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Conseil d’Etat, 22 octobre 2003, n° 231953, Association SOS-Rivières et Environnement et autres

Une opération ne peut légalement être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d’ordre social et les atteintes à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 231953,231968,232003

ASSOCIATION SOS-RIVIERES ET ENVIRONNEMENT et autres

M. Keller
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 septembre 2003
Lecture du 22 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°) sous le n° 231953, la requête, enregistrée le 29 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION SOS-RIVIERES ET ENVIRONNEMENT, dont le siège est 32 rue Tour Ronde à Saint-Jean d’Angély (17400), Mme Maryvonne L. ; M. Jean-Pierre P. ; l’ASSOCIATION SOS-RIVIERES ET ENVIRONNEMENT et autres demandent au Conseil d’Etat d’annuler le décret du 29 janvier 2001 déclarant d’intérêt général et d’utilité publique le barrage de la Trézence dans le département de la Charente-Maritime ;

Vu 2°) sous le n° 231968, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars 2001 et 30 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le PARTI "LES VERTS POITOU-CHARENTES", dont le siège est 8, rue Claude Farrère à La Rochelle (17000), le PARTI "LES VERTS CHARENTE MARITIME", dont le siège est 25, rue Saint-Nicolas à La Rochelle (17000), et M. Claude M. ; le PARTI "LES VERTS POITOU-CHARENTES" et autres demandent au Conseil d’Etat d’annuler le décret du 29 janvier 2001 déclarant d’intérêt général et d’utilité publique le barrage de la Trézence dans le département de la Charente-Maritime ;

Vu 3°) sous le n° 232003, la requête, enregistrée le 30 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES-TOS, dont le siège est 67 rue de Seine à Alfortville (94140) ; l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES-TOS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le décret du 29 janvier 2001 déclarant d’intérêt général et d’utilité publique le barrage de la Trézence dans le département de la Charente-Maritime ;

2°) d’ordonner qu’il lui soit versé une somme de 6 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 ;

Vu le décret n° 93-1182 du 21 octobre 1993 ;

Vu l’arrêté du 22 juillet 1997 portant répartition des affaires entre les sections administratives du Conseil d’Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat du conseil général de la charente maritime, et de M. Brouchot avocat du PARTI "LES VERTS POITOU-CHARENTES" et du PARTI "LES VERTS CHARENTE MARITIME" et de M. M.,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il soit statué par une seule décision ;

Sur l’intervention de l’association France-Nature-Environnement :

Considérant que, par une décision du 6 septembre 2001, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a donné acte à l’association France-Nature-Environnement du désistement de sa requête dirigée contre le décret attaqué ; que les requêtes à l’appui desquelles elle présente une intervention tendent à l’annulation de ce même décret ; que son intervention n’est, dès lors, pas recevable ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le département de la Charente-Maritime :

Considérant qu’eu égard à leur objet social, les associations requérantes justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le décret attaqué qui déclare d’intérêt général et d’utilité publique le barrage de la Trézence (Charente-Maritime) ;

Sur la légalité du décret attaqué :

Considérant qu’une opération ne peut légalement être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d’ordre social et les atteintes à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;

Considérant que le projet de barrage de la Trézence a pour objectifs, d’une part, de favoriser la production d’huîtres dans le bassin de Marennes-Oléron, d’autre part, de soutenir les débits d’étiage de la Charente et de la Boutonne ; qu’en revanche les avantages que le barrage pourrait présenter pour l’agriculture ne figurent pas parmi les objectifs de l’opération ;

Considérant, qu’il ressort du dossier soumis à l’enquête qu’alors que la production d’huîtres dans le bassin de Marennes-Oléron varie chaque année de 30% environ, son augmentation du fait de l’existence du barrage demeure aléatoire et serait, en tout état de cause, d’une très faible importance ; que les auteurs du projet admettent eux-mêmes que l’incidence du barrage sur la ponte des larves d’huîtres serait incertaine ; qu’ainsi, les bénéfices attendus pour l’ostréiculture apparaissent très limités ;

Considérant, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation du barrage de la Trézence permettrait de restaurer des débits satisfaisants de la Charente et de la Boutonne dès lors, notamment, que les quotas de prélèvements autorisés pour l’irrigation seraient augmentés ;

Considérant, que si le département de la Charente-Maritime fait en outre valoir que les plans d’eau créés par le barrage constitueront un facteur d’attraction touristique, il ressort de l’étude d’impact qu’il n’existe aucun projet de développement d’activités touristiques aux abords de la retenue ; qu’en outre l’accès au plan d’eau principal serait interdit en raison de la mauvaise qualité de ses eaux ; que, dans ces conditions, les conséquences positives du projet sur l’activité touristique ne sont pas établies ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que le projet de barrage de la Trézence ne présente qu’une faible utilité publique au regard des objectifs annoncés de cette opération ;

Considérant, en revanche, que le coût de l’opération, évalué à 67 millions d’euros, est élevé ; qu’en outre la notice explicative jointe au dossier de l’enquête indique que l’eau retenue dans le plan d’eau principal serait de mauvaise qualité, d’une couleur noire prononcée et susceptible de dégager des odeurs de méthane et d’hydrogène sulfuré liées à la décomposition de la matière organique ; que, de plus, la forte charge de cette eau en matière organique serait susceptible d’avoir des conséquences négatives sur les poissons vivant dans les cours d’eau situés en aval ainsi que sur les huîtres et les autres coquillages du bassin de Marennes-Oléron ;

Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que les inconvénients du projet l’emportent sur ses avantages dans des conditions de nature à lui faire perdre son caractère d’utilité publique ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes, les requérants sont fondés à demander l’annulation du décret du 29 janvier 2001 déclarant le barrage de la Trézence d’intérêt général et d’utilité publique ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, faute pour l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES-TOS de préciser la personne dont elle demande la condamnation au titre des dispositions précitées, ses conclusions ayant cet objet ne peuvent qu’être rejetées ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce que l’ASSOCIATION SOS-RIVIERES ET ENVIRONNEMENT, le PARTI "LES VERTS POITOU-CHARENTES", le PARTI "LES VERTS CHARENTE MARITIME" et l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES-TOS, qui ne sont pas les parties perdantes en la présente instance, soient condamnés à verser au département de la Charente-Maritime les sommes qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention présentée par l’association France-Nature-Environnement n’est pas admise.

Article. 2 : Le décret du 29 janvier 2001 est annulé.

Article. 3 : Les conclusions présentées par l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES-TOS et par le département de la Charente-Maritime tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article. 4 : la présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION SOS-RIVIERES ET ENVIRONNEMENT, à Mme Maryvonne L., à M. Jean-Pierre P., au PARTI "LES VERTS POITOU-CHARENTES", au PARTI "LES VERTS CHARENTE MARITIME", à M. Claude M., à l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES-TOS, à Mme Maryvonne L., à M. Jean-Pierre P., au Premier ministre, au département de la Charente-Maritime, au ministre de l’écologie et du développement durable, au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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