CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 249152
MINISTRE DE L’1NTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES
c/ Commune de Sangatte
M. Maisl
Rapporteur
M. Guyomar
Commissaire du gouvernement
Séance du 22 août 2002
Lecture du 6 septembre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 5ème sous-section)
Vu le recours présenté par le MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 30 juillet 2002 ; le ministre demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance, en date du 10 juillet 2002, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de suspension de l’arrêté du maire de Sangatte, du 23 mai 2002, par lequel celui-ci lui a enjoint de fermer dans un délai de deux mois le centre d’hébergement des réfugiés de Sangatte ;
2°) d’ordonner la suspension de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 et le décret n° 62-367 du 26 mars 1962 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Maisl, Conseiller d’Etat,
les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes des 1e et 3ème alinéas de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : "Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L.2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...). Le représentant de l’Etat dans le département peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué. Il est statué dans un délai d’un mois" ;
Considérant que pour rejeter la demande de suspension de l’arrêté contesté du maire de Sangatte, formée par le préfet du Pas-de-Calais, le juge des référés du tribunal de Lille, se fondant sur l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a estimé que le préfet ne justifiait pas de l’urgence à obtenir la suspension demandée ; qu’en se fondant ainsi sur les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administratives qui ne sont pas applicables à la procédure de contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales et en subordonnant, par conséquent, la suspension de l’arrêté attaqué à une condition dont les autorités chargées de ce contrôle n’ont pas à justifier, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ; que cette ordonnance doit, dès lors être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu de régler dans l’intéret d’une bonne administration de la justice, le litige au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que le moyen tiré de ce que l’arrêté contesté du maire de Sangatte a pour effet de faire échec aux pouvoirs que tiennent les autorités de l’Etat de l’article 2 de l’ordonnance du 6 janvier 1959, relative aux réquisitions de biens et de services, de procéder aux réquisitions de biens "pour les besoins du pays", c’est-à-dire dans l’intérêt national, est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ; qu’il y a lieu, dès lors, de prononcer la suspension demandée ;
D E C I D E :
Article 1er : l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 10 juillet 2002 est annulée.
Article 2 : L’arrêté du maire de Sangatte du 23 mai 2002 est suspendu.
Article 3 : la présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES et au maire de Sangatte.