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Conseil d’Etat, Assemblée, 17 octobre 2003, n° 258487, Consultation des électeurs de Corse

Pour déterminer si ces irrégularités ont été susceptibles d’affecter le résultat de la consultation, il y a lieu pour le Conseil d’Etat de rechercher s’il peut être tenu pour certain - quel qu’ait été le sens des suffrages dont il n’est pas établi que l’annulation par les bureaux de vote ait été faite à bon droit ou dont l’expression a été irrégulière , qu’en l’absence de ces irrégularités le nombre des "non" serait demeuré supérieur à celui des "oui".

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 258487, 258626

CONSULTATION DES ELECTEURS DE CORSE

M. Larrivé
Rapporteur

Mme Boissard
Commissaire du gouvernement

Séance du 17 octobre 2003
Lecture du 17 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d’Etat, statuant au contentieux

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le n° 258487, la requête, enregistrée le 15 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Vincent CICCADA ; M. César FILIPP ; M. Jean-Valère GERONIMI ; Mme Mireille LANFRANCHI ; M. Paul-Joseph QUASTANA, demeurant Résidence La Gravona, bâtiment 3, Chemin de Biancarello à Ajaccio (20000) ; M. Gérard Georges ROMITI ; M. Marcel SIMEONI ; M. Jean-Guy TALAMONI ; M. Eric Léo SIMONI ; M. Ange François SIMONI ; M. Henri-Toussaint PALAZZO ; Mme Jeanine CORRIERI ; M. Pierre-José FILIPUTTI, demeurant à Sera Di Ferro (20140) ; M. Jean Marc LANFRANCHI, M. Jacques Marc FAGGIANELLI ; M. Alain SIMONI ; M. René BERETINI ; M. Paul-Mathieu LEONETTI ; M. Pierre PAOLI ; M. François Roch SARGENTINI, ; M. Maurice GIUDICELLI ; M. Paul MEDURIO ; M. CICCADA et autres demandent au Conseil d’Etat d’annuler le résultat de la consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse, qui s’est tenue le 6 juillet 2003 en application de la loi n° 2003-486 du 10 juin 2003 ;

Vu 2°), sous le n° 258626, la requête, enregistrée le 17 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Toussaint LUCIANI ; M. LUCIANI demande au Conseil d’Etat d’annuler le résultat de la consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse, qui s’est tenue le 6 juillet 2003 en application de la loi n° 2003-486 du 10 juin 2003 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 72-1 ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 2003-486 du 10 juin 2003, organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse ;

Vu le décret n° 2003-498 du 13 juin 2003 portant convocation des électeurs de Corse en application de la loi n° 2003-486 du 10 juin 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Larrivé, Auditeur,
- les observations de la SCP Boutet, avocat de M. ZUCCARELLI, de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. ALFONSI et de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. Luciani,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’en vertu de la loi du 10 juin 2003, une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse s’est tenue le 6 juillet 2003 ; qu’aux termes du résultat proclamé le 7 juillet 2003 par la commission de contrôle de la consultation, 54 967 suffrages ont été exprimés en faveur du "oui" et 57 205 suffrages en faveur du "non" ;

Considérant que le Conseil d’Etat, compétent pour connaître des protestations formées contre le résultat de la consultation en application de l’article 17 de la loi du 10 juin 2003, a été saisi de telles requêtes par M. CICCADA et autres, d’une part, et par M. LUCIANI, d’autre part ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les interventions des maires de Giuncheto, Propriano, Zevaco et Zonza :

Considérant qu’eu égard tant à l’objet de la consultation qu’aux dispositions de l’article 17 de la loi du 10 juin 2003, les communes ne justifient d’aucun intérêt qui leur soit propre leur permettant d’intervenir à l’appui d’une requête formée contre le résultat de cette consultation ; qu’ainsi les interventions des maires de Propriano et Zonza, présentées au nom de leur commune, ne sont pas recevables ;

Considérant qu’une intervention ne peut être admise que si son auteur s’associe soit aux conclusions du requérant, soit à celles d’un défendeur ; que les interventions des maires de Giuncheto et Zevaco, qui se bornent à indiquer que les opérations électorales qui se sont déroulées dans leur commune ne sont entachées d’aucune irrégularité, ne sont, par suite, pas recevables ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par MM. ZUCCARELLI et ALFONSI ;

Sur les conclusions de M. ZUCCARELLI tendant à ce qu’il soit sursis à statuer jusqu’à ce que le juge pénal se soit prononcé sur la plainte déposée par M. LUCIANI devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio :

Considérant que les instances pénales relatives à des faits relevés au cours d’un scrutin sont indépendantes de l’examen des protestations présentées, dans les formes et délais prévus à cet effet, devant la juridiction administrative contre le résultat de ce scrutin ; que, dès lors, ces conclusions doivent être rejetées ;

Au fond :

I. En ce qui concerne les griefs relatifs à la campagne électorale :

Considérant que les griefs relatifs à la campagne précédant la consultation des électeurs de Corse doivent être examinés en tenant compte des caractéristiques d’une telle consultation, relative au statut particulier d’une collectivité territoriale, dont l’organisation a été décidée, conformément à l’article 72-1 de la Constitution, par une loi qui formulait la question soumise aux électeurs ; que, pour apprécier si la sincérité du scrutin n’a pas été altérée, il convient de prendre en considération l’expression des partisans du vote "oui" et celle des partisans du vote "non", compte tenu de l’ensemble des positions prises et des moyens mis en œuvre en vue de convaincre les électeurs de Corse, tant au sein de la collectivité intéressée que sur le plan national ;

1. Sur le respect des prescriptions de l’article L. 52-1 du code électoral :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral : "(…) l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite" et qu’aux termes du deuxième alinéa : "(…) aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin" ; qu’en vertu de l’article 5 de la loi du 10 juin 2003, les dispositions précitées ont été rendues applicables à la consultation des électeurs de Corse à partir du 11 juin 2003 ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’encart publicitaire inséré dans l’édition du 24 mai 2003 du quotidien "Corse Matin", par lequel le président du conseil général de la Corse du sud a adressé des félicitations au club de football d’Ajaccio, n’a pas méconnu, en tout état de cause, les dispositions susmentionnées ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la publication, dans l’édition du 30 juin 2003 du quotidien "Corse Matin", d’un encart publicitaire de l’Association pour la défense des droits de la Corse dans la République, intitulé "Consultation du 6 juillet : les raisons de dire non", doit être regardée comme une publicité commerciale prohibée par les dispositions du premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral ; que toutefois, cette irrégularité n’a pas été de nature à altérer le résultat de la consultation dès lors que les partisans du vote "oui" ont eu la possibilité, dans les cinq jours précédant le scrutin, de répondre aux arguments ainsi diffusés ;

Considérant que si les encarts relatifs aux actions du conseil général de la Corse du sud qui ont été publiés dans les éditions des mois de mai et juin 2003 du magazine "Corsica", diffusées en partie après le 11 juin 2003, peuvent être regardés comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations de cette collectivité au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, cette irrégularité n’a pas été, en l’espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin, eu égard au contenu anodin des pages en cause et au caractère limité de leur diffusion ;

Considérant, enfin, que s’il résulte de l’instruction que le numéro de la publication "Terres du sud" daté des mois d’avril et mai 2003, diffusé en partie après le 11 juin 2003, comprenait certains éléments de propagande électorale, en ce que l’éditorial du président du conseil général de la Corse du sud présentait la position de ce dernier en faveur du vote "non" et qu’un argumentaire en faveur du vote "oui" était présenté par un autre élu du conseil général, ces éléments de propagande, publiés dans un périodique d’informations départementales, ne peuvent être regardés comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion du département de la Corse du sud au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral ;

2. Sur le respect des prescriptions du code électoral relatives à l’affichage électoral :

Considérant qu’en application du troisième alinéa de l’article L. 51 du code électoral, applicable à la campagne en cause à partir du 11 juin 2003, en vertu de l’article 5 de la loi du 10 juin 2003, tout affichage à caractère électoral est interdit en dehors des emplacements spéciaux réservés par l’autorité municipale ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’une banderole portant la mention "Bastia dit non à la suppression des départements", a été exposée pendant plusieurs jours sur la façade de l’hôtel de ville de Bastia ; que cette violation des dispositions de l’article L. 51 du code électoral n’a toutefois pas été de nature à vicier la sincérité de la consultation, dès lors, d’une part, que la banderole illégalement affichée a été retirée le 23 juin 2003, lors de l’ouverture de la campagne électorale, à la demande du président de la commission de contrôle de la consultation et que, d’autre part, certains partisans du vote "oui" ont commis des abus analogues en procédant, dans diverses communes de Corse, à des affichages en dehors des emplacements spéciaux ;

3. Sur les autres griefs relatifs à la campagne électorale :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. ALFONSI, en qualité de sénateur élu dans la circonscription de la Corse du sud, a adressé à des élus de ce département, par une lettre en date du 30 mai 2003 comportant l’en-tête du Sénat et diffusée en faisant usage de la franchise postale parlementaire, copie du discours qu’il a prononcé au Sénat lors de la séance publique relative à l’examen du projet de loi organisant la consultation des électeurs de Corse ; qu’un tel envoi, d’ailleurs antérieur de plusieurs semaines à la date d’ouverture de la campagne électorale le 23 juin 2003, relève de l’exercice, par M. ALFONSI, de son mandat parlementaire ; que dans les circonstances de l’espèce, ce courrier ne peut être regardé, contrairement à ce que soutiennent les requérants, comme une pression de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant que, de même, M. ZUCCARELLI, en qualité de député élu dans une circonscription de Haute-Corse, a adressé à des élus de ce département, par un courrier en date du 28 mai 2003 comportant l’en-tête de l’Assemblée nationale et diffusé en faisant usage de la franchise postale parlementaire, une lettre appelant à voter "non" ; qu’il a également diffusé, selon les mêmes modalités, une lettre datée du 20 juin 2003 annonçant une réunion publique ainsi que, après l’ouverture de la campagne électorale, un courrier en date du 25 juin 2003, largement diffusé à des élus et des électeurs et comportant l’envoi d’un tract en faveur du vote "non" ; que si ces courriers doivent être regardés comme des éléments de propagande électorale, il ne résulte pas de l’instruction que, dans les circonstances de l’espèce, cette correspondance ait, contrairement à ce que soutiennent les requérants, revêtu le caractère d’une pression de nature à fausser la sincérité du scrutin, dès lors que les partisans du vote "oui" n’étaient pas dans l’impossibilité d’y répondre ;

Considérant que le président du conseil général de la Corse du sud a fait adresser aux 850 agents du département, le 25 juin 2003, une note envisageant les conséquences qu’aurait, selon lui, pour chaque agent, en fonction de son statut, l’évolution institutionnelle proposée par le gouvernement ; que si cette note, qui avait pour objet de conduire au vote "non" en suscitant des craintes quant au projet de création d’une collectivité unique absorbant les départements, a pu exercer une influence sur les électeurs, elle avait pour objet d’informer les agents du conseil général des conséquences de la suppression du département envisagée par le projet soumis à consultation ; que cette note, rédigée en termes mesurés, ne peut, dans les circonstances de l’espèce, être regardée, bien qu’adressée par des voies administratives à des agents soumis à l’autorité du président du conseil général, comme ayant influé sur le scrutin alors surtout que, postérieurement, des prises de position, au moins autant susceptibles d’influer, elles, en faveur du "oui", ont été formulées et diffusées à l’ensemble des maires des communes des deux départements par le ministère de l’intérieur quant à la possibilité d’une majoration des subventions allouées aux communes "en cas de création d’une collectivité unique de Corse" ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les faits relatifs à la campagne électorale, pris dans leur ensemble, n’ont pu, compte tenu de la nature particulière d’une telle consultation, vicier son résultat ;

II. En ce qui concerne les griefs relatifs aux conditions d’expression, de dépouillement et de décompte des suffrages :

1. Sur les griefs tirés de l’existence d’une fraude massive dans les bureaux de vote des communes de Canavaggia et Furiani :

Considérant que, contrairement aux allégations de M. LUCIANI, il ne résulte pas de l’instruction qu’une fraude massive, de nature à priver le juge de la consultation de la possibilité d’exercer son contrôle sur les résultats constatés dans ces communes, ait été mise en œuvre dans ces bureaux de vote ;

2. Sur le grief tiré du défaut de transmission, aux préfectures, des listes d’émargement des communes de Catteri, Pietroso et Quasquara :

Considérant que la circonstance que les listes d’émargement des communes de Catteri, Pietroso et Quasquara, qui ont été régulièrement signées par les membres des bureaux de vote, n’ont pas été transmises aux préfectures immédiatement après le dépouillement du scrutin, en méconnaissance de l’article L. 68 du code électoral, ne peut être regardée, par elle-même, en l’absence de toute autre irrégularité, comme constitutive d’une manœuvre de nature à fausser les résultats du scrutin constatés dans ces bureaux de vote ;

3. Sur les griefs tirés de l’irrégularité des opérations de dépouillement :

Considérant que la seule circonstance que les procès-verbaux de quinze bureaux de vote ne mentionnent pas le nom ou le nombre des scrutateurs ou ne font état que d’un nombre de ces derniers insuffisant au regard de l’article L. 65 du code électoral n’est pas de nature, en l’espèce, à vicier le résultat du scrutin dans ces bureaux, dès lors que, à défaut de scrutateurs en nombre suffisant, le bureau de vote peut, en vertu de l’article R. 64 du code électoral, participer au dépouillement ;

Considérant que, contrairement aux allégations de M. LUCIANI, il ne résulte pas de l’instruction qu’en l’absence de toute observation portée sur les procès-verbaux de ces bureaux, de ceux des commissions départementales de recensement et de celui de la commission de contrôle, dont les délégués ont assisté aux opérations de dépouillement dans certains de ces bureaux, les opérations de dépouillement dans les bureaux de vote de 24 communes de Corse du sud et de 43 communes de Haute-Corse aient été entachées de quelque autre irrégularité ; qu’en particulier, il n’est pas établi que les présidents de ces bureaux auraient seuls procédé au dépouillement, en méconnaissance des dispositions des articles L. 65 et R. 65 du code électoral, ni que les membres de ces bureaux n’auraient pas signé la liste d’émargement dès la clôture du scrutin, comme le prévoient les dispositions de l’article R. 62 du code électoral ; que, de même, le grief tiré de que la disposition des tables de dépouillement n’aurait pas permis aux électeurs de circuler autour de ces tables, comme l’impose l’article R. 63 du code électoral, n’est assorti d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

4. Sur les griefs touchant au décompte des bulletins blancs et nuls :

Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la loi du 10 juin 2003 : "Les bulletins de vote autres que ceux fournis par l’Etat, les bulletins trouvés dans l’urne sans enveloppe ou dans une enveloppe non réglementaire, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions quelconques n’entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau de vote./ Chacun des bulletins ou enveloppes annexés porte mention des causes de l’annexion." ;

Considérant que, pour 97 bureaux de vote de Corse du sud et pour 86 bureaux de vote de Haute-Corse, l’examen des bulletins et enveloppes annexés au procès-verbal fait apparaître que ces bulletins et enveloppes n’ont pas été revêtus du paraphe des membres du bureau de vote ou de la mention de la cause de leur annexion ; que l’examen des documents annexés corrobore toutefois la description qui en est faite par les procès-verbaux des bureaux concernés ; que dans ces conditions, la circonstance que les bulletins en cause n’ont pas été paraphés ou ne comportent pas la mention de la cause de leur invalidation n’est pas, à elle seule, de nature à infirmer le bien-fondé de leur annulation par le bureau de vote ;

Considérant, en revanche, qu’en violation des dispositions de l’article 14 de la loi du 10 juin 2003, dans douze bureaux de vote de Corse du sud et douze bureaux de vote de Haute-Corse, les bulletins et enveloppes déclarés nuls n’ont pas été annexés aux procès-verbaux de ces bureaux ; que ces défauts d’annexion, qui concernent 149 suffrages, placent le juge de la consultation dans l’impossibilité de contrôler le bien-fondé de ces annulations ;

Considérant, de même, que pour 29 bureaux de vote de Corse du sud et 35 bureaux de vote de Haute-Corse, l’examen des pièces versées au dossier ne permet pas davantage de tenir pour établi que 472 suffrages ont été déclarés nuls à bon droit ; qu’en effet l’examen des pièces annexées aux procès-verbaux fait apparaître que ces pièces n’ont pas été revêtues des paraphes et mentions prescrits par l’article 14 de la loi du 10 juin 2003, et que le recoupement de ces pièces avec les indications portées aux procès-verbaux ne permet pas au juge de la consultation de s’assurer du bien-fondé de ces annulations ;

Considérant qu’ainsi, en conséquence de la méconnaissance des prescriptions de l’article 14 de la loi du 10 juin 2003, le bien-fondé de l’annulation de 621 suffrages ne peut être établi ;

5. Sur les griefs relatifs à la régularité des émargements :

Considérant que les griefs tirés de ce que les listes d’émargement des bureaux de vote n°s 1 à 6 de Bastia et des bureaux de vote n°s 2 et 3 de Propriano comprendraient des signatures identiques en face de noms d’électeurs différents ainsi que des émargements exagérément sommaires ou limités à une croix ne sont pas recevables, faute pour M. LUCIANI d’avoir soulevé ces griefs, pour ces bureaux de vote, avant l’expiration du délai de recours de dix jours fixé par l’article 17 de la loi du 10 juin 2003 ; que la circonstance que le protestataire avait déclaré, dans son mémoire introductif d’instance, se réserver la possibilité de présenter des griefs nouveaux jusqu’à la clôture de l’instruction, est sans incidence possible sur les effets de l’expiration du délai prévu par la loi ;

Considérant que, s’agissant d’autres bureaux, il résulte de l’instruction que, pour 110 électeurs, des signatures identiques peuvent être relevées en face des noms d’électeurs différents, sans mention d’une procuration sur la liste d’émargement ni production, devant le juge de l’élection, du volet de procuration correspondant, ni indication, pour les électeurs qui n’auraient pas signé eux-mêmes, de ce qu’ils auraient été dans l’impossibilité de le faire ; que les attestations produites ultérieurement par certains de ces électeurs, qui indiquent avoir signé personnellement la liste d’émargement ou produisent des copies de documents d’identité, ne permettent pas, en l’espèce, de tenir pour établie l’authenticité de l’émargement qui figure en face de leur nom ; que, par ailleurs, pour 15 électeurs, les signatures relevées sur les listes d’émargement sont manifestement différentes de celles figurant sur les attestations par lesquelles ces électeurs affirment avoir voté, ou sur les documents d’identité qu’ils fournissent ; que, enfin, 14 électeurs n’ont émargé que d’une croix ;

Considérant qu’ainsi, en conséquence des irrégularités affectant les émargements, 139 suffrages ont été irrégulièrement exprimés ;

6. Sur les griefs relatifs aux votes par procuration :

Quant au grief tiré de l’irrégularité des mentions relatives aux votes par procuration figurant sur les listes d’émargement :

Considérant que s’il résulte de l’instruction que, dans deux bureaux de vote, les indications prévues par les deux premiers alinéas de l’article R. 76 du code électoral n’ont pas été portées à l’encre rouge, mais à l’encre noire, par un moyen informatique, et en utilisant des caractères distincts de ceux utilisés pour l’édition des autres indications figurant sur la liste, cette pratique est autorisée par les dispositions du quatrième alinéa de l’article R. 76 ; que l’allégation de M. LUCIANI selon laquelle, pour plus de 400 suffrages, le nom du mandataire n’aurait pas été inscrit sur la liste d’émargement à côté du nom du mandant et la mention de la procuration n’aurait pas été portée à côté du nom du mandataire, manque en fait ; que toutefois, pour 15 suffrages, l’absence des mentions réglementaires sur la liste d’émargement a été de nature à priver les électeurs de la faculté d’exercer leur contrôle ; qu’ainsi les 15 suffrages émis au moyen de procurations non mentionnées sur les listes d’émargement doivent être regardés comme ayant été irrégulièrement exprimés ;

Quant au grief tiré de l’irrégularité de l’établissement des procurations :

Considérant que le grief tiré de l’irrégularité de votes par procuration n’est recevable que s’il est assorti, dans le délai de saisine du juge de l’élection, de précisions suffisantes ; qu’en l’espèce, le grief tiré de l’irrégularité de l’établissement de procurations à Ajaccio n’est pas recevable, faute pour M. LUCIANI d’avoir précisé, avant l’expiration du délai de recours de dix jours fixé par l’article 17 de la loi du 10 juin 2003, le nom des électeurs dont il entendait contester le suffrage ; qu’il en est de même du grief tiré de l’irrégularité des votes émis dans 24 bureaux de vote de communes de Corse du sud au moyen de procurations dont M. LUCIANI a contesté, sans préciser le nom des électeurs dont il entendait contester le suffrage, qu’elles aient été régulièrement établies ;

Considérant que M. LUCIANI conteste la régularité de l’établissement de procurations au regard des dispositions des articles L. 71, R. 72, R. 73 et R. 75 du code électoral ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que 21 électeurs ont voté en usant de procurations établies par un acte dressé devant un fonctionnaire de police ou un militaire de la gendarmerie nationale n’ayant pas la qualité d’officier de police judiciaire, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article R. 72 du code électoral ; que, par suite, les votes émis au moyen de ces 21 procurations ont été irrégulièrement exprimés ;

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 75 du code électoral : "L’autorité devant laquelle est dressée la procuration, après avoir porté mention de celle-ci sur un registre spécial ouvert par ses soins, indique sur les volets et le talon ses nom et qualité et les revêt de son visa et de son cachet." ; que par cette formalité l’autorité atteste que l’électeur a comparu devant elle et qu’elle a procédé aux vérifications qui lui incombent et met le juge de la consultation en mesure, en cas de contestation, d’exercer son contrôle ; qu’est dès lors nul tout acte de procuration qui ne porte pas les mentions permettant d’identifier l’autorité devant laquelle il a été dressé ; qu’il est constant qu’une des procurations contestées par M. LUCIANI ne comportait pas le cachet de l’autorité devant laquelle elle a été dressée et qu’il n’est pas établi que cette omission ait constitué une simple erreur matérielle ; que, par suite, le vote émis au moyen de cette procuration a été irrégulièrement exprimé ;

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 72 du code électoral : "Les officiers de police judiciaire compétents pour établir les procurations, ou leurs délégués, se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d’infirmités graves, ne peuvent manifestement comparaître devant eux" ; que l’article R. 73 du même code prévoit que "dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article R. 72, la demande doit être formulée par écrit (...)" ; qu’il résulte de l’instruction que 11 des procurations contestées par M. LUCIANI ont été établies, au domicile de l’électeur, sans qu’une demande écrite ait été établie ou sans que cette demande porte la signature de cet électeur ; que, par suite, les votes émis au moyen de ces 11 procurations ont été irrégulièrement exprimés ;

Considérant qu’en application de l’article R. 73 du code électoral, les électeurs demandant à voter par procuration doivent fournir à l’appui de leur demande une attestation ou, le cas échéant, des justifications permettant de regarder les mandants comme entrant dans l’une des catégories d’électeurs admis à voter par procuration en vertu de l’article L. 71 du même code ; qu’il résulte de l’instruction que 22 procurations contestées par M. LUCIANI ont été accordées au vu de billets d’avion ou de bateau établis au nom des intéressés, et présentés par ces derniers qui, dans les circonstances de l’espèce, doivent ainsi être regardés comme remplissant les conditions prévues par les dispositions des I et III de l’article L. 71 ; qu’en revanche, il résulte de l’instruction que 15 procurations contestées par M. LUCIANI ont été établies sans que des pièces justificatives suffisantes aient été produites ; que, par suite, les votes émis au moyen de ces 15 procurations ont été irrégulièrement exprimés ;

Considérant qu’ainsi, en conséquence des irrégularités affectant la mention de procurations sur les listes d’émargement et de celles qui ont vicié l’établissement de procurations, les suffrages émis au moyen de 63 procurations ont été irrégulièrement exprimés ;

7. Sur les conséquences à tirer des irrégularités tenant au décompte des bulletins blancs et nuls, aux émargements et aux votes par procuration :

Considérant que le procès-verbal établi par la commission de contrôle de la consultation a fixé à 54 967 le nombre de voix obtenues par le "oui" et à 57 205 le nombre de voix obtenues par le "non" ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, d’une part, que c’est à tort que 621 suffrages ont été déclarés nuls, d’autre part, que 202 suffrages pris en compte pour le calcul des "oui" et des "non" ont été irrégulièrement émis ;

Considérant que, pour déterminer si ces irrégularités ont été susceptibles d’affecter le résultat de la consultation, il y a lieu pour le Conseil d’Etat de rechercher s’il peut être tenu pour certain - quel qu’ait été le sens des suffrages dont il n’est pas établi que l’annulation par les bureaux de vote ait été faite à bon droit ou dont l’expression a été irrégulière , qu’en l’absence de ces irrégularités le nombre des "non" serait demeuré supérieur à celui des "oui" ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, aucun des 621 suffrages déclarés nuls à tort ne peut, en raison de l’impossibilité d’établir l’authenticité des bulletins annexésaux procès-verbaux, être attribué, de façon certaine, soit au "oui", soit au "non" ; qu’à supposer même que la totalité de ces 621 suffrages soient ajoutés aux 54 967 voix obtenues par le "oui" et que la totalité des 202 suffrages irrégulièrement émis soient déduits des 57 205 voix obtenues par le "non", le nombre des "oui", ainsi porté de 54 967 à 55 588 voix (54 967 + 621), demeurerait inférieur à celui des "non", même ramené de 57 205 à 57 003 voix (57 205 - 202) ; que dans cette hypothèse, l’écart entre le "non" et le "oui", qui était de 2 238 suffrages (57 205 - 54 967), s’élèverait encore à 1 415 suffrages (57 003 - 55 588) ; qu’ainsi le résultat serait inchangé, le "non" continuant de l’emporter ;

III. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. CICCADA et autres et M. LUCIANI ne sont pas fondés à demander l’annulation du résultat de la consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse ;

Sur les conclusions de MM. ALFONSI et ZUCCARELLI tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. CICCADA et autres et M. LUCIANI à verser à MM. ALFONSI et ZUCCARELLI les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les interventions des maires de Giuncheto, Propriano, Zevaco et Zonza ne sont pas admises.

Article 2 : Les requêtes de M. CICCADA et autres et de M. LUCIANI sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de MM. ALFONSI et ZUCCARELLI tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à MM. Vincent CICCADA, René BERETINI, Mme Jeanine CORRIERI, MM. Jacques Marc FAGGIANELLI, César FILIPPI, Pierre-José FILIPUTTI, Jean-Valère GERONIMI, Maurice GIUDICELLI, Jean-Marc LANFRANCHI, Paul-Mathieu LEONETTI, Mme Mireille LANFRANCHI, MM. Paul MEDURIO, Henri-Toussaint PALAZZO, Pierre PAOLI, Paul-Joseph QUASTANA, Gérard Georges ROMITI, François Roch SARGENTINI, Marcel SIMEONI, Alain SIMONI, Ange François SIMONI, Eric Léo SIMONI, Jean-Guy TALAMONI, à M. Toussaint LUCIANI, à MM. Nicolas ALFONSI, Jérôme POLVERINI, Jean-François PROFIZI, Noël SARROLA, Emile ZUCCARELLI, aux maires de Giuncheto, Propriano, Zevaco et Zonza et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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