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Conseil d’Etat, 30 juin 2003, n° 248347, Mouvement des entreprises de France et autres

Il résulte de la combinaison des articles L. 131-1 et L. 132-1 du code du travail que les conventions et accords collectifs s’inscrivent dans le cadre des relations collectives entre employeurs et salariés et ont vocation à traiter de l’ensemble des conditions d’emploi et de travail des salariés ainsi que de leurs garanties sociales. Il ressort des dispositions de l’article L. 133-8 du même code qu’il appartient au ministre chargé du travail, après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective, d’exclure de l’extension d’une convention ou d’un accord collectif les clauses qui seraient en contradiction avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur, ou de subordonner l’extension à des réserves ayant pour effet de priver d’application les stipulations qui seraient contraires aux lois et règlements, sous réserve qu’il ne porte pas ainsi atteinte à l’économie générale de la convention.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 248347

MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE et autres

Mlle Courrèges
Rapporteur

Mlle Fombeur
Commissaire du gouvernement

Séance du 4 juin 2003
Lecture du 30 juin 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE, dont le siège est 31, avenue Pierre 1er de Serbie à Paris cedex 16 (75784), représentée par son président en exercice, la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, dont le siège est 10, terrasse Bellini à Puteaux (92806), représentée par son président en exercice, la FEDERATION FRANCAISE DU BATIMENT, dont le siège est 33, avenue Kléber à Paris 16e (75854), représentée par son président en exercice et l’UNION DES INDUSTRIES ET METIERS DE LA METALLURGIE, dont le siège est 56, avenue de Wagram à Paris cedex 17 (75854), représentée par son président en exercice ; le MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêté du 25 avril 2002 portant extension de l’accord du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social dans l’artisanat ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer au juge judiciaire compétent la question préjudicielle tenant à la validité des stipulations dudit accord ;

3°) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 11 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat du MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE et autres, de Me Choucroy, avocat de l’Union professionnelle artisanale (U.P.A.) et autres et de Me Luc-Thaler, avocat de la Confédération française des travailleurs chrétiens (C.F.T.C.),
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Sur les moyens relatifs à la régularité de la procédure d’extension de l’accord du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social dans l’artisanat :

En ce qui concerne la régularité de l’avis exigé par l’article L. 133-14 du code du travail :

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 133-14 du code du travail que l’arrêté d’extension d’une convention collective doit être précédé de la publication d’un avis relatif à l’extension envisagée invitant les organismes professionnels et toutes personnes intéressées à faire connaître au ministre chargé du travail leurs observations ; que, selon l’article R. 133-1, les organisations et les personnes intéressées disposent d’un délai de quinze jours à compter de la publication de l’avis au Journal officiel pour présenter leurs observations ;

Considérant, en premier lieu, que le ministre de l’emploi et de la solidarité a fait paraître au Journal officiel du 25 janvier 2002 un avis relatif à l’extension envisagée de l’accord du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social dans l’artisanat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que seul le ministre de l’agriculture aurait satisfait à l’exigence posée par l’article L. 133-14 du code du travail manque en fait ;

Considérant, en second lieu, que les dispositions analysées ci-dessus n’ont ni pour objet, ni pour effet d’imposer que la commission nationale de la négociation collective soit réunie après l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la publication de l’avis mentionné à l’article L. 133-14 ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’avis émis par la commission nationale de la négociation collective moins de quinze jours après la publication de l’avis précédant l’agrément de l’accord litigieux, aurait été rendu à l’issue d’une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne la motivation de l’arrêté d’extension :

Considérant que, selon l’article L. 133-11 du code du travail, en cas d’opposition écrite et motivée de deux organisations de salariés ou de deux organisations d’employeurs représentées à la commission nationale de la négociation collective, le ministre chargé du travail doit, comme il l’a fait, consulter à nouveau cette commission et qu’il peut alors décider l’extension, au vu du nouvel avis émis, par une décision motivée ; qu’en l’espèce, l’arrêté, qui fait référence aux deux avis motivés de la commission nationale de la négociation collective et aux oppositions formulées par deux organisations syndicales d’employeurs, comporte des considérations justifiant l’extension de l’accord litigieux, sous les exclusions et réserves retenues, qui doivent être regardées comme satisfaisant à l’exigence de motivation posée par l’article L. 133-11 ;

Sur les conditions de conclusions de l’accord collectif :

Considérant que si, en vertu de l’article L. 132-2 du code du travail, les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au plan national, conformément à l’article L. 133-2 du même code, ainsi que celles qui sont affiliées à de telles organisations doivent être regardées comme représentatives, il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucun autre texte applicable à l’extension des conventions ou accords collectifs de travail que, pour l’application des dispositions de l’article L. 133-1 selon lesquelles ces conventions et accords " doivent, pour pouvoir être étendus, avoir été négociés et conclus en commission composée des représentants des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives dans le champ d’application considéré ", les organisations syndicales d’employeurs seraient dispensées de faire la preuve de leur représentativité dans le champ d’application de la convention ou de l’accord dont l’extension est en cause ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, d’une part, que l’accord dont l’extension est contestée a été signé, du côté des employeurs, par des organisations, telles que l’Union professionnelle artisanale, dont la représentativité dans le champ d’application de cet accord n’est pas contestée ; d’autre part, que les organisations requérantes, qui ne sauraient utilement se prévaloir des seules dispositions de leurs statuts, n’apportent aucun élément de nature à établir leur représentativité dans ce même champ d’application ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté d’extension serait intervenu en méconnaissance des conditions fixées par l’article L. 133-1 du code du travail doit être écarté ;

Sur les moyens tirés de ce que l’avenant litigieux ne pouvait faire l’objet d’un arrêté d’extension en raison de l’illégalité de certaines de ses stipulations :

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des dispositions des articles L. 131-1, L. 132-1 et L. 133-8 du code du travail :

Considérant qu’il résulte de la combinaison des articles L. 131-1 et L. 132-1 du code du travail que les conventions et accords collectifs s’inscrivent dans le cadre des relations collectives entre employeurs et salariés et ont vocation à traiter de l’ensemble des conditions d’emploi et de travail des salariés ainsi que de leurs garanties sociales ; qu’il ressort des dispositions de l’article L. 133-8 du même code qu’il appartient au ministre chargé du travail, après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective, d’exclure de l’extension d’une convention ou d’un accord collectif les clauses qui seraient en contradiction avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur, ou de subordonner l’extension à des réserves ayant pour effet de priver d’application les stipulations qui seraient contraires aux lois et règlements, sous réserve qu’il ne porte pas ainsi atteinte à l’économie générale de la convention ;

Considérant qu’il résulte clairement des stipulations de l’accord litigieux qu’il a pour objet le développement du dialogue social dans l’artisanat et comporte des clauses qui visent à favoriser la concertation professionnelle au sein de la branche par une meilleure information des entreprises artisanales et par le renforcement des relations collectives entre syndicats d’employeurs et de salariés en vue de développer la formation et l’information sur les métiers de l’artisanat ; que l’objet des clauses contestées relève du champ assigné aux conventions et accords collectifs par les articles L. 131-1 et L. 132-1 susmentionnés ; qu’il suit de là que la contestation de la validité des clauses litigieuses n’est pas sérieuse ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu’il appartenait au ministre de les distraire ou de les neutraliser ne peut être accueilli ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la liberté syndicale reconnue par la Constitution et les engagements internationaux de la France :

Considérant que, ni les dispositions du sixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution aux termes desquelles " Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ", ni les stipulations de l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui reconnaissent à toute personne le droit à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts, n’interdisent qu’une convention ou un accord collectif étendu institue une contribution à la charge des employeurs pour favoriser le développement du dialogue social dès lors qu’elle n’a ni pour objet ou ni pour effet d’imposer, directement ou indirectement, à quiconque l’adhésion ou le maintien de l’adhésion à une organisation syndicale ;

Considérant qu’en l’espèce, il ressort des termes de l’arrêté attaqué, et notamment des réserves qu’il formule à l’égard de certaines des stipulations qu’il étend, que la contribution litigieuse ne bénéficie pas à une organisation en particulier ; que, tant au niveau interprofessionnel qu’à celui de la branche, l’institution de cette contribution obligatoire et l’attribution pour partie de son produit aux organisations d’employeurs, dans une proportion d’ailleurs équivalente à celle revenant aux organisations de salariés représentatives, ne sauraient être regardées comme une affiliation contrainte à une organisation syndicale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’extension de l’accord contesté méconnaîtrait la liberté syndicale doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que l’avenant ne pouvait être étendu en ce que son champ d’application recouvre pour partie celui de plusieurs conventions de branches :

Considérant qu’il résulte de la combinaison du premier alinéa de l’article L. 132-5 du code du travail et de l’article L. 133-16 du code du travail que le ministre chargé du travail, lorsqu’il procède à l’extension d’une convention ou d’un accord collectif, doit rechercher si le champ d’application professionnel défini en termes d’activités économiques pour lequel l’extension est envisagée n’est pas compris dans le champ professionnel d’une autre convention ou accord collectif étendu par arrêté, compte tenu, le cas échéant, de l’objet respectif des stipulations étendues ou à étendre ; que, lorsqu’il apparaît que les champs d’application professionnels définis par les textes en cause se recoupent, il appartient au ministre compétent, préalablement à l’extension projetée, soit d’exclure du champ de l’extension envisagée les activités économiques déjà couvertes par la convention ou l’accord collectif précédemment étendu, soit d’abroger l’arrêté d’extension de cette convention ou de cet accord collectif en tant qu’il s’applique à ces activités ;

Considérant que, si les requérants font valoir que le champ d’application professionnel de l’accord litigieux recoupe celui de plusieurs accords de branche déjà étendus, et si plusieurs de ces accords comportent des stipulations relatives au financement des instances paritaires et au maintien de la rémunération des participants aux négociations, il ressort clairement des stipulations combinées des articles 2, 5 et 6 de l’accord dont l’extension est contestée que, lorsqu’un accord de branche a déjà prévu une contribution au financement des instances paritaires, cette contribution s’impute sur celle qui est due en application de l’accord litigieux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté d’extension doit être annulé en tant qu’il comprend dans son champ d’application des activités relevant d’autres conventions préalablement étendues n’est pas fondé ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l’accord étendu ne répond pas à la situation des entreprises artisanales :

Considérant que, si les requérants font valoir que la contribution de 0,15 % de la masse salariale devait être distraite par le ministre chargé du travail en tant qu’elle ne répondrait pas à la situation particulière des entreprises artisanales relevant du champ de l’accord, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre aurait, en procédant à l’extension contestée, commis une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté attaqué ;

Sur les conclusions du MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE et autres tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code du travail :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE et autres requérants la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE, de la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, de la FEDERATION FRANCAISE DU BATIMENT et de l’UNION DES INDUSTRIES ET METIERS DE LA METALLURGIE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE, à la CONFEDERATION GENERALE DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, à la FEDERATION FRANCAISE DU BATIMENT, à l’UNION DES INDUSTRIES ET METIERS DE LA METALLURGIE, à l’Union professionnelle artisanale (UPA), à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), à l’Union nationale patronale des prothésistes-dentistes (UNPP), à la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteur, à la Confédération générale de l’alimentation en détail, à la Confédération nationale de l’artisanat des métiers et des services, à la Confédération nationale des charcutiers-traiteurs et traiteurs, à la Confédération de la pâtisserie-confiserie, chocolaterie et glacerie de France, à la Fédération nationale de la coiffure française, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

 


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