CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 235421
ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres
Mme de Salins
Rapporteur
M. Stahl
Commissaire du gouvernement
Séance du 24 février 2003
Lecture du 14 mars 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juillet et 30 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE, dont le siège est " Auberge savoyarde " à Pougny (01550) et autres ; l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres demandent au Conseil d’Etat
1°) d’annuler l’arrêt en date du 2 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté leur requête tendant à l’annulation d’un jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 9 octobre 1996 rejetant leur demande d’annulation d’une délibération du conseil municipal de Pougny (Ain) approuvant la révision du plan d’occupation des sols de la commune ;
2°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 9 octobre 1996 ;
3°) d’annuler cette délibération ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
Vu le décret du 5 novembre 1870 ;
Vu le décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la commune de Pougny,
les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 123-4 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le plan d’occupation des sols est révisé dans les formes prévues aux six premiers alinéas de l’article L. 123-3, puis soumis à enquête publique par le maire (...) puis est approuvé dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 123-3-1 " ; qu’en vertu du cinquième alinéa de l’article L. 123-3 du même code, le conseil municipal arrête le projet de plan d’occupation des sols ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 123-3-1 de ce code : " Après l’enquête publique, le plan d’occupation des sols, éventuellement modifié, est approuvé par délibération du conseil municipal (...) " ; qu’il résulte de ces dispositions combinées qu’après qu’un projet de plan d’occupation des sols révisé a été arrêté par le conseil municipal conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 123-3 du code de l’urbanisme, il ne peut être modifié, avant d’être soumis à enquête publique, que par délibération du conseil municipal ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d’une part, que le projet de plan d’occupation des sols révisé de la commune de Pougny soumis à une seconde enquête publique par arrêté du maire de la commune en date du 18 août 1995 comporte des modifications par rapport au projet de plan arrêté par délibération du conseil municipal de la commune du 9 novembre 1992, d’autre part, que ces modifications n’ont pas été arrêtées par le conseil municipal ; que, dès lors, cette procédure de révision est entachée d’irrégularité ;
Considérant, en second lieu, que le 1 de l’article 10 du décret du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles, publié au Journal officiel du 11 octobre 1995 abroge l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme, en vertu duquel la construction sur des terrains exposés à un risque, délimités par arrêté préfectoral, peut, si elle est autorisée, être soumise à des conditions spéciales ; que ces dispositions, qui ne sont assorties d’aucune mesure transitoire et sont entrées en vigueur à la suite de leur publication, dans les conditions prévues par l’article 2 du décret du 5 novembre 1870, étaient applicables aux plans en cours d’élaboration ou de révision ; qu’ainsi, les dispositions de l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme n’étaient plus applicables aux plans d’occupation des sols approuvés ou révisés après l’entrée en vigueur du décret du 5 octobre 1995 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en se référant aux dispositions de l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme pour se fonder sur ce que la commune de Pougny se serait trouvée, à la date du 22 décembre 1995 à laquelle son conseil municipal a approuvé le plan d’occupation des sols révisé, en situation de compétence liée pour reprendre les prescriptions figurant dans l’arrêté préfectoral du 20 décembre 1995 approuvant le plan de prévention des risques naturels et pour en déduire que l’irrégularité qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, avait entaché la procédure de révision du plan d’occupation des sols était sans influence sur la légalité de la délibération du conseil municipal du 22 décembre 1995, la cour administrative d’appel de Lyon a entaché son arrêt en date du 2 mai 2001 d’une erreur de droit ; que, dès lors, l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres sont fondés à demander l’annulation de cet arrêt ;
Considérant qu’aux termes de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être dit, les dispositions de l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme n’étaient pas applicables à la date à laquelle le conseil municipal de Pougny a approuvé le plan d’occupation des sols révisé de la commune ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les plans d’occupation des sols doivent comporter en annexe les servitudes d’utilité publique affectant l’utilisation du sol et qui figurent sur une liste dressée par décret en Conseil d’Etat " ; que le V de l’article 10 du décret du 5 octobre 1995 inscrit au B du IV (servitudes relatives à la salubrité et à la sécurité publique) de la liste des servitudes d’utilité publique annexée à l’article R. 126-1 de ce code les documents valant plan de prévention des risque naturels prévisibles établis en application de l’article 40-6 de la loi du 22 juillet 1987 ; qu’il résulte de ces dispositions, qui, en l’absence de mesure transitoire, sont entrées en vigueur à la suite de la publication du décret du 5 octobre 1995, que si un plan d’occupation des sols approuvé ou révisé après la date d’entrée en vigueur de ce décret doit, le cas échéant, comporter en annexe un document valant plan de prévention des risques naturels, la commune n’est pas tenue d’incorporer dans le règlement de ce plan d’occupation des sols les prescriptions figurant dans ce document ; qu’ainsi, la commune de Pougny n’était en l’espèce pas tenue de modifier son projet de plan d’occupation des sols révisé pour y incorporer les prescriptions figurant dans l’arrêté préfectoral du 20 décembre 1995 valant plan de prévention des risques naturels pour la commune de Pougny ; que, dès lors, l’irrégularité résultant de ce que le nouveau projet de plan d’occupation des sols révisé établi pour reprendre lesdites prescriptions a, avant d’être soumis à enquête, été arrêté par le maire de la commune de Pougny et non par le conseil municipal de cette commune est de nature à entacher d’illégalité la délibération du conseil municipal du 22 décembre 1995 approuvant le plan ainsi révisé ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal de Pougny du 22 décembre 1995 ;
Considérant, pour l’application de l’article L.600-4-1 du code de l’urbanisme, qu’en l’état du dossier aucun autre moyen ne paraît susceptible de fonder l’annulation prononcée par la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soient condamnés à verser à la commune de Pougny la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune de Pougny à verser à l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres la somme globale de 4 500 euros au titre des frais exposés par eux tant en première instance qu’en appel et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 2 mai 2001, le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 9 octobre 1996 et la délibération du conseil municipal de Pougny du 22 décembre 1995 sont annulés.
Article 2 : La commune de Pougny versera à l’ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres la somme globale de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Pougny tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à ASSOCIATION SYNDICALE DU LOTISSEMENT DES RIVES DU RHONE et autres, à la commune de Pougny et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.