CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 240820
M. et Mme H. et autres
Mme Ducarouge
Rapporteur
M. Guyomar
Commissaire du gouvernement
Séance du 29 octobre 2003
Lecture du 24 novembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Jacky H. et Mme Marie-Christine H. et autres ; M. et Mme H. et autres demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 5 octobre 2001 portant déclaration d’utilité publique des acquisitions et travaux nécessaires à la création sur le territoire de la commune de St Etienne-de-Montluc (Loire-Atlantique), entre la RD 17 et la RD 93, d’une section de contournement de l’agglomération et emportant modification du plan d’occupation des sols de ladite commune ;
2°) de condamner l’Etat au versement de la somme de 1 300 euros en vertu de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;
Vu le décret n° 93-245 du 9 février 1995 relatif aux bruits des infrastructures routières ;
Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d’Etat,
les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe :
En ce qui concerne la méconnaissance de l’article L. 11-6 du code de l’expropriation :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 11-6 du code de l’expropriation : "Lorsque les travaux ou les opérations à réaliser intéressent plusieurs collectivités, l’acte déclarant l’utilité publique précise celle qui est chargée de conduire la procédure" ; que si le décret du 5 octobre 2001, déclarant d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la création sur le territoire de la commune de Saint-Etienne de Montluc (Loire-Atlantique) entre la route départementale 17 et la route départementale 93, d’une section de contournement de l’agglomération, ne précise pas expressément la collectivité chargée de conduire la procédure, il ressort des pièces du dossier que la procédure a été engagée sur la seule demande du conseil général de Loire-Atlantique ; qu’il en résulte nécessairement que le département de Loire-Atlantique était chargé de conduire la procédure ; que le moyen ne peut par suite qu’être écarté ;
En ce qui concerne l’étude d’impact :
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret du 12 octobre 1977 modifié : "Le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement. L’étude d’impact présente successivement : (...) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l’eau, l’air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’hygiène, la sécurité et la salubrité publique (...) 4° Les mesures envisagées par le maître de l’ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement, ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes" ;
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que si un projet global de contournement de l’agglomération de Saint-Etienne de Montluc par la RD 17, classée en liaison d’aménagement du territoire de classe 2 (LAT2), destinée au transit à courte distance et aux relations intercommunales, a été envisagé, l’objet du décret attaqué se borne à la suppression du passage à niveau n° 346, particulièrement dangereux, et à la création d’un barreau routier de liaison entre la RD 17 et la RD 93 ; qu’ainsi l’objet de l’étude d’impact est d’étudier les aménagements liés à la suppression d’un passage à niveau et non de présenter une étude d’ensemble de la desserte routière de Saint-Etienne de Montluc ; que dans ces conditions l’étude d’impact pouvait légalement se borner à présenter l’impact du projet envisagé, et n’avait pas à présenter l’impact du contournement de l’agglomération qui ne correspond pas à l’objet, plus limité, de la déclaration d’utilité publique, nonobstant la circonstance que le barreau routier puisse à terme s’inscrire dans un tel projet global et que la commission d’enquête ait demandé qu’une nouvelle enquête soit organisée afin de faire apparaître d’une part la variante dont le tracé emprunte l’emplacement réservé au plan d’occupation des sols et d’autre part le projet global de déviation de la commune de Saint-Etienne de Montluc ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’étude d’impact présentait de façon suffisamment détaillée l’état initial du site et de son environnement, et analysait les effets de l’accroissement du trafic sur les habitations et équipements publics voisins, notamment en ce qui concerne le niveau de bruit ; qu’ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’étude d’impact aurait méconnu les dispositions des articles 2 et 8-1 du décret du 12 octobre 1977, dans sa rédaction issue du décret du 9 janvier 1995 relatif à la limitation du bruit des aménagements et des infrastructures de transport terrestre ;
Considérant, en dernier lieu, que l’étude d’impact comporte un volet relatif aux effets sur la santé humaine ; qu’en ce qui concerne les mesures compensatoires, un carrefour giratoire a été prévu à l’entrée de la commune afin notamment de réduire la vitesse des véhicules, tout particulièrement devant le groupe scolaire ; qu’ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier d’enquête publique ne serait pas conforme aux prescriptions du décret du 12 octobre 1977 ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne la méconnaissance du plan d’occupation des sols :
Considérant que le décret attaqué emporte mise en comptabilité du plan d’occupation des sols ; que par suite le moyen tiré de l’incompatibilité du tracé avec le plan d’occupation des sols de 1981 ne peut qu’être écarté ;
En ce qui concerne l’utilité publique :
Considérant qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;
Considérant que le projet, qui permet la suppression d’un passage à niveau dangereux, répond à l’utilité publique, même si le report d’une partie du trafic, notamment de poids lourds, ne peut pas être évité tant que le contournement sud ne sera pas réalisé ; que le giratoire qu’il prévoit aura pour effet de modérer la vitesse des véhicules, notamment devant l’école ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’opération améliorera ainsi les conditions de circulation et de sécurité sur un axe routier très fréquenté ; que, compte tenu notamment des atteintes réduites portées à la propriété privée et des précautions prises pour limiter les nuisances du projet, les inconvénients pour l’environnement dont font état les requérants ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt que présente l’opération et ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique ;
Considérant enfin que si les requérants soutiennent que, pour éviter la traversée de l’agglomération de la commune de Saint-Etienne de Montluc, un autre tracé, correspondant à l’emplacement réservé par le plan d’occupation des sols de 1981, présentant les mêmes avantages mais de moindres inconvénients, était réalisable, il n’appartient pas au Conseil d’Etat, statuant au contentieux, d’apprécier l’opportunité du tracé choisi ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme H. et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret attaqué ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. et Mme H. et autres la somme qu’ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme H. et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jacky et Marie-Christine H. et autres, au Premier ministre, au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.