CONSEIL D’ETAT
N° 244634
PREFET DE LA CHARENTE-MARITIME
M. Boulouis, Rapporteur
Mme Boissard, Commissaire du Gouvernement
Séance du 22 mai 2002
Lecture du 12 juin 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
Le Conseil d’Etat,
(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu le jugement du 13 mars 2002, enregistré le 29 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par lequel le tribunal administratif de Poitiers, avant de statuer sur la requête du PREFET DE LA CHARENTE-MARITIME tendant à l’annulation d’un arrêté du 14 décembre 2001 du maire des Portes-en-Ré accordant un permis de construire à la SCI « Les Portes de la Grande Jetée », a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si les dispositions du règlement annexé à l’arrêté portant application immédiate d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles constituent des dispositions d’urbanisme au sens de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme et sont, par suite, inopposables au pétitionnaire bénéficiaire de l’annulation d’un précédent refus de permis de construire ou si ces dispositions ont le caractère de servitudes d’utilité publique susceptibles d’être opposées au pétitionnaire, alors même qu’elles auraient été ultérieurement incorporées dans le règlement du plan local d’urbanisme et non pas annexées à celui-ci dans les conditions précisées par les articles L. 126-1 et R. 126-1 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative et notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
REND L’AVIS SUIVANT
Le premier alinéa de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme dispose que :
« Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire ».
Aux termes de l’article L. 562-1 du code de l’environnement issu de la loi du 22 juillet 1987 modifiée par la loi du 2 février 1995 : « I. - L’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles (...) II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1 ° De délimiter les zones exposées aux risques en tenant compte de la nature et de l’intensité du risque encouru, d’y interdire tout type de construction, d’ouvrage, d’aménagement ou d’exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d’interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1 ° (...) » ; selon l’article L. 562-3 du même code : « Après enquête publique, et après avis des conseils municipaux des communes sur le territoire desquelles il doit s’appliquer, le plan de prévention des risques naturels prévisibles est approuvé par arrêté préfectoral » et, aux termes de l’article L. 562-4 : « Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d’utilité publique. Il est annexé au plan local d’urbanisme, conformément à l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme ». L’article 3 du décret du 5 octobre 1995 dispose que le projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles « comprend : 1 ° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles compte tenu de l’état des connaissances ; 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° de l’article 40-1 de la loi du 22 juillet 1987 susvisée ; 3° Un règlement précisant en tant que de besoin : - les mesures d’interdiction et les prescriptions applicables dans chacune de ces zones en vertu du 1 ° et du 2° de l’article 40-1 de la loi du 22 juillet 1987 susvisée (...) ».
Les plans de prévention des risques naturels prévisibles ont ainsi pour objet et pour effet de délimiter des zones exposées à des risques naturels à l’intérieur desquelles s’appliquent des contraintes d’urbanisme importantes s’imposant directement aux personnes publiques et aux personnes privées. Il résulte de ces caractéristiques que le règlement de ces plans, d’ailleurs qualifiés de documents d’urbanisme par le Conseil d’Etat dans l’avis qu’il a rendu le 3 décembre 2001, comprennent des prescriptions pouvant notamment fonder l’octroi ou le refus d’une autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol. Par suite, alors même que ces plans valent servitudes d’utilité publique lorsqu’ils sont approuvés en application des dispositions de l’article L. 562-4 précité du code de l’environnement, les dispositions de leur règlement relatives à l’occupation ou à l’utilisation du sol, qu’elles soient ou non incorporées au plan local d’urbanisme, constituent des dispositions d’urbanisme au sens de l’article L. 600-2, et sont donc, dans cette mesure et sous réserve du respect des conditions fixées par l’article L. 600-2 précité, inopposables au pétitionnaire bénéficiaire de l’annulation d’un précédent refus de permis de construire.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Poitiers, au PREFET DE LA CHARENTE-MARITIME, à la commune des Portes-en-Ré, à la SCI « Les Portes de la Grande Jetée », au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.