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Conseil d’Etat, Section, 2 Juin 1999, M. Meyet

Au regard des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes telles qu’elles découlent de l’article 55 de la Constitution, la juridiction compétente pour connaître d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative serait incompatible avec un traité "régulièrement ratifié ou approuvé" peut être invitée à rechercher, non seulement si cette incompatibilité existait dès l’intervention de cette disposition législative mais aussi si elle est apparue postérieurement.

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, présentés par M. Alain MEYET demandant l’annulation pour excès de pouvoir de la recommandation n° 99-2 du conseil supérieur de l’audiovisuel du 9 mars 1999, du communiqué de la commission des sondages en date du 20 avril 1999 et de l’article 7 de la décision n° 99-200 du conseil supérieur de l’audiovisuel du 11 mai 1999, en tant que ces décisions interdisent la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage ayant un rapport avec l’élection des représentants au Parlement européen pendant la semaine précédant le scrutin ainsi que pendant le déroulement de celui-ci ;

Vu les autres pièces du dossier ; la Constitution, et notamment son article 55 ; la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; le pacte international relatif aux droits civils et politiques ouvert à la signature à New York le 19 décembre 1966 ; le traité sur l’Union européenne ; la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 ; la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant que le requérant défère au Conseil d’Etat la recommandation du 9 mars 1999 du conseil supérieur de l’audiovisuel à l’ensemble des services de télévision et de radio en vue de l’élection des représentants au Parlement européen, la décision du 11 mai 1999 de la même autorité relative aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne officielle en vue de cette élection ainsi que le communiqué de la commission des sondages du 20 avril 1999 adressé aux organismes de sondages et aux organes de presse en vue de la même élection ; qu’il critique le fait pour ces deux autorités d’avoir enjoint aux organes de presse ou de communication par voie de radiodiffusion ou de télévision, aux organismes de sondages ainsi qu’aux candidats, de se conformer aux prescriptions de l’article 11 de la loi du 19 juillet 1977 en vertu desquelles, dans la semaine qui précède le scrutin, la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage d’opinion ayant un rapport direct ou indirect avec l’élection sont interdits ; qu’il soutient que les dispositions qu’il attaque sont entachées d’illégalité et fait valoir à cette fin que l’article 11 de la loi du 19 juillet 1977 serait, par suite d’un changement de circonstances, devenu incompatible avec les engagements internationaux souscrits par la France ;

Sur l’exception d’irrecevabilité opposée à ces conclusions :

Considérant que le requérant se prévaut, à titre principal, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui reconnaît en son article 10, paragraphe 1, à toute personne "le droit à la liberté d’expression" et dont l’article 14 énonce que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la convention doit être assurée "sans distinction aucune fondée notamment sur... la fortune, la naissance ou toute autre situation" ; que si la requête invoque également l’incompatibilité de la loi avec les stipulations des articles 19 et 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant respectivement la liberté d’opinion et le principe d’égalité, l’argumentation développée de ce chef ne se distingue pas de celle consistant à se prévaloir de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que l’instrument d’adhésion de la République française au pacte spécifie que l’article 19 de ce dernier sera appliqué par le gouvernement de la République conformément à l’article 10 de la convention européenne ; que de même, si la requête se réfère aux stipulations du paragraphe 2 de l’article F du traité sur l’Union européenne, devenu l’article 6, paragraphe 2, de ce traité à la suite de l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, et aux termes duquel "L’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales... et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire", le moyen tiré de ces dernières stipulations se confond, en l’espèce, avec le moyen principal invoqué par le requérant ;

Considérant qu’au regard des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes telles qu’elles découlent de l’article 55 de la Constitution, la juridiction compétente pour connaître d’un moyen tiré de ce qu’une disposition législative serait incompatible avec un traité "régulièrement ratifié ou approuvé" peut être invitée à rechercher, non seulement si cette incompatibilité existait dès l’intervention de cette disposition législative mais aussi si elle est apparue postérieurement ;

Considérant que si l’interdiction de la publication ou de la diffusion de sondages dans la semaine qui précède le scrutin constitue une ingérence de la part de l’autorité publique dans le domaine du droit à la liberté d’expression au sens du paragraphe 1 de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, lequel comprend outre la liberté d’opinion, "la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées", le paragraphe 2 du même article prévoit cependant que "l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités", il peut être soumis à des "restrictions... prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique", dès lors qu’elles répondent à l’une ou l’autre des exigences énoncées audit paragraphe ; qu’au nombre de celles-ci figure "la protection des droits d’autrui" ;

Considérant qu’il est constant que la restriction apportée à la publication ou à la diffusion des sondages relatifs aux consultations électorales trouve son fondement dans la loi ; que la raison d’être d’une telle restriction repose sur le souci du législateur d’éviter que le choix des citoyens ne soit influencé dans les jours qui précèdent immédiatement un scrutin par une appréciation qui peut être erronée, sans qu’aucune rectification puisse utilement intervenir, des chances respectives des candidats ; que l’objectif ainsi poursuivi se rattache à la "protection des droits d’autrui" au sens des stipulations du paragraphe 2 de l’article 10 de la convention ; qu’en raison tant de la justification de cette restriction que de la durée limitée de la période au cours de laquelle elle s’applique et compte tenu de la marge d’appréciation que l’article 10, paragraphe 2, de la convention réserve au législateur national, les dispositions de l’article 11 de la loi du 19 juillet 1977 ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l’article 10 de la convention ;

Considérant, il est vrai, que le requérant, sans contester en définitive que les dispositions de l’article 11 de la loi aient été originairement compatibles avec les engagements internationaux de la France, soutient qu’il en irait désormais différemment dans la mesure où, du fait de la diffusion des résultats de sondages par des chaînes de télévision ou des journaux étrangers, ou par les opérateurs de réseaux de communication par ordinateurs, l’interdiction édictée par la loi aurait cessé d’être nécessaire au sens de l’article 10 de la convention et engendrerait en outre des discriminations entre les citoyens qui seraient contraires à son article 14 ;

Mais considérant que les limites auxquelles se heurte l’application effective de l’article 11 de la loi du 19 juillet 1977 ne constituent pas un changement dans la situation de droit engendrant entre les stipulations de l’article 10 de la convention et la loi nationale une incompatibilité qui ferait juridiquement obstacle, en vertu de l’article 55 de la Constitution, à l’application de cette loi ; qu’un changement dans la situation de fait -qu’invoque en réalité le requérant-, s’il peut conduire le législateur, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, à reconsidérer certaines modalités de la loi du 19 juillet 1977 ou même son principe, ne saurait avoir d’incidence sur la portée de la loi et sur l’obligation qu’a l’autorité administrative d’en assurer l’application ; qu’en outre, eu égard à son caractère général et impersonnel, il ne saurait être valablement soutenu que l’article 11 de la loi du 19 juillet 1977 serait constitutif d’une norme de nature discriminatoire au sens de l’article 14 de la convention ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, par les dispositions contestées par le requérant, le conseil supérieur de l’audiovisuel et la commission des sondages ont procédé à une interprétation des règles de droit applicables qui ne méconnaît ni le sens, ni la portée de ces règles et ne contrevient pas aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes ; qu’il suit de là que ces dispositions ne sont pas de nature à faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, la requête n’est pas recevable ;

Sur les conclusions du conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner M. MEYET à payer au conseil supérieur de l’audiovisuel la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : La requête susvisée de M. MEYET est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

 


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