CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 232238
M. H.
Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur
Mme Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement
Séance du 2 juillet 2003
Lecture du 30 juillet 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et lère sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 avril 2001, 6 août 2001 et 3 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés pour M. Fernand H. ; M. H. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt en date du 1er février 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation du jugement du ler décembre 1998, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 23 octobre 1997 du ministre de l’intérieur prononçant sa révocation ;
2°) de juger l’affaire au fond et d’annuler l’arrêté du ministre de l’intérieur en date du 23 octobre 1997 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ensemble le protocole additionnel n° 7 à ladite convention ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée ;
Vu le décret n° 84961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique
le rapport de Mme Imbert-Quaretta, Conseiller d’État,
les observations de la SCP Garaud-Gaschignard, avocat de M. H.,
les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête
Considérant que, pour rejeter l’appel dont elle était saisie par M. H., la cour administrative d’appel de Nancy s’est notamment fondée sur ce que la décision de révocation attaquée avait pu, sans erreur de droit, être assortie de la suspension des droits à pension ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment de l’arrêté attaqué en date du 23 octobre 1997, que la révocation de M. H. n’est pas assortie de la suspension des droits à pension ; qu’ainsi, la cour administrative d’appel a fondé son arrêt sur des faits matériellement inexacts ; que, dès lors, M. H. est fondé à en demander l’annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
Considérant que la procédure au terme de laquelle le ministre de l’intérieur exerce son pouvoir disciplinaire n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article est inopérant ;
Considérant qu’aux termes de l’article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État : « Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) » ; que si M. H., qui était détenu, n’a pas été personnellement entendu par le conseil de discipline, ce dernier n’ayant pas jugé nécessaire de requérir son extraction, il a, cependant, pu faire valoir ses observations par écrit et se faire représenter par le défenseur de son choix devant ledit conseil ; que, dès lors, M. H. n’est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées ont été méconnues ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. H., lieutenant de police, a soustrait une somme de 43 800 F au domicile d’une personne décédée chez laquelle il s’était rendu dans l’exercice de ses fonctions ; qu’il a rédigé de faux procès-verbaux pour dissimuler ses agissements ; que ces faits sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu’eu égard à la gravité des fautes commises, le ministre de l’intérieur, en prononçant à l’encontre de M. H. la sanction de révocation, alors même que l’intéressé faisait état de difficultés personnelles, n’a pas entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit dessus, l’arrêté du ministre en date du 23 octobre 1997 n’emporte aucune suspension des droits à pension de M. H. ; que le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives à la suspension des droits à pension, ne peut qu’être écarté ;
Considérant que les procédures pénales et disciplinaires engagées à l’occasion d’un acte ou d’un comportement reprochés à un fonctionnaire ont des objectifs différents et sont indépendantes l’une de l’autre ; qu’ainsi, dans le cas où une condamnation pénale à une peine d’emprisonnement est assortie de la peine complémentaire de l’interdiction d’exercer des fonctions administratives pendant cinq ans, les stipulations de l’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui prohibent le fait d’être jugé et condamné deux fois pour les mêmes faits, ne font pas obstacle au prononcé d’une mesure disciplinaire de révocation en application de l’article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. H. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 23 octobre 1997 par lequel le ministre de l’intérieur a prononcé sa révocation ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy en date du 1er février 2001 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. H. devant la cour administrative d’appel de Nancy est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Fernand H. et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.