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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 27 avril 2004, n° 00BX01524, Région Réunion

Le conseil régional, ou éventuellement la commission permanente s’il lui a délégué cette compétence en application de l’article L. 4221-5 du code précité, ne peut légalement accorder des bonifications d’intérêts ou de prêts à long terme à des entreprises sans avoir, au préalable, déterminé les règles d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement de ces avantages.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 00BX01524

REGION REUNION

M. Dudezert
Président

M. Bayle
Rapporteur

M. Rey
Commissaire du gouvernement

Arrêt du 27 avril 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 juillet 2000, présentée pour la REGION REUNION, dont le siège est Avenue René-Cassin, Moufia, BP 7190, 97719 Saint-Denis de la Réunion, représentée par son président, par Maître Folio, avocat ;

La REGION REUNION demande à la cour :

1° d’annuler le jugement en date du 5 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé, d’une part, à la demande de M. Hamilcaro et du préfet de la Réunion, la délibération de la commission permanente du conseil régional du 11 juin 1999 octroyant des bonifications d’intérêts sur les prêts accordés par la société SODERE aux sociétés Carrere et PMMP, d’autre part, à la demande du préfet, la décision du 10 août 1999 rejetant le recours gracieux formulé par ce dernier contre ladite délibération ;

2° de rejeter les demandes présentées par M. Hamilcaro et le préfet de la Réunion devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

3° de condamner M. Hamilcaro et l’Etat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu les décrets n° 82-389 et n° 82-390 du 10 mai 1982 ;

Vu le décret n° 82-808 du 22 septembre 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 mars 2004 :
- le rapport de M. Bayle, conseiller ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du déféré préfectoral :

Considérant qu’aux termes de l’article 17 du décret n° 82-389 du 10 mai 1982 : " Le préfet peut donner délégation de signature : 1° Au secrétaire général (...) en toute matière... " ; qu’en application de ce texte, qui ne méconnaît aucune disposition constitutionnelle ou législative, le préfet peut déléguer sa signature au secrétaire général de la préfecture pour l’exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Falcone, secrétaire général de la préfecture de la Réunion, signataire du déféré dirigé contre la délibération de la commission permanente du conseil régional de la Réunion en date du 11 juin 1999 octroyant des bonifications d’intérêts sur les prêts accordés par la société SODERE à la société Carrere et à la société PMMP, avait reçu délégation de signature à cette fin par arrêté du préfet de la Réunion du 7 novembre 1998 ; que cet arrêté, dont l’article 1er énumère les actes dont le préfet s’était réservé la signature, détermine avec suffisamment de précision la portée de la délégation accordée au secrétaire général ; que l’arrêté dont s’agit, qui a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Réunion n° 12, doit être regardé comme ayant fait l’objet d’une publicité suffisante de nature à le rendre opposable aux tiers ; qu’il suit de là que le déféré présenté contre la délibération susmentionnée n’est pas entaché de l’irrecevabilité alléguée par la REGION REUNION ;

Sur la délibération du 11 juin 1999 :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales, issu des alinéas 2 et 3 de l’article 4 de la loi du 7 janvier 1982 : " Les collectivités territoriales (...) peuvent, lorsque leur intervention a pour objet la création ou l’extension d’activités économiques, accorder des aides directes ou indirectes à des entreprises, dans les conditions prévues aux articles L. 1511-2 et L. 1511-5 " et qu’aux termes de l’article L. 1511-2 du même code : " les aides directes revêtent la forme de primes régionales à la création d’entreprises, de primes régionales à l’emploi, de bonifications d’intérêts... " ; qu’aux termes de l’article 1er du décret n° 82-808 du 22 septembre 1982 : " En vue de favoriser la création ou l’extension d’activités économiques, les régions peuvent accorder des prêts et avances à long terme à des entreprises (...) et bonifier des prêts à long terme à ces mêmes entreprises " ; qu’aux termes de l’article 5 du même décret : " Le conseil régional détermine les règles d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement des bonifications régionales. Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (...) déterminent les modalités de leur intervention éventuelle en application du troisième alinéa de l’article 4 de la loi du 7 janvier 1982 ... " ; qu’aux termes de l’article 6 dudit décret : " Les prêts et avances à long terme ainsi que les bonifications sont attribués par le président du conseil régional en exécution d’une délibération du conseil régional " ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil régional peut déléguer une partie de ses attributions à sa commission permanente, à l’exception de celles relatives au vote du budget, à l’approbation du compte administratif et aux mesures de même nature que celles visées à l’article L. 1612-15 " ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le conseil régional, ou éventuellement la commission permanente s’il lui a délégué cette compétence en application de l’article L. 4221-5 du code précité, ne peut légalement accorder des bonifications d’intérêts ou de prêts à long terme à des entreprises sans avoir, au préalable, déterminé les règles d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement de ces avantages ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 6 novembre 1998, le conseil régional de la Réunion a délégué à sa commission permanente, d’une part, la définition et l’adoption des régimes d’aides dans la limite des inscriptions budgétaires, d’autre part, la mise en œuvre des régimes d’aides existants ; que cette délégation a donné compétence à la commission permanente pour connaître des demandes de prêt à long terme et de bonification de tels prêts ou d’intérêts, y compris les demandes présentées par des organismes de crédit pour des sociétés implantées hors du territoire de la REGION REUNION ; que, dès lors, c’est à tort que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé la délibération de la commission permanente du conseil régional du 11 juin 1999 octroyant des bonifications d’intérêts sur les prêts consentis à la société Carrere et à la société PMMP, aux motifs que les bonifications n’avaient pas été accordées en exécution d’une délibération du conseil régional et que cette collectivité ne justifiait pas d’une délégation à la commission permanente pour connaître d’une demande provenant d’un organisme de crédits pour des sociétés fixées hors de la région ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés par M. Hamilcaro et le préfet de la Réunion devant le tribunal administratif ;

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission permanente ait arrêté préalablement à la décision d’octroyer des bonifications d’intérêts au titre des prêts consentis par la société SODERE à la société Carrere et à la société PMMP les règles d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement de cette catégorie d’aides ; que, si la REGION REUNION soutient que le régime des bonifications a été fixé par la délibération attaquée en même temps qu’était accordée l’aide aux sociétés précitées, le rapport que cette délibération a adopté se borne à présenter la demande formulée par l’organisme de crédit et n’a pas pour objet de poser les règles prévues par l’article 5 précité du décret du 22 septembre 1982 ; que la délibération du bureau du conseil régional du 29 mai 1990 fixant le cadre d’intervention des différentes aides régionales ne saurait fonder la délibération litigieuse dès lors que la REGION REUNION ne justifie pas d’une délégation ayant donné à cet organe compétence pour déterminer les règles d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement de ces aides ; qu’ainsi, la délibération litigieuse du 11 juin 1999 a alloué des bonifications au titre des prêts consentis aux sociétés Carrere et PMMP sans que le régime de ces aides aient été légalement arrêté ; que, dès lors, ladite délibération est dépourvue de base légale ; qu’il résulte de tout ce qui précède que la REGION REUNION n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé cette délibération ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. Hamilcaro et l’Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à la REGION REUNION la somme qu’elle demande sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la REGION REUNION est rejetée.

 


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