CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 244957
SYNDICAT AUTONOME DES PERSONNELS NAVIGANTS DU GROUPEMENT D’HELICOPTERES DE LA SECURITE CIVILE
M. Quinqueton
Rapporteur
M. Bachelier
Commissaire du gouvernement
Séance du 8 octobre 2003
Lecture du 29 octobre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril 2002 et 8 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT AUTONOME DES PERSONNELS NAVIGANTS DU GROUPEMENT D’HELICOPTERES DE LA SECURITE CIVILE, dont le siège est Base Hélicoptères de Marignane B.P. 12 à Marignane (13727 cedex) ; le SYNDICAT AUTONOME DES PERSONNELS NAVIGANTS DU GROUPEMENT D’HELICOPTERES DE LA SECURITE CIVILE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le décret n° 2002-146 du 7 février 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée du travail et de repos applicables à certains agents en fonction dans les services relevant de la direction de la défense et de la sécurité civile ou relevant de la direction générale de l’administration du ministère de l’intérieur ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 750 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 ;
Vu la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ;
Vu les décrets n°s 82-452 et 82-453 du 28 mai 1982 ;
Vu le décret n° 94-1047 du 6 décembre 1994 ;
Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Quinqueton, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du SYNDICAT AUTONOME DES PERSONNELS NAVIGANTS DU GROUPEMENT D’HELICOPTERES DE LA SECURITE CIVILE,
les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales :
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le I de l’article 3 du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique d’Etat définit les garanties minimales de durée de travail et de repos applicables aux personnels concernés ; que le a) du II du même article renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de déterminer les contreparties accordées aux catégories d’agents faisant l’objet de dérogations à ces garanties minimales "lorsque l’objet même du service public en cause l’exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens" ; qu’en application de cette disposition, le décret attaqué du 7 février 2002 prévoit à son article 4 que certains agents en fonction dans les services relevant de la direction de la défense et de la sécurité civiles "bénéficient, en contrepartie de leurs sujétions de fonctions, soit d’une compensation au titre du régime indemnitaire qui leur est applicable, soit de repos compensateurs, dans des conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l’intérieur, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget" ;
Considérant, en premier lieu, qu’en renvoyant à un arrêté interministériel le soin de déterminer les modalités d’attribution des contreparties, selon les deux formes qu’il a définies, l’auteur du décret attaqué n’a pas méconnu l’étendue de ses compétences ;
Considérant, en second lieu, qu’en vertu du a du II de l’article 3 du décret du 25 août 2000, le décret attaqué devait être pris après avis du comité d’hygiène et de sécurité le cas échéant, du comité technique paritaire ministériel et du Conseil supérieur de la fonction publique ;
Considérant, d’une part, que le décret attaqué a été pris après avis du comité technique paritaire ministériel régulièrement consulté le 29 octobre 2001 ; que le décret du 25 août 2000 ne prévoit pas la consultation du comité technique paritaire spécial du groupement des moyens aériens de la sécurité civile ; qu’en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que ce comité spécial a été consulté sur le projet de décret lors de sa séance du 18 octobre 2001 ;
Considérant, d’autre part, que ce comité technique paritaire n’a pas demandé la création d’un comité d’hygiène et de sécurité ; que, dès lors, la consultation du comité technique paritaire vaut consultation du comité d’hygiène et de sécurité ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir que le décret attaqué aurait été pris sur une procédure irrégulière, en l’absence de consultation du comité technique paritaire spécial du groupement des moyens aériens de la sécurité civile et du comité d’hygiène et de sécurité ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant que le requérant invoque, en premier lieu, l’incompatibilité des dispositions du décret attaqué, relatives à l’organisation du travail des personnels navigants du groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, avec les objectifs de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ;
Considérant qu’aux termes de son article 1er, cette directive s’applique à "tous les secteurs d’activité, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391 CEE" du 12 juin 1989 ; que si aux termes du paragraphe 1 de son article 2, cette directive du 12 juin 1989 "s’applique à tous les secteurs d’activités privés ou publics (...)", le paragraphe 2 du même article dispose qu’elle "n’est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s’y opposent de manière contraignante" ; que selon l’interprétation qu’en a donnée la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-303/98 du 3 octobre 2000, l’article 2 paragraphe 2 "se réfère à certaines activités spécifiques de la fonction publique destinées à assurer l’ordre et la sécurité publics, indispensables au bon déroulement de la vie en société" ; qu’en vertu de l’article 1er du décret du 6 décembre 1994, les personnels navigants du groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, qui relèvent de la fonction publique, ont notamment pour missions la lutte contre les feux de forêts, la lutte antipollution, les secours d’urgence et de sauvetage, dans les situations de risque collectif grave, de calamité ou de catastrophe exceptionnelle, dans lesquelles la vie et la sécurité des individus peut être menacée ; qu’eu égard à la nécessaire continuité de ces missions, les activités opérationnelles en cause, indispensables à la protection de la sécurité de la population civile, sont au nombre de celles dont les spécificités exigent des modalités particulières de protection de la santé et de la sécurité des agents qui les exercent ; que, dès lors, les activités des personnels navigants du groupement des moyens aériens de la sécurité civile sont exclues du champ d’application de la directive du 23 novembre1993 ; que, par suite, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que les dispositions contestées du décret du 7 février 2002 seraient incompatibles avec les objectifs de ladite directive ;
Considérant que le principe d’égalité de traitement entre agents d’un même corps, qu’invoque en second lieu le requérant, ne fait pas obstacle à ce que des dispositions différentes soient appliquées à des personnels se trouvant dans des situations différentes ; que l’article 1er du décret du 6 décembre 1994 assigne des missions différentes aux personnels navigants du groupement des moyens aériens de la sécurité civile, selon qu’ils sont affectés à la base d’avions de la sécurité civile, spécialisée dans la lutte contre les feux de forêts, ou au groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, qui effectue en priorité des missions de secours d’urgence et de sauvetage ; que ces missions induisent une organisation et un cycle de travail différenciés, lesquels sont justifiés par l’intérêt du service ; que l’article 22 du même décret prévoit que "l’aménagement des heures de travail tient compte des exigences spécifiques au service" ; que, dès lors, c’est sans méconnaître le principe d’égalité que le décret attaqué a pu prévoir, dans ses articles 1er et 2, des dérogations aux garanties minimales de durée de travail et de repos qui sont différentes selon l’affectation des personnels de la direction de la défense et de la sécurité civile ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions du syndicat requérant tendant à l’annulation du décret attaqué ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer au SYNDICAT AUTONOME DES PERSONNELS NAVIGANTS DU GROUPEMENT D’HELICOPTERES DE LA SECURITE CIVILE la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du SYNDICAT AUTONOME DES PERSONNELS NAVIGANTS DU GROUPEMENT D’HELICOPTERES DE LA SECURITE CIVILE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT AUTONOME DES PERSONNELS NAVIGANTS DU GROUPEMENT D’HELICOPTERES DE LA SECURITE CIVILE, au Premier ministre, au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire.