COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
N° 01BX02512
Mme S.
M. de Malafosse
Président Rapporteur
M. Rey
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 27 mai 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
(2ème chambre)
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 15 novembre 2001, présentée pour Mme S. ;
Mme S. demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 3 mai 2001 en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du préfet de la Creuse du 19 décembre 2000 refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d’annuler cette décision préfectorale ;
3°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer, dans les dix jours de l’arrêt à intervenir, un titre de séjour résident et, subsidiairement, un titre temporaire d’autorisation de travail, sous astreinte de 2 000 F par jour de retard ;
4°) de condamner l’Etat au paiement d’une indemnité de 17 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du refus de titre de séjour ;
5°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles, subsidiairement à verser à Maître Malabre, son avocat, la somme de 2 000 euros, ledit avocat renonçant dans cette hypothèse à l’indemnité d’aide juridictionnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 29 avril 2003 :
le rapport de M. de Malafosse ;
les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que si le président du tribunal administratif de Limoges a, par une ordonnance du 29 décembre 2000, rejeté les conclusions à fin de sursis à exécution que Mme S. avait formées à l’encontre d’une décision du préfet de la Creuse du 22 août 2000 refusant d’instruire sa demande de titre de séjour, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que ce même président préside la formation de jugement devant statuer sur les conclusions à fin d’annulation dirigées par Mme S. contre la décision distincte du préfet de la Creuse en date du 19 décembre 2000 refusant, après instruction de sa demande, de lui délivrer un titre de séjour ; que cette décision du 19 décembre 2000 est seule en litige en appel ; que, par suite, le moyen tiré de l’atteinte au principe d’impartialité ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en relevant que Mme S. ne pouvait pas être regardée comme étant à la charge de sa fille au sens du 2° de l’article 15 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, le tribunal administratif s’est borné à répondre à un moyen invoqué par la requérante et n’a pas soulevé un moyen d’ordre public justifiant la mise en œuvre des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative ; qu’en examinant la pertinence dudit moyen au vu des éléments contenus dans le dossier et ce, alors même que l’administration n’avait pas déposé de mémoire en défense relatif aux conclusions dirigées par Mme S. contre la décision préfectorale du 19 décembre 2000, le tribunal administratif n’a violé ni les dispositions de l’article R. 612-6 dudit code, ni le principe du contradictoire ;
Considérant, enfin, que la circonstance que le tribunal administratif n’a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet n’avait pu légalement opposer le défaut de visa de long séjour n’a pas entaché d’insuffisance de motivation le jugement attaqué, dès lors que ce moyen était inopérant ;
Sur la légalité de la décision du préfet de la Creuse du 19 décembre 2000 :
Considérant qu’aux termes de l’article 15 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Sauf si la présence de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : ... 2° A l’enfant étranger d’un ressortissant de nationalité française (...) Ainsi qu’aux ascendants d’un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge (...). " ; qu’aux termes de l’article 12 bis de la même ordonnance : " sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... A l’étranger... dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu’enfin, aux termes de l’article 12 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour... La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l’article 15 " ; qu’il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui s’en prévalent ;
Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que Mme S., qui perçoit une rémunération en tant que pré-retraitée de l’administration des télécommunications malgache, n’est pas dépourvue de ressources ; qu’il n’apparaît pas que, pour modiques qu’elles soient, ces ressources l’empêchaient, lorsqu’elle était à Madagascar, de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants à charge ; que si la requérante fait état de mandats qui lui ont été envoyés avant sa venue en France par sa fille de nationalité française, il n’en résulte pas pour autant qu’elle était à la charge de celle-ci lorsqu’elle vivait à Madagascar ; que Mme S. n’est, dès lors, pas fondée à soutenir qu’elle entre dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article 15 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; que si le préfet a également invoqué dans sa décision le refus du consulat de délivrer un visa de long séjour à l’intéressé, il ressort du dossier qu’il aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que l’intéressée n’était pas à la charge de sa fille ;
Considérant, d’autre part, que trois des cinq enfants de Mme S., dont deux enfants mineurs, vivent à Madagascar ; que, dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision préfectorale contestée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article 12 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu’elle soutient, Mme S. n’était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir un titre de séjour en application du 2° de l’article 15 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ou en application du 7° de l’article 12 bis de cette même ordonnance ; que, par suite, le préfet n’était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que Mme S. n’est, en définitive, pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions à fin d’annulation de la décision du préfet de la Creuse du 19 décembre 2000 ;
Sur les autres conclusions de la requête :
Considérant que le rejet des conclusions de Mme S. à fin d’annulation de la décision préfectorale litigieuse entraîne le rejet de ses conclusions à fin d’injonction, de ses conclusions indemnitaires, de ses conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles, ainsi que des conclusions subsidiaires présentées par son avocat sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme S. est rejetée, ainsi que les conclusions subsidiaires de son avocat présentées sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.