De nos jours, nombreux sont les textes, chartes, codes de déontologie ou règlements intérieurs, qui prétendent réguler les attitudes, gestes et comportements. Ils sont souvent élaborés, diffusés et appliqués dans les entreprises, dans les universités, dans les établissements recevant du public, dans différents lieux professionnels. De manière générale, ils ont pour objet de proposer des règles de conduite relatives aux manières, aux tenues vestimentaires, aux formes d’intervention orale ou écrite, et semblent désormais s’attacher à réguler les façons de regarder, les styles d’expression, voire l’extériorisation, volontaire ou inconsciente, des sentiments. La plupart de ces textes paraissent se référer au "sens de la convenance" mais ils éludent la distinction entre sentiments moraux, devoirs d’humanité et droits de l’homme à laquelle invitaient pourtant les écrits du XVIIIème siècle.
Ces "codes de comportements" entendent, dans un premier temps, approfondir les obligations relatives au maintien, à la tenue vestimentaire ; ils se sont ensuite attachés à inciter chacun à opérer un contrôle sur ses actes, agissements et interventions ; ils ont été ainsi amenés à légiférer les paroles, les mots, les tonalités de la voix ; ils ont prêté attention aux attitudes, aux gestes, aux styles mais ils tentent désormais de retenir dans leurs nasses les regards, les traits et les expressions du visage. Conçus à partir des modes de relations interpersonnelles conviviales, ils ont ouvert leurs champs, se préoccupant de la qualité de vie, du décor et de la décoration, des paysages, puis ils ont couvert multiples domaines, s’intéressant aux activités collectives pour configurer les "esprits d’équipe", dévoilant ainsi une certaine conception des organismes et institutions dans lesquels évoluent les individus.
En incitant, voire en contraignant, les individus à témoigner de la considération à l’égard de toute personne, ces codes prétendent réclamer concrètement le respect des droits de la personne, des droits de l’homme et du citoyen, dans toutes les sphères sociales. S’ils se soucient de la protection des libertés fondamentales que sont la liberté d’opinion, la liberté de conscience, la liberté d’expression, la liberté de communication, ils veulent assigner des limites à l’indifférence et déterminer des interdictions quant à certaines attitudes ou manières d’être, comme par exemple les comportements de harcèlement. De manière générale, toute forme de relation sociale est source de risques, d’un risque d’abus de pouvoir, d’un risque d’abus de droit.
La notion de harcèlement invite à reformuler la question du pouvoir, elle conduit ainsi à (re)penser des distinctions nécessaires entre devoirs et droits, elle amène à interroger les liens entre les droits culturels, sociaux et politiques, entre les droits civils et les sentiments moraux dans les sociétés démocratiques contemporaines. Le harcèlement est inévitablement le produit d’une certaine évolution des rapports publics et privés dans les sociétés démocratiques. Doivent alors être explicitées les formes de domination qui sont à l’œuvre dans les relations entre la sensibilité et le politique, entre l’insensibilité et le juridique.
Dès lors, au delà d’un essai de discernement de la notion de harcèlement dans toutes ses dimensions, dans ce colloque, il apparaît nécessaire de s’interroger sur ses fondements historiques, politiques, sociologiques, juridiques afin d’en percevoir ses objectifs, ses enjeux, ses visées, ses modèles.
Programme :
Jeudi 6 février 2003
09h30 - allocution de bienvenue de Monsieur le Doyen de la Faculté de Droit, Jean-Paul CHAGNOLLAUD
Introduction par Geneviève KOUBI, CER:FDP, Variables de la notion de harcèlement
10h00 - 1. Relations de travail
Le harcèlement dans les lieux de travail sous l’égide de la raison instrumentale, par Marion BREPOHL DE MAGALAES, Université de Curitiba, Brésil
Rapports hiérarchiques et liens de subordination dans la fonction publique, par Alberto PUPPO, CER:FDP, Cergy-Pontoise
Le harcèlement, facteur d’atténuation de la force du droit du travail, Isabelle MEYRAT, CER:FDP, Cergy-Pontoise
14h00 - 2. Relations de domination
Abus de pouvoir et coercition approches de droit public, Nelly FERREIRA, CER:FDP, Cergy-Pontoise
Le harcèlement du texte : images et représentations du politique, Stella BRECIANI, Université de Campinas, Brésil,
La cordialité, un des masques du harcèlement, Edgar DECCA, Université de Campinas, Brésil
Le harcèlement à la brésilienne : l’ordre patriarcal et les résistances à la démocratie, Joel BIRMAN, Université fédérale de Rio de Janeiro, Espace brésilien d’étude psychanalytique.
Vendredi 7 février 2003
09h30 - 3. Indices et procédés
De l’insidieux à l’explicite : l’établissement des faits dans le harcèlement moral, Claudine HAROCHE, CNRS, Paris
Les "procéduriers" du droit administratif, Gilles J. GUGLIELMI, CER:FDP, Paris X Nanterre
Le harcèlement dans les espaces politiques et sociaux, Pierre ANSART, Paris VII
Harcèlement et mouvements sectaires, Nicolas GUILLET, CER:FDP, Le Mans
14h30 - 4. Faits sociaux et sentiments
Violence psychologique, incertitude et pouvoir libéral, Margarita SANCHEZ, Institut de Psychologie sociale, Université de Bruxelles, Belgique
Favelas, familles et politiques, le double jeu de la violence du harcèlement, Teresa CARREITERO, Université de Rio de Janeiro, Brésil
Mise en scène du harcèlement : "consentement sans consentement", Jacy ALVES DE SEIXAS, Université d’Uberlândia, Brésil
Débat général
Conclusions et fin des travaux 18 h.
Renseignements et inscriptions :
La conférence se déroulera au sein de la Salle des conférences, Université de Cergy-Pontoise, Les Chênes 1, Rez-de-chaussée
33 boulevard du Port, 95000 Cergy
Station : RER A SNCF : Cergy-Préfecture (plan d’accès : www.u-cergy.fr)
Contacts :
An Vu Trong
Tél : 0134256212
Mél : An.Vu-Truong@droit.u-cergy.fr
Geneviève Koubi
Tél : 0140335647
Mél : Genevieve.Koubi@droit.u-cergy.fr