CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 248523
COMMUNE DE RAMATUELLE
M. Debat
Rapporteur
Mme Mitjavile
Commissaire du gouvernement
Séance du 15 septembre 2003
Lecture du 3 octobre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 9 juillet 2002, présentée par la COMMUNE DE RAMATUELLE, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE RAMATUELLE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision résultant du silence gardé par le ministre de l’intérieur sur la demande qu’elle lui a adressée le 13 mars 2002 et tendant à l’abrogation de l’arrêté du 9 mai 1997 modifiant l’arrêté du 23 décembre 1959 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos en tant que cet arrêté a limité à dix-huit ans la durée des cahiers des charges des concessions d’exploitation des casinos ;
2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de procéder à l’abrogation de cette disposition dans un délai de trois mois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 15 juin 1907 modifiée ;
Vu la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’article 1er de la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard punit de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende "le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d’une maison de jeux de hasard où le public est librement admis" ; que l’article 1er de la loi du 15 juin 1907 modifiée dispose toutefois que : "par dérogation à l’article 1er de la loi (...) du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, il pourra être accordé aux casinos des stations balnéaires, thermales ou climatiques (...) l’autorisation temporaire d’ouvrir aux publics des locaux spéciaux, distincts ou séparés où seront pratiqués certains jeux de hasard sous les conditions énoncées dans les articles suivants. Cette autorisation détermine la durée d’exploitation des jeux en fonction de la ou des périodes d’activité de la station" ; qu’aux termes de l’article 2 de la même loi : "Les autorisations sont accordées par le ministre de l’intérieur, après enquête et en considération d’un cahier des charges établi par le conseil municipal./ L’arrêté d’autorisation fixe la durée de la concession..." ; que le décret du 22 décembre 1959 modifié, pris pour l’application de ces dispositions législatives, réglemente les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ; que l’article 22 de ce décret dispose : "Les modalités d’application du présent décret sont déterminées par arrêté pris conjointement par le ministre de l’intérieur et le ministre des finances et des affaires économiques. Toutefois, la police des jeux est réglementée par arrêté ou décision du ministre de l’intérieur" ; qu’en vertu de ces dernières dispositions, le ministre de l’intérieur et le ministre des finances et des affaires économiques ont édicté l’arrêté du 23 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos, qui détermine notamment les modalités de désignation de l’exploitant ; que le paragraphe 5 de l’article 3 de cet arrêté, dont la COMMUNE DE RAMATUELLE a demandé au ministre de l’intérieur l’abrogation, prévoit, dans la rédaction que lui a donnée l’arrêté du ministre de l’intérieur et du ministre chargé du budget du 9 mai 1997, que la durée du cahier des charges de l’exploitant d’un casino "ne peut excéder dix huit ans" ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, si les jeux de hasard sont, en principe interdits par la loi du 12 juillet 1983, il peut être créé par dérogation, dans certaines communes, des casinos avec autorisation exceptionnelle et temporaire de jeux ; que si les délégations de service public consenties, sur le fondement d’une telle autorisation, par la commune à l’exploitant d’un casino sont soumises, pour le choix du délégataire, aux dispositions de la loi du 29 janvier 1993 dont l’article 40, repris à l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, dispose : "les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre", ces délégations ne peuvent être conclues que dans le respect des exigences de la police spéciale des jeux et des conditions posées par la loi du 15 juin 1907 et les textes pris pour son application ; qu’en limitant, par la disposition contestée de l’arrêté modifié du 23 décembre 1959, à dix-huit ans la durée du cahier des charges de la délégation consentie par la commune à l’exploitant d’un casino, le ministre de l’intérieur et le ministre chargé du budget n’ont ni excédé les limites de la compétence que la loi du 15 juin 1907 et le décret du 22 décembre 1959 leur ont attribuée, ni méconnu les exigences de la libre administration des collectivités territoriales ; que la règle spéciale qu’ils ont ainsi édictée pour les délégations de service public consenties à l’exploitant d’un casino se combine, sans les méconnaître, avec les dispositions générales issues de la loi du 29 janvier 1993 ; que la COMMUNE DE RAMATUELLE n’est donc pas fondée à soutenir que le ministre de l’intérieur aurait excédé ses pouvoirs en rejetant sa demande tendant à l’abrogation de l’arrêté du 23 décembre 1959 en tant qu’il prévoit que la durée du cahier des charges de l’exploitant d’un casino ne peut excéder dix-huit ans ;
Considérant que la présente décision, qui rejette la demande de la commune requérante, n’appelle aucune mesure d’exécution ; qu’ainsi, les conclusions à fin d’injonction doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE RAMATUELLE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE RAMATUELLE et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.