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Conseil d’Etat, 12 mai 2003, n° 242837, Mme Fernande N.

S’agissant de la démission d’un agent d’une collectivité territoriale qui n’est pas affiliée à l’ASSEDIC, il appartient à l’autorité administrative compétente d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les motifs de la démission de l’intéressé permettent d’assimiler celle-ci à une perte involontaire d’emploi.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 242837

Mme N.

M. Delion
Rapporteur

M. Austry
Commissaire du gouvernement

Séance du 23 avril 2003
Lecture du 12 mai 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 7 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Fernande N. ; Mme N. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 6 décembre 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy, sur la requête de la commune de Lixing-lès-Rouhling, a annulé le jugement du 27 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 7 janvier 2000 du maire de cette commune refusant à l’intéressée le bénéfice de l’allocation chômage à compter du 1er novembre 1999 ;

2°) d’annuler la décision du 7 janvier 2000 du maire de Lixing-lès-Rouhling ;

3°) de condamner la commune de Lixing-lès-Rouhling à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de Mme Fernande N., et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de la commune de Lixing-lès-Rouhling,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision en date du 7 janvier 2000, le maire de Lixing-lès-Rouhling (Moselle) a refusé à Mme Fernande N., qui avait la qualité d’adjoint administratif de cette commune et a présenté sa démission par lettre du 29 mars 1999, le bénéfice de l’allocation chômage sollicitée par l’intéressée à compter du 1er novembre 1999 ; que par un arrêt du 6 décembre 2001, la cour administrative d’appel de Nancy, sur la requête de la commune de Lixing-lès-Rouhling, a annulé le jugement du 27 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 7 janvier 2000 et a rejeté la demande présentée par Mme N. devant ce tribunal et tendant à l’annulation de cette décision ; que Mme N. se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 351-3 du code du travail, des allocations d’assurance sont attribuées aux travailleurs involontairement privés d’emploi qui satisfont à des conditions d’âge et de durée d’activité ; que, selon l’article L. 351-8 du même code, les mesures d’application de ce régime d’assurance font l’objet d’un accord conclu et agréé dans les conditions définies aux articles L. 352-1, L. 352-2 et L. 352-2-1 ; qu’aux termes de l’article L. 351-12 : "Ont droit à l’allocation d’assurance dans les conditions prévues à l’article L. 351-3 : 1° (...) les agents titulaires des collectivités territoriales (...) : La charge et la gestion de cette indemnisation sont assurées par les employeurs mentionnés au présent article (...)" ; qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le régime des allocations auxquelles ont droit les agents des collectivités locales involontairement privés d’emploi est défini par les stipulations de l’accord prévu à l’article L. 351-8 précité, dès lors qu’un tel accord est intervenu et a été agréé et qu’il n’est pas incompatible avec les règles qui gouvernent l’emploi des agents publics ;

Considérant que, par un arrêté du 1er janvier 1997, le ministre chargé de l’emploi a agréé la convention en date du 1er janvier 1997 relative à l’assurance chômage et le règlement annexé à cette convention ; qu’en vertu dudit règlement, les salariés qui ont démissionné pour un motif reconnu légitime par la commission paritaire de l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC) sont assimilés aux travailleurs involontairement privés d’emploi et bénéficient des prestations de l’assurance chômage ; que la commission paritaire nationale, par ses délibérations nos 10 et 10 bis en date du 4 février 1997, a précisé dans quels cas un salarié devait être réputé avoir démissionné pour un motif légitime ; que, par sa délibération n° 3 du 4 février 1997 la commission paritaire nationale a prévu la faculté pour le directeur ou le conseil d’administration de l’ASSEDIC, dans le cadre d’un "examen particulier des circonstances de l’espèce", d’accorder le bénéfice des allocations chômage à certains chômeurs qui, ayant quitté volontairement leur emploi, n’y ont en principe pas droit mais "dont l’état de chômage se prolonge contre leur volonté" ;

Considérant toutefois, quelle que soit la portée des délibérations susévoquées, que s’agissant de la démission d’un agent d’une collectivité territoriale qui n’est pas affiliée à l’ASSEDIC, il appartient à l’autorité administrative compétente d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les motifs de la démission de l’intéressé permettent d’assimiler celle-ci à une perte involontaire d’emploi ;

Considérant qu’il suit de là qu’en se fondant, pour rejeter les conclusions de Mme N. sur la circonstance que l’intéressée avait volontairement quitté son emploi et ne justifiait pas que sa démission était fondée sur un motif légitime, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt ; qu’elle n’était, en particulier, pas tenue d’écarter explicitement l’argumentation tirée de la méconnaissance de la délibération n° 3 du 4 février 1997 de la commission paritaire nationale ; que, dès lors, Mme N. n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué de la cour administrative d’appel de Nancy ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Lixing-lès-Rouhling, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme N. les sommes que demande celle-ci au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions précitées et de condamner Mme N. à verser à la commune de Lixing-lès-Rouhling la somme demandée au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme N. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lixing-lès-Rouhling et tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Fernande N., à la commune de Lixing-lès-Rouhling et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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