CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 257034
SOCIETE CASCADIA
M. de Lesquen
Rapporteur
M. Chauvaux
Commissaire du gouvernement
Séance du 9 avril 2004
Lecture du 12 mai 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE CASCADIA, dont le siège est 37 bis, rue Greneta à Paris (75002), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE CASCADIA demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2002 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature dans le cadre de l’appel lancé le 5 février 2002 en vue de l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dans le ressort du comité technique radiophonique de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par une décision du 5 février 2002, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a procédé à un appel à candidatures partiel pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dans les zones de Chantilly, Compiègne, Paris, Meaux et Fontainebleau ; que, par une décision du 22 octobre 2002, il a rejeté la candidature de la SARL CASCADIA pour l’ensemble des zones concernées ;
Sur la légalité de la décision du 22 octobre 2002, en tant qu’elle concerne la candidature de la SARL CASCADIA pour les zones de Chantilly, Compiègne, Meaux et Fontainebleau :
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête :
Considérant qu’aux termes du huitième alinéa de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : "Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence" ; qu’aux termes du neuvième alinéa du même article : "Il tient également compte : 1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement" ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire qu’il a produit, que le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, au cours de sa séance plénière du 22 octobre 2002, écarté la candidature de la société requérante, pour l’ensemble des zones concernées par l’appel à candidature, au motif que l’insuffisance de son projet au regard du critère de financement et de perspective d’exploitation du service justifiait le rejet de sa demande et, qu’au cours des séances du 4 mars 2003 et du 4 mai 2003, il a accordé des autorisations d’exploitation à d’autres candidats, respectivement dans les zones de Compiègne, Meaux et Fontainebleau, d’une part, et dans la zone de Chantilly, d’autre part ;
Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que le Conseil, notamment lorsque les projets présentés pour une même zone à la suite d’un même appel de candidatures sont nombreux, procède à leur examen au cours de plusieurs séances successives ; que cependant, afin d’être en mesure d’apprécier, au regard notamment des critères mentionnés aux huitième et neuvième alinéas de l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, l’intérêt respectif des projets qui lui sont présentés, le Conseil doit statuer sur l’ensemble des candidatures dont il est saisi et décider, pour une même zone, de leur acceptation ou de leur rejet, au cours d’une même séance ; que, par suite, la SOCIETE CASCADIA est fondée à soutenir que la décision rejetant sa candidature a été prise au terme d’une procédure irrégulière, en tant qu’elle concerne les zones de Chantilly, Compiègne, Meaux et Fontainebleau, et à en demander pour ce motif l’annulation ;
Sur la légalité de la décision du 22 octobre 2002, en tant qu’elle concerne la candidature de la SARL CASCADIA pour la zone de Paris :
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que, s’agissant de l’examen des candidatures pour la zone de Paris, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’ait pas statué au cours d’une même séance sur l’ensemble des candidatures dont il était saisi ;
Considérant que pour écarter la candidature de la société requérante pour l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dans la zone de Paris, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est fondé sur le fait que la SARL CASCADIA ne présentait ni les garanties financières, ni les perspectives d’exploitation permettant d’assurer de manière constante, effective et durable le service envisagé ; qu’il ressort des pièces du dossier que les éléments fournis par la société, s’agissant notamment de l’origine et du montant des financements prévus et des comptes prévisionnels des trois prochains exercices, présentaient un caractère très succinct qui ne permettait pas au Conseil supérieur de l’audiovisuel de s’assurer de la viabilité du projet ; que, dès lors, le Conseil n’a pas fait une inexacte appréciation des possibilités de financement de la SARL CASCADIA et des perspectives d’exploitation du service de radiodiffusion qu’elle se proposait d’assurer ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL CASCADIA n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 22 octobre 2002, en tant qu’elle concerne sa candidature pour la zone de Paris ;
D E C I D E :
Article 1er : : La décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 22 octobre 2002 est annulée en tant que celui-ci a rejeté la candidature de la SARL CASCADIA pour l’exploitation du service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dans les zones de Chantilly, Compiègne, Meaux et Fontainebleau.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SARL CASCADIA est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL CASCADIA, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.