CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 247499
M. V.
M. Bardou
Rapporteur
M. Austry
Commissaire du gouvernement
Séance du 23 avril 2003
Lecture du 7 mai 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu l’ordonnance en date du 24 mai 2002 par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Marseille a transmis au Conseil d’Etat en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée devant cette cour par M. Jacky V. ;
Vu la demande, enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille le 7 mars 2002, présentée par M. Jacky V. et tendant :
1°) à l’annulation du jugement du 28 décembre 2001 du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur la question préjudicielle présentée par M. Antoine D. en exécution d’un arrêt du 15 février 2001 de la cour d’appel de Montpellier, il a déclaré que les travaux portant sur la réalisation d’une piscine non couverte sont soumis à la procédure de déclaration préalable prévue par l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme et que les travaux portant sur la réalisation d’une terrasse dont la hauteur se situe en l’un des points à plus de 0,60 mètres au-dessus du sol tel qu’il existait avant la réalisation des travaux, sont soumis à la procédure du permis de construire prévue par l’article L. 421-1 d u code de l’urbanisme ;
2°) au sursis à statuer et à la désignation d’un géomètre-expert afin de déterminer le sol naturel, dresser un plan à cote des lieux, relever divers niveaux et dire que ladite terrasse ne nécessitait pas de permis de construire et dans le cas contraire dire que la terrasse remplit les conditions requises pour accorder ce permis ;
3°) au versement de la somme de 2 300 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la Compagnie AXA S.A,
les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un arrêt du 15 juillet 2001, la cour d’appel de Montpellier, saisie par M. D. à fin de démolition d’une piscine combinée à une terrasse appartenant à M. V., a sursis à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur le point de savoir si cet ouvrage "nécessitait un permis de construire, et dans l’affirmative, s’il remplissait les conditions requises pour que ce permis soit accordé" ; que M. V. fait appel du jugement du 28 décembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a déclaré que, si la réalisation d’une piscine non couverte relevait de la procédure de déclaration préalable prévue par l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme, les travaux portant sur la réalisation d’une terrasse dont la hauteur se situe dans l’un de ses points à plus de 0,60 mètre au dessus du sol tel qu’il existait avant la réalisation des travaux sont soumis à la procédure de permis de construire ; que M. D. présente, contre le même jugement, des conclusions incidentes tendant à son annulation en tant qu’il a rejeté "les conclusions tendant à ce que soit appréciée la légalité du permis de construire" qui aurait pu être délivré à M. V. ;
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 421-1 et L. 422-1 du code de l’urbanisme que les constructions qui entrent dans le champ d’application des autorisations de construire, doivent, pour être régulièrement édifiées, soit bénéficier d’un permis de construire, soit lorsque, en application des dispositions de l’article L. 422-1, elles sont exemptées du permis de construire, disposer d’une autorisation de construire acquise en l’absence d’opposition dans un délai déterminé dans le cadre d’une procédure de déclaration de travaux ; que, par suite, le tribunal administratif de Montpellier a pu, sans excéder les limites de la question qui lui était soumise à la suite du renvoi préjudiciel décidé par la cour d’appel de Montpellier, déclarer que les travaux portant sur la réalisation d’une piscine non couverte relevaient du régime de déclaration préalable prévu par l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait statué au-delà des conclusions dont le tribunal administratif était saisi doit être écarté ;
Sur les conclusions présentées par M. V. :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme : "Quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d’habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire sous réserve des dispositions des articles L. 422-1 à L. 422-5" ; que selon l’article L. 422-1 du même code : "(...) Sont également exemptés du permis de construire (...) les constructions ou travaux dont la faible importance ne justifie pas l’exigence d’un permis de construire. Un décret en Conseil d’Etat précise la nature et l’importance des constructions, travaux et installations concernés" ; que l’article R. 421-1 du code prévoit que "(...) n’entrent pas dans le champ d’application du permis de construire, notamment, les travaux ou ouvrages suivants : (...) 7- Les terrasses dont la hauteur au sol n’excède pas 0,60 mètre" ; qu’aux termes de l’article L. 422-2 de ce code : "Les constructions ou travaux exemptés du permis de construire (...) font l’objet d’une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux" ; qu’enfin aux termes de l’article R. 422-2 de ce code : "Sont exemptés du permis de construire sur l’ensemble du territoire : (...) k) Les piscines non couvertes (...) m) les constructions ou travaux (...) n’ayant pas pour effet de changer la destination d’une construction existante (...) et qui ont pour effet de créer, sur un terrain supportant déjà un bâtiment, une surface hors oeuvre brute inférieure à vingt mètres carrés" ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport d’expertise contradictoire établi à la demande du président du tribunal de grande instance de Montpellier que, sur une longueur de quinze mètres en partant du nord vers le sud, le niveau du sol naturel "a été remonté en partant de 0 au nord jusqu’à environ 80 centimètres de hauteur dans l’extrémité sud" ; qu’il résulte de ces constatations, étayées par des photographies, et, sans qu’il soit besoin de désigner un géomètre expert, que la construction litigieuse excédait la hauteur de 0,60 mètre fixée par l’article R. 421-1 du code de l’urbanisme et n’était donc pas exclue du champ d’application des autorisations de construire ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que la terrasse litigieuse, qui consiste seulement en un dallage posé autour de la piscine et en constitue le prolongement, entre eu égard à sa surface réduite, dans le champ d’application du m) de l’article R. 422-2 précité du code de l’urbanisme des constructions exemptées du permis de construire et relevant d’une déclaration de travaux ; que M. V. est, par suite, fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a déclaré qu’elle devait faire l’objet d’un permis de construire ;
Sur l’appel incident présenté par M. D. :
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. D., le tribunal administratif, à qui il n’appartenait pas de se prononcer sur la légalité d’une autorisation qui n’avait pas été demandée à l’administration, a suffisamment répondu à la question qui lui était posée à la suite du renvoi préjudiciel décidé par la cour d’appel de Montpellier ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Drago, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à verser à M. V. et à la société AXA la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner M. V. et la société AXA à payer à M. D. la somme de 1 500 euros qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : L’article 2 du jugement en date du 28 décembre 2001 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Il est déclaré que la construction d’une terrasse d’une superficie inférieure à 20 m2 constituant le prolongement d’une piscine est soumise à la procédure de déclaration préalable prévue par l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. V. et les conclusions de l’appel incident de M. D. sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de M. V., de la société AXA et de M. D. tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jacky V., à M. Antoine D., à la société AXA et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.