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Conseil d’Etat, 22 octobre 2003, n° 248237, Groupe d’information et de soutien des immigrés et Ligue des droits de l’homme

L’article 34 de la Constitution, en réservant à la loi la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale, a entendu englober dans ces termes l’ensemble des systèmes de protection sociale, quelles que soient leurs modalités de gestion administrative ou financière et, notamment, sans distinguer suivant que la protection est aménagée au moyen de mécanismes d’assurance ou d’assistance. Ainsi, la détermination des principes fondamentaux de l’aide sociale relève de la loi. Doivent être rangées au nombre de ces principes la détermination des catégories de personnes appelées à bénéficier d’une prestation sociale ainsi que la définition de la nature des conditions exigées pour son attribution.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 248237

GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES
LIGUE DES DROITS DE L’HOMME

Mme de Clausade
Rapporteur

M. Stahl
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 septembre 2003
Lecture du 22 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011) et la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, dont le siège est 138, rue Marceau à Paris (75018) ; le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du ministre de l’équipement, des transports et du logement en date 2 mai 2002 ainsi que la décision implicite du Premier ministre refusant d’engager la procédure prévue au second alinéa de l’article 37 de la Constitution afin de procéder par décret à la modification de l’article 44 de la loi du 22 mars 1924, en ce qu’elle réserve le bénéfice de la carte " famille nombreuse " de la SNCF aux " seuls citoyens français et originaires des colonies françaises ou des pays du protectorat " ;

2°) d’enjoindre au Premier ministre de mettre en oeuvre la procédure conduisant à la modification des dispositions en cause de l’article 44 de la loi du 22 mars 1924 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses articles 34 et 37 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 1 ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la loi du 29 octobre 1921 relative au nouveau régime des chemins de fer d’intérêt général ;

Vu la loi budgétaire du 22 mars 1924, notamment son article 44 ;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et de la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d’une part, que l’article 8 de la loi du 29 octobre 1921 relative au nouveau régime des chemins de fer a institué, au bénéfice des familles nombreuses, un régime de réduction sur les tarifs des chemins de fer et en a défini les taux, qui varient selon le nombre d’enfants que compte la famille, ainsi que les modalités, qui se traduisent par la délivrance d’une carte d’identité particulière ; que cet article a été abrogé par l’article 1er du décret du 1er décembre 1980 " en tant qu’il règle les taux et les modalités des réductions accordées aux familles nombreuses sur les tarifs de la Société nationale des chemins de fer français " ; que ces taux et modalités sont désormais fixés par l’article 2 du même décret ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 44 de la loi budgétaire du 22 mars 1924 : " Sous réserve des traités de réciprocité qui existent actuellement ou qui seront passés entre la France et les pays étrangers (...) les réductions sur les prix des transports en chemins de fer prévues au bénéfice des familles nombreuses ne sont applicables qu’aux citoyens français et aux originaires des colonies françaises ou des pays de protectorat " ;

Considérant que le GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN AUX IMMIGRES et la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME ont saisi le Premier ministre, par lettre du 30 janvier 2002 reçue le 4 février 2002, d’une demande tendant à la mise en œuvre de la procédure prévue au second alinéa de l’article 37 de la Constitution, afin de procéder par décret à la modification de l’article 44 de la loi du 22 mars 1924 en tant qu’elle réserve le bénéfice de la carte " famille nombreuse " de la SNCF aux " seuls citoyens français et originaires des colonies françaises ou des pays du protectorat " ; que cette demande a été transmise au ministre de l’équipement, du logement et des transports, qui y a répondu par lettre du 2 mai 2002 ; que les associations requérantes demandent au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la décision qu’elles estiment contenue dans cette lettre, d’autre part, la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le Premier ministre sur la demande d’abrogation dont il a été saisi ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du ministre de l’équipement, du logement et des transports en date du 2 mai 2002 :

Considérant que cette lettre se borne à faire connaître la position du Gouvernement sur la nécessité de procéder à un réexamen d’ensemble des tarifs sociaux et à expliciter ainsi les motifs du refus tacitement opposé le 4 avril 2002 par le Premier ministre à la demande d’abrogation dont il avait été saisi le 4 février ; qu’ainsi, la lettre du ministre ne revêt pas le caractère d’une décision faisant grief ; que, dès lors, les requérantes ne sont pas recevables à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du Premier ministre :

Considérant, en premier lieu, d’une part, que l’article 34 de la Constitution, en réservant à la loi la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale, a entendu englober dans ces termes l’ensemble des systèmes de protection sociale, quelles que soient leurs modalités de gestion administrative ou financière et, notamment, sans distinguer suivant que la protection est aménagée au moyen de mécanismes d’assurance ou d’assistance ; qu’ainsi, la détermination des principes fondamentaux de l’aide sociale relève de la loi ; que doivent être rangées au nombre de ces principes la détermination des catégories de personnes appelées à bénéficier d’une prestation sociale ainsi que la définition de la nature des conditions exigées pour son attribution ; que, d’autre part, si la détermination des tarifs applicables aux usagers d’un service public n’est pas au nombre des matières réservées au législateur par l’article 34 de la Constitution et si, par conséquent, des dispositions imposant des obligations tarifaires à l’exploitant d’un service public ont en principe un caractère réglementaire, il en va différemment lorsque l’Etat, en imposant par voie de mesure générale en faveur de certaines catégories d’usagers des réductions de tarifs à caractère social, entend reconnaître au profit de leurs bénéficiaires le droit à un avantage assimilable à une prestation d’aide sociale ;

Considérant qu’en instituant, au bénéfice des familles nombreuses, un régime de réduction sur les tarifs des chemins de fer, l’article 8 de la loi du 29 octobre 1921 a entendu reconnaître aux intéressés le droit à un avantage devant être regardé, pour l’application de l’article 34 de la Constitution, comme relevant des systèmes de protection sociale ; que les réductions sur les tarifs de transport par chemin de fer sont, au demeurant, mentionnées à l’article L. 112-2 du code de l’action sociale et des familles, dont les dispositions reprennent celles de l’article 20 du code de la famille et de l’aide sociale, comme étant au nombre des mesures ayant pour objet " d’aider les familles à élever leurs enfants ", au même titre que les prestations de sécurité sociale ou les allocations d’aide sociale qui leur sont destinées ; qu’il suit de là que relèvent du législateur, tant le principe de l’institution de réductions tarifaires imposées par l’Etat en faveur des familles nombreuses que la détermination des catégories de personnes susceptibles de bénéficier des avantages sociaux que ces dispositions législatives ont eu pour objet d’accorder ; que, par suite, les dispositions de l’article 44 de la loi du 22 mars 1924 réservant aux nationaux le bénéfice du régime de réduction sur les tarifs des chemins de fer institué en faveur des familles nombreuses ont un caractère législatif ;

Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que des dispositions législatives seraient incompatibles avec un engagement international est sans incidence sur l’étendue du pouvoir dont dispose le Premier ministre, en application des dispositions du second alinéa de l’article 37 de la Constitution, lesquelles ne lui donnent compétence pour abroger des dispositions contenues dans un texte de forme législative que pour autant qu’elles sont de nature réglementaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses seraient incompatibles avec les stipulations combinées de l’article l4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention est inopérant ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le GROUPEMENT D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a refusé de faire droit à leur demande tendant à l’abrogation des dispositions qu’ils contestent de l’article 44 de la loi du 22 mars 1924 ; que leurs conclusions à fin d’injonction ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le GROUPEMENT D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et de la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D’INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, à la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, au Premier ministre et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

 


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