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Tribunal administratif de Rennes, référé, 17 juin 2002, n° 02 1473, M. Roland A. c/ Préfet du Finistère

Les dispositions du plan local d’urbanisme de la commune sont rédigées en termes généraux et ne fixent pas de manière limitative les ressources naturelles dont l’exploitation est autorisée. Il est incontestable que le vent constitue une ressource naturelle et que cette ressource est présente dans la zone d’implantation de l’éolienne en cause. La décision du préfet refusant le permis de construire présente un doute sérieux quant à sa légalité.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES

N°02 1473

M. Roland A.

Ordonnance du 17 juin 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES DU TRIBUNAL

Vu la requête, enregistrée au greffe du Tribunal le 24 mai 2002 sous le n° 02 1473, présentée pour M. Roland A. par Me BUORS, avocat au barreau de QUIMPER ;

M. A. demande au juge des référés du Tribunal :

1°) d’une part, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du préfet du Finistêre du 30 avril 2002 lui refusant l’autorisation de construire une éolienne au lieu-dit “Ménez-Quelc’h” sur la parcelle cadastrée section YB n° 48 à CAST ;

2°) d’autre part, sur le fondement des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer le permis de construire demandé dans un délai d’un mois a compter de l’ordonnance à intervenir sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard, et subsidiairement d’enjoindre au préfet du Finistêre de procéder à une nouvelle instruction du dossier et de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai d’un mois à compter de l’ordonnance à intervenir sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ;

3°) enfin, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1 524,49 euros ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré au greffe du Tribunal le 7juin 2002, présenté pour M. A. ;

M. A. conclut aux mêmes fins que sa requête ;

Vu le mémoire en défense enregistré au greffe du Tribunal le 10 juin 2002 présenté par le préfet du Finistère ;

Le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête susvisée ;

Vu le mémoire en réplique enregistré au greffe du Tribunal le 10 juin 2002 présenté pour M. A. ;

M. A. conclut aux mêmes fins que sa requête ;

Vu la décision dont la suspension de l’exécution est demandée ;

Vu l’ensemble des autres pièces du dossier ;

Vu l’instance au fond n° 02 1472 ;

Vu la décision du 31 mai 2002 par laquelle le président de la section administrative du bureau d’aide juridictionnelle a accordé l’aide juridictionnelle totale à M. A. ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l’aide juridique ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la délégation du président du Tribunal en date du 2 janvier 2002 prise en vertu des dispositions de l’article L. 511-2 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir, au cours de l’audience publique du 11 juin 2002, présenté son rapport et entendu :
- les observations de Me BUORS, avocat de M. A. ,
- les observations de Mme GUILLO et M. LE RESI, représentant le préfet du Finistére ;

SUR LES CONCLUSIONS A FIN DE SUSPENSION DE L’EXECUTION DE LA DECISION ATAQUEE :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : “Quand une décision administrative même de rejet fait l’objet d’une requête en annulation ou en reformatfon, le juge des reférés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision” ;

EN CE QUI CONCERNE LE DOUTE SERIEUX QUANT A LA LEGALITE DE LA DECISION ATTAQUEE.

Considérant qu’aux termes de l’article ND 2 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de CAST : “A. Sont interdits : 1) les constructions de toute nature à l’exception de celles admises à l’article ND 1” ; qu’aux termes de l’article ND 1 du règlement du plan local d’urbanisme de CAST : “B. Sont admis sous réserve de respecter par leur localisation et les aménagements qu’ils nécessitent les préoccupations d’environnement notamment la qualité des sites, les milieux naturels ou les paysages et qu’ils soient compatibles avec la vocation principale de la zone : 1) les équipements publics d’intérêt général ainsi que les aménagements, constructions et installations qui leur sont directement liés notamment les équipements nécessaires à l’exploitation et à la sécurité du réseau routier, les aires de stationnement de véhicules ouvertes au public ; (..) D. Sous réserve de ne pas compromettre à terme la vocation de la zone, de respecter par leur localisation et leur aménagement les préoccupations d’environnement ou que l’intérêt général le justifie, peuvent être autorisés selon, le cas échéant, la procédure d’instruction qui leur est particulière : (..) 5°) les installations liées à l’exploitation de ressources naturelles existant dans la zone et notamment les carrières” ;

Considérant que le préfet du Finistère a refusé à M. A. un permis d’édifier une éolienne à CAST aux motifs d’une part, que le vent ne pouvait être regardé comme figurant an rang des ressources naturelles dont l’exploitation est admise par les dispositions du 50 du paragraphe D de l’article ND 1 du plan local d’urbanisme, d’autre part, que l’implantation d’une éolienne àl’endroit prévu est de nature à porter atteinte par l’artificialisation qu’elle entraînerait, au caractère naturel des lieux, aux sites et au paysage qui est qualifié de paysage emblématique majeur à l’échelle du Finistère et enfin, que l’exploitation de cette installation dans une zone classée en zone naturelle d’intérêt faunistique et floristique de type I notamment du fait de la présence d’un complexe de landes sèches et de tourbières et de l’avifaune spécifique de ce milieu parmi laquelle a été observée la nidification de busards cendrés, est de nature à entraîner des perturbations irréversibles par la destruction des sols sur le site d’implantation et le dérangement d’avifaune protégée ;

Considérant en premier lieu, que les dispositions du 5° du paragraphe D de l’article ND I du plan local d’urbanisme de la commune de CAST sont rédigées en termes généraux et ne fixent pas de manière limitative les ressources naturelles dont l’exploitation est autorisée ; qu’il est incontestable que le vent constitue une ressource naturelle et que cette ressource est présente dans la zone d’implantation de l’éolienne en cause ; qu’il suit de là que le moyen tiré de l’erreur de droit commise par le préfet du Finistère constitue un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

Considérant en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article ND I-D-5°) du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de CAST que les installations liées àl’exploitation de ressources naturelles existant dans la zone sont admises sous réserve de ne pas compromettre à terme la vocation de la zone et de respecter par leur localisation et leur aménagement les préoccupations d’environnement ; qu’il ressort de pièces du dossier que le terrain d’implantation de l’éolienne envisagée par M. A. est situé à l’extrémité ouest des Montagnes Noires près du Ménez Quelc’h ; qu’il s’agit d’un terrain agricole se trouvant en bordure de route et servant actuellement de dépôt de pierres et gravats divers ; qu’il se situe à une altitude de près de 213 mètres à environ 100 mètres de pylônes supportant deux lignes de très haute tension ainsi qu’à 250 mètres d’un émetteur de Télédiffusion de France (TDF) situé au sommet du Ménez Quelc’h à une altitude de 251 mètres ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment des plans remis par le préfet à l’audience publique que le terrain d’implantation de l’éolienne est situé dans une zone d’anciennes tourbières hors de la ZNIEFF qui est non de type I mais de type II ; que dans la notice d’impact élaborée par le requérant, ce dernier précise qu’aucune destruction de la lande avoisinante ne sera opérée durant la construction de l’installation, qu’aucun chemin d’accès ne sera créé et qu’aucun défrichement n’aura lieu pour réaliser l’assemblage de l’éolienne ; que seul le raccordement électrique aura un impact sur le sol puisqu’il consistera à enterrer une ligne sur une vingtaine de mètres ; que cet impact est donc extrêmement limité ; que les perturbations que pourrait créer l’éolienne projetée sur l’avifaune, alors qu’existent déjà sur ce site des pylônes supportant des lignes de très haute tension et un émetteur d’une hauteur de 60 mètres, ne sont pas démontrées ; que si le préfet qualifie le paysage des Montagnes Noires de paysage emblématique majeur à l’échelle du Finistère, cette notion trouve son origine dans la charte départementale des éoliennes du Finistère qui n’a aucun caractère réglementaire ; qu’il résulte tant des photographies produites par le requérant prises dans des rayons respectivement de 7 kilomètres et d’un kilomètre autour du site d’implantation que de la planche photographique fournie par le préfet, que la présence des pylônes supportant les lignes de très haute tension et l’existence de l’émetteur TDF au sommet du Menez Quelc’h ainsi que le relief limitent fortement l’impact que pourrait avoir le projet de M. A. sur ce paysage ; qu’il ressort de l’ensemble de ces circonstances et faits, qu’ apparaissent propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, les moyens tirés de l’erreur de fait et de l’erreur de droit commises par le préfet du Finistère qui a estimé que le projet de M. A. ne répondait pas aux préoccupations d’environnement qui doivent guider la délivrance d’autorisations d’occupation du sol en zone ND ;

EN CE QUI CONCERNE L’URGENCE :

Considérant qu’il est constant que M. A. a engagé des frais pour déterminer le lieu, d’implantation de l’éolienne et pour constituer le dossier de demande de permis de construire et notamment la notice d’impact ; qu’en outre, le refus du préfet du Finistère de lui délivrer le permis qu’il sollicite a pour effet de faire échouer à court terme ce projet qui devait lui procurer des revenus ; qu’il résulte en effet du courrier que lui a adressé EDF-GDF le 12 février 2002, que la validité du devis de raccordement qui pourra ètre établi reste sujette aux autorisations administratives nécessaires ; qu’ainsi, il ressort de l’examen de la procédure de raccordement au réseau d’électricité, que M. A. ne pourra, s’il ne dispose pas d’un permis de construire, signer ce devis et qu’il sera alors, à l’expiration du délai qui lui sera donné par EDF, radié de la file d’attente ; que si le préfet du Finistère soutient que sa décision préserve l’intérêt général en protégeant la sensibilité écologique de la zone concernée et les perspectives paysagères, le projet litigieux n’est pas, ainsi qu’il a été dit, de nature à nuire à cet intérêt général ; que dans ces conditions et compte tenu de la situation dans laquelle se trouve M. A. qui est au chômage et ne dispose que de faibles ressources, les décisions du préfet du Finistère préjudicient de façon suffisamment immédiate et grave aux intérêts de M. A. pour que la condition d’urgence exigée par les dispositions de l’article L. 521-1 soit considérée comme remplie ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’en raison du doute sérieux résultant uniquement des trois moyens susmentionnés sur la légalité de l’acte attaqué et de l’urgence, il y a lieu de suspendre l’exécution de la décision du préfet du Finistère du 30 avril 2002 refusant à M. A. un permis de construire une éolienne ;

SUR LES CONCLUSIONS A FIN D’INJONCTION SOUS ASTREINTE :

Considérant qu’aux termes de l’article L 911-I du code dejustice administrative : “Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure assortie, le cas échéant d’un délai d’exécution” ; qu’aux termes de l’article L. 911-3 du même code : “Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L 911-1 et L 911-2 d’une astreinte qu’elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet” ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 511-1 du même code : “Le juge des reférés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais” ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 511-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions principales du requérant tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet du Finistère de lui accorder le permis de construire qu’il sollicite, une telle mesure n’ayant pas un caractère provisoire ; qu’en revanche, il y a lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires de M. A. et d’enjoindre au préfet du Finistère de procéder dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à un nouvel examen de la demande de M. A. ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

SUR LES CONCLUSIONS A FIN D’OCTROI D’UNE SOMME AU TITRE DES FRAIS EXPOSES ET NON COMPRIS DANS LES DEPENS :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : “Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à defaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée, Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation” ;

Considérant que le requérant qui bénéficie de l’aide juridictionnelle totale ne justifie pas avoir exposé d’autres frais que ceux pris en charge dans le cadre de l’aide juridictionnelle ; que par suite, les conclusions présentées par le requérant sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision du préfet du Finistère du 30 avril 2002 refusant à M. Roland A. un permis de construire une éolienne au lieu-dit "Ménez-Quelc’h” à CAST est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de procéder, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à un nouvel examen de la demande de permis de construire de M. A. .

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M Roland A. et au ministre del’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Nota : cette décision intègre les modifications apportées par une ordonnance rectificative d’erreurs matérielles rendue le 20 juin 2002.

 


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