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Conseil d’Etat, 22 novembre 2002, n° 204244, M. Gérard F.-P. et autres

L’interruption des travaux consécutive à un jugement judiciaire n’a pas pour effet d’entraîner la caducité du permis de construire en application des dispositions de l’article R. 421-32 du Code de l’urbanisme. En revanche, l’annulation de ce jugement fait de nouveau courir le délai de caducité prévu par ces dispositions.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 204244

M. F.-P. et autres

M. Derepas
Rapporteur

M. Austry
Commissaire du gouvernement

Séance du 30 octobre 2002
Lecture du 22 novembre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire, enregistrée le 4 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Gérard F-P. et autres, et le mémoire complémentaire, enregistré le 7 juin 1999, présenté par MM. F-P. et autres ; MM. F-P. et les autres requérants demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 3 décembre 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l’annulation du jugement du 28 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande tendant à l’annulation, d’une part, de l’arrêté du 15 novembre 1990 par lequel le préfet de la région Guadeloupe a délivré à la SCI Le Grand Carénage un permis de construire modificatif du permis de construire délivré le 18 mai 1982, d’autre part, de l’arrêté du 15 novembre 1990 par lequel le préfet de la région Guadeloupe a partiellement transféré ce permis de construire à la SARL Immobart ;

2°) statuant au fond, d’annuler le jugement susmentionné du tribunal administratif de Basse-Terre et les décisions attaquées ;

3°) de condamner l’Etat à leur payer la somme de 12 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de La Varde, avocat de M. Gérard F-P. et autres,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Sur le désistement d’office de M. W. :

Considérant que M. W., qui était au nombre des auteurs de la. requête sommaire enregistrée le 4 février 1999 annonçant la production d’un mémoire complémentaire, n’est pas au nombre des signataires du mémoire complémentaire enregistré le 7 juin 1999 ; que par suite, en application de l’article R. 611-22 du code de justice administrative, il doit être regardé comme s’étant désisté de sa requête ; qu’il y a lieu de lui donner acte de ce désistement ;

Sur le pourvoi de MM. F-P. et autres :

Considérant que par deux arrêtés en date du 15 novembre 1990, le préfet de la région Guadeloupe a, d’une part, modifié le permis de construire délivré à la société civile immobilière Le Grand Carénage le 18 mai 1982, et, d’autre part, partiellement transféré ce permis de construire à la société anonyme à responsabilité limitée Immobart ; que par un jugement du 28 mars 1995, le tribunal administratif de Basse-Terre a refusé d’annuler les deux arrêtés du 15 novembre 1990 susmentionnés ; que par un arrêt du 3 décembre 1998, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les conclusions dirigées contre ce jugement ; que M. F-P. et autres se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que MM. F-P. et autres ont présenté leur requête au Conseil d’Etat le 4 février 1999 ; qu’ils annonçaient dans cette requête la production d’un mémoire ampliatif ultérieur ; que le délai franc de quatre mois à l’issue duquel, en l’absence de production de ce mémoire, ils devaient être regardés comme s’étant désistés en application de l’article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 alors en vigueur, expirait le samedi 5 juin 1999 à 24 heures ; qu’ils pouvaient ainsi valablement présenter ce mémoire au plus tard le premier jour ouvrable suivant, soit le lundi 7 juin ; qu’ayant présenté ledit mémoire à cette dernière date, ils ne peuvent être regardés comme s’étant désistés ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les requérants ont procédé aux formalités de notification exigées par les dispositions de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, en vigueur à la date d’introduction de leur requête ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l’article R.421-32 du code de l’urbanisme dispose, depuis l’intervention du décret n° 83-1261 du 30 décembre 1983 entré en vigueur le 1er avril 1984, que "le permis de construire est périmé (...) si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année" ; qu’il ressort des mentions des mémoires produits devant la cour administrative d’appel que les requérants invoquaient, devant cette cour, un moyen tiré de ce que le permis de construire délivré le 18 mai 1982 serait devenu caduc, en application de ces dispositions, en raison de l’interruption des travaux pendant plus d’un an une première fois, après le jugement du 8 novembre 1984 par lequel le tribunal de grande instance de Basse-Terre avait ordonné l’interruption desdits travaux, puis une seconde fois après l’arrêt du 25 avril 1988 de la cour d’appel de Basse-Terre annulant ce jugement ;

Considérant que l’interruption des travaux consécutive à un jugement judiciaire n’a pas pour effet d’entraîner la caducité du permis de construire en application des dispositions de l’article R. 421-32 précité ; qu’en revanche, l’annulation de ce jugement fait de nouveau courir le délai de caducité prévu par ces dispositions ; que par suite, en s’abstenant de répondre au moyen tiré de la caducité résultant de l’absence de travaux après l’arrêt du 25 avril 1988 de la cour d’appel de Basse-Terre, qui n’était pas inopérant, la cour a entaché son arrêt d’un défaut de motivation ; que cet arrêt doit, pour ce motif, être annulé ; qu’il y a lieu de régler l’affaire au fond par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que l’administration soutient dans sa défense que les arrêtés du 15 novembre 1990 ont pour seul effet de scinder en deux l’autorisation délivrée le 18 mai 1982 à la société Le Grand Carénage, qu’ils doivent être regardés comme des permis de construire modificatifs et ne peuvent, par suite, être contestés dans celles de leurs dispositions qui seraient devenues définitives ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que le permis de construire initial délivré le 18 mai 1982 à la société Le Grand Carénage prévoyait l’édification d’un hôtel et de quarante maisons individuelles sur treize parcelles référencées au cadastre AW 11 à AW 23, alors que les arrêtés contestés ont été pris sur la base d’une nouvelle division parcellaire des terrains d’assiette intervenue postérieurement au permis initial, le permis délivré le 15 novembre 1990 à la société Le Grand Carénage portant sur un hôtel et vingt-deux maisons situées sur vingt-deux parcelles cadastrales, et le permis transféré à la même date à la société Immobart autorisant, quant à lui, la construction de dix-huit maisons individuelles situées sur autant de parcelles ; que cette nouvelle division parcellaire, alors que le permis initial n’a pas été instruit en application des dispositions de l’article R. 421-7-1 du code de l’urbanisme qui permettent une division ultérieure en propriété ou en jouissance des terrains d’assiette, constitue une modification d’une nature et d’une importance telles que les arrêts contestés doivent être regardés non comme des décisions modificatives d’un permis de construire antérieur, mais comme délivrant deux nouveaux permis de construire dont la légalité doit être examinée en elle-même ;

Considérant que l’article 2c du règlement du lotissement de la Pointe Milou, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 17 septembre 1974 du préfet de la Guadeloupe, dispose que les terrains d’assiette des constructions projetées sont destinés à l’implantation d’un complexe hôtelier ; qu’il est constant que les arrêtés contestés ont pour objet de permettre la construction sur ces terrains de maisons individuelles destinées à une occupation privative ; qu’ils méconnaissent ainsi les dispositions précitées du règlement du lotissement et doivent, pour ce motif, être annulés ;

Considérant, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, qu’aucun autre moyen n’est susceptible de fonder l’annulation prononcée par la présente décision ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande tendant à l’annulation des décisions qu’ils contestent ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat à payer à MM. F-P. et autres la somme de 1 830 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : II est donné acte du désistement de M. W..

Article 2 : L’arrêt du 3 décembre 1998 de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé.

Article 3 : Le jugement du 28 mars 1995 du tribunal administratif de Basse-Terre est annulé.

Article 4 : Les arrêtés du 15 novembre 1990 du préfet de la région Guadeloupe sont annulés.

Article 5 : L’Etat est condamné à payer à MM. F-P. et autres la somme de 1 830 euros.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard F-P. et autres, au préfet de la région Guadeloupe, à la société civile immobilière Le Grand Carénage, à la société à responsabilité limitée Immobart et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

 


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