figurait pas au nombre des impositions que l’article 39-1-4° du code général des impôts exclut expressément de ces charges ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SOCIETE FREUDENBERG ne peut qu’être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que la SOCIETE FREUDENBERG demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE FREUDENBERG est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FREUDENBERG et au ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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