format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Conseil d’Etat, 17 mai 2002, n° 235062, Société entreprise Jean Lefebvre Centre Pays de la Loire
Conseil d’Etat, 5 décembre 2001, n° 237294, Société Intertouristik Holiday AG
Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 237392, Commune de Talloire
Conseil d’Etat, 3 juin 2002, n° 241313, M. et Mme C - M. et Mme L.
Conseil d’Etat, 12 mai 2004, n° 253586, Département des Alpes-Maritimes et Ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer
Conseil d’Etat, 24 novembre 2003, n° 240820, M. et Mme H. et autres
Conseil d’Etat, 14 mai 2008, n° 293378, Jacques M. 
Conseil d’Etat, 16 janvier 2008, n° 299831, SARL Leaurel
Cour administrative d’appel de Nancy, 10 avril 2003, n° 97NC02711, Société Le Nid
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 16 janvier 2003, n° 99BX00096, Société civile immobilière Guilhermy




Conseil d’Etat, Section, 25 juin 2004, n° 228437, SCI Maison médicale Edison

Lorsque le projet faisant l’objet d’une demande de permis de construire n’entre dans aucun des cas prévus à l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme, un permis tacite naît au profit du pétitionnaire, à défaut de notification d’une décision expresse de l’autorité compétente pour statuer, à l’expiration du délai d’instruction figurant dans la lettre de notification mentionnée au premier alinéa de l’article R. 421-12 du même code. Si, dans une telle hypothèse, le pétitionnaire est recevable à déférer au juge de l’excès de pouvoir la lettre de notification en tant que, le cas échéant, elle indique à tort qu’il ne pourra bénéficier d’un permis tacite à l’expiration du délai d’instruction, une telle mention erronée de la lettre de notification ne saurait, par elle-même, avoir pour effet de faire obstacle à la naissance d’un tel permis tacite.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 228437

SCI MAISON MEDICALE EDISON

M. Julien Boucher
Rapporteur

M. Denis Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 11 juin 2004
Lecture du 25 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2000 et 23 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SCI MAISON MEDICALE EDISON, dont le siège est 49, avenue Edison à Paris (75013) ; la SCI MAISON MEDICALE EDISON demande au Conseil d’Etat d’annuler l’article 2 de l’arrêt du 25 octobre 2000 de la cour administrative d’appel de Paris en tant qu’il a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 15 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté du 7 janvier 1993 du maire de Paris lui refusant la délivrance d’un permis de construire modificatif de régularisation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Boucher, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SCI MAISON MEDICALE EDISON,
- les conclusions de M. Denis Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI MAISON MEDICALE EDISON a obtenu, le 14 décembre 1987, un permis de construire délivré par le maire de Paris pour la construction d’un immeuble de cinq étages à usage d’habitation et d’activité médicale sis au 49, avenue Edison à Paris, pour une surface hors œuvre nette de 800, 58 m², portée, à la suite d’un premier permis modificatif accordé le 19 mai 1989, à une valeur inexactement estimée à 893, 72 m² ; que l’agent chargé du récolement ayant constaté qu’il avait été procédé sans autorisation à des travaux conduisant à une aggravation de 48, 26 m² de la surdensité, le maire de Paris a refusé, par un arrêté du 5 novembre 1991, de délivrer à la société requérante un certificat de conformité ; que cette société a alors déposé, à titre de régularisation, une nouvelle demande de permis modificatif correspondant à une surface hors œuvre nette de 855, 91 m² ; qu’après avoir envoyé à la société deux lettres de notification fixant le délai d’instruction de sa demande et mentionnant en outre que la présence de la construction en cause dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit faisait obstacle, en application des dispositions du c) de l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme, à l’obtention d’un permis de construire tacite, le maire de Paris a, par arrêté du 7 janvier 1993, opposé un refus à cette demande ; que la société requérante a déféré ce refus au tribunal administratif de Paris, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 15 octobre 1997 ; que, par un arrêt du 25 octobre 2000, la cour administrative d’appel de Paris, après avoir annulé ce jugement en tant qu’il avait statué sur la légalité de la décision du 7 janvier 1993, a rejeté, par la voie de l’évocation, les conclusions de la SCI MAISON MEDICALE EDISON tendant à l’annulation de cette décision ; que la société se pourvoit en cassation contre l’article 2 de l’arrêt de la cour en tant qu’il a rejeté ces conclusions ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-12 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue du décret nº 83-1261 du 30 décembre 1983 : "Si le dossier est complet, l’autorité compétente pour statuer fait connaître au demandeur, dans les quinze jours de la réception de la demande en mairie, par une lettre de notification adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal, le numéro d’enregistrement de ladite demande et la date avant laquelle, compte tenu des délais réglementaires d’instruction, la décision devra lui être notifiée. Le délai d’instruction part de la date de la décharge ou de l’avis de réception postal prévus à l’article R. 421-9. / L’autorité compétente pour statuer avise en outre le demandeur que si aucune décision ne lui a été adressée avant la date mentionnée au premier alinéa, la lettre de notification des délais d’instruction vaudra permis de construire et les travaux pourront être entrepris conformément au projet déposé, sous réserve du retrait, dans le délai du recours contentieux, du permis tacite au cas où il serait entaché d’illégalité. / Toutefois, lorsque le projet se trouve dans l’un des cas prévus à l’article R. 421-19, le demandeur est informé qu’il ne pourra bénéficier d’un permis tacite" ;

Considérant que, lorsque le projet faisant l’objet d’une demande de permis de construire n’entre dans aucun des cas prévus à l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme, un permis tacite naît au profit du pétitionnaire, à défaut de notification d’une décision expresse de l’autorité compétente pour statuer, à l’expiration du délai d’instruction figurant dans la lettre de notification mentionnée au premier alinéa de l’article R. 421-12 du même code ; que si, dans une telle hypothèse, le pétitionnaire est recevable à déférer au juge de l’excès de pouvoir la lettre de notification en tant que, le cas échéant, elle indique à tort qu’il ne pourra bénéficier d’un permis tacite à l’expiration du délai d’instruction, une telle mention erronée de la lettre de notification ne saurait, par elle-même, avoir pour effet de faire obstacle à la naissance d’un tel permis tacite ; qu’ainsi, en estimant que, lorsque, dans la lettre de notification, l’administration, après avoir fait connaître au pétitionnaire le délai d’instruction qu’elle a décidé de retenir, mentionne que, par application de l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme, sa demande ne pourra faire naître aucun permis tacite, cette circonstance fait obstacle à la naissance d’un tel permis, alors même que la mention en cause serait erronée, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SCI MAISON MEDICALE EDISON est fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour en tant que, par son article 2, il rejette, après évocation, sa demande tendant à l’annulation de la décision du 7 janvier 1993 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’il est constant que l’immeuble pour lequel la SCI MAISON MEDICALE EDISON a sollicité l’octroi d’un permis modificatif de régularisation ne se situait pas dans le champ de visibilité d’un édifice protégé ; que l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme ne trouvait ainsi pas à s’appliquer, contrairement à la mention erronée figurant dans la lettre de notification envoyée à la société le 25 août 1992 ; que, dès lors, un permis tacite est né au profit de cette dernière le 18 octobre 1992, soit à l’expiration du délai d’instruction fixé dans la lettre de notification ;

Considérant qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir de donner aux décisions administratives qui lui sont déférées leur exacte qualification ; que, dans les circonstances de l’espèce, la décision du 7 janvier 1993 doit être regardée, d’une part, comme retirant le permis tacite obtenu par la SCI MAISON MEDICALE EDISON le 18 octobre 1992 et, d’autre part, comme opposant un refus à sa demande de permis de construire ;

Sur la légalité de la décision du 7 janvier 1993 en tant qu’elle retire le permis tacitement octroyé le 18 octobre 1992 :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par la SCI MAISON MEDICALE EDISON, qui portait sur un accroissement de 20 m² de la surface hors œuvre nette au cinquième étage de l’immeuble en cause, n’avait pas pour effet de rendre la construction plus conforme aux dispositions du règlement du plan d’occupation des sols en vigueur à la date à laquelle est né le permis tacitement octroyé le 18 octobre 1992, mais avait au contraire pour conséquence d’aggraver illégalement la surdensité de la construction autorisée par le premier permis modificatif octroyé le 19 mai 1989 ; qu’ainsi ce permis tacite, s’il avait créé des droits au profit de la SCI MAISON MEDICALE EDISON, était illégal ; qu’en application du deuxième alinéa de l’article R. 421-12 du code de l’urbanisme précité, le maire pouvait retirer cette décision illégale dans le délai de recours contentieux ; que, faute d’avoir fait l’objet d’un affichage régulier, cette décision, dans l’état du droit antérieur à l’entrée en vigueur de l’article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, pouvait ainsi être retirée à tout moment, dès lors que le délai de recours contentieux n’avait pas commencé à courir ; qu’il suit de là que le maire de Paris a légalement pu, par son arrêté du 7 janvier 1993, retirer le permis tacitement octroyé à la SCI MAISON MEDICALE EDISON le 18 octobre 1992 ;

Sur la légalité de la décision du 7 janvier 1993 en tant qu’elle refuse le permis sollicité :

Considérant que l’arrêté du 7 janvier 1993 énonce avec suffisamment de précision les éléments de droit et de fait motivant le refus ; que la mention de l’insuffisance théorique de terrain au regard du coefficient d’occupation des sols applicable permettait notamment à la société d’en contester utilement le calcul ;

Considérant qu’un permis de construire n’a pour effet que d’autoriser une construction conforme aux plans déposés ; qu’ainsi, la circonstance que le calcul de la surface hors œuvre nette opéré par le service instructeur a conduit à mentionner, sur le permis délivré le 14 octobre 1987 et modifié le 19 mai 1989, une surface hors œuvre nette erronée, si elle autorise le bénéficiaire du permis à contester, le cas échéant, la participation pour dépassement du coefficient d’occupation des sols qui a été mise à sa charge, ne lui donne aucun droit acquis à construire, indépendamment des plans déposés, une surface hors œuvre nette à due concurrence de celle mentionnée à tort sur le permis de construire ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que la SCI MAISON MEDICALE EDISON aurait acquis des droits à construire jusqu’à la valeur inexactement estimée de 893, 72 m² ne peut qu’être écarté ;

Considérant que les dispositions des articles UM 14 et UM 15 du plan d’occupation des sols de la ville de Paris, entrées en vigueur le 3 avril 1992, n’autorisaient un dépassement du coefficient d’occupation des sols que sous certaines conditions non réunies en l’espèce ; que c’est ainsi à bon droit que le maire de Paris a refusé le permis modificatif de régularisation demandé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la SCI MAISON MEDICALE EDISON devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l’annulation de la décision du maire de Paris du 7 janvier 1993 doit être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 2 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 25 octobre 2000 est annulé en tant qu’il rejette la demande présentée par la SCI MAISON MEDICALE EDISON et tendant à l’annulation de la décision du 7 janvier 1993.

Article 2 : La demande de la SCI MAISON MEDICALE EDISON tendant à l’annulation de la décision du 7 janvier 1993 est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCI MAISON MEDICALE EDISON et à la ville de Paris.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site