CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 238303,241750
SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES
M. Keller
Rapporteur
M. Lamy
Commissaire du gouvernement
Séance du 29 septembre 2003
Lecture du 22 octobre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux
Vu 1°), sous le n° 238303, la requête, enregistrée le 19 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, dont le siège est Immeuble Pacific La Défense 7,11/13 cours Valmy à Puteaux (92800) ; la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêté du 8 août 2001 des préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle portant mesures de police des mines ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 50 000 F (7 622, 45 euros) en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 241750, la requête, enregistrée le 8 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, dont le siège est Immeuble Pacific La Défense 7,11/13 cours Valmy à Puteaux (92800) ; la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêté du 7 novembre 2001 des préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle portant mesures de police des mines ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 7 625 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier ;
Vu le code minier ;
Vu le décret n° 95-696 du 9 mai 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
les observations de Me Guinard, avocat de la SOCIETE SACILOR LORMINES,
les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes nos 238303 et 241750 présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 77 du code minier : " La recherche et l’exploitation des mines sont soumises à la surveillance de l’autorité administrative conformément aux dispositions du présent chapitre, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat " ; qu’aux termes de l’article 79 du même code : "Les travaux de recherches ou d’exploitation d’une mine doivent respecter les contraintes et les obligations afférentes (...) à la sécurité et la salubrité publiques, (...) à la solidité des édifices publics et privés (...). / Lorsque les intérêts mentionnés à l’alinéa précédent sont menacés par ces travaux, l’autorité administrative peut prescrire à l’explorateur ou à l’exploitant de mines toute mesure destinée à assurer la protection de ces intérêts, dans un délai déterminé" ; qu’aux termes des deux derniers alinéas de l’article 91 du même code, fixant les règles applicables à l’arrêt des travaux miniers : "Lorsque les mesures envisagées par l’explorateur ou l’exploitant, ou prescrites par l’autorité administrative en application du présent article, ont été exécutées, cette dernière en donne acte à l’explorateur ou à l’exploitant. /Cette formalité met fin à l’exercice de la police des mines telle qu’elle est prévue à l’article 77. Toutefois, s’agissant des activités régies par le présent code, et lorsque des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens et des personnes apparaissent après la formalité prévue à l’alinéa précédent, l’autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l’article 79 jusqu’à l’expiration du titre minier et, dans les cas prévus au premier alinéa de l’article 93, jusqu’au transfert à l’Etat de la surveillance et de la prévention des risques miniers " ; qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article 93 du même code : " Lorsque des risques importants d’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes, ont été identifiés lors de l’arrêt des travaux, l’exploitant met en place les équipements nécessaires à leur surveillance et à leur prévention et les exploite. /La fin de la validité du titre minier emporte transfert à l’Etat de la surveillance et de la prévention de ces risques, sous réserve que les déclarations prévues à l’article 91 aient été faites et qu’il ait été donné acte des mesures réalisées. (...) " ; qu’en application du cinquième alinéa de l’article 47 du décret du 9 mai 1995, l’arrêté par lequel le préfet donne acte de l’exécution des mesures prescrites à l’exploitant "met fin à l’application de la police des mines, sous réserve des cas mentionnés à l’article 91 du code minier" ;
Considérant qu’il ressort de la combinaison de ces dispositions qu’en vertu du pouvoir de police spéciale qui lui est conféré par l’article 77 du code minier, l’autorité administrative chargée de la surveillance, de la recherche et de l’exploitation des mines peut prescrire à l’exploitant, sur les sites qui lui sont concédés et sur les terrains situés à leur aplomb, toute mesure en vue d’assurer la sécurité et la salubrité publiques et la solidité des édifices publics et privés jusqu’à ce qu’il ait été donné acte de l’exécution de ces mesures ; que ce n’est que dans l’hypothèse où des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens et des personnes apparaissent après qu’il a été donné acte de l’exécution des mesures prescrites que l’autorité administrative est autorisée à intervenir à nouveau au titre de l’article 77 et peut à ce titre, soit prescrire, jusqu’à l’expiration du titre minier, de nouvelles mesures en vue d’assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article 79, soit, lorsque des risques d’affaissement de terrain ont été identifiés, ordonner à l’exploitant de mettre en place et d’exploiter les équipements nécessaires à la surveillance et à la prévention de ces risques jusqu’au transfert à l’Etat de cette surveillance et de cette prévention ;
Considérant qu’à la suite des affaissements qui se sont produits en 1996 et en 1997 à l’aplomb de sites miniers concédés à la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle ont, par des arrêtés pris entre le 26 mai 1997 et le 1er septembre 2000, prescrit à cette société des mesures destinées à assurer la sécurité publique et la solidité des édifices situés à l’aplomb des concessions dont elle était titulaire ; que, par les arrêtés attaqués du 8 août et du 7 novembre 2001, les mêmes préfets ont prescrit à la société en question de nouvelles mesures visant à mettre en place des équipements destinés à assurer la surveillance des ouvrages miniers et des terrains situés à leur aplomb ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, pour chacune des concessions concernées par les arrêtés attaqués, les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle avaient, par des arrêtés pris entre le 14 décembre 2000 et le 1er juin 2001, soit antérieurement aux décisions attaquées, donné acte à la société de l’exécution des mesures qui avaient été prescrites sur ces concessions à la suite des affaissements intervenus en 1996 et en 1997 ; que les risques d’affaissement de terrain étant apparus avant qu’il ait été donné acte à l’exploitant de l’exécution des mesures prescrites, l’autorité administrative n’était plus, à la date des décisions attaquées, investie du pouvoir de police spéciale prévu par l’article 77 du code minier ; qu’il s’ensuit que les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle ne pouvaient, à cette date, mettre à la charge de la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES de nouvelles mesures de surveillance et de prévention de ces risques sur les concessions en question ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES est fondée à demander l’annulation des arrêtés des 8 août et 7 novembre 2001 des préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de cet article et de condamner l’Etat à verser à la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les arrêtés des 8 août et 7 novembre 2001 des préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera à la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES une somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES MINES DE SACILOR LORMINES, au préfet de la Moselle, au préfet de Meurthe-et-Moselle et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.