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Conseil d’Etat, 5 juin 2002, n° 202667, M. Gilles C.

Les pensions servies au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, y compris les pensions de réversion, entrent dans le champ d’application des stipulations de l’article 119 du Traité CE (devenu, après modification, article 141 du Traité CE), telles qu’interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C.147/95 du 17 avril 1997, C.366/99 du 29 novembre 2001 et C.206/00 du 13 décembre 2001.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 202667

M. C.

M. Ménéménis, Rapporteur

M. Courtial, Commissaire du gouvernement

Séance du 15 mai 2002

Lecture du 5 juin 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 1998 et 3 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Gilles C. ; M. C. demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 15 octobre 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 11 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 16 mars 1992 par laquelle le préfet de police de Paris lui a refusé la jouissance immédiate d’une pension de réversion de veuf d’une gardienne de la paix décédée le 20 février 1991 en service commandé et à ce que le tribunal ordonne que cette pension lui soit versée ; à titre subsidiaire, M. C. demande au Conseil d’Etat de saisir la Cour de justice des communautés européennes d’une question préjudicielle sur la compatibilité du régime de pensions de retraite des fonctionnaires avec l’article 119 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 modifiée, instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Nervo, avocat de M. C.,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que : "Le conjoint survivant d’une femme fonctionnaire (...) peut (...) prétendre à 50 p. 100 de la pension obtenue par elle ou qu’elle aurait pu obtenir au jour de son décès (...). La jouissance de cette pension est suspendue tant que subsiste un orphelin bénéficiaire des dispositions de l’article L. 42 (premier alinéa) et différée jusqu’au jour où le conjoint survivant atteint l’âge minimal d’entrée en jouissance des pensions fixé par l’article L. 24-ler (1°) pour les fonctionnaires n’ayant pas occupé des emplois classés en catégorie B (...)" ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 ter de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police, dans sa rédaction issue de l’article 28-1 de la loi de finances rectificative pour 1982 (loi n° 82-1152 du 30 décembre 1982) : "Le total des pensions et des rentes viagères d’invalidité attribuables au conjoint et aux orphelins du fonctionnaire de police tué au cours d’une opération de police est porté au montant cumulé de la pension et de la rente viagère d’invalidité dont le fonctionnaire aurait pu bénéficier" ; qu’en jugeant que ces dispositions, qui portent à 100 % le taux de la pension de réversion dont bénéficie le conjoint, masculin ou féminin, d’un fonctionnaire de police tué au cours d’une opération de police, n’avaient ni pour objet ni pour effet de modifier les règles prévues par les dispositions précitées de l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite en ce qui concerne la date d’entrée en jouissance de la pension de réversion attribuée au conjoint d’une femme fonctionnaire, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant toutefois qu’aux termes de l’article 119 du Traité instituant la Communauté européenne (devenu après modification, article 141 du Traité CE) : "Chaque Etat membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier" ;

Considérant que les pensions servies au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, y compris les pensions de réversion, entrent dans le champ d’application des stipulations précitées de l’article 119 du Traité CE (devenu, après modification, article 141 du Traité CE), telles qu’interprétées par la Cour de justice des communautés européennes dans ses arrêts C.147/95 du 17 avril 1997, C.366/99 du 29 novembre 2001 et C.206/00 du 13 décembre 2001 ; qu’ainsi, en jugeant inopérant le moyen tiré par M. C. de ce que les dispositions précitées de l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient contraires au principe d’égalité énoncé par ces stipulations, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat ; s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit, ainsi qu’il a été dit, que la jouissance de la pension à laquelle a droit le conjoint survivant d’une femme fonctionnaire est, dans certains cas, suspendue ; qu’aucune disposition analogue n’est prévue en ce qui concerne les épouses survivantes d’un homme fonctionnaire, notamment par l’article L. 38 du code, qui définit la pension de réversion à laquelle celles-ci ont droit ; qu’ainsi, le code des pensions civiles et militaires de retraite introduit sur ce point une discrimination entre les femmes et les hommes fonctionnaires, qui n’est justifiée par aucune différence de situation relativement à l’octroi de la pension en cause et qui, par suite, est incompatible avec les stipulations de l’article 119 du Traité CE (devenu, après modification, article 141 du Traité CE) ;

Considérant, dès lors, que la décision en date du 16 mars 1992 par laquelle le préfet de police, sur le fondement de l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont il y a lieu d’écarter l’application, a refusé à M. C. la jouissance immédiate d’une pension de réversion après le décès, le 20 février 1991, de son épouse, gardienne de la paix, était dépourvue de base légale ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision susmentionnée du préfet de police du 16 mars 1992 ;

Sur les conclusions tendant à ce gué soit versée à M. C. la pension qu’il demande :

Considérant que, ainsi qu’il a été dit, le préfet de police ne pouvait, en se fondant sur les dispositions de l’article L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, rejeter la demande de M. C. ; que, dans la mesure où sont maintenues dans le code des dispositions plus favorables aux épouses survivantes d’un homme fonctionnaire en ce qui concerne la jouissance de la pension de réversion, l’autorité administrative est tenue d’en faire bénéficier M. C. et, si celui-ci remplit l’ensemble des conditions prévues par le code pour se voir attribuer une pension de réversion, de procéder immédiatement au versement de ladite pension ;

Considérant que le dossier soumis au Conseil d’Etat ne permet pas de s’assurer que les conditions susmentionnées sont remplies ; que, dès lors, il y a seulement lieu d’enjoindre au préfet de police de procéder, dans les deux mois qui suivront la notification de la présente décision, à cette vérification et de répondre en conséquence, conformément aux principes ci-dessus fixés, à la demande de M. C. ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 15 octobre 1998 et le jugement du tribunal administratif de Versailles du 11 juin 1996 sont annulés.

Article 2 : La décision du 16 mars 1992 par laquelle le préfet de police a refusé à M. C. la jouissance immédiate d’une pension de réversion est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder, dans les conditions définies par la présente décision, et dans un délai de deux mois suivant la notification de cette décision, à un réexamen de la demande de M. C..

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C. est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Gilles C., au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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