Les articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l’urbanisme, issus de la loi du 2 août 2005, ont pour objet d’ouvrir aux communes la possibilité de se doter d’un droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux en vue de préserver, dans un périmètre de sauvegarde qu’elles délimitent par une délibération motivée, la diversité de l’activité commerciale et artisanale de proximité ; qu’il résulte de ces dispositions que le fonds ou le bail objet de la préemption doit être rétrocédé dans un délai d’un an à une entreprise dont l’exploitation répond aux objectifs poursuivis.

Si l’application des dispositions de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme n’était pas manifestement impossible, en l’absence du décret prévu à l’article L. 214-3, en tant qu’elles permettent au conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l’article L. 214-2 relatives à l’exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif entièrement nouveau, qui se distingue des droits de préemption existants régis par les articles L. 213-1 à L. 213-18 du code de l’urbanisme - auxquels il n’est d’ailleurs fait renvoi que sur certains points - ne peut être mis en œuvre sans qu’aient été apportées par voie réglementaire les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté.

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Conseil d’Etat, 21 mars 2008, n° 310173, Société Megaron

Les articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l’urbanisme, issus de la loi du 2 août 2005, ont pour objet d’ouvrir aux communes la possibilité de se doter d’un droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux en vue de préserver, dans un périmètre de sauvegarde qu’elles délimitent par une délibération motivée, la diversité de l’activité commerciale et artisanale de proximité ; qu’il résulte de ces dispositions que le fonds ou le bail objet de la préemption doit être rétrocédé dans un délai d’un an à une entreprise dont l’exploitation répond aux objectifs poursuivis.

Si l’application des dispositions de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme n’était pas manifestement impossible, en l’absence du décret prévu à l’article L. 214-3, en tant qu’elles permettent au conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l’article L. 214-2 relatives à l’exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif entièrement nouveau, qui se distingue des droits de préemption existants régis par les articles L. 213-1 à L. 213-18 du code de l’urbanisme - auxquels il n’est d’ailleurs fait renvoi que sur certains points - ne peut être mis en œuvre sans qu’aient été apportées par voie réglementaire les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 310173

SOCIETE MEGARON

Mme Laure Bédier
Rapporteur

Mlle Anne Courrèges
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 mars 2008
Lecture du 21 mars 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 octobre et 5 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE MEGARON, dont le siège est 68, place du Commandant Lamy à Mougins (06250), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE MEGARON demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 2 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision du maire de Valbonne exerçant le droit de préemption de la commune sur les biens et droits faisant l’objet de la promesse de cession de droit de bail conclue le 23 mai 2007 avec la société " De Bouche en Bouche " ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Valbonne le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, notamment son article 58 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SOCIETE MEGARON et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Valbonne,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 26 juillet 2007, le maire de la commune de Valbonne a exercé, sur le fondement de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme, le droit de préemption de la commune sur les biens et droits objets de la promesse de cession de droit au bail consentie le 23 mai 2007 à la SOCIETE MEGARON par la société " De Bouche en Bouche " ; que la SOCIETE MEGARON demande l’annulation de l’ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la suspension de cette décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Valbonne :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 523-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation contre les ordonnances rendues par le juge des référés (.) est présenté dans les quinze jours de la notification qui en est faite (.) " ; qu’il ressort des pièces du dossier que la lettre de notification à la SOCIETE MEGARON de l’ordonnance attaquée est datée du 5 octobre 2007 et que le pourvoi de cette société a été enregistré le lundi 22 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; que, par suite, quelle que soit la date effective de la notification de l’ordonnance à la SOCIETE MEGARON, le délai de quinze jours francs n’était pas expiré à la date d’enregistrement de sa requête ; qu’il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Valbonne ne peut qu’être écartée ;

Sur l’ordonnance attaquée :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ces effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

Considérant qu’une loi nouvelle entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, dans les conditions fixées à l’article 1er du code civil, sauf si elle en dispose autrement ou si son application est manifestement impossible en l’absence de dispositions réglementaires en précisant les modalités ; qu’en ce cas, comme l’indique ce même article, son entrée en vigueur est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces dispositions ;

Considérant que les articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l’urbanisme, issus de la loi du 2 août 2005, ont pour objet d’ouvrir aux communes la possibilité de se doter d’un droit de préemption des fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux en vue de préserver, dans un périmètre de sauvegarde qu’elles délimitent par une délibération motivée, la diversité de l’activité commerciale et artisanale de proximité ; qu’il résulte de ces dispositions que le fonds ou le bail objet de la préemption doit être rétrocédé dans un délai d’un an à une entreprise dont l’exploitation répond aux objectifs poursuivis ;

Considérant que, si l’application des dispositions de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme n’était pas manifestement impossible, en l’absence du décret prévu à l’article L. 214-3, en tant qu’elles permettent au conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux pourront être soumises au droit de préemption, il en va différemment des autres dispositions de cet article et de celles de l’article L. 214-2 relatives à l’exercice du droit de préemption et au droit de rétrocession qui en est inséparable, dès lors que ce dispositif entièrement nouveau, qui se distingue des droits de préemption existants régis par les articles L. 213-1 à L. 213-18 du code de l’urbanisme - auxquels il n’est d’ailleurs fait renvoi que sur certains points - ne peut être mis en œuvre sans qu’aient été apportées par voie réglementaire les précisions nécessaires à son application, notamment sur les modalités de la rétrocession du bien préempté ; qu’ainsi, en ne retenant pas comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption litigieuse le moyen tiré de ce que la décision en cause se fondait sur un texte inapplicable en l’absence, à la date de cette décision, de dispositions réglementaires d’application des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l’urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit pour ce motif, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, être annulée ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, d’une part, que la SOCIETE MEGARON bénéficie, en sa qualité d’acquéreur évincé, d’une présomption d’urgence, à l’encontre de laquelle la commune n’invoque aucune circonstance particulière ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l’absence de décret définissant les modalités de mise en œuvre du nouveau droit de préemption institué par la loi du 2 août 2005 est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption du 26 juillet 2007 ; qu’en revanche, pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de cette décision n’est pas de nature à faire naître un tel doute ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE MEGARON est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision du 26 juillet 2007 par laquelle le maire de la commune de Valbonne a décidé d’exercer le droit de préemption de la commune sur les biens et droits objets de la promesse de cession de droit au bail conclue le 23 mai 2007 avec la société " De Bouche en Bouche " ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Valbonne le versement à la SOCIETE MEGARON d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de cette société, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Valbonne au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du 2 octobre 2007 est annulée.

Article 2 : L’exécution de l’arrêté du 26 juillet 2007 du maire de la commune de Valbonne est suspendue.

Article 3 : La commune de Valbonne versera à la SOCIETE MEGARON la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Valbonne au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MEGARON et à la commune de Valbonne.

Copie en sera adressée pour information au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.

 


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