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Conseil d’Etat, référé, 25 avril 2002, n° 245414, Société Saria Industries

Si la liberté d’entreprendre est une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, cette liberté s’entend de celle d’exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées, tout spécialement lorsqu’elles poursuivent une exigence aussi impérieuse que la protection de la santé publique.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 245414

Société SARIA INDUSTRIES

Ordonnance du 25 avril 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 19 avril 2002 et 22 avril 2002, présentés pour la société SARIA INDUSTRIES, dont le siège est 77 rue Charles Michel, BP 230 à 93253 Saint-Denis Cedex, qui demande au juge des référés du Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 3 avril 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande, fondée sur l’article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce que soit suspendue l’exécution de l’arrêté du 27 mars 2002 par lequel le maire de Saint-Denis a suspendu l’activité de l’entreprise SARIA BIO INDUSTRIE située 77 rue Charles Michel ;

2°) de prononcer cette suspension ;

3°) de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 3000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision du maire porte une atteinte grave à la liberté du commerce et de l’industrie ; que l’ordonnance relève à tort que la société n’aurait pas réalisé l’essentiel des prescriptions imposées par l’arrêté préfectoral du 15 octobre 2001 ; que l’exploitant d’une installation classée régulièrement autorisée qui se conforme avec retard à une mise en demeure n’est pas en situation irrégulière laquelle lui interdirait de se prévaloir de l’urgence ; que la société n’a pas cherché à échapper à la réalisation des travaux nécessaires ainsi qu’en témoignent plusieurs lettres aux services compétents de l’Etat prévoyant un échéancier de travaux ; qu’en l’obligeant à consigner la somme de 344 000 euros, le préfet a décidé de ne pas suspendre le fonctionnement de l’installation ainsi qu’il en avait le pouvoir ; que cette décision a créé des droits à son profit ; que l’urgence doit être appréciée en tenant compte de la difficulté de trouver des solutions de substitution pour les déchets de la région ; qu’il n’existe ainsi aucune urgence à exécuter l’arrêté contesté ; que le maire n’aurait été compétent qu’en présence d’un péril imminent qui n’est pas justifié en l’espèce ; que les travaux entrepris ont déjà permis une réduction significative des nuisances ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2002, présenté pour la commune de Saint-Denis, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la société requérante soit condamnée à lui verser la somme de 4600 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l’irrégularité de la situation de la requérante n’est pas une situation légitime qui puisse caractériser une urgence ; que celle-ci imposait au contraire qu’il soit mis fin aux graves nuisances de l’établissement ; que la société exploite de nombreux établissements susceptibles de traiter provisoirement le surplus des déchets ; qu’à titre subsidiaire le maire était fondé à intervenir sur le fondement de l’article L. 2212-2-5° du code général des collectivités locales compte tenu du caractère toxique, même à faible dose, des émanations en cause qui sont à l’origine de troubles présentés notamment par les enfants fréquentant les établissements scolaires proches ; que le péril imminent était donc caractérisé à la date de l’arrêté en cause ; que le conseil municipal avait demandé en vain cette suspension aux autorités compétentes de l’Etat dès le 25 octobre 2001 ; qu’une procédure pénale est d’ailleurs en cours ; que l’illégalité invoquée n’est donc pas manifeste ; que pour apprécier la gravité de l’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, le juge des référés prend en compte la circonstance que la société ne s’est pas conformée à la législation qui lui est applicable ;

Vu les observations, enregistrées le 24 avril 2002, présentées par le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, en réponse à la communication du pourvoi, qui conclut que le Conseil d’Etat peut, s’il le juge utile, ordonner une expertise et surseoir à statuer sur la requête ; il fait valoir que le maire n’est compétent qu’en cas de péril imminent ; que le préfet a imposé la consignation de la somme nécessaire aux travaux prescrits qui sont à ce jour terminés ou devraient l’être fin avril ; qu’à la même date l’établissement devrait avoir réduit de 50% son activité et annonce son intention de fermer l’ensemble du site dans les prochains mois ; que si l’activité devait se poursuivre au-delà du premier semestre 2002, l’administration renforcerait les sanctions administratives en vue de la mise aux normes complète de l’installation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la société SARIA INDUSTRIES, d’autre part, la commune de SAINT-DENIS, le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 25 avril 2002 à 10 heures à laquelle ont été entendus :
- Me MANDELKERN, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société SARIA INDUSTRIES,
- Me THIRIEZ, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de SAINT-DENIS,
- Le représentant de la société SARIA INDUSTRIES et le représentant de la commune de SA1NT- DENIS ;

Considérant que si la liberté d’entreprendre est une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, cette liberté s’entend de celle d’exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées, tout spécialement lorsqu’elles poursuivent une exigence aussi impérieuse que la protection de la santé publique ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société requérante a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’une demande, fondée sur l’article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l’arrêté du 27 mars 2002 par lequel le maire de Saint-Denis a ordonné, en vertu de ses pouvoirs de police administrative générale, la suspension de l’activité de l’établissement que la société SARIA INDUSTRIES exploite 77 rue Charles Michel, dont l’activité est le stockage et le traitement de déchets d’animaux, et qui a été autorisée en dernier lieu par un arrêté du 15 octobre 2001 au titre de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement ; que cette mesure est motivée par la nécessité de « faire cesser l’émission d’odeurs pestilentielles » et par les risques sanitaires courus par la population avoisinante, composée notamment d’usagers d’établissements scolaires ; qu’elle se fonde en particulier sur le non-respect de plusieurs arrêtés préfectoraux successifs, intervenus depuis le 15 octobre 2001, mettant en demeure la société de réaliser, dans des délais précisés, des travaux de nature à mettre fin à ces pollutions ;

Considérant que la société requérante ne conteste ni la gravité de ces nuisances, ni leur lien direct avec les prescriptions qui lui ont été imposées, ni son retard à se conformer à certaines de ces prescriptions dans les délais impartis ; que le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement reconnaît qu’à la date de la décision du maire - laquelle n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’un déféré préfectoral - d’importants travaux restaient à réaliser par la société et que leur achèvement était prévu à la fin du mois d’avril 2002 ; que toutefois la société requérante reconnaît que si le bassin tampon de 400 m3 a été commandé en mars 2002, la date de sa construction et de sa mise en service n’est pas connue ; que les services de l’Etat compétents en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement n’ont pas à ce jour constaté l’état d’avancement des travaux entrepris depuis l’arrêté contesté et leur incidence sur la réduction attendue des pollutions constatées ; qu’il n’appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de la procédure particulière de référé organisée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, et qui doit se prononcer en l’état des productions des parties et des éléments recueillis au cours de l’audience publique, à laquelle le ministre n’était d’ailleurs pas représenté, d’ordonner l’expertise suggérée par ce dernier ;

Considérant que la mesure demandée au juge des référés tend à faire cesser l’atteinte portée à la liberté de la société requérante de poursuivre l’exploitation de son établissement sans se conformer à certaines prescriptions légalement imposées, notamment dans l’intérêt de la santé publique, par l’autorité compétente de l’Etat ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, sans qu’il soit besoin de se prononcer dans le cadre de la présente instance sur la légalité de l’arrêté municipal du 27 mars 2002 au regard de la combinaison des pouvoirs de police spéciale du préfet et de police générale du maire, la requérante ne justifie pas, en l’état de l’instruction, d’une atteinte grave à une liberté fondamentale ; qu’elle n’est dès lors pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la société SARIA INDUSTRIES à verser à la commune de Saint-Denis la somme de 3000 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Saint-Denis, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la requérante la somme que celle-ci demande au même titre ;

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société SARIA INDUSTRIES est rejetée.

Article 2 : La société SARIA INDUSTRIES versera à la commune de Saint-Denis la somme de 3000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justiceadministrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SARIA INDUSTRIES, à la commune de Saint-Denis et au ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement.

Fait à Paris, le 25 avril 2002

signé : Y. Robineau

 


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