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Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 224721, M. Marcel A. et Syndicat "Lutte pénitentiaire" (SLP)

Les fonctionnaires et les syndicats qui les représentent n’ont qualité pour attaquer les circulaires intéressant l’exécution du service qu’ils sont chargés d’assurer, que dans la mesure où lesdites circulaires porteraient atteinte à leurs prérogatives ou mettraient en cause l’application de leur statut.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

Nos 224721, 2247222

M. A.
SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE (S.L.P.)

Mme Ducarouge
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 6 décembre 2002
Lecture du 30 décembre 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu, 1°) sous le n° 224721, la requête et le mémoire complémentair enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 5 septembre 2000 et le 8 janvier 2001, présentés par M. Marcel A. ; M. A. demande au Conseil d’Etat :

1°) de renvoyer à la Cour de justice des Communautés européennes la question de savoir si les dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont compatibles avec les termes du 1er alinéa du 2° de la note du 16 mai 2000 ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir la note du 16 mai 2000 du garde des sceaux, ministre de la justice, relative à l’exercice des droits de l’administration à l’égard des agents bénéficiant d’un congé ordinaire de maladie ;

3°) d’ordonner au garde des sceaux, ministre de la justice, de tirer les conséquences de l’arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa notification, sous peine d’une astreinte de 2500 F par jour de retard ;

4°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 5000 F en application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu, 2°) sous le n°224722, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 5 septembre 2000 et 5 janvier 2001 présentés par LE SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE (S.L.P.), dont le siège est 7 bis rue Jules Ferry à Choisy le Roi (94600), représenté par son secrétaire général ; le SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE demande au Conseil d’Etat :

1°) de renvoyer à la Cour de justice des Communautés européennes la question de savoir si les dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont compatibles avec les termes du 1er alinéa du 2° (page 3/9) de la Note du 16 mai 2000 ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir la Note du 16 mai 2000 du garde des sceaux, ministre de la justice, relative à l’exercice des droits de l’administration à l’égard des agents bénéficiant d’un congé ordinaire de maladie ;

3°) d’ordonner au garde des sceaux, ministre de la justice de tirer les conséquences de l’arrêt qui sera rendu dans un délai de deux mois à compter de sa notification, sous peine d’une astreinte de 2500 F par jour de retard ;

4°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 5000 F en application de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales notamment ses articles 3 et 8 ;

Vu le traité instituant l’Union Européenne ;

Vu le code civil notamment son article 9 ;

Vu le code de procédure pénale, notamment son article 728 ;

Vu loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ducarouge, Conseiller d’Etat,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. A. et du SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE (S.L.P.) sont dirigées contre la note en date du 16 mai 2000 du garde des sceaux, ministre de la justice, relative à l’exercice des droits de l’administration à l’égard des agents bénéficiant d’un congé ordinaire de maladie et présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que les fonctionnaires et les syndicats qui les représentent n’ont qualité pour attaquer les circulaires intéressant l’exécution du service qu’ils sont chargés d’assurer, que dans la mesure où lesdites circulaires porteraient atteinte à leurs prérogatives ou mettraient en cause l’application de leur statut ;

Considérant que si, l’article 728 du code de procédure pénale renvoie à un décret la détermination de l’organisation et du régime intérieur des établissements pénitentiaires, ces dispositions sont sans rapport avec la note attaquée, qui se borne à préciser les conditions d’application au personnel des établissements pénitentiaires des dispositions législatives et réglementaires en matière de congé de maladie ordinaire ; qu’eu égard à son objet, la note attaquée ne revêt pas un caractère statutaire et entre dans le champ des mesures d’organisation que le ministre a compétence pour prendre en qualité de chef de service ;

Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la Fonction Publique d’Etat : « Le fonctionnaire en activité a droit : ..2° à des congés de maladie…, .en cas de maladie dûment constatée... » ; qu’aux termes de l’article 35 de la même loi : « Des décrets en Conseil d’Etat fixent les modalités des différents régimes de congé… Ils déterminent. en outre, les obligations auxquelles les fonctionnaires demandant le bénéfice... des congés prévus aux 2°,3° et 4° de l’article 34 sont tenus de se soumettre en vue, d’une part, de l’octroi ou du maintien de ces congés et, d’autre part, du rétablissement de leur santé, sous peine de voir réduire ou supprimer leur traitement qui leur avait été conservé » ; qu’aux termes de l’article 25 du décret du 14 mars 1986 relatif, notamment, au régime des congés de maladie des fonctionnaires : « Pour obtenir un congé de maladie, ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire doit adresser à l’administration dont il relève, par l’intermédiaire de son chef de service, une demande appuyée d’un certificat d’un médecin (….) L’administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d’interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite. Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l’administration, soit par l’intéressé, des conclusions du médecin agréé ».

Considérant que si la note attaquée prévoit légalement à son 1°, relatif aux obligations de l’agent, que le certificat médical produit à l’appui de la demande d’arrêt de travail « doit parvenir à l’autorité compétente dans un délai raisonnable », le ministre ne pouvait, sans excéder les limites des mesures nécessaires au bon fonctionnement du service, limiter impérativement ce délai de réception aux 48 heures suivant le début de l’absence de l’intéressé ;

Considérant, en revanche, que la disposition du 3° de la note, qui prévoit la possibilité d’engager une procédure disciplinaire « en cas de recours de congé de maladie dont le caractère abusif, même s’il n’y a pas eu de contrôle, est clairement établi » n’a ni pour objet ni pour effet d’habiliter l’autorité administrative à se substituer à l’autorité médicale pour pratiquer les constatations qui incombent à celle-ci, et ne contrevient donc pas aux dispositions législatives et réglementaire précitées ;

Considérant qu’en prescrivant qu’il doit être procédé à une retenue pour absence de service fait « pour toute période d’absence irrégulière précédant la réception du certificat si celui-ci est parvenu après un délai raisonnable », sans subordonner cette retenue à l’exercice préalable d’un contrôle médical, le ministre n’a pas excédé ses pouvoirs d’organisation du service dès lors qu’il a précisé dans la fiche d’information annexée à la note attaquée que « la retenue sur traitement ne peut être effectuée qu’à compter du début de l’absence irrégulière de l’agent (c’est à dire du jour où la contre-expertise a été ou aurait dû être effectuée). Mais l’agent ne peut jamais être tenu de reverser le traitement afférent à la période antérieure à cette date dès lors qu’il était alors en congé de maladie dûment certifié » ;

Considérant enfin, que, contrairement à ce qui est soutenu, aucune disposition de la note attaquée ne pose de question relative à 1’interprétatjon du droit communautaire, ne porte atteinte à la vie privée, au sens de l’article 9 du code civil et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et ne méconnaît l’article 3 de cette convention, ni le statut des agents, ni le principe des droits de la défense ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A. et le SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE, (S.L.P.) ne sont fondés à demander l’annulation de la Note attaquée qu’en tant qu’elle impartit un délai impératif de 48 heures pour la réception par l’administration du certificat médical ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

Considérant que la présente décision n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, dès lors, les conclusions des requêtes aux fins d’injonction sous astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à M. A. et au SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE la somme qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La note du 16 mai 2000 du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, est annulée en tant qu’elle impartit un délai de 48 heures pour la réception par l’administration du certificat médical.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A. et du SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT LUTTE PENITENTIAIRE, à M. Marcel A. et au garde des sceaux, ministre de la justice.

 


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